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Date : 20150331


Dossier : IMM-6870-13

Référence : 2015 CF 408

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2015

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

HASIME TUSHA

RINA TUSHA

RINOR TUSHA

RINESA TUSHA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS


I.                   Introduction

[1]               La cour est saisie du contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (SAR) a confirmé une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle les demandeurs n’étaient ni des réfugiés ni des personnes à protéger.

II.                Faits et procédures

[2]               Les demandeurs viennent d’une petite ville du Kosovo. Hasime Tusha est la mère de Rina Tusha, Rinor Tusha et Rinesa Tusha. En appel devant la SAR, le mari de Hasime Tusha, Kadri Tusha, a été considéré comme une personne à protéger. De nouveaux éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés à l’audience de la SPR l’ont été à l’appui des appels des demandeurs devant la SAR.

[3]               Le 22 janvier 2013, la famille de Kadri Tusha s’est trouvée mêlée à une vendetta lorsque son cousin a été poignardé à mort par Kenan Pieva, un mineur âgé de 14 ans. L’oncle de Kadri, Ymer Tusha, a déclaré une vendetta contre la famille Pieva. Kadri Tusha a refusé d’être complice et a reçu des menaces de sa famille pour son manque de loyauté.

[4]               Alors, le 12 février 2013, Ymer Tusha et son frère ont agressé verbalement et physiquement Kadri Tusha et son frère, les menaçant avec une arme à feu et les accusant de lâcheté et de jeter la honte sur la famille. Kadri Tusha a reçu des soins médicaux à la suite de l’agression et a demandé la protection de la police, qui ne lui a pas été fournie. Il n’a pas réussi non plus à obtenir de l’aide d’une organisation non gouvernementale (ONG).

[5]               Les demandeurs et Kadri Tusha ont présenté leur demande d’asile en mars 2013.

[6]               En rejetant la demande d’asile, la SPR a fondé ses conclusions défavorables sur les éléments suivants :

                     il n’était pas plausible qu’une vendetta ait éclaté;

                     il n’y a pas de possibilité sérieuse que les demandeurs subissent un préjudice s’ils retournent au Kosovo;

                     les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption de protection de l’État.

[7]               Dans le cadre de l’instance devant la SAR, les demandeurs ont présenté de nouveaux éléments de preuve émanant de la police de Pristina au Kosovo et de la Croix‑Rouge du Kosovo ainsi qu’un affidavit de Kadri Tusha. Les deux premiers documents attestaient l’existence d’une vendetta. Aucune audience n’a été jugée nécessaire, car les documents émanant des organisations du Kosovo ont été jugés crédibles.

[8]               Dans sa décision, la SAR a appliqué les facteurs de Newton (Newton c Criminal Trial Lawyers’ Association, 2010 ABCA 399, 493 AR 89), qui commandent une plus grande retenue à l’égard des conclusions de la SPR que celle à laquelle souscrit la Cour; Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799, n’est qu’un exemple des décisions rendues par la Cour fédérale à cet égard.

[9]               La SAR a finalement conclu que Kadri Tusha serait en danger s’il retournait au Kosovo et que la conclusion de la SPR quant à l’existence de la protection de l’État était déraisonnable.

III.             Analyse

[10]           Il n’est pas nécessaire d’aborder les conclusions de la SAR quant à la norme de contrôle applicable. Dans plusieurs décisions (Njeukam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 859, en est un exemple), la Cour fédérale s’est penchée sur le bien‑fondé d’une décision de la SAR, indépendamment de ses réserves à l’égard de la norme de contrôle, et a examiné ce que la SAR a réellement fait dans sa décision pour déterminer quel type d’analyse a été effectué.

[11]           Il est impossible de déterminer quel type d’analyse la SAR a effectué. Ses motifs vont de la suggestion d’une méthode fondée sur la retenue à l’analyse indépendante. Il est difficile de comprendre pourquoi l’appel a été rejeté, particulièrement en ce qui concerne les demandes d’asile individuelles des demandeurs, sauf peut‑être celle de Kadri Tusha.

[12]           Compte tenu du débat sur la question de la norme de contrôle applicable en appel et du fait que cette décision n’est pas claire quant au type d’analyse que la SAR a réellement effectué et quant à savoir quelle demande d’asile a été analysée, la présente affaire doit être renvoyée pour nouvelle décision.


IV.             Conclusion

[13]           La présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision de la SAR sera annulée et l’affaire renvoyée à la SAR pour qu’elle statue de nouveau sur l’appel.

[14]           Compte tenu du fondement de la présente décision, il n’est pas nécessaire que les parties présentent des observations sur une question à certifier; il n’en existe aucune en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de la Section d’appel des réfugiés soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à la Section d’appel des réfugiés pour qu’elle statue de nouveau sur l’appel.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6870-13

 

INTITULÉ :

HASIME TUSHA, RINA TUSHA, RINOR TUSHA, RINESA TUSHA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 FÉVRIER 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 MARS 2015

 

COMPARUTIONS :

Christina M. Gural

 

pour les demandeurs

 

Nicole Rahaman

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Christina M. Gural

Avocate

Toronto (Ontario)

 

pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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