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Date : 20150325


Dossier : IMM-390-14

Référence : 2015 CF 380

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 mars 2015

En présence de monsieur le juge Hughes

ENTRE :

ETHISHAM-UL HAQ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie du contrôle judiciaire de la décision du 6 décembre 2013 par laquelle l’agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) a déterminé que le demandeur ne serait pas assujetti à un risque de persécution, à un risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il est renvoyé au Pakistan.

[2]               Le demandeur est un citoyen adulte du Pakistan. Il allègue faire partie d’un groupe particulier, Nazim, et d’une affiliation politique particulière, PML(N). Il indique qu’à deux reprises, lorsqu’il était à l’extérieur du pays, il a été accusé du meurtre d’une personne au Pakistan, ce qui l’a obligé à se disculper en démontrant qu’il était à l’extérieur du pays. Il prétend qu’il a été attaqué personnellement et qu’un collègue de la même affiliation minoritaire et politique a été tué.

[3]               La demande d’asile au Canada du demandeur a été rejetée dans une décision datée du 9 décembre 2008. En mai 2010, le demandeur a présenté une demande d’ERAR, qui fait l’objet du présent contrôle, inexplicablement plus de trois ans plus tard.

[4]               L’avocat du demandeur fait valoir que l’agent a écarté et n’a accordé que trop peu de poids, voire aucun, à une nouvelle preuve importante. L’avocat du défendeur affirme que la prétendue nouvelle preuve n’est rien de plus qu’une répétition de la preuve présentée à la Commission du statut de réfugié, qui avait été considérée comme non crédible.

[5]               La demande d’asile était fondée sur des allégations du demandeur selon lesquelles il avait été faussement accusé d’un meurtre au Pakistan. Il était à l’extérieur du pays à ce moment‑là et est allé voir la police pour se disculper. Il croyait en avoir fini alors il a quitté pour des vacances au Canada. Il craignait de retourner au Pakistan.

[6]               La Commission a conclu que le demandeur n’était pas crédible pour bon nombre de raisons et qu’il ne serait pas exposé à un risque s’il devait retourner au Pakistan. De plus, la Commission a conclu que la scène politique au Pakistan avait changé et que le parti dont le demandeur était membre n’était plus au pouvoir.

[7]               Le demandeur a présenté une demande d’ERAR en mai 2010. Les éléments de preuve présentés étaient notamment les suivants :

           deux mandats d’arrestation délivrés en 2009;

           un article de journal daté de 2010 indiquant que des mandats d’arrestation avaient été délivrés contre le demandeur et qu’il était recherché;

           des déclarations assermentées du père, de la femme, du beau‑père et de deux amis du demandeur concernant diverses personnes qui ont continué d’enquêter sur le demandeur;

           un rapport de police concernant une plainte déposée par la femme du demandeur dans laquelle elle affirmait que des inconnus avaient pénétré dans sa maison en mars 2010.

[8]               La décision de l’agent a été rédigée environ trois ans après la présentation de la demande d’ERAR. Aucune raison apparente ne justifie ce délai, ce qui laisse la remarque déroutante dans la décision de l’agent selon laquelle la preuve devait démontrer que les mandats de 2009 étaient toujours en suspens en 2013, environ quatre ans plus tard, sans réponse. Le demandeur a‑t‑il le fardeau de rapporter périodiquement que, en ce qui concerne la preuve présentée à l’appui de la demande d’ERAR, rien n’a changé pendant la période où elle n’a pas progressé à Citoyenneté et Immigration Canada?

[9]               L’agent n’a pas reconnu que les mandats d’arrestation de 2009 non seulement validaient les allégations qui ont été jugées invraisemblables par la Commission du statut de réfugié, mais, plus important encore, démontraient également que, depuis la décision de la Commission, le demandeur continue d’être exposé à un risque.

[10]           L’article de journal de 2010 qui porte sur les mandats d’arrestation de 2009 démontrait que le public connaissait l’existence des mandats et étayait la validité des mandats. L’agent a entièrement négligé de souligner l’importance de cette preuve. Il en est probablement ainsi parce que le dossier n’avait pas été examiné depuis trois ans.

[11]           L’agent a minimisé les déclarations assermentées des parents et amis du demandeur parce qu’elles provenaient de parents et amis. Comme l’a relevé le juge de Montigny de notre Cour au paragraphe 28 de la décision Ugalde c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 458, il est déraisonnable de se méfier du témoignage de parents et amis simplement parce qu’il émane de ces sources. Ce sont souvent les meilleures personnes ou même les seules personnes capables de donner pareille preuve.

[12]           En outre, l’agent n’aurait pas dû ignorer cette preuve parce qu’il s’agit du genre de preuve qui est présentée dans le cadre de l’audition de la demande d’asile. Si l’élément de preuve concerne du harcèlement qui continue après l’audition de la demande d’asile, il s’agit d’une preuve nouvelle et pertinente.

[13]           Qui plus est, l’agent n’a pas tenu compte du rapport concernant la plainte que la femme du demandeur a déposée à la police. La preuve démontre seulement que les policiers se sont engagés à rédiger un rapport. Rien ne démontre que les policiers ont pris des mesures pour la protéger ou pour enquêter sur ses agresseurs (voir la juge Kane au paragraphe 45 de la décision Flores c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 938).

[14]           J’estime qu’il y a suffisamment d’erreurs dans la décision de l’agent, probablement causées par le long délai avant que quelqu’un ne se penche sur le dossier, pour conclure que la décision doit être considérée comme déraisonnable. La demande sera accueillie.

[15]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.             La demande est accueillie;

2.             L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen;

3.             Aucune question n’est certifiée;

4.             Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Roger T. Hughes »

juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-390-14

 

INTITULÉ :

ETHISHAM-UL HAQ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 MARS 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 MARS 2015

 

COMPARUTIONS :

Cheryl Robinson

 

POUR Le demandeur

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chantal Desloges, s.p.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR Le demandeur

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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