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Date : 20141212


Dossier : T‑2371‑14

Référence : 2014 CF 1205

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2014

En présence de monsieur le juge Harrington

ACTION RÉELLE ET PERSONNELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉ

ENTRE :

BBC CHARTERING CARRIERS

GmbH & Co. KG

demanderesse

et

JINDAL STEEL & POWER LIMITED, ET LES PROPRIÉTAIRES AINSI QUE TOUTES LES AUTRES PERSONNES INTÉRESSÉES DANS LA CARGAISON DE TÔLES D’ACIER LAMINÉES À CHAUD DE PREMIÈRE QUALITÉ CHARGÉE SUR LE NAVIRE « MV KURT PAUL »

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Ottawa, Ontario, le 12 décembre 2014.

La Cour se réserve le droit de corriger les erreurs grammaticales, le cas échéant, et de préciser les références)

[1]               La Cour est saisie d’une requête déposée par Jindal Steel & Power Limited visant à faire annuler la saisie par la demanderesse de certaines marchandises assorties du connaissement no BBCH1106008VH08 au motif que la Cour n’a pas compétence in rem.

[2]               La requête est déposée en vertu de l’article 221 des Règles des Cours fédérales. Habituellement, une requête visant la radiation des actes de procédure parce qu’ils ne révèlent pas de cause d’action est instruite sans bénéficier d’une preuve par affidavit. Cependant, lorsque le défaut de révéler une cause d’action est lié à la compétence de la Cour, une telle preuve est permise (MIL Davie Inc. c Société d’exploitation et de développement Hibernia Ltée, 226 NR 369 (CAF), [1998] ACF no 614 (QL). La Cour n’est néanmoins pas appelée à se prononcer sur le fond du différend, mais plutôt à trancher la question de savoir s’il est évident et manifeste que la demanderesse n’a pas de véritable cause d’action qui relève de la compétence de la Cour (Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959, [1990] ACS no 93 (QL)).

[3]               Le différend résulte d’une charte‑partie au voyage rédigée selon la formule (bien connue) Gencon, conclu entre la demanderesse, à titre de propriétaire (en fait, l’affréteur à temps), et Jindal, à titre d’affréteur au voyage. Bien que le contrat d’affrètement prévoie l’arbitrage à Londres, la compétence de la Cour n’est pas écartée. En effet, en vertu de la Loi sur l’arbitrage commercial et du code qui lui est annexé, un demandeur peut demander des mesures provisoires à la Cour, comme c’est le cas en l’espèce.

[4]               La demanderesse réclame l’indemnité de surestaries jusqu’au déchargement de même que le remboursement d’autres frais. Elle s’appuie sur la clause du contrat d’affrètement relative aux privilèges, soit l’article 8 qui prévoit qu’elle a un privilège sur la cargaison en ce qui concerne les frais de fret et de faux fret, l’indemnité de surestaries, les dommages‑intérêts et toutes les autres sommes payables en vertu du contrat d’affrètement.

[5]               Jindal était l’expéditeur selon les connaissements ayant été délivrés, et ceux‑ci étaient assujettis à la charte‑partie. Selon la preuve non contredite, les connaissements ont été négociés et Jindal n’exerce plus aucun contrôle sur la cargaison.

[6]               Jindal soutient que le privilège visé à l’article 8 du contrat d’affrètement est un privilège possessoire et que BBC Chartering a perdu la possession de la cargaison après l’avoir déchargé. Selon moi, cet argument pose problème étant donné que la clause de surestaries, qui figure à l’article 7, vise notamment un délai de surestaries au port de déchargement. Comment l’indemnité de surestaries, qui compense le temps écoulé après l’expiration du délai de staries, peut‑elle s’accumuler à moins que la cargaison n’ait été déchargée et, dans les circonstances de l’espèce, à moins que la demanderesse ait perdu possession de la cargaison?

[7]               À ce stade de la procédure, le jugement qui fait autorité est celui qui a été rendu par le juge Muldoon dans Textainer Equipment Management B.V. c Baltic Shipping Company, 84 FTR 108, [1994] ACF no 1267 (QL). Il est certainement possible de soutenir que la demanderesse possède au moins une charge en equity sur la cargaison et qu’elle aurait le droit de la saisir.

[8]               Par conséquent, la requête en radiation de la saisie et en rejet de l’action in rem est rejetée.

[9]               La Cour est aussi saisie d’une requête déposée pour le compte de la demanderesse BBC Chartering Carriers GmbH & Co. KG visant l’exécution d’une entente qui prévoyait le dépôt d’une garantie en vue de la tenue d’un arbitrage à Londres. Le différend résulte du fait que la garantie bancaire offerte expire après deux ans, ce que BBC juge insatisfaisant. Je suis d’accord. Une garantie permet le paiement des sommes dues après un jugement définitif ou une décision arbitrale définitive, selon le cas. Une garantie qui devient caduque après deux ans n’est pas une garantie. Cependant, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur cette requête, et j’ajourne son audition sine die.

[10]           Revenons au nœud de l’affaire : la cargaison visée par le connaissement numéro 8 demeure saisie et la mainlevée ne peut être accordée que si un cautionnement est fourni. En vertu de l’article 486 des Règles des Cours fédérales, les parties sont libres de s’entendre, notamment en concluant une entente sur la mainlevée de la saisie de la cargaison en contrepartie d’une garantie déposée en vue d’un arbitrage à Londres. Cependant, si les parties ne s’entendent pas, le caractère suffisant du cautionnement doit être évalué par la Cour en vertu du paragraphe 486(4) des Règles. Selon ma compréhension de l’affaire, les parties ont convenu que le montant de la garantie devait s’établir à 200 000 $. À moins d’un accord entre les parties, la Cour n’accordera pas la mainlevée de la saisie de la cargaison en l’absence d’une garantie fournie par une banque à charte canadienne. Cette garantie peut avoir une date d’expiration, mais, dans ce cas, elle doit comporter une clause de tacite reconduction, c’est‑à‑dire une clause de renouvellement automatique. Si la banque décide de ne pas effectuer le renouvellement, il doit être prévu que la somme de 200 000 $ sera déposée au greffe de la Cour fédérale. Sinon, la garantie peut prendre la forme d’un cautionnement fournie par une société de caution, encore une fois conformément à l’article 486 des Règles, ou d’un dépôt en espèces au greffe de la Cour.

[11]           Les dépens suivront l’issue de la cause.


ORDONNANCE

POUR LES MOTIFS PRONONCÉS À L’AUDIENCE;

LA COUR ORDONNE :

1.                  La requête de Jindal Steel & Power Limited visant la mainlevée de la saisie et le rejet de l’action est rejetée; les dépens suivront l’issue de la cause.

2.                  L’audition de la requête de BBC Chartering Carriers GmbH & Co. KG visant l’exécution d’une entente de garantie est ajournée sine die.

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


doSSIER :

t‑2371‑14

 

INTITULÉ :

BBC CHARTERING CARRIERS GmbH & Co. KG c JINDAL STEEL & POWER LIMITED ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA (ONTARIO) ET TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 DÉCEMBRE 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Alan S. Cofman

 

POUR LA  DEMANDERESSE

 

Reeva M. Finkel

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Isaacs & Co.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Blaney McMurtry LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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