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Date : 20150324


Dossier : IMM‑6590‑13

Référence : 2015 CF 373

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 24 mars 2015

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

MANUEL ALEJANDRO OSORIO DIAZ

CAROLINA RODRIGUEZ GUTIERREZ et ALEJANDRO ALFONSO OSORIO RODRIGUEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire présentée par Manuel Alejandro Osorio Diaz, Carolina Rodriguez Gutierrez et Alejandro Alfonso Osorio Rodriguez [les demandeurs], en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], visant la décision du 27 septembre 2013 par laquelle un agent d’immigration [l’agent] a rejeté la demande de résidence permanente au Canada des demandeurs fondée sur des considérations humanitaires. Je suis d’avis, pour les motifs que je vais exposer, qu’il y a lieu d’annuler cette décision.

I.                   Faits

[2]               Manuel Alejandro Osorio Diaz est né le 20 mars 1979. Son épouse, Carolina Rodriguez Gutierrez, est née le 21 août 1978 et leur fils à tous deux, Alejandro Alfonso Osorio Rodriguez, est né le 6 octobre 2004. Les demandeurs sont tous des citoyens du Mexique.

[3]               Les demandeurs sont entrés au Canada à titre de résidents temporaires le 27 avril 2008 (le père) et en août 2008 (la mère et le fils). Ils ont demandé l’asile le 30 septembre 2008 et, le même jour, une mesure d’interdiction de séjour a été prise contre eux. Le 30 septembre 2009, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leurs demandes d’asile. Les demandeurs ont sollicité l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire visant la décision défavorable de la SPR mais, le 1er février 2010, la Cour a rejeté cette demande. Leur demande d’examen des risques avant renvoi a elle aussi été rejetée, le 16 décembre 2010. Le 24 février 2011, un mandat d’arrestation pour renvoi a été délivré contre les demandeurs parce que, le 20 janvier 2011, ils avaient omis de se présenter devant l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] à une entrevue préalable au renvoi, tel qu’on le leur avait enjoint.

[4]               Le 14 juin 2012, les demandeurs ont présenté une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des considérations humanitaires. Le 27 septembre 2013, l’agent a rejeté cette demande. Les demandeurs ont sollicité l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire visant la décision de l’agent et, le 19 décembre 2014, leur demande d’autorisation a été accueillie.

II.                Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[5]               L’agent a d’abord exposé sommairement les arguments des demandeurs, en résumant les faits de l’affaire de manière assez détaillée sous la rubrique du formulaire utilisé « Facteurs à prendre en considération ». Les arguments relatifs tant à l’« Établissement au Canada » et à l’« Intérêt supérieur de l’enfant » sont résumés séparément dans le formulaire. Les demandeurs ne mettent pas en question le caractère adéquat de l’un ou l’autre résumé. L’agent a résumé les faits concernant les « Risques et conditions défavorables dans le pays » sous une rubrique différente du formulaire et les conclusions énoncées à cet égard ne sont pas contestées dans le cadre de la présente demande.

[6]               L’agent a ensuite consigné son analyse et ses motifs sous la rubrique suivante du formulaire portant le titre « Décision et motifs ». L’agent a comme il se doit indiqué qu’il incombait aux demandeurs de convaincre le décideur que leur situation personnelle était telle que les difficultés occasionnées par l’obligation d’obtenir depuis l’étranger un visa de résident permanent selon le mode habituel seraient 1) inhabituelles et injustifiées, ou 2) excessives. L’agent a aussi fait état de l’historique de la procédure d’immigration des demandeurs au Canada, et notamment du fait qu’il existait un mandat d’arrestation en vue de leur renvoi lorsqu’a été rendue la décision relative à des motifs d’ordre humanitaire à l’examen.

A.                Établissement au Canada

[7]               L’agent a reconnu que les demandeurs avaient noué des relations avec divers amis et membres de leur communauté depuis leur arrivée au Canada, mais il a conclu que la rupture de ces nouveaux liens n’occasionnerait pas des difficultés justifiant de les dispenser de l’obligation prévue par la loi de présenter depuis l’étranger leurs demandes de visas d’immigrant. L’agent a souligné que tous les membres de la famille des demandeurs, ainsi que leurs anciens amis et collègues, habitaient toujours au Mexique, et qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’ils leur offrent leur soutien à leur retour dans ce pays. L’agent a conclu que, s’il se pouvait que les demandeurs aient quelque mal à s’adapter à leur retour au Mexique, ils ne se heurteraient pas à des difficultés inhabituelles et injustifiées, ou excessives, de sorte que l’octroi d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire n’était pas justifié.

[8]               L’agent a reconnu que les emplois stables des demandeurs, les cours d’anglais qu’ils avaient suivis, le perfectionnement de leurs compétences, leur bon dossier civil, leur engagement communautaire, leur apport bénévole, et le soutien d’amis et de membres de la communauté dont ils disposaient au Canada favorisaient leur intégration sociale et économique au pays. L’agent a conclu que les demandeurs avaient pris des mesures concrètes pour s’établir au Canada, mais que leur intégration et leur établissement au pays étaient d’un degré auquel on pouvait s’attendre et non de nature exceptionnelle. L’agent a donc conclu que l’établissement des demandeurs au Canada ne justifiait pas de leur octroyer une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent a ajouté qu’on lui avait présenté trop peu d’éléments de preuve pour conclure que le degré d’établissement des demandeurs résultait de circonstances indépendantes de leur volonté ou de l’impossibilité prolongée de quitter le Canada, de telle sorte que l’obligation de présenter leur demande depuis l’étranger leur causerait des difficultés inhabituelles ou excessives.

B.                 Intérêt supérieur de l’enfant

[9]               L’agent a reconnu que le demandeur mineur allait se retrouver dans un nouvel environnement socio‑économique après le renvoi, mais il a conclu que ce n’était pas là [traduction] « une situation exceptionnelle » ou « une situation inhabituelle justifiant d’accorder une dispense ». L’agent a aussi conclu que, comme le demandeur mineur était très jeune et apprenait encore à connaître les coutumes et la culture canadiennes, aller vivre maintenant au Mexique et avoir l’occasion d’y nouer des liens avec les membres de sa famille élargie ne nuirait pas à son développement et n’occasionnerait pas des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Tout en reconnaissant que, s’il se pouvait que le Mexique n’offre pas la même qualité de vie que le Canada et que le degré de violence y soit élevé dans certaines régions, l’agent a néanmoins conclu que ces facteurs n’auraient pas d’[traduction] « effets défavorables directs » sur le demandeur mineur. L’agent a pris en considération :

[traduction] l’intérêt supérieur de [l’enfant] ainsi que la situation personnelle des membres de la famille, et conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré que les conséquences générales d’un déménagement et d’une réinstallation dans leur pays d’origine auraient pour lui des répercussions défavorables importantes. J’ai examiné l’intérêt supérieur de [l’enfant] avec soin et j’en suis venu à la conclusion que sa situation, dûment prise en compte, ne justifiait pas l’octroi d’une dispense pour des raisons d’ordre humanitaire.

C.                 Risques et conditions défavorables dans le pays

[10]           Les demandeurs ont fait état de la discrimination généralisée dont sont victimes les femmes au Mexique, et soutenu que Mme Rodriguez, en particulier, serait exposée à des difficultés advenant son retour dans ce pays. En ce qui concerne ces allégations, l’agent a fait remarquer que les demandeurs n’avaient fourni aucun détail quant à des problèmes de discrimination subis par Mme Rodriguez elle‑même dans le passé, ni étayé l’existence de tels problèmes par des documents, pour l’aider à évaluer la mesure dans laquelle la demanderesse avait été touchée personnellement ou directement. L’agent n’était donc pas convaincu qu’un retour au Mexique occasionnerait à Mme Rodriguez, en raison de la discrimination sexuelle y sévissant, des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

[11]           Quant au niveau de violence et de criminalité prévalant au Mexique, et aux conditions économiques défavorables auxquels les demandeurs se heurteraient en y retournant, l’agent a conclu que c’était une situation vécue de manière générale par la population du pays. Les demandeurs n’avaient pas établi, a aussi conclu l’agent, que les difficultés découlant de la situation générale dans ce pays étaient inhabituelles et injustifiées ou excessives.

III.             Questions en litige

[12]           La présente affaire soulève les questions suivantes :

(1)               L’agent a‑t‑il fait erreur en procédant à l’évaluation du degré d’établissement des demandeurs au Canada?

(2)               L’agent a‑t‑il fait erreur en procédant à l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant?

IV.             Norme de contrôle

[13]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a précisé (paragraphes 57 et 62) qu’il n’était pas nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle « si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». La norme de la décision raisonnable est la norme qui s’applique au contrôle d’une décision relative à des motifs d’ordre humanitaire (Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189 au paragraphe 18) [Kisana], ainsi qu’à la question de savoir si l’agent décideur a appliqué le bon critère, puisque dans ce cas l’interprétation qu’il a faite de sa propre loi constitutive entre en jeu (Dunsmuir, au paragraphe 54; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 au paragraphe 34). Dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada explique ce que l’on attend de la cour de révision qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

(1)               L’agent a‑t‑il fait erreur en procédant à l’évaluation du degré d’établissement des demandeurs au Canada?

[14]           Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas procédé à un examen adéquat de leurs preuves concernant le degré d’établissement au Canada. Selon eux, l’agent était tenu en l’espèce de traiter des éléments précis de leur preuve l’ayant conduit à décider si l’octroi d’une dispense pour motifs d’ordre humanitaire était ou non justifié. Les demandeurs font aussi valoir que l’agent n’a accordé aucun poids à leur degré d’établissement au Canada. Je ne puis souscrire à ni l’un ni l’autre argument.

[15]           En premier lieu, il s’agit essentiellement d’arguments relatifs à « l’insuffisance des motifs ». L’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision, tel que la Cour suprême en a décidé et comme en ont convenu les parties. Plutôt, le raisonnement qui sous‑tend la décision ou le résultat ne peut être remis en question que dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable de la décision (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 aux paragraphes 14 et 22 [Newfoundland Nurses]). La Cour suprême a expliqué comme suit, dans l’arrêt Newfoundland Nurses (au paragraphe 16), les critères auxquels doivent satisfaire les motifs d’un tribunal pour qu’ils répondent aux critères établis dans l’arrêt Dunsmuir :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale […]. En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.   

En vue de comprendre le fondement de la décision du tribunal et d’évaluer si la conclusion tirée appartient aux issues possibles acceptables, la Cour peut examiner les éléments factuels rapportés dans la décision à l’examen, et ce, même si ceux‑ci sont consignés dans différentes cases d’un formulaire. À mon avis, il serait erroné de ne lire que ce qui se trouve sous la rubrique Décision et motifs de la décision, comme si cette partie et les éléments factuels énoncés aux rubriques Établissement, Intérêt supérieur de l’enfant et Risques du formulaire, c’est‑à‑dire ceux relevés par l’agent au titre des « Facteurs à prendre en considération », étaient disjoints. Selon moi, il faut interpréter en contexte et de manière globale une telle décision, qu’elle soit consignée dans des cases comme en l’espèce, ou exposée sous forme de récit continu.

[16]           Les faits énoncés sous la rubrique Établissement ne sont pas contestés en l’espèce, et je tiens pour acquis que la preuve présentée quant au degré d’établissement des demandeurs au Canada y est résumée fidèlement. L’agent a conclu que l’établissement des demandeurs au pays était d’un degré [traduction] « auquel on pouvait s’attendre et non de nature exceptionnelle ». Même si l’agent n’avait pas à faire état de chaque fait ou argument ni à tirer expressément des conclusions à l’égard de chaque élément constitutif de la décision, il a exposé les éléments de preuve pertinents liés à l’établissement. Lorsqu’on interprète ces éléments de preuve (consignés sous la rubrique Établissement du formulaire) en parallèle avec les commentaires énoncés sous la rubrique Décision et motifs, comme j’ai conclu qu’il convenait de le faire, les motifs de la conclusion de l’agent sur l’établissement se dégagent sans problème. Bien que les demandeurs ne souscrivent pas à la conclusion tirée par l’agent, la Cour n’a pas à substituer sa propre opinion à celle de l’agent, ni à apprécier de nouveau les preuves, l’exigence étant plutôt que les motifs répondent au critère établi dans l’arrêt Newfoundland Nurses, et qu’ils soient raisonnables au sens de l’arrêt Dunsmuir. L’un et l’autre critères ont été respectés et, à mon avis, il était loisible à l’agent de conclure que l’établissement des demandeurs était d’un degré [traduction] « auquel on pouvait s’attendre et non de nature exceptionnelle ».

[17]           Les demandeurs avancent qu’on leur a uniquement communiqué des conclusions, et non des motifs. Conclure que leur établissement au pays était d’un degré [traduction] « auquel on pouvait s’attendre et non de nature exceptionnelle » constitue selon eux une simple conclusion et non pas des motifs. Je ne suis pas d’accord. Une conclusion serait l’énonciation pure et simple de l’issue, par exemple une déclaration portant, sans plus, que les demandeurs n’ont [traduction] « pas répondu au critère de l’établissement ». En l’espèce, toutefois, l’agent nous dit pourquoi il a jugé que le critère n’était pas rempli : le degré d’établissement des demandeurs était d’un degré auquel on pouvait s’attendre, et n’était pas exceptionnel. De plus l’agent a fourni plusieurs autres motifs, sur la question de l’établissement. Il a pris acte de plusieurs points positifs : les emplois stables des demandeurs, les cours d’anglais suivis, le perfectionnement de leurs compétences, leur bon dossier civil, leur engagement communautaire, leur apport bénévole et le soutien d’amis et de membres de la communauté dont ils disposaient – et cela après avoir relevé précédemment dans ses motifs divers éléments de preuve à l’appui. La mention de ces facteurs nous permet de savoir ce que l’agent a mis dans la balance avant de conclure que leur degré d’établissement n’était pas exceptionnel. L’agent a ajouté qu’on lui avait présenté trop peu d’éléments de preuve pour lui permettre de conclure que le degré d’établissement insuffisant des demandeurs résultait de circonstances indépendantes de leur volonté ou de l’impossibilité prolongée de quitter le Canada, de telle sorte que l’obligation de présenter leur demande depuis l’étranger leur causerait des difficultés inhabituelles ou excessives. 

[18]           Ces motifs étayent la conclusion tirée par l’agent sur l’établissement. Je conclus que ces motifs me permettent de conclure, et je conclus, que la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[19]           Les demandeurs soulèvent un deuxième argument majeur au sujet de la question des motifs : l’agent aurait commis une erreur en faisant abstraction de la mesure dans laquelle ils avaient réussi à s’établir au Canada pendant qu’ils exerçaient divers recours en vue de demeurer au pays. La déclaration contestée de l’agent est soulignée ci‑dessous :

[traduction] Je me pencherai maintenant sur le degré d’établissement des demandeurs depuis leur arrivée au Canada en avril 2008 (dans le cas du père) et en août 2008 (dans le cas de la mère et de l’enfant mineur). J’ai pris en considération les emplois stables des demandeurs, les cours d’anglais qu’ils ont suivis, le perfectionnement de leurs compétences, leur bon dossier civil, leur engagement communautaire, leur apport bénévole, et le soutien d’amis et de membres de la communauté dont ils disposent au Canada, tout cela favorisant leur intégration sociale et économique au pays. Tout en reconnaissant que les demandeurs ont pris des mesures concrètes pour s’établir au Canada, je relève également qu’ils ont bénéficié de l’application régulière de la loi dans le cadre du programme d’immigration et de protection des réfugiés et qu’on leur a ainsi fourni l’occasion d’atteindre un certain degré d’établissement au sein de la société canadienne et accordé les outils pour y parvenir. J’ai examiné avec soin la situation et les observations des demandeurs et, au vu des preuves produites, j’estime que leur établissement au pays était d’un degré auquel on pouvait s’attendre et non de nature exceptionnelle. Je ne suis donc pas d’avis que l’établissement des demandeurs au Canada justifie de leur accorder une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire. En outre, on m’a présenté trop peu d’éléments de preuve pour conclure que le degré d’établissement des demandeurs résulte de circonstances indépendantes de leur volonté ou de l’impossibilité prolongée de quitter le Canada, de telle sorte que l’obligation de présenter leur demande depuis l’étranger leur causerait des difficultés inhabituelles ou excessives.

[Non souligné dans l’original tel que déjà mentionné.]

[20]           Les demandeurs ont fait valoir, en s’appuyant sur un passage de la décision Sebbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 813 [Sebbe], qu’une telle conclusion était inadmissible et susceptible de contrôle judiciaire. Je ne suis pas de cet avis. Selon la décision Sebbe, l’analyse doit tenir compte des initiatives prises par les demandeurs d’asile, et des autres faits pertinents, et qu’on procède également à un examen et une évaluation de l’importance de leur degré d’établissement. L’examen et l’évaluation doivent bien sûr respecter les paramètres définis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Newfoundland Nurses; tel est le cas en l’espèce. J’estime qu’un agent ne commet pas d’erreur en relevant que les délais occasionnés par le recours licite à notre système d’immigration ont rendu plus important le degré d’établissement de demandeurs, puisque dans la plupart des cas, sinon tous, cela s’avérera être vrai. De la même façon, l’agent ne commet pas d’erreur en faisant état du soutien d’amis et de membres de la communauté dont un demandeur dispose. De manière plus générale, la déclaration de l’agent reflète la réalité puisque l’établissement est fonction, au fil du temps, de nombreux facteurs. Plus longue est la période de temps dont dispose un demandeur, plus important sera habituellement son degré d’établissement. Une période de temps plus longue donne généralement lieu –ou devrait dans la plupart des cas donner lieu – à un degré plus élevé d’établissement.

[21]           Au vu du dossier, l’agent ne m’apparaît pas avoir fait abstraction indûment du temps où les demandeurs ont fait légitimement appel au système canadien de protection des réfugiés. On pourrait d’ailleurs tenir compte du fait, dans l’examen du traitement réservé par l’agent aux demandeurs, que ce dernier aurait pu faire abstraction – ce qui ne semble toutefois ne pas avoir été le cas –, aux fins d’évaluation du degré d’établissement, de la période suivant le moment (en janvier 2011) où ils ont omis illégalement de se présenter en vue de leur renvoi et ils ont fait l’objet d’un mandat d’arrestation. La Cour a déclaré à plusieurs reprises que les agents devaient se montrer réticents à récompenser des personnes pour le temps qu’elles ont vécu au Canada sans avoir le droit d’y demeurer, dans des circonstances n’échappant pas à leur volonté, d’y demeurer (Caine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1110 au paragraphe 20; Mann c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 126 aux paragraphes 12 à 14; Millette c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 542 au paragraphe 41). Quoique l’agent n’ait pas rejeté la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire pour ces motifs, il reste que les demandeurs ont omis de se présenter en vue de leur renvoi et ils sont demeurés au Canada alors qu’ils étaient visés par une mesure de renvoi. Il n’y a rien à ajouter aux motifs de l’agent sur ce point, mais la Cour prend acte, comme celui‑ci l’a fait, du comportement illégal des demandeurs.

[22]           Globalement, l’exposé des facteurs d’évaluation de l’établissement fait par l’agent n’a pas été critiqué, et il est arrivé par la suite a une conclusion intelligible et transparente qui appartient aux issues raisonnables possibles et acceptables au sens de l’arrêt Dunsmuir.

(2)               L’agent a‑t‑il fait erreur en procédant à l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant?

[23]           Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas appliqué le bon critère juridique pour évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant, plus précisément en faisant entrer en jeu la question des difficultés lorsqu’il s’est prononcé sur cette question. Selon eux, l’agent n’a pas démontré qu’il était réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant.

[24]           Dans l’arrêt Kisana, la Cour d’appel fédérale a traité du cas d’une agente ayant « axé » son examen de l’intérêt supérieur des enfants sur la question des difficultés, et la Cour a conclu comme suit, au paragraphe 30 : « Le fait que l’agente ait axé son examen de l’intérêt supérieur des enfants sur la question des difficultés ne permet pas nécessairement de conclure qu’elle n’a pas tenu compte de leur intérêt supérieur ». Il en ressort clairement que la mention des « difficultés » lors de l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant ne suffit pas pour annuler la conclusion de l’agent. Cette conclusion pourrait très bien à elle seule justifier que je rejette ce motif de contrôle judiciaire.

[25]           Cependant, il faut également examiner les motifs globalement pour déterminer si l’agent s’est écarté d’une analyse appropriée de l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour d’appel fédérale a déclaré que la mention de difficultés ne justifiait pas à elle seule un contrôle judiciaire. D’ailleurs, selon elle, même une analyse axée sur les difficultés pourrait ne pas justifier l’intervention de la Cour. Très souvent, comme les demandeurs l’ont fait en l’espèce par exemple, sinon presque toujours, les auteurs d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire invoquent dans leurs observations sur l’intérêt supérieur un bon nombre de conséquences défavorables advenant le renvoi de l’enfant, y compris un niveau médiocre d’éducation, un niveau de vie inférieur et la possibilité d’être exposé à la criminalité et à des actes de violence. Lorsque comme en l’espèce, les demandeurs font eux‑mêmes valoir ce qu’on pourrait dûment qualifier de « difficultés » subies par l’enfant en cas de renvoi, l’agent saisi de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne pourra habituellement pas être blâmé pour avoir employé l’expression « difficultés » dans son analyse, puisque se faisant, il résume simplement et fidèlement les conséquences alléguées par les demandeurs eux‑mêmes.   

[26]           Il faut plutôt procéder à une analyse contextuelle des motifs lorsqu’un demandeur soutient qu’un agent s’est appuyé sur une analyse des « difficultés » inacceptable. Il y a des similitudes à cet égard entre la présente affaire et l’affaire Jaramillo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 744, où j’ai fait les commentaires suivants (aux paragraphes 69 à 73) :

[69]      Après un examen relativement approfondi des éléments de preuve présentés, l’agente a conclu de la façon suivante son analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants : [traduction] « De manière générale, compte tenu des renseignements dont je dispose, je suis incapable de conclure que la réinstallation des demanderesses en Colombie ou au Brésil aurait des répercussions défavorables importantes sur […] » les demanderesses. Je n’accepte pas la prétention des demanderesses selon laquelle l’agente a appliqué le mauvais critère juridique dans le cadre de l’analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants.

[70]      C’est à juste titre que le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant ne prévoit aucune expression figée ni formule magique. Cependant, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il est de droit constant qu’il faut que l’agent se soit montré réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants visés. Je conclus que l’agente a respecté et appliqué ce critère en l’espèce.

[71]      Je conviens avec le défendeur que « [l]e fait que les enfants puissent se trouver mieux au Canada, sur le plan du confort en général ou celui des possibilités futures, ne saurait […] être concluant dans une décision en matière de motifs d’ordre humanitaire qui a pour objet de voir s’il y a des difficultés excessives » puisque l’issue serait presque toujours en faveur du Canada (Vasquez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 91, au paragraphe 43; Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475 (l’arrêt Hawthorne), au paragraphe 5; Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1292, au paragraphe 28; Yue c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 717, au paragraphe 9; Ramotar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 362, au paragraphe 37;Miller c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1173, au paragraphe 25).

[72]      Par exemple, au paragraphe 30 de l’arrêt Kisana, précité, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question des difficultés dans le cadre de l’analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants et elle a conclu que le fait que l’agente a « axé son examen de l’intérêt supérieur des enfants sur la question des difficultés ne permet pas nécessairement de conclure qu’elle n’a pas tenu compte de leur intérêt supérieur ».La même conclusion a été tirée dans l’arrêt Hawthorne, précité, lequel a été cité dans l’arrêt Kisana, précité. 

[73]      Puisqu’il est reconnu dans ces précédents que les « difficultés » font partie intégrante de l’analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants, je conclus que la mention des [traduction] « répercussions défavorables importantes » par l’agente ne constitue pas une erreur en droit quant au critère juridique applicable.

[27]           En l’espèce, l’agent a exposé les éléments de preuve pris en considération au début du formulaire de décision, et nulle critique n’a été formulée en ce qui a trait à cet exposé. L’agent a fait état dès le départ du bon critère, soit l’intérêt supérieur de l’enfant, lorsqu’il a procédé à l’évaluation de ce facteur. L’agent a mentionné que le renvoi ne placerait pas l’enfant dans une situation exceptionnelle. Il a conclu que l’enfant ne se trouverait pas dans une situation inhabituelle qui justifierait de lui octroyer une dispense. L’agent a souligné que l’enfant était bien jeune et apprenait encore à connaître les coutumes et la culture canadiennes, et qu’il aurait par ailleurs l’occasion de nouer des liens avec les membres de sa famille élargie. Il a conclu que l’enfant ne subirait aucun effet défavorable direct. Il était loisible à l’agent de tirer ces conclusions dans le cadre de son exposé des motifs sur l’intérêt supérieur de l’enfant. De plus, je relève qu’en concluant de la sorte, l’agent a fait état encore une fois du bon critère, celui de l’intérêt supérieur de l’enfant.

[28]           En tenant compte globalement et dans leur ensemble de tous les éléments factuels exposés sur l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que de l’analyse et de la conclusion ayant suivi, je suis d’avis que l’emploi par l’agent des mots « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives » dans son analyse ne constitue pas un motif de contrôle judiciaire. Bien que cette mention n’ait pas été judicieuse, comme il a été concédé à l’audience, je ne puis conclure que l’agent a mal formulé ou appliqué le critère juridique relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant.  

[29]           En outre, et plus important encore selon moi, l’agent a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré que les conséquences générales d’un déménagement et d’une réinstallation dans leur pays d’origine auraient des répercussions défavorables importantes sur leur enfant. Il importe de souligner à nouveau qu’en ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, il incombe aux demandeurs d’établir le bien‑fondé de leurs prétentions, au moyen d’éléments de preuve pertinents. La Cour s’est récemment penchée sur cette question en des termes pertinents dans la décision Landazuri Moreno c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2014 CF 481 aux paragraphes 36 et 37 :

[36]      Il ne suffit pas de décrire simplement les conditions générales qui sont pires dans le pays de renvoi, comparativement aux conditions prévalant au Canada. Le demandeur doit démontrer la probabilité que lui et ses enfants soient assujettis à ces conditions personnellement. Comme je l’ai écrit dans la décision Serda, au paragraphe 31 :

Enfin, les demandeurs font valoir que la situation en Argentine est pitoyable et néfaste pour les enfants. Ils citent des statistiques tirées de la preuve documentaire que l’agente d’immigration a elle‑même examinée pour démontrer que le Canada est un endroit plus agréable pour vivre en général. Mais le fait que le Canada soit un endroit plus agréable pour vivre n’est pas un facteur déterminant dans l’issue d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaires […]; s’il en était autrement, il faudrait donner à la vaste majorité des personnes qui vivent illégalement au Canada le statut de résident permanent pour des raisons d’ordre humanitaire. De toute évidence, telle n’était pas l’intention du Parlement lorsqu’il a promulgué l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[37]      En l’absence d’éléments probants de nature personnelle démontrant le contraire, l’agent pouvait raisonnablement conclure que l’intérêt supérieur des enfants était de demeurer aux bons soins de leurs parents et qu’on pouvait s’attendre raisonnablement que les difficultés associées à leur réinstallation seraient minimales compte tenu de leur jeune âge. Aucune preuve n’indiquait que les enfants n’accéderaient pas aux soins de santé et à l’éducation en Colombie ou au Mexique, et il n’était assurément pas suffisant de démontrer que le Canada est un endroit plus agréable pour vivre que le pays d’origine de leurs parents. Il convient également de présumer que l’agent a examiné le rapport présenté par le demandeur, même s’il n’y a pas fait mention spécifiquement.

[30]           Je veux aussi relever que l’avocate des demandeurs a présenté des observations sur le protocole proposé pour l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la décision Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 166 [Williams]. Or, selon moi, les agents appelés à se prononcer sur une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire n’ont pas à s’en tenir à une formule. Je me suis penché sur la question dans la décision Edward Sarian Monje c Canada (Citoyenneté et Immigration), (IMM‑6067‑13) :

[Williams] n’est l’expression que de l’une des nombreuses méthodes d’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour a confirmé d’autres méthodes d’analyse depuis la décision Williams : Adetunji c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 708, au paragraphe 49; Walker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 447, aux paragraphes 36 à 37, 39 et 41. Dans Webb v Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1060, au paragraphe 13, la Cour a confirmé que le critère énoncé dans la décision Williams pouvait être utile, mais qu’il ne s’agissait là que de l’une des méthodes d’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce qui importe vraiment lorsqu’on apprécie l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est de savoir si l’agent est « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt de cet enfant (Marteli Medina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 504, au paragraphe 55; Leonce c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 831, au paragraphe 17; Pannu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1356, au paragraphe 38).

[31]           Quant à la question de l’intérêt supérieur de l’enfant, pour résumer, je conclus que l’agent a appliqué le bon critère juridique, et que sa conclusion sur cette question appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Les motifs sont transparents et intelligibles. La décision quant à l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas sujette à un contrôle judiciaire.

V.                Conclusion

[32]           Dans l’ensemble, je conclus que la décision de l’agent était justifiée, transparente et intelligible en ce qui concerne les questions tant de l’établissement que de l’intérêt supérieur de l’enfant. La décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La présente demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.

VI.             Certification d’une question

[33]           Oralement et à la fin de ses observations, l’avocate du défendeur a demandé que je certifie des questions en lien avec la décision Williams si je devais juger cette dernière décision applicable. L’avocate des demandeurs s’y est opposée, en faisant valoir que cette décision n’offrait qu’un exemple parmi d’autres de mode d’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant. Comme toutefois ni moi ni l’agent n’avons retenu l’analyse suggérée dans la décision Williams, cette dernière n’est pas déterminante dans la présente affaire, de sorte qu’aucune question y ayant trait n’est certifiée. Aucune autre question susceptible de certification n’a été proposée, ni n’a été soulevée dans la présente affaire.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNNE : la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, aucune question n’est certifiée, et aucuns dépens ne sont adjugés. 

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6590‑13

 

INTITULÉ :

MANUEL ALEJANDRO OSORIO DIAZ, CAROLINA RODRIGUEZ GUTIERREZ et ALEJANDRO ALFONSO OSORIO RODRIGUEZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 MARS 2015

 

JUGeMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 24 MARS 2015

 

COMPARUTIONS :

Leigh Salsberg

Rosemary Gallo

POUR LES DEMANDEURS

Judy Michaely

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leigh Salsberg & Rosemary Gallo

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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