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Date : 20150317


Dossier : IMM-7225-13

Référence : 2015 CF 337

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 mars 2015

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

JENO KOVACS

JENONE KOVACS

PETRA IZABELLA KOVACS

ANNET KOVACS

DIANA MOLNAR

JENO KOVACS FILS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs, une famille rom de six personnes (deux adultes et quatre enfants), sont des citoyens de la Hongrie. Ils sollicitent le contrôle judiciaire, sur le fondement de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision du 25 septembre 2013 par laquelle l’agent principal (l’agent) a refusé leur examen des risques avant renvoi (ERAR) et a conclu qu’ils n’avaient qualité ni de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

Contexte

[3]               Les demandeurs adultes, M. et Mme Kovacs et leurs deux enfants aînés, sont entrés pour la première fois au Canada en 2000 et ont demandé l’asile sous leur nom antérieur (Mata), mais sont retournés en Hongrie.

[4]               Les demandeurs sont ensuite revenus au Canada en novembre 2009 avec quatre enfants, dont deux nés depuis leur retour en Hongrie, et ont présenté des demandes d’asile sous leur nouveau nom de famille. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a découvert que les demandeurs avaient changé de nom de famille. Les demandes d’asile de M. et de Mme Kovacs et des deux enfants aînés ont été jugées irrecevables en application de l’article 101 de la Loi, car ceux‑ci avaient déjà demandé l’asile au Canada. Les demandes des deux plus jeunes enfants ont été examinées. Madame Kovacs a témoigné à l’audience au nom des enfants, qui étaient représentés par un représentant désigné.

[5]               Dans sa décision du 23 juin 2011, la Commission a soulevé de sérieux doutes quant à la crédibilité. Outre la tromperie des demandeurs quant à leur changement de nom, la preuve qu’ils ont fournie a été jugée incohérente et embellie. Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité sont décrites dans la décision relative à l’ERAR, comme je l’indique plus loin. La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni suffisamment d’éléments de preuve établissant qu’ils sont d’origine rom. Elle a toutefois examiné les demandes en supposant qu’ils étaient des Roms. La Commission a jugé que Mme Kovacs n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles à l’appui des demandes d’asile et que, au vu de la preuve, la discrimination et le harcèlement dont ils sont victimes en tant que Roms en Hongrie n’équivalent pas à de la persécution.

La demande d’ERAR

[6]               À l’appui de leur demande d’ERAR, présentée en mai 2013, les demandeurs ont fourni des Formulaires de renseignements personnels (FRP) modifiés dans lesquels ils répétaient leurs allégations selon lesquelles ils étaient victimes de persécution en Hongrie en raison de leur origine rom et apportaient de nouveaux éléments de preuve visant à établir leur identité rom.

[7]               De plus, Mme Kovacs a produit un affidavit présentant en détail un nouveau risque découlant d’une menace de la part de l’oncle de son époux, M. Illes Ruszo. Madame Kovacs a déclaré qu’elle craignait de retourner en Hongrie, car elle avait été violée par M. Ruszo au Canada en septembre 2011. Madame Kovacs n’a pas signalé cette infraction à la police au Canada. Monsieur Ruszo est ensuite retourné en Hongrie. Madame Kovacs a affirmé qu’après avoir informé son époux de cet incident, celui‑ci a communiqué avec M. Ruszo en Hongrie. Par la suite, M. Ruszo a envoyé des lettres dans lesquelles il menaçait de tuer Mme Kovacs et les membres de sa famille s’ils retournaient en Hongrie. Les demandeurs ont joint deux lettres de M. Ruszo, portant la date d’oblitération du 4 décembre 2012 et du 16 janvier 2013, ainsi que leur traduction certifiée.

[8]               Les demandeurs ont soutenu que ce nouvel élément de preuve démontrait qu’ils seraient exposés à des risques en Hongrie en raison de M. Ruszo et de leur origine rom et qu’ils ne pourraient bénéficier d’une protection adéquate de l’État. Les demandeurs se sont appuyés sur des éléments de preuve documentaire concernant la protection de l’État en Hongrie, y compris en ce qui a trait à la violence fondée sur le sexe, pour étayer leur affirmation selon laquelle les autorités hongroises [traduction] « n’interviennent pas lorsqu’elles reçoivent des plaintes de violence fondée sur le sexe, particulièrement lorsque ces plaintes proviennent de femmes rom ».

La décision relative à l’ERAR faisant l’objet du contrôle

[9]               L’agent a précisé que les demandeurs, dans l’objectif de faire infirmer la conclusion de la Commission, avaient présenté de nouveaux éléments de preuve à l’appui de leur demande d’ERAR, dont les suivants : la confirmation de leur origine rom; des rapports des services de santé communautaires de Parkdale sur l’évolution de l’état psychologique actuel de Mme Kovacs; le rapport psychologique de la Dre Durish sur le diagnostic d’état de stress post-traumatique (ESPT) de Mme Kovacs; et le rapport psychologique du Dr Kussin concernant le diagnostic d’ESPT, de dépression, d’anxiété et d’une certaine expérience psychotique de Mme Kovacs. L’agent a laissé savoir qu’il examinerait les éléments de preuve documentaire sur les mauvais traitements dont sont victimes les Roms en Hongrie dans son évaluation de la situation au pays.

[10]           L’agent a conclu que les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour réfuter les conclusions de la Commission concernant la crédibilité de Mme Kovacs ou pour le convaincre d’en arriver à une conclusion différente de celle qu’a tirée la Commission. L’agent a examiné les parties pertinentes de la décision de la Commission, y compris les conclusions importantes sur le plan de la crédibilité qu’elle a tirées concernant la tromperie des demandeurs, a souligné que leur témoignage visait à embellir la réalité et a conclu que les nouveaux documents fournis ne permettaient pas de réfuter les conclusions relatives à la crédibilité.

[11]           L’agent a cité les parties pertinentes de la décision de la Commission, y compris sa conclusion selon laquelle [traduction] « les parents ont délibérément entrepris de tromper le gouvernement du Canada lorsqu’ils y sont entrés et ont présenté des demandes d’asile sous de nouveaux noms qu’ils venaient juste d’adopter, après le rejet des demandes qu’ils avaient présentées sous d’autres noms, tout en sachant que leurs demandes seraient irrecevables s’ils utilisaient leurs propres noms »; en ce qui a trait aux allégations de risque, « les parents ont fait ces allégations et ont présenté ces documents lorsqu’ils ont été “démasqués” et n’avaient plus rien à perdre »; en ce qui a trait aux allégations relatives à une agression, « le témoignage de vive voix de la mère ne concordait pas avec le rapport médical, qui est jugé comme un embellissement »; et, en conclusion, « le tribunal estime que l’ensemble des éléments de preuve constitue un embellissement et accorde peu de poids à ces nouvelles allégations et ces nouveaux éléments soi-disant corroborants ». L’agent a formulé le résumé suivant :

[traduction] Voici les faits : Cette famille, qu’elle soit rom ou non, a délibérément entrepris de tromper les autorités canadiennes. En 2000, ils ont présenté une demande d’asile sous le nom de Mata. En 2009, ils ont présenté une seconde demande d’asile, cette fois sous le nom de Kovacs, et ont caché le changement de nom dans l’objectif d’accroître les chances que leur demande soit accueillie. À l’appui de la seconde demande, la famille a présenté tout un ensemble d’éléments de preuve que la Commission a considéré comme un embellissement. Je conclus que les confirmations relatives à l’origine ethnique, les lettres de menaces de mort, les affidavits, les rapports psychologiques et les documents sur la situation au pays ne permettent pas de réfuter une conclusion de fait tirée par la Commission, en l’espèce en qui concerne la crédibilité.

[12]           L’agent a signalé que la menace de la part de M. Ruszo constituait un nouveau risque qui serait pris en compte dans l’ERAR. L’agent a également tenu compte du risque découlant de l’état de santé de M. et de Mme Kovacs et du risque lié à l’origine ethnique rom des demandeurs.

[13]           En ce qui a trait au risque que présente M. Ruszo, l’agent a indiqué que Mme Kovacs prétend qu’elle a été victime d’une agression sexuelle en septembre 2011, qu’elle n’a pas signalé cet acte criminel à la police, qu’elle en a informé son époux quelques mois avant la présentation de leur demande d’ERAR et qu’elle a reçu des menaces de mort de la part de M. Ruszo après que son époux ait communiqué avec lui. L’agent a compris que l’agression sexuelle avait eu lieu au Canada et que M. Ruszo était retourné en Hongrie.

[14]           L’agent a ensuite examiné les éléments de preuve documentaire portant sur les lois criminelles régissant les infractions de nature sexuelle en Hongrie et leurs mesures d’application. Il a affirmé ce qui suit : [traduction] « À mon avis, M. Ruszo ne peut se soustraire à la loi. Si l’infraction criminelle qu’il a commise est signalée, il sera poursuivi comme un criminel. » L’agent a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, il ne croyait pas que Mme Kovacs et les membres de sa famille seraient « exposés à une menace à leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités en Hongrie en raison de la présence de M. Illes Ruszo dans ce pays. » Il a conclu que « la demanderesse et sa famille bénéficient d’une protection de l’État adéquate en Hongrie ».

[15]           L’agent s’est ensuite penché sur le risque découlant des troubles médicaux de M. et de Mme Kovacs, qui sont décrits dans les rapports psychologiques. Il a conclu que ces rapports constituaient des éléments de preuve fiables sur leur état psychologique actuel, mais qu’ils ne prouvaient pas de façon objective que les demandeurs seraient probablement exposés à un risque s’ils retournaient en Hongrie. L’agent a souligné qu’il impossible d’accueillir une demande fondée sur l’article 97 en raison de l’incapacité d’un pays à fournir des soins de santé ou des soins médicaux adéquats.

[16]           Enfin, l’agent a accepté la confirmation de l’origine ethnique rom des demandeurs et a évalué s’ils seraient à risque en raison de leur origine ethnique s’ils retournaient en Hongrie. L’agent a souligné l’observation de Mme Kovacs selon laquelle les policiers [traduction] « ne tentent même pas de protéger les Roms » et sont « encore plus réticents à intervenir dans les conflits “familiaux” ». En raison de la réticence manifestée par les demandeurs à l’égard de la protection de l’État, l’agent a précisé que l’existence d’éléments de preuve objectifs était fondamentale pour établir s’ils pourraient bénéficier d’une protection adéquate de l’État en Hongrie.

[17]           L’agent a examiné les éléments de preuve documentaire sur la protection de l’État et a résumé son évaluation. Il a reconnu que les éléments de preuve documentaire comportaient des contradictions, mais a conclu que selon la prépondérance des éléments de preuve objectifs, la protection de l’État est adéquate, bien qu’elle ne soit pas parfaite. L’agent a conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants. L’agent a ensuite conclu qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve convaincants démontrant que les demandeurs seraient persécutés ou, selon la prépondérance des probabilités, seraient exposés à une menace à leur vie ou risqueraient la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités s’ils retournaient en Hongrie.

Questions en litige

[18]           Les demandeurs soutiennent que l’analyse de l’agent est incorrecte parce qu’il n’a pas appliqué le bon critère en ce qui a trait à la protection de l’État. Subsidiairement, les demandeurs font valoir que la décision est déraisonnable pour plusieurs motifs : l’agent n’a pas évalué la protection de l’État en fonction de la situation des demandeurs, particulièrement en ce qui a trait aux risques de violence sexuelle et fondée sur le sexe et à l’absence de protection pour les Roms; l’agent a fait fi des éléments de preuve fournis par les demandeurs; la décision de l’agent est inintelligible, car il n’a pas tenu compte des risques de persécution allégués par les demandeurs dans leur FRP ni des éléments de preuve corroborants provenant des rapports psychologiques, et n’a pas donné d’explication pour justifier cette omission.

Norme de contrôle

[19]           Comme le souligne un des demandeurs, dans la décision Dawidowicz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 115, [2014] ACF no 105 [Dawidowicz], le juge O’Keefe a souligné la différence entre deux questions, à savoir si le bon critère a été appliqué, qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, et à savoir si le décideur a appliqué le critère aux faits particuliers, qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Le juge O’Keefe a affirmé ce qui suit au paragraphe 23 :

[23]      [...] Le juge en chef Paul Crampton a récemment expliqué la norme de contrôle applicable aux décisions relatives à la persécution et à la protection de l’État dans Ruszo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1004, aux paragraphes 20 à 22, [2013] ACF no 1099 (QL) [Ruszo]. Essentiellement, étant donné que la jurisprudence a mis au point des critères clairs pour les deux éléments, une commission ne peut pas y déroger. Par conséquent, lorsque les demandeurs allèguent qu’une commission a mal compris le critère, la norme applicable est celle de la décision correcte, et aucune retenue ne s’impose à l’égard de la compréhension par la Commission des critères qui s’appliquent. Toutefois, lorsque les demandeurs contestent la façon dont les critères ont été appliqués à l’égard des faits, il s’agit de questions mixtes de droit et de fait, et la norme applicable est celle de la raisonnabilité (Ruszo, aux paragraphes 20 à 22; Gur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 992, au paragraphe 17, [2012] ACF no 1082 (QL); Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, au paragraphe 38, 282 DLR (4e) 413 [Hinzman]) [...]

[20]           Il est bien établi que lorsque la norme de la décision raisonnable s’applique, le rôle de la Cour consiste à déterminer si la décision « fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit” (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable. » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59) Il faut faire preuve de retenue à l’égard du décideur. La Cour ne soupèsera pas de nouveau la preuve ni ne rendra une nouvelle décision.

[21]           Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland Nurses], la Cour suprême du Canada a apporté des précisions sur les exigences énoncées dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]. Elle a souligné que les motifs doivent « être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles » et que la cour « peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat » (aux paragraphes 14 à 16). La Cour a résumé ses directives au paragraphe 16 :

En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

[22]           Dans la décision Majlat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 965, [2014] ACF no 1023, la juge Mary Gleason a résumé la notion de retenue après une analyse approfondie de la norme de contrôle de la décision raisonnable, au paragraphe 24 :

[24]      Cela étant, selon la norme de la raisonnabilité, la question n’est ni celle de savoir si la cour de justice serait arrivée à la même conclusion que le tribunal administratif, ni celle de savoir si la conclusion que le tribunal administratif a tirée est correcte. La retenue exige plutôt que l’on accorde aux tribunaux administratifs tels que la SPR une certaine latitude pour rendre leurs décisions et que leurs décisions soient confirmées par les tribunaux judiciaires lorsqu’elles sont compréhensibles et rationnelles et qu’elles correspondent à l’un des résultats possibles que l’on pourrait légitimement envisager au vu des faits et du droit applicables.

[23]           En l’espèce, les demandeurs soutiennent que l’agent a appliqué le mauvais critère. Cette question est examinée plus loin. Subsidiairement, les demandeurs font valoir que l’évaluation de la protection de l’État n’est pas raisonnable, car l’agent a fait fi des éléments de preuve et n’a pas effectué d’analyse contextuelle sur les risques qu’ils ont soulevés. En m’appuyant sur la jurisprudence précitée, j’ai examiné si les conclusions et la décision de l’agent sont raisonnables en ce qui a trait à l’issue et au dossier.

[24]           Avant d’aborder ces questions, il est utile d’examiner d’abord le dernier argument des demandeurs, soit que la décision de l’agent est inintelligible.

La décision est‑elle inintelligible?

Le point de vue des demandeurs

[25]           Les demandeurs soutiennent que les motifs de l’agent sont inintelligibles. Premièrement, ils maintiennent que l’agent a commis une erreur en n’examinant pas les allégations de persécution énoncées dans leur FRP sans donner d’explication. Deuxièmement, l’agent a commis une erreur en ne motivant pas sa décision de rejeter les rapports psychologiques qui, selon les demandeurs, corroborent leurs allégations de persécution.

[26]           Les demandeurs soutiennent que la conclusion de l’agent selon laquelle leurs [traduction] « nouveaux éléments de preuve » ne sont pas suffisants pour réfuter les conclusions de la Commission concernant la crédibilité ou pour convaincre l’agent d’en arriver à une conclusion différente est abusive, car la Commission a tiré la conclusion déterminante que les demandeurs n’étaient pas des Roms. Comme l’agent a reconnu que les demandeurs étaient des Roms, il a réfuté la conclusion de la Commission. Selon les demandeurs, compte tenu de cette réfutation, leurs allégations de persécution auraient dû être examinées.

[27]           Les demandeurs soutiennent également que l’agent n’a pas expliqué pourquoi les nouveaux éléments de preuve qu’ils ont présentés étaient insuffisants. En particulier, l’agent n’a pas fourni de motifs justifiant le rejet des rapports psychologiques corroborant leurs allégations de persécution en Hongrie. Les demandeurs adultes soulignent que les psychologues ne se sont pas seulement fiés à leurs déclarations, mais ont effectué des tests psychologiques pour poser un diagnostic quant à leur état mental.

Le point de vue du défendeur

[28]           Le défendeur souligne que la Commission avait de nombreux doutes quant à la crédibilité des demandeurs, mais a conclu que même si les demandeurs étaient des Roms, ils ne craignaient pas avec raison d’être persécutés. L’agent a expliqué qu’il avait conclu que les nouveaux éléments de preuve ne dissipaient pas les doutes quant à la crédibilité, car ils ne contredisaient pas les conclusions tirées par la Commission.

La décision n’est pas inintelligible; l’agent n’a pas commis d’erreur en examinant seulement le nouveau risque

[29]           Comme je l’ai indiqué, il est utile d’examiner d’abord cette question pour situer adéquatement le contexte en vue d’effectuer le contrôle de la décision de l’agent.

[30]           Un ERAR ne constitue pas un appel de la décision de la Commission sur la demande d’asile ni une occasion de débattre à nouveau des faits qui avaient été présentés à la Commission, comme l’a souligné la juge Judith Snider dans la décision Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1380, [2006] ACF no 1778 au paragraphe 12. La juge Snider  a ajouté que « [l]a décision de la SPR doit être considérée comme définitive en ce qui concerne la question de la protection sous le régime des articles 96 et 97 [...], sous réserve seulement de la possibilité que de nouveaux éléments de preuve démontrent que le demandeur serait exposé à des risques nouveaux, différents ou additionnels qui n’auraient pas pu être envisagés au moment de la décision de la SPR ».

[31]           La décision de la Commission était fondée sur des conclusions défavorables importantes relatives à la crédibilité. Cette décision portait sur les demandes des deux plus jeunes enfants, mais Mme Kovacs a témoigné au nom de ceux‑ci et les allégations de toute la famille ont été évaluées.

[32]           Après avoir examiné attentivement la décision de la Commission et les nouveaux éléments de preuve présentés, l’agent a raisonnablement conclu que les nouveaux éléments de preuve ne réfutaient pas les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité.

[33]           L’argument des demandeurs selon lequel l’agent a commis une erreur en n’évaluant pas les allégations de persécutions qu’ils ont réitérées, car ils avaient établi qu’ils sont d’origine rom ne tient pas du tout compte du fait que la conclusion déterminante sur laquelle s’est appuyée la Commission pour rejeter leur demande d’asile se rapportait à leur important manque de crédibilité. La Commission n’était pas convaincue que les demandeurs avaient établi qu’ils étaient d’origine rom, mais a tout de même évalué la demande en présumant qu’ils étaient des Roms. Par conséquent, le fait qu’ils ont établi par la suite leur origine rom devant l’agent ne réfute pas les conclusions déterminantes de la Commission, qui concernaient la crédibilité.

[34]           L’agent a expliqué pourquoi il avait attribué peu de poids aux rapports de la Dre Durish et du Dr Kussin. L’agent a accepté les rapports psychologiques, mais uniquement en ce qui concerne l’état mental actuel des demandeurs adultes. Il a précisé que ces rapports ne corroboraient aucun risque allégué par les demandeurs et a souligné que ces médecins n’étaient pas des spécialistes de la situation en Hongrie et qu’ils ne pouvaient pas fournir d’éléments de preuve objectifs sur la situation au pays. L’agent a également signalé que les rapports, sauf en ce qui concerne l’état mental actuel des demandeurs, étaient fondés sur le récit des demandeurs.

[35]           Comme le seul nouveau risque soulevé était celui associé à M. Ruszo, l’agent n’a pas commis d’erreur en n’examinant pas les allégations de persécution que les demandeurs ont réitérées dans leur demande d’ERAR. Il ne s’agissait pas de nouveaux risques. En outre, la Commission avait conclu que ces risques n’étaient pas crédibles.

[36]           La décision n’est pas inintelligible. Il faut examiner le caractère raisonnable de la décision en gardant à l’esprit que le rôle de l’agent consistait à évaluer, d’un point de vue prospectif, seulement les risques suivants auxquels seraient confrontés les demandeurs s’ils étaient renvoyés en Hongrie : le nouveau risque associé à M. Ruszo, le risque découlant des troubles médicaux des demandeurs adultes et le risque découlant, de façon générale, de leur origine ethnique rom.

L’agent a‑t‑il appliqué le mauvais critère en ce qui concerne la protection de l’État?

Les observations des demandeurs

[37]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a appliqué le mauvais critère pour déterminer si la protection de l’État offerte aux Roms en Hongrie était adéquate, car il s’est concentré sur les mesures prises et non sur l’efficacité de ces mesures, que cette erreur est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Dawidowicz, au paragraphe 23; Ruszo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1004, [2013] ACF no 1099 (Ruszo) aux paragraphes 20 à 22), et que toute analyse fondée sur ce critère est erronée.

[38]           Pour prouver que l’agent a appliqué le mauvais critère, les demandeurs citent plusieurs extraits de la décision se rapportant aux mesures prises en Hongrie et non à l’efficacité opérationnelle de ces mesures :

[traduction]

•           les mesures ne sont pas toujours mises en œuvre efficacement à l’échelle locale;

•           le défaut d’appliquer des lois imposées de façon centralisée demeure au centre de la majorité des actes de discrimination à l’endroit des Roms;

•           l’incapacité générale du gouvernement central à maintenir des mécanismes de contrôle solides et efficaces en ce qui a trait à la violation des droits entraîne des conséquences néfastes sur les Roms;

•           les autorités centrales semblent quelque peu limitées dans leurs efforts visant à apporter des changements.

[39]           Les demandeurs soulignent que le critère relatif à la protection de l’État réside dans la question de savoir si l’État peut offrir une protection adéquate (Elcock c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1438; Garcia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 79; Canada (Procureur général) c Ward, [1994] 2 RCS 689 (Ward)). La « protection adéquate » et les « sérieux efforts pour protéger [les] citoyens » sont deux choses différentes; les éléments de preuve qui concernent le caractère adéquat de la protection de l’État sont ceux qui permettent de répondre à la question de savoir si une loi donnée est effectivement appliquée de manière à protéger les citoyens (Kumati c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1519, [2012] ACF no 1637 (Kumati), aux paragraphes 27, 28, 34 et 39). Les demandeurs soulignent que la Cour a établi qu’une protection de l’État est « adéquate » lorsque des éléments de preuve indiquent qu’il est beaucoup plus probable que le contraire que la personne sera protégée (Salamanca c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 780, [2012] ACF no 809 (Salamanca), au paragraphe 17). De plus, les demandeurs font valoir qu’il faut évaluer dans sa réalité empirique le caractère adéquat de la protection de l’État (Dawidowicz, aux paragraphes 29 et 30).

Les observations du défendeur

[40]           Le défendeur soutient qu’il convient d’examiner les passages cités par les demandeurs dans leur contexte. Par exemple, le commentaire de l’agent sur le fait que les mesures ne sont pas toujours appliquées efficacement à l’échelle locale ne porte pas à croire qu’il a appliqué le mauvais critère. L’agent a examiné les éléments de preuve contradictoires et a conclu que la prépondérance de la preuve objective démontrait que l’État pouvait offrir une protection adéquate aux demandeurs.

L’agent a appliqué le bon critère en ce qui concerne la protection de l’État

[41]           J’ai étudié attentivement la décision de l’agent, y compris les passages cités par les demandeurs. J’ai également examiné tous les autres passages de la décision de l’agent portant sur la protection de l’État, qui faisaient référence aux différentes initiatives élaborées, mises en œuvre et évaluées en Hongrie dans l’objectif de protéger les Roms contre la persécution et de lutter contre la discrimination, y compris les mécanismes de surveillance ou de réparation auxquels les citoyens de la Hongrie peuvent avoir recours. Contrairement à ce qu’estiment les demandeurs, à savoir que l’agent a appliqué le mauvais critère, la décision révèle que l’agent avait compris que le critère relatif à la protection de l’État était celui du caractère adéquat et qu’il incombait aux demandeurs de réfuter la présomption selon laquelle la protection de l’État est adéquate en Hongrie, car il s’agit d’une démocratie fonctionnelle.

[42]           Les passages précités relevés par les demandeurs ne prouvent pas que l’agent a mal compris le critère ou a appliqué le mauvais critère. Plusieurs des renvois de l’agent ont été faits dans le contexte d’initiatives pour lutter contre la discrimination en matière d’emploi et de logement, et non dans le contexte de la persécution ou du risque de violence contre la personne. L’agent a reconnu avec franchise que les éléments de preuve sur la situation au pays étaient incohérents ou portaient à confusion et que la situation n’était pas parfaite. Ses renvois aux mesures prises étaient liés à son évaluation du caractère adéquat de la protection de l’État et ne traduisent aucun problème de compréhension quant au critère.

[43]           La question consiste à savoir si l’évaluation de l’agent en ce qui concerne le caractère adéquat de la protection de l’État offerte aux demandeurs, y compris sa conclusion selon laquelle ils n’ont pas réfuté la présomption de protection de l’État, est raisonnable. Autrement dit, la question porte sur le caractère raisonnable de la conclusion selon laquelle les demandeurs bénéficieraient d’une protection adéquate s’ils retournaient dans leur pays.

La décision est‑elle raisonnable?

Les observations des demandeurs

[44]           Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas évalué le caractère adéquat de la protection de l’État en fonction de leur situation et des risques auxquels ils sont confrontés, y compris le risque de violence familiale et fondée sur le sexe auquel sont exposés les Roms. Les demandeurs signalent que ces risques sous-tendent les menaces proférées par M. Ruszo et ne seraient pas pris au sérieux.

[45]           Les demandeurs ajoutent que l’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve contradictoires établissant qu’ils ne pourraient bénéficier d’une protection adéquate de l’État. Ils soulignent là encore que la violence familiale et fondée sur le sexe sous-tend les menaces et que la police n’intervient pas dans les conflits familiaux.

[46]           Les demandeurs font aussi valoir que l’agent a fait fi de la jurisprudence pertinente qui a établi la façon d’analyser le caractère adéquat de la protection de l’État.

[47]           En ce qui a trait au défaut de l’agent d’effectuer une évaluation individualisée, les demandeurs soulignent qu’ils ont affirmé qu’ils ne bénéficieraient pas de la protection offerte aux victimes d’actes criminels, car ils sont des Roms. Ils ont fourni des éléments de preuve documentaire révélant qu’il est rare que les autorités hongroises interviennent dans les [traduction] « conflits familiaux » ou les conflits comportant de la violence fondée sur le sexe. Les demandeurs reconnaissent que M. Ruszo a proféré des menaces de violence physique ou de mort, mais font valoir que ces menaces découlent de la divulgation de l’agression sexuelle. L’agent a commis une erreur en n’évaluant pas si la protection de l’État serait adéquate pour répondre à la menace dans le contexte de la violence familiale et compte tenu de l’origine ethnique rom de la famille (Djubok c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 497, [2014] ACF no 672 (Djubok), aux paragraphes 18 et 19).  

[48]           Les demandeurs signalent que la Cour est récemment intervenue dans plusieurs décisions où des agents d’ERAR ont tiré des conclusions déraisonnables sur le caractère adéquat de la protection de l’État offerte aux Roms en Hongrie : Gulyas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF  254, [2013] ACF no 280 au paragraphe 78; Buri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 45, [2014] ACF no 47 aux paragraphes 64 à 67; Kemenczei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1349, [2012] ACF no 1457 aux paragraphes 57, 60 et 61; Mozco c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 734, [2013] ACF no 776 au paragraphe 10; Majoros c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 421, [2013] ACF no 447 (Majoros) au paragraphe 18. Les demandeurs soutiennent que l’analyse de l’agent portant sur le caractère adéquat de la protection de l’État était viciée, car il n’a pas suivi les décisions de jurisprudence précitées.

[49]           En outre, l’agent a commis une erreur en ne renvoyant pas aux éléments de preuve contradictoires sur la situation au pays, qui peuvent mener à la seule conclusion que les Roms ne bénéficient pas d’une protection adéquate de l’État en Hongrie (Goman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 643, [2012] ACF no 866 au paragraphe 14).

Les observations du défendeur

[50]           Le défendeur souligne qu’il incombe au demandeur d’asile de prouver de façon claire et convaincante l’incapacité de l’État d’assurer la protection (Ward, précité, aux paragraphes 724 à 726; Hinzman et al; Hughey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, [2007] ACF no 584 [Hinzman]). Les demandeurs n’ont pas prouvé qu’il est impossible d’obtenir la protection de l’État (Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] 4 RCF 636 [Carrillo] au paragraphe 30; Ruiz Martinez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1163, [2009] ACF no 1443 aux paragraphes 42 et 43).

[51]           En ce qui a trait à l’allégation relative au nouveau risque, le défendeur souligne que l’agent a reconnu que l’agression sexuelle avait eu lieu, mais avait conclu que les demandeurs pouvaient obtenir la protection de l’État si M. Ruszo tentait de les persécuter en Hongrie. La preuve documentaire a révélé que les demandeurs pourraient obtenir la protection de l’État, bien que l’agent ait reconnu l’existence de certains problèmes relatifs à l’application des mesures (Horvath c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1132, [2012] ACF no 1217 [Horvath]; Ruszo, précitée).

[52]           L’agent a évalué le risque en fonction de son lien avec la violence sexuelle et fondée sur le sexe et a souligné les lois en vigueur, le fait que la police serait responsable de la protection et le fait que M. Ruszo ne pourrait se soustraire à la loi s’il était dénoncé. L’agent a également tenu compte des initiatives mises en œuvre pour lutter contre la violence familiale, indiquant qu’elles n’étaient pas parfaites, mais que les victimes avaient accès à des services et à de l’aide.

[53]           L’agent n’a pas fait fi de la preuve. Il a reconnu les problèmes liés à la violence fondée sur le sexe, mais a conclu que la prépondérance de la preuve démontrait l’existence de la protection de l’État. Le simple fait que l’agent n’ait pas renvoyé à des documents ou à des passages précis n’équivaut pas à une erreur.

[54]           Le défendeur souligne que les conclusions relatives à l’absence de protection de l’État dans les autres décisions ne peuvent servir à contester la décision de l’agent (Konya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 975, [2013] ACF no 1041 [Konya]; Molnar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 530, [2012] ACF no 551; Riczu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 888, [2013] ACF no 923, Ruszo, précitée; Botragyi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM‑13187‑12, 7 février 2014).

La décision est raisonnable; l’agent a évalué raisonnablement le caractère adéquat de la protection de l’État

[55]           L’agent n’a pas fait fi des risques auxquels sont confrontés les demandeurs ou des circonstances qui leur sont propres.

[56]           Comme je l’ai déjà dit, l’agent a d’abord évalué le risque que présente M. Ruszo. L’agent a souligné que Mme Kovacs a déclaré qu’elle avait été violée par M. Ruszo au Canada, mais qu’elle n’avait pas signalé cette infraction à la police au Canada. Par conséquent, l’agent a tenu compte de la situation qui pourrait se produire si les demandeurs retournaient en Hongrie. Il a appliqué la bonne méthode, car l’évaluation du risque est axée sur l’avenir.

[57]           L’agent était d’avis que le risque posé par M. Ruszo était une menace de violence. Il a souligné que la police serait responsable et qu’elle interviendrait si M. Ruszo était dénoncé. Cette conclusion est raisonnablement fondée sur l’évaluation de la situation au pays effectuée par l’agent, et comme il l’a reconnu, la protection de l’État n’est pas parfaite. Cependant, la prépondérance de la preuve appuie la conclusion selon laquelle la protection de l’État est adéquate.

[58]           L’agent a souligné la déclaration des demandeurs selon laquelle la protection offerte aux femmes rom victimes de violence familiale était limitée. La décision ne reconnaît pas explicitement la nécessité d’examiner le lien entre le risque posé par M. Ruszo et le risque associé à l’origine ethnique des demandeurs. Cependant, à la lecture des motifs et du dossier, il appert que l’agent a analysé la protection de l’État en deux temps; il a d’abord évalué le risque principal associé à la menace proférée par M. Ruszo, puis il a examiné ce risque en fonction du risque découlant de l’origine ethnique rom des demandeurs.

[59]           L’agent n’a pas fait fi de la preuve documentaire qui, selon les demandeurs, établit qu’ils ne pourraient bénéficier d’une protection adéquate de l’État. L’agent a souligné qu’en raison de la réticence des demandeurs à demander l’intervention de l’État, il s’appuierait sur les éléments de preuve documentaire pour évaluer s’ils avaient réfuté la présomption de protection de l’État.

[60]           L’agent, qui a d’abord décrit la situation des Roms en Hongrie, a soulevé les points suivants : il continue d’y avoir des agressions violentes, qui préoccupent grandement la population; des ONG œuvrant dans le secteur des droits de la personne ont critiqué les autorités responsables de l’application des lois, car elles ne reconnaissent pas les motifs raciaux à l’origine de nombreux actes criminels; ces mêmes organismes ont indiqué que les Roms sont victimes de discrimination dans toutes les [traduction] « sphères de leur vie ». L’agent a également mentionné les rapports sur les actes de violence commis par des groupes d’extrême droite et a ajouté que les autorités avaient mené des enquêtes et procédé à des arrestations.

[61]           Dans ce contexte, l’agent s’est penché sur la protection de l’État offerte aux demandeurs compte tenu de leur origine ethnique rom. Il a souligné que des renseignements sur des mesures de lutte contre la discrimination contrebalancent les problèmes de racisme actuels. L’agent a reconnu que malgré ces mesures, [traduction] « le système n’est certainement pas parfait ». Il a également indiqué que les demandeurs peuvent exercer d’autres recours s’ils ne souhaitent pas s’adresser à la police, comme déposer une plainte auprès de l’ombudsman des minorités et de la Commission indépendante des plaintes contre la police. L’agent a conclu que malgré des rapports faisant état de la corruption policière, la preuve indique que l’État intervient lorsque des plaintes sont déposées.

[62]           L’agent a conclu cette partie de l’analyse en ces termes : [traduction] « Je reconnais que plusieurs sources de preuve documentaire comportent des contradictions. Cependant, les éléments de preuve objectifs sur la situation au pays portent à croire que bien qu’elle ne soit pas parfaite, la protection de l’État offerte aux Roms victimes d’actes criminels, d’abus de pouvoir des policiers, de discrimination ou de persécution en Hongrie est adéquate. Je reconnais aussi que la Hongrie déploie des efforts considérables pour remédier à ces problèmes et que la police et les représentants gouvernementaux sont prêts à protéger les victimes et sont en mesure de le faire. »

[63]           Enfin, vu l’ensemble de la preuve, l’agent a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants et que les éléments de preuve objectifs ne permettaient pas d’établir que les demandeurs ne pourraient bénéficier de la protection de l’État. Pour tirer sa conclusion, l’agent n’a pas fait fi des éléments de preuve objectifs sur la situation au pays révélant l’existence de problèmes quant au traitement réservé aux Roms en Hongrie. L’agent a plutôt reconnu qu’il continue d’y avoir des actes de discrimination et de violence raciale. Il n’était pas tenu de faire état de chaque rapport de la preuve documentaire (Newfoundland Nurses, au paragraphe 16).

[64]           L’agent ne s’est pas écarté de la jurisprudence et n’a pas non plus fait fi des indications données par celle‑ci sur la façon d’analyser le caractère adéquat de la protection de l’État.

[65]           Les demandeurs ont cité plusieurs décisions dans lesquelles, compte tenu des circonstances particulières, la Cour avait conclu que l’analyse et, par conséquent, la décision relative à la protection de l’État, était déraisonnable. Cependant, dans toutes ces décisions, il faut d’abord examiner les principes de base.

[66]           La Cour suprême du Canada a présenté la raison d’être du régime international de protection des réfugiés dans l’arrêt Ward, au paragraphe 18. Ce régime doit s’appliquer lorsque l’État ne peut fournir à ses ressortissants la protection qu’on s’attend à ce qu’il fournisse. Comme je l’ai déjà dit, il existe une présomption selon laquelle un État qui constitue une démocratie fonctionnelle est en mesure de protéger ses citoyens. Il incombe aux demandeurs qui veulent réfuter cette présomption de produire une preuve claire et convaincante qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection accordée par l’État en question est insuffisante ou inexistante (Carrillo, au paragraphe 30).

[67]           Dans la décision Konya, précitée, la juge Judith Snider a répété, au paragraphe 34, que la norme applicable est celle de la protection adéquate de l’État :

[34]      Le critère qui s’applique à la protection de l’État n’est pas un critère d’efficacité; il s’agit plutôt de savoir si cette protection est adéquate (Kaleja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 668, au paragraphe 25, [2011] ACF no 840; Kis c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 606, au paragraphe 16, [2012] ACF no 603). Il ne suffit pas que la demanderesse démontre que l’État n’est pas toujours efficace pour ce qui est de protéger les personnes se trouvant dans la même situation que celle de la demanderesse (Lakatos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1070, au paragraphe 14, [2012] ACF no 1152).

[68]           Dans la décision Ruszo (aucun lien avec l’oncle du demandeur), précitée, le Juge en chef a examiné les principes directeurs et la jurisprudence récente et s’est penché sur la question de savoir comment un demandeur pourrait réfuter cette présomption s’il ne se trouve plus dans son pays d’origine. Il a souligné ce qui suit au paragraphe 30 :

[30]       Pour s’acquitter de ce fardeau, le demandeur d’asile qui se trouve à l’extérieur du pays dont il a la nationalité doit démontrer qu’il « ne peut » obtenir une protection adéquate de l’État ou du fait qu’il craint avec raison d’être persécuté, ne veut pas se réclamer de la protection de son pays. Voici à ce sujet un extrait de l’arrêt Ward, précité, au paragraphe 49 :

La distinction entre ces deux volets de la définition de l’expression « réfugié au sens de la Convention » réside dans la partie qui écarte le recours à la protection de l’État : dans le cas de « ne peut », la protection est refusée au demandeur, tandis que si ce dernier « ne veut » pas, il choisit de ne pas s’adresser à l’État en raison de la crainte qu’il éprouve pour un motif énuméré. Dans un cas comme dans l’autre, la participation de l’État à la persécution n’est pas une considération nécessaire. Ce facteur est plutôt pertinent pour déterminer s’il existe une crainte de persécution.

[Souligné dans l’original.]

[69]           Le Juge en chef a ajouté au paragraphe 33 qu’un demandeur ne peut simplement faire valoir une réticence à demander la protection de l’État :

[33]      À cet égard, remettre en doute l’efficacité de la protection de l’État sans vraiment la mettre à l’épreuve ou simplement faire valoir une réticence subjective à faire intervenir l’État ne suffit pas à réfuter la présomption de protection de l’État (décisions Ramirez et Kim, précitées). En l’absence d’une explication convaincante, le défaut de prendre des mesures raisonnables pour épuiser toutes les avenues raisonnablement existantes dans l’État d’origine avant de demander l’asile à l’extérieur, est généralement considéré comme un fondement raisonnable pouvant justifier la SPR de conclure qu’un demandeur d’asile n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État au moyen d’une preuve claire et convaincante (décision Camacho, précitée).

[70]           En l’espèce, comme les demandeurs ne se trouvaient pas en Hongrie, ils n’ont pas pris de mesures pour se protéger contre tout risque que pourrait présenter M. Ruszo. L’agent a examiné les éléments de preuve objectifs sur la situation au pays pour déterminer si leur réticence ou leur incapacité à demander la protection de l’État à leur retour serait justifiée. Il a appliqué la bonne méthode, étant donné qu’il incombe aux demandeurs de réfuter la présomption.

[71]           Pour évaluer la protection de l’État et pour décider si elle est adéquate, j’ai tenu compte de l’ensemble de la jurisprudence citée par les demandeurs, y compris des décisions suivantes : la décision Dawidowicz, où le juge a répété que le déploiement d’efforts constitue une maigre consolation et qu’il faudrait évaluer dans sa réalité empirique le caractère adéquat de la protection de l’État; la décision Kumati, qui indique qu’une loi inscrite au code n’a pas nécessairement pour effet la garantie d’une protection adéquate; la décision Majoros, qui précise que la protection de l’État devrait être suffisamment efficace sur le terrain; la décision Salamanca, qui indique que la protection de l’État est adéquate lorsqu’il est plus probable que le contraire que la personne sera protégée; la décision Djubok, qui précise que les facteurs de risque et leur intersectionnalité devaient être examinés.

[72]           À mon avis, ces directives apportent des précisions sur les indicateurs reflétant le caractère adéquat de la protection de l’État, mais n’ont pas pour effet de rendre la norme plus rigoureuse. Le caractère adéquat demeure la norme et varie en fonction du pays et des circonstances propres aux demandeurs. En l’espèce, l’ensemble des motifs de l’agent révèle qu’il a tenu compte des éléments de preuve contradictoires sur la protection de l’État en Hongrie et sur son efficacité. Ces éléments de preuve ont défini le contexte dans lequel il a évalué le caractère adéquat de la protection de l’État en fonction des risques auxquels étaient confrontés les demandeurs.

[73]           En ce qui a trait aux indications ressortant de la jurisprudence, la Cour a toujours appliqué les mêmes principes, qui ont donné lieu à différentes issues dans différentes affaires compte tenu de circonstances et de faits différents. Chaque cas doit être tranché en fonction des faits qui lui sont propres. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il faut se demander si le décideur a tiré des conclusions raisonnables compte tenu des éléments de preuve dont il disposait.

[74]           Les demandeurs et le défendeur ont tous cité des décisions qui indiquent qu’une protection de l’État adéquate va du déploiement de sérieux efforts à une efficacité opérationnelle ou « sur le terrain ».

[75]           Les demandeurs soutiennent, par exemple, qu’il faut évaluer dans leur réalité empirique les mesures de protection de l’État. Cependant, l’évaluation de la protection de l’État dans sa réalité empirique serait problématique dans les cas où, comme en l’espèce, les demandeurs affirment qu’il existe un risque éventuel associé à une personne en particulier et font preuve d’une réticence subjective à demander la protection de l’État si ce risque se concrétise. Comme les demandeurs n’ont manifestement pas demandé la protection de l’État en raison de cette menace éventuelle, l’agent ne peut examiner que les éléments de preuve objectifs.

[76]           Les demandeurs soulignent également la nécessité de tenir compte de tout le contexte, c’est-à‑dire que Mme Kovacs est une femme rom ayant reçu une menace de violence de la part d’un membre de la famille. Bien que l’agent n’ait pas affirmé qu’il effectuait une analyse contextuelle, il l’a effectivement fait lorsqu’il a reconnu que le risque se situait dans un contexte de violence familiale et fondée sur le sexe et lorsqu’il a examiné les différentes initiatives de lutte contre la violence familiale et fondée sur le sexe en Hongrie. Bien que plusieurs renvois aux initiatives destinées aux victimes de violence familiale et fondée sur le sexe puissent sembler impertinents étant donné que l’agression sexuelle de la demanderesse a eu lieu au Canada, l’agent a examiné la menace (de violence physique à l’endroit de la famille à son retour en Hongrie), la relation familiale sous-jacente et le contexte de la violence sexuelle ou fondée sur le sexe avant de conclure que M. Ruszo ne pourrait se soustraire à la loi. Les motifs de l’agent suffisent à prouver qu’il a tenu compte du caractère adéquat de la protection de l’État contre ce risque précis en fonction de l’origine ethnique rom des demandeurs.

[77]           L’agent a également examiné attentivement les programmes, les politiques, les mécanismes et les établissements de lutte contre la discrimination en Hongrie; il se peut que plusieurs d’entre eux ne soient finalement pas utiles pour les demandeurs, mais ils démontrent tout de même la variété d’initiatives mises en œuvre. L’agent a reconnu que malgré ces initiatives, les Roms se heurtaient encore à la discrimination en matière de logement, d’éducation et d’emploi. Cependant, la discrimination, aussi blessante qu’elle puisse être, n’équivaut pas nécessairement à de la persécution. En l’espèce, l’agent n’a pas évalué les allégations de persécutions antérieures des demandeurs, car celles‑ci n’avaient pas été jugées crédibles.

[78]           Comme les demandeurs l’ont souligné, la police est principalement responsable d’offrir la protection de l’État aux victimes d’actes de violence, y compris aux actes de violence sexuelle et fondée sur le sexe (Katinszki c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1326, [2012] ACF no 1444 au paragraphe 15). En l’espèce, l’agent a reconnu que la police serait responsable et a conclu que la police interviendrait si M. Ruszo était dénoncé et que celui‑ci ne pourrait se soustraire à la loi.

[79]           L’agent a cité de nombreux organismes qui, à mon avis, ne pourraient pas aider les demandeurs ou leur être utiles en ce qui a trait au nouveau risque posé par M. Ruszo, mais qui pourraient les aider en ce qui a trait aux risques liés à leur origine ethnique rom. L’agent a mentionné de nombreuses mesures de lutte contre le racisme mises en œuvre en Hongrie, y compris l’ombudsman des minorités et l’Autorité pour l’égalité de traitement, qui ne contribueraient pas à protéger directement les demandeurs contre les menaces de violence, car cette responsabilité reviendrait à la police, comme l’a souligné l’agent. Cependant, l’agent a cité ces mesures dans le cadre de son examen des risques auxquels sont confrontés les demandeurs en tant que Roms. Il a reconnu que la discrimination persiste malgré les efforts pour y mettre fin.

[80]           Les demandeurs soulignent que plusieurs renvois à la preuve sur la situation au pays sur laquelle s’appuie l’agent figurent mot pour mot dans d’autres décisions relatives aux demandes d’asile, comme les références à l’appartenance de la Hongrie à l’Union européenne et les références aux éléments de preuve indiquant que [traduction] « même si elle n’est pas parfaite, la protection offerte par la Hongrie aux Roms victimes de criminalité, d’abus de pouvoir de la part des policiers, de discrimination ou de persécution est adéquate [...] ».

[81]           Je comprends qu’il est troublant pour les demandeurs de trouver dans leur décision des passages identiques à ceux d’autres décisions découlant de faits différents. Cependant, il n’y a peut‑être pas de meilleure façon de résumer la preuve documentaire accessible sur la question de la protection de l’État en Hongrie. La question importante consiste à savoir si l’agent a évalué ces renseignements en fonction des risques auxquels sont confrontés les demandeurs. En l’espèce, malgré certains passages habituels, l’agent a prouvé qu’il a examiné les éléments de preuve sur la situation au pays et qu’il les avait appliqués à la situation des demandeurs.

Conclusion

[82]           En conclusion, l’agent a examiné les nouveaux risques auxquels seraient confrontés les demandeurs, y compris le risque découlant de la menace de violence de la part de M. Ruszo et le risque auquel ils seraient exposés en Hongrie en raison de leur origine ethnique rom. L’agent a également tenu compte du contexte du risque posé par M. Ruszo et a conclu que la police serait responsable de la protection des demandeurs contre les menaces de violence de la part d’un membre de la famille. L’agent a tiré cette conclusion en s’appuyant sur une évaluation des documents sur la situation au pays et en tenant compte de la déclaration de Mme Kovacs, à savoir que la police ne prend pas au sérieux les menaces de violence sexuelle et fondée sur le sexe que reçoivent les Roms.

[83]           Comme les demandeurs se sont montrés réticents à demander la protection de l’État à leur retour, l’agent devait s’appuyer uniquement sur les éléments de preuve objectifs sur la situation au pays pour décider si les demandeurs avaient réfuté la présomption de protection adéquate de l’État. Ainsi, sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption est raisonnable.

[84]           L’agent a aussi examiné les risques auxquels seraient confrontés les demandeurs en tant que Roms à leur retour en Hongrie. Il a reconnu que les éléments de preuve sur la situation au pays sont contradictoires, mais a jugé que dans l’ensemble, la preuve permettait de conclure que si les demandeurs étaient victimes de discrimination à leur retour, ils pourraient faire appel à des programmes et à des services d’aide. Comme je l’ai déjà dit, il n’est pas nécessaire qu’une décision soit parfaite pour être raisonnable. L’agent a raisonnablement exclu les risques antérieurs qui avaient été jugés non crédibles. Il s’est concentré sur le nouveau risque et sur le risque général ou continu auquel sont confrontés les demandeurs en tant que Roms, et il a évalué ces risques et les liens entre ceux‑ci. Bien que l’agent ait cité des mesures qui ne s’appliqueraient pas nécessairement aux demandeurs et ait employé des termes semblables à ceux d’autres décisions, il a évalué les risques auxquels sont exposés les demandeurs, le caractère adéquat de la protection de l’État qui leur est offerte et la question de savoir s’ils ont réfuté la présomption de protection de l’État en s’appuyant sur les éléments de preuve à sa disposition et sur une appréciation complète de la situation des demandeurs.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                   La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                   Aucune question n’est certifiée;

3.                   Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est mis hors de cause en tant que défendeur.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7225-13

 

INTITULÉ :

JENO KOVACS, JENONE KOVACS, PETRA IZABELLA KOVACS, ANNET KOVACS, DIANA MOLNAR, JENO KOVACS FILS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 FÉVRIER 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 MARS 2015

 

COMPARUTIONS :

Meera Budovitch

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Meera Budovitch

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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