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Date : 20141106

Dossier : T-1395-07

Référence : 2014 CF 1049

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

LUNDBECK CANADA INC.

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET COBALT PHARMACEUTICALS INC.

défendeurs

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS

JOHANNE PARENT, officier taxateur

[1]               Le 12 février 2009, la Cour a fait droit à la demande que Lundbeck Canada Inc. [Lundbeck] a présentée sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [le Règlement sur les MB (AC)] en vue d’obtenir, en vertu du paragraphe 6(1), une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (médicaments brevetés) [AC (MB)] à la défenderesse Cobalt Pharmaceuticals Inc. [Cobalt], relativement à des comprimés d’escitalopram de 5 mg, 10 mg, 15 mg et 20 mg, avant l’expiration du brevet canadien no 1 339 452. La Cour a également rejeté la requête interlocutoire de Lundbeck en vue de produire de nouveaux éléments de preuve, le tout avec dépens, sauf qu’aucuns dépens n’ont été adjugés en faveur ou à l’encontre du ministre de la Santé.

[2]               Il convient de signaler que la demande de délivrance d’un AC (MB) dont il est question en l’espèce a été entendue de pair avec les demandes déposées dans le cadre des dossiers nos T‑372‑07 (Lundbeck Canada Inc. c Ministre de la Santé et Genpharm ULC) et T‑991‑07 (Lundbeck Canada Inc. c Ministre de la Santé et Apotex Inc.). Au paragraphe 19 des motifs de l’ordonnance (2009 CF 146), la Cour explique que ces demandes, même si elles ont été entendues les unes à la suite des autres en décembre 2008, sont distinctes et n’ont jamais été jointes. En fait, Lundbeck a obtenu dans le cadre de chaque instance une ordonnance de non‑divulgation, ce qui a eu pour effet que les trois dossiers sont demeurés distincts. Toutefois, la Cour a de plus précisé qu’étant donné que ces trois dossiers comportaient un grand nombre d’aspects identiques, elle rendait un seul ensemble de motifs.

[3]               Après la réception du mémoire de frais, une conférence téléphonique a été tenue avec les avocats de Lundbeck et de Cobalt en vue de régler le calendrier des contre-interrogatoires et l’échange de documents écrits. Cela a été suivi de directives écrites. À la suite des contre‑interrogatoires et du dépôt des observations écrites des parties, un avis de convocation a été délivré. L’audition de la taxation des dépens a eu lieu à Toronto (Ontario) le 4 juin 2014, et les avocats de Lundbeck et de Cobalt ont présenté des observations. À l’audience, l’avocat de Lundbeck a déposé un mémoire de frais remodifié, faisant état d’une réclamation de 69 815,20 $ en services taxables et de 182 601,65 $ en débours. Au début de l’audience, faisant référence aux alinéas 3 b), c) et e) de l’affidavit de Christian Leblanc, souscrit le 5 juillet 2013 [l’affidavit de M. Leblanc], l’avocat de Lundbeck a revu une fois de plus les montants réclamés. Malgré ces changements, le document joint au mémoire de frais remodifié, en vue de justifier les débours demandés, faisait état d’un montant total de 284 142,63 $, réparti comme suit : 120 245,63 $ pour les experts et 163 897,00 $ pour la totalité des autres débours. Le 13 août 2014, l’avocat de Lundbeck a présenté un document modifié une seconde fois au sujet des débours seulement, faisant état d’un montant total réclamé de 182 596,48 $ (119 410,45 $ en honoraires d’expert et 63 186,06 $ pour la totalité des autres débours).

I.                   Les arguments de Lundbeck

[4]               Selon l’affidavit de M. Leblanc, Lundbeck est une société pharmaceutique qui se spécialise dans le traitement des troubles du système nerveux central et qui est la titulaire du brevet canadien no 1 339 452, intitulé Énantiomères de citalopram et leurs dérivés. Il y est en outre précisé que l’escitalopram est l’énantiomère S du citalopram, un médicament racémique qui représente une part importante des recettes de Lundbeck au Canada. Après avoir reçu de Cobalt l’avis d’allégation relatif à l’escitalopram, Lundbeck a présenté une demande d’ordonnance en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les MB (AC). La preuve à l’appui de cette demande se composait des affidavits des personnes suivantes : Klaus B. Bøgesø, Klaus Gundertofle, Christian K-Jensen, Stewart Montgomery, Brian Clark, Steven Davies, Marie Gagné et Peter Davies.

[5]               À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Lundbeck a fait valoir que les montants réclamés sont raisonnables si l’on tient compte du fond général du dossier, du degré de travail requis dans un délai relativement court ainsi que de la difficulté à diviser les factures, vu que le travail relatif aux trois dossiers a été fait en même temps.

[6]               En fait, est-il allégué, comme chacun des fabricants de produits génériques (Genpharm/Mylan, Apotex et Cobalt) a contesté les demandes présentées en vertu du Règlement sur les MB (AC), Lundbeck a dû payer en fin de compte des frais juridiques et des débours pour prouver le fondement de ses allégations dans les trois dossiers, et non pas dans un de ceux-ci avant ou après les autres. De plus, le travail requis a été intense pour tous les membres de l’équipe affectée à ces dossiers car Lundbeck avait beaucoup à perdre. L’avocat a de plus fait valoir que même si la procédure relative à l’avis de conformité dans le présent dossier a été traitée en même temps que les dossiers T‑372‑07 et T‑991‑07 et que les témoins experts étaient presque les mêmes pour chaque dossier, l’affidavit de M. Leblanc précise qu’il a fallu faire des ajustements parce que les témoins experts devaient examiner la situation sous un angle différent pour chaque dossier, vu que la preuve des défendeurs était différente d’un dossier à un autre, relativement aux particularités de chaque produit générique. Cependant, compte tenu de la nature des ordonnances de non-divulgation qui s’appliquent à chaque dossier, la nature et l’étendue de ces ajustements ne peuvent pas être divulguées. Il a soutenu aussi qu’en raison du fait que les dossiers sont tous liés et que le travail des experts a été fait en même temps pour tous les dossiers, la plupart des contre-interrogatoires relatifs à ces derniers ont eu lieu au cours de la même période (d’avril à septembre 2008) et ont obligé des avocats à se rendre dans des villes ou des pays différents pour prendre part aux contre-interrogatoires des mêmes témoins experts, ce qui s’est soldé par un chevauchement des factures des experts, des frais de déplacement des experts et des avocats, etc. L’avocat de Lundbeck a expliqué que, compte tenu de ce qui précède, lorsqu’il était impossible de confirmer à quel dossier se rapportait le travail facturé à l’égard d’un dossier particulier, il avait séparé la facture entre les trois dossiers tout en prenant en compte les différentes allégations relatives à chaque produit générique et le fait que les experts avaient travaillé sur les trois dossiers en même temps et avaient établi de [traduction« manière holistique » leurs factures connexes. Il a allégué que Cobalt ne peut pas prétendre  que la preuve était identique et demander de ce fait une réduction parce qu’elle est le troisième dossier. Pour ce qui est de l’audition de la présente demande, allègue-t-il, bien que l’audition des deux autres dossiers ait duré cinq jours dans chaque cas, celle du présent dossier n’en a duré que trois, étant donné que la Cour avait déjà entendu certains des arguments techniques et scientifiques dans le cadre des deux autres dossiers.

[7]               L’avocat de Lundbeck a de plus soutenu qu’il avait tenté de négocier le mémoire de frais avec Cobalt, mais sans succès. Comme Cobalt n’avait pas répondu à ses tentatives de communication et de négociation des dépens, Lundbeck n’avait déposé son mémoire de frais que six mois après la décision de la Cour suprême du Canada. De plus, la manière dont Lundbeck s’était conduite, en produisant son mémoire de frais au moment où elle l’avait fait, n’avait pas prolongé inutilement la durée de l’instance, ni causé des dépenses supplémentaires, et l’alinéa 400(3)i) des Règles fait référence à la question principale soumise à la Cour, et non à la taxation des dépens. Il a ajouté que les différents mémoires de dépens envoyés plus tôt à l’avocate de Cobalt avaient été établis sous forme d’ébauche dans l’intention de négocier un règlement. Il s’agissait de documents privilégiés, présentés en vue d’une négociation, et ils ne devraient pas faire partie des documents de Cobalt dans le cadre de la présente taxation des dépens. Il a de plus mentionné que les mémoires de dépens relatifs aux dossiers mettant en cause Apotex et Genpharm/Mylan étaient réglés et que ces négociations en vue d’un règlement devaient rester confidentielles.

[8]               En discutant de la complexité du présent dossier et de la quantité de travail qu’il avait exigé, l’avocat de Lundbeck a fait valoir qu’il fallait faire droit à l’échelon supérieur de la colonne III du tarif B dans tous les cas car cela se justifiait par les questions juridiques et scientifiques nombreuses et particulièrement complexes qui avaient obligé à faire témoigner des experts de renom. Comme il est précisé au paragraphe 22 de l’affidavit de M. Leblanc :

[traduction
22. La preuve a été complexe et volumineuse. Les questions en cause comprenaient, notamment, les suivantes :

a) si l’on a contrefait ou non les revendications du brevet 452, lesquelles visent l’escitalopram, les méthodes de préparation de l’escitalopram et les compositions pharmaceutiques contenant de l’escitalopram;

b) si le brevet est invalide pour cause d’antériorité, d’évidence, d’insuffisance et d’ambiguïté ou si les revendications sont d’une portée plus large que l’invention;

c) en particulier, si l’ingestion de citalopram mène inévitablement à l’escitalopram;

d) si les moyens utilisés pour séparer les énantiomères, dont les colonnes chirales, les sels diastéréoisomères, les diastéréoisomères liés par covalence, la cyclisation du diol ainsi que les deux mécanismes de réaction décrits dans le brevet, étaient bien connus et couramment utilisés à la date pertinente;

e) si l’art antérieur divulgue les avantages supérieurs de l’escitalopram;

f) si le brevet 452 est un brevet de sélection;

g) s’il y a eu violation de l’article 53 de la Loi sur les brevets.

[9]               L’avocat a fait valoir que dans les trois dossiers les défendeurs ont allégué que le brevet relatif à l’« escitalopram » qui était en litige était un brevet de sélection, tandis que Lundbeck a soutenu que non. Comme l’indique l’affidavit de M. Leblanc, les autres arguments soulevés par l’avis d’allégation et auxquels Lundbeck a répondu en l’espèce portaient sur l’antériorité et l’évidence de l’escitalopram, l’ambiguïté du brevet, l’insuffisance de sa divulgation et l’anticipation de la molécule. Lundbeck a eu gain de cause devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale, tandis que la demande d’autorisation d’appel auprès de la Cour suprême de Cobalt a été rejetée. L’avocat a fait valoir qu’au vu de la décision rendue dans l’arrêt Interactive Sports Technologies Inc. c Canada (Procureur général), 2012 CAF 78, l’officier taxateur ne peut s’écarter de la colonne III du tarif B sans autres directives de la Cour. Il a cependant laissé entendre que, en l’espèce, les dépens sont justifiés à l’échelon supérieur de la colonne III car, dans une autre affaire soumise à la Cour qui mettait en cause Lundbeck et Apotex et qui portait sur la validité du brevet relatif à l’escitalopram, la Cour a ordonné que les dépens soient adjugés à l’échelon supérieur de la colonne IV.

[10]           Pour ce qui est du caractère suffisant de la preuve selon laquelle des paiements sur les factures ont été produits, l’avocat a fait valoir que la preuve décrite dans l’affidavit de M. Leblanc présente la totalité des factures, et il affirme qu’elles ont été payées. Dire le contraire reviendrait à soutenir que Lundbeck n’a pas payé ses factures. L’avocat a fait valoir que [traduction« le tarif B exige que les débours soient justifiés par une preuve satisfaisante » et que les éléments de preuve n’exigent pas tous comme preuve un reçu du payeur. Il a soutenu que, conformément aux décisions F‑C Research Institute Ltd. c Canada, 95 DTC 5583 (F-C Research), Carlile c Canada, 97 DTC 5284 (Carlile) et Teledyne Industries c Lido Industries, (1981) 56 C.P.R. (2d) 93 (Teledyne), l’officier taxateur peut accepter une preuve par affidavit qui indique que les montants ont été engagés et payés. De plus, l’officier taxateur, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, doit s’efforcer de conclure ce qui est plus ou moins probant : le fait qu’on ne mentionne pas expressément qu’une facture a été payée ne veut pas dire qu’elle ne l’a pas été. Il a ajouté que les factures sont jointes à l’affidavit de M. Leblanc, que les montants sont raisonnables et que Lundbeck les a fort probablement payées. Il a conclu que le fait de croire le contraire mènerait à un résultat absurde. L’officier taxateur n’a pas besoin d’une preuve absolue mais d’une preuve satisfaisante pour déclencher le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour déterminer ce qui est raisonnable et nécessaire dans les circonstances. Se reportant à la décision rendue dans l’affaire Merck & Co. C Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 312 (Merck), au paragraphe 69, il a finalement soutenu que, comme dans cette affaire, l’officier taxateur peut faire droit à des débours même quand l’affidavit présenté à l’appui du mémoire de frais ne contient pas de détails précis.

II.                Les arguments de Cobalt

[11]           En réponse, l’avocate de Cobalt a corroboré que Cobalt était le troisième fabricant de produits génériques à donner suite à un avis de conformité relatif à l’escitalopram et que l’audition de cette troisième demande de délivrance d’un AC (MB) avait eu lieu en décembre 2008, après les audiences relatives aux dossiers nos T‑372‑07 et T‑991‑07. Lors de l’audience de taxation, elle a soutenu qu’étant donné que le présent dossier était entendu en dernier, une part importante du travail réalisé dans les dossiers nos T-372-07 et T-991-07 avait réduit la quantité de travail requise pour le présent dossier, et que la majeure partie du travail avait été accomplie dans le cadre du premier dossier. L’avocate de Cobalt a fait valoir qu’il n’y avait pas assez de documents dans le dossier, ce qui faisait qu’il était [traduction« vraiment difficile de savoir quel est le juste montant que Cobalt devrait payer, compte tenu du manque de détails ». Cependant, a-t-elle ajouté, Cobalt ne devrait pas se retrouver à financer Genpharm/Mylan et Apotex. Le fait que Lundbeck ait opté pour [traduction] « ce qu’elle a appelé une approche holistique », en réalisant en même temps et en facturant ensemble le travail relatif aux trois dossiers, n’empêchait pas Lundbeck de tenir des documents adéquats qui séparaient les trois dossiers, et qu’il ne faudrait pas pénaliser Cobalt à cause de la manière dont Lundbeck avait procédé. Dans le dossier de réponse et les arguments verbaux de Cobalt, il a été allégué que le travail relatif aux trois dossiers avait été réalisé simultanément, que les contre‑interrogatoires relatifs aux trois dossiers avaient eu lieu à peu près en même temps, c’est‑à-dire à l’été et au début de l’automne de 2008, que les dépositions des témoins de Lundbeck étaient essentiellement les mêmes dans chacun des trois dossiers et que [traduction« si l’on examine simplement à première vue les documents, il y a eu nettement moins de travail dans le dossier de Cobalt ». L’avocate a affirmé que, lorsqu’on lui a demandé si Lundbeck avait déposé des affidavits des mêmes témoins experts et des faits dans le cadre des trois dossiers, Christian Leblanc, en contre-interrogatoire sur son affidavit, a répondu qu’il n’était [traduction« pas sûr s’il y avait de légères différences » et qu’il lui faudrait vérifier les autres dossiers, tout en gardant à l’esprit les ordonnances de non-divulgation de la Cour. L’avocate a soutenu que lorsqu’on lui a demandé si les dépositions des témoins étaient essentiellement les mêmes, M. Leblanc a ajouté que cela était [traduction« difficile à savoir, mais je dirais essentiellement les mêmes, et que quelques ajustements ont été faits dans chaque dossier ». L’avocate a soutenu que, compte tenu des propos tenus lors du contre-interrogatoire de M. Leblanc, la preuve fournie par les témoins a été la même ou fort semblable, à l’exception seulement de quelques ajustements à effectuer, et que, compte tenu des ordonnances de non-divulgation, Cobalt n’a pas été informée de la nature de ces ajustements. L’avocate de Cobalt a soutenu qu’en raison des ordonnances de non-divulgation rendues, il incombe à Lundbeck de justifier le montant des dépens et de produire les renseignements requis.

[12]           Cobalt est d’avis qu’il faudrait réduire les dépens car Lundbeck ne nie pas que la preuve était essentiellement la même, elle ne peut pas justifier les montants et, compte tenu des ordonnances de non-divulgation, elle ne peut pas répondre à des questions précises en vue de clarifier ces points. En réponse aux débours réclamés, l’avocate de Cobalt a invoqué, dans ses observations en réponse, le paragraphe 1(4) du tarif B des Règles. Au paragraphe 122, elle a indiqué :

[traduction
122.     Dans la présente affaire, l’avocat de Lundbeck a admis qu’il réclame non pas des montants qui ont été payés ou sont à payer par sa cliente, mais des montants qu’il a sélectionnés et choisis en fonction d’un mandat et sur l’« avis de la cliente ». L’avocat de Lundbeck a par ailleurs admis qu’il n’a pas produit un compte rendu complet des débours qu’il réclame.

[13]           L’avocate de Cobalt a soutenu, conformément à la décision IBM Canada Ltd. c Xerox of Canada Ltd., [1976] ACF no 124, qu’un officier taxateur ne devrait pas accepter d’emblée un affidavit, mais examiner la qualité des preuves présentées. Faisant référence au contre‑interrogatoire de M. Leblanc, elle a ajouté qu’à l’exception de certains montants la preuve selon laquelle les débours réclamés ont bel et bien été payés ou sont à payer ne figure pas dans le dossier de Lundbeck. Cela est particulièrement important, a-t-elle soutenu, car, selon l’affidavit de M. Leblanc, tout le travail relatif aux trois dossiers (Cobalt, Genpharm/Mylan et Apotex) a été accompli simultanément et [traduction« rien n’a été fait à l’époque pour que les débours soient distincts ». Invoquant les décisions Advance Magazine Publishers Inc. c Farleyco Marketing Inc., [2010] ACF no 844 et Hoffman-La Roche Ltd. c Apotex Inc. [2013] ACF no 1370, l’avocate de Cobalt a fait valoir que [traduction« moins il y a d’éléments de preuve produits, plus la partie réclamante dépend du pouvoir discrétionnaire de l’officier taxateur, lequel pouvoir doit être exercé de façon modérée, par souci d’austérité en matière de taxation des dépens, afin d’éviter que le payeur de ces derniers subisse un préjudice ». Elle a précisé que sa cliente ne conteste pas la jurisprudence, qui dit qu’il n’est pas nécessaire d’assortir de reçus le moindre élément [traduction« si l’on dispose d’un affidavit d’un avocat qui précise que des montants ont été payés ». Elle a de plus fait remarquer que l’affidavit de M. Leblanc indique que les dépenses ont été engagées, mais qu’il n’y est pas mentionné que le client a été facturé ou que les montants ont été payés. Au paragraphe 3 de l’affidavit de M. Leblanc, il est indiqué : [traduction« [j]e joins les pièces suivantes au présent affidavit à l’appui du mémoire de frais modifié », et cet énoncé est suivi d’une liste des pièces joignant divers reçus et factures. L’avocate de Cobalt a soutenu en outre que les alinéas 3 g) et suivants de l’affidavit indiquent : [traduction] « Reçus faisant état de dépenses engagées par l’avocat de Lundbeck […] », tandis que les alinéas 3 m) et n) précisent : [traduction] « Dépenses facturées à Lundbeck ». Elle a fait valoir que la pièce 15 jointe à l’affidavit présente un rapport regroupant tous les débours engagés par le cabinet d’avocats dans le cadre de la présente affaire et que, comme l’indique un examen des différentes inscriptions, le rapport contient de nombreuses réclamations non liées à Cobalt. Elle a soutenu qu’aucune preuve ne montre que ces débours sont expressément liés à Cobalt, et elle s’est demandée si le mot [traduction« affaire » qui est mentionné dans l’affidavit renvoie à [traduction« l’affaire de l’escitalopram ». Par ailleurs, la ventilation de ces chiffres aurait dû être faite dans l’affidavit de M. Leblanc, et non pas fournie par l’avocat lors du contre-interrogatoire de M. Leblanc ou pendant l’audience relative à la taxation. L’avocate de Cobalt a également soutenu qu’étant donné le manque de preuves et les montants que Lundbeck a déjà recouvrés de Genpharm/Mylan et d’Apotex, Cobalt ne devrait pas subir un préjudice et avoir à payer des dépens engagés dans les affaires relatives à Genpharm/Mylan et Apotex. Elle a ajouté que dans la mesure où l’on ne fournit pas de preuves indiquant que les dépens et les débours en question sont liés à Cobalt, ils ne le sont pas.

[14]           En réponse à l’argument selon lequel Cobalt n’a pas tenu compte des propositions de règlement de Lundbeck au sujet des dépens, l’avocate de Cobalt a soutenu, d’une part, qu’il n’y a dans le dossier aucune preuve que des appels téléphoniques sont restés sans réponse et, d’autre part, que l’on a répondu à toutes les lettres écrites; Lundbeck n’a donc pas raison d’inférer que toutes les autres parties, à l’exception de Cobalt, ont accepté de négocier. L’avocate de Cobalt a ajouté que Cobalt ignorait le montant des dépens réclamés par Lundbeck, ou payés par elle dans les deux autres dossiers. Pour ce qui est du fait de persister à défendre le mémoire de frais, Cobalt a invoqué l’arrêt Urbandale Realty Corp. c Canada, 2008 CAF 167, au paragraphe 21. Il a de plus été allégué dans les observations écrites que l’avocat de Lundbeck a envoyé à Cobalt des versions différentes de ses mémoires de dépens le 19 janvier 2010, le 16 mars 2012, le 16 avril 2013 et le 5 juillet 2013, en réduisant chaque fois les dépens réclamés. Du point de vue de Cobalt, ces documents n’étaient ni confidentiels ni « sous toutes réserves » puisqu’ils n’étaient pas désignés comme tels ou ne faisaient pas l’objet d’une entente de confidentialité entre les parties. Selon l’avocate, au paragraphe 150 des motifs de son ordonnance la Cour a conclu que Lundbeck avait droit à un mémoire de frais dans le cadre de chacune des trois demandes, sans préciser s’il fallait que ce mémoire soit égal dans les trois cas, et Cobalt est d’avis que, conformément au paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales [les Règles] et à la décision Shotclose c Première Nation de Stoney, 2011 CF 1051, c’est l’officier taxateur qui a le pouvoir discrétionnaire absolu de faire la part des montants réclamés.

III.             La décision

[15]           Selon mon interprétation du paragraphe 6 des motifs d’ordonnance prononcés dans le présent dossier (2009 CF 146), les principales questions soumises à la Cour étaient la validité du brevet et le fait de savoir s’il fallait interdire ou non au ministre de délivrer un avis de conformité à Cobalt, ou aux autres défendeurs. L’instance n’a pas servi à trancher la question de la contrefaçon. Invoquant les facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles, l’avocate de Cobalt soutient que le présent litige n’était pas complexe et qu’il s’agissait d’une répétition des litiges concernant les deux autres fabricants de produits génériques utilisant l’escitalopram. En revanche, l’avocat de Lundbeck soutient que les trois dossiers étaient importants et mettaient en cause des procédures complexes, fondées sur le Règlement sur les MB (AC), qui soulevaient des questions de droit et de fait difficiles, et que le présent dossier revêtait une grande importance, d’où la réclamation de dépens situés à l’extrémité supérieure de la colonne III pour tous les services taxables. Les deux parties conviennent que l’officier taxateur peut prendre en compte les facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles pour taxer les dépens. La Cour a fait droit aux demandes de délivrance d’un AC (MB) de Lundbeck, avec dépens, dans chacun des dossiers. Lundbeck n’ayant pas demandé à la Cour de donner des directives précises à l’officier taxateur (article 403 des Règles), l’officier qui taxe les dépens de Lundbeck ne peut qu’exercer son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur le nombre d’unités prévues par la colonne III du tableau du tarif B, tout en se reportant à l’article 409 des Règles, qui l’autorise à prendre en considération les facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles.

[16]           La prémisse qui sous-tend l’argument qu’invoque Lundbeck pour réclamer le nombre maximal d’unités pour chaque service réclamé en vertu du tarif B est qu’elle a eu entièrement gain de cause dans la conduite des litiges devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale. Quand on lit les décisions qui ont été rendues par les deux Cours, de même que les documents figurant dans le dossier et les arguments des avocats, il ne fait aucun doute que la présente affaire était extrêmement importante pour toutes les parties en cause et qu’elle soulevait un certain nombre de questions scientifiques complexes. Je suis toutefois d’avis que, même si la validité du brevet a été attaquée sur plusieurs fronts, il ne s’agissait pas d’une affaire de brevet des plus complexes. En revanche, après avoir passé en revue les dossiers, de même que les contre‑interrogatoires, il est évident que la présente affaire a nécessité une quantité de travail considérable, mais sans excéder celle d’une action en brevet moyenne.

[17]           L’avocate de Cobalt a soulevé la question du partage de la responsabilité (alinéa 403d) des Règles), en insistant pour dire que la quantité de travail requise et pertinente à l’égard du dossier de Cobalt était inférieure si l’on considère que Cobalt était le troisième de trois dossiers d’AC (MB) consécutifs qui avaient été préparés et défendus au sujet de l’escitalopram. À cet égard, les arguments et la preuve de Lundbeck (l’affidavit de Christian Leblanc) n’ont pas réussi à me convaincre que le travail accompli dans le dossier de Cobalt a été très différent de celui qui a été réalisé dans les dossiers d’Apotex et de Genpharm/Mylan. L’avocate de Cobalt a de plus fait valoir qu’une partie ou la totalité des dépens réclamés à l’encontre de Cobalt dans le mémoire de frais ont déjà été supportés par Apotex et Genpharm/Mylan. Faisant référence au contre-interrogatoire de M. Leblanc ainsi qu’aux arguments de Lundbeck à propos des [traduction« légères différences » entre les rapports des témoins experts dans les trois dossiers, elle a soutenu qu’il faudrait exclure le privilège rattaché aux règlements relatifs aux dépens entre Lundbeck et Apotex et Genpharm/Mylan des ordonnances de non-divulgation rendues à l’égard de ces dossiers afin d’éviter de sur-indemniser Lundbeck (Dos Santos c Sun Life Assurance Co. of Canada, 2005 BCCA 4, aux paragraphes 37 et 39 (Dos Santos)). L’avocat de Lundbeck a plaidé la légitimité de l’ordonnance de non-divulgation dans le dossier, ajoutant par ailleurs dans ses observations écrites que [traduction« les ententes de règlement sont privilégiées et ne sont donc ni admissibles en tant que preuve ni pertinentes à l’égard de la présente affaire; l’officier taxateur ne peut donc tirer aucune inférence défavorable à cet égard ».

[18]           Je suis consciente que les ententes de règlement sont habituellement protégées par le privilège du secret professionnel de l’avocat. En outre, l’ordonnance de non-divulgation que la Cour a signée dans les dossiers T-1395-07, T-372-07 et T-991-07, de pair avec mon interprétation du paragraphe 24 de l’ordonnance de non-divulgation rendue dans le cadre du présent dossier, m’amènent à comprendre que l’ordonnance demeure en vigueur, car il y est indiqué que [traduction« les dispositions de la présente ordonnance demeureront en vigueur après la décision finale en l’instance et la Cour conservera sa compétence pour connaître de toute question relevant de la présente ordonnance, y compris notamment son exécution ». Et d’ajouter la Cour, au paragraphe 25 :

[traduction] Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour saisie de l’affaire pourra statuer sur les modalités de l’utilisation des renseignements confidentiels ou des renseignements confidentiels à diffusion restreinte, et sur le maintien du caractère confidentiel de ceux-ci au cours de toute audience tenue en l’instance.

[19]           Compte tenu du libellé des ordonnances de non-divulgation qui figurent dans les trois dossiers, j’estime qu’il faudrait que ce soit la Cour qui reconnaisse l’exception au « privilège » relatif aux négociations entourant le règlement des dépens dans le présent dossier ainsi que dans les dossiers T-372-07 et T-991-07, car l’officier taxateur, n’étant pas membre de la Cour, ne peut rien faire au sujet de la divulgation des renseignements relatifs à ces dossiers. Pour en revenir à la décision rendue dans l’affaire Dos Santos (précitée) ainsi qu’à l’exception au « privilège général » en matière de règlement, je suis consciente qu’une divulgation complète au sujet des négociations entourant le règlement aurait été pertinente. Cependant, je ne suis pas convaincue que s’il avait été demandé à la Cour d’exclure les négociations entourant le règlement du cadre des ordonnances de non-divulgation rendues dans les dossiers nos T-372-07 et T-991-07, cela aurait été absolument nécessaire dans les circonstances de la présente affaire.

[20]           La détermination du caractère raisonnable des services et des débours réclamés dans le mémoire de frais de Lundbeck fera appel à un pouvoir discrétionnaire élevé. Dans l’arrêt Merck & Co. c Apotex Inc., 2008 CAF 371, la Cour d’appel fédérale a clairement souligné le vaste pouvoir discrétionnaire dont jouissent les officiers taxateurs :

[14]      Compte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire. Tout comme les officiers dans d’autres décisions récentes, l’officier taxateur dans une affaire complexe comme celle‑ci, où des sommes très importantes sont en jeu, a pleinement motivé sa décision sur la base d’un examen minutieux de la preuve dont il disposait et des principes généraux du droit applicable.

[21]           Dans le cas présent, je suis consciente qu’un certain chevauchement était certes inévitable dans la prestation des services juridiques relatifs aux dossiers de Genpharm/Mylan et d’Apotex. Lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, quand il a été interrogé sur la grande similitude entre les dépositions des témoins dans les trois dossiers, M. Leblanc a indiqué, à la page 14 de la transcription, que c’était [traduction« difficile à préciser, mais je dirais essentiellement les mêmes, mais il a fallu faire quelques ajustements dans chaque dossier ». Bien que je partage les réserves de Cobalt au sujet d’un travail répétitif et d’un chevauchement possible d’une affaire à une autre, je suis d’avis que les avocats de Lundbeck ne pouvaient pas présumer quels étaient le travail et les positions des experts dans chaque dossier, pas plus que les détails qu’il était possible de transplanter d’un dossier à un autre. Dans ses motifs d’ordonnance, la Cour laisse entendre qu’un important travail de préparation de dossier a été nécessaire pour les trois affaires et bien qu’elle traite de conclusions semblables dans son évaluation selon laquelle le brevet canadien no 1 339 452 n’est pas un brevet de sélection, elle traite également d’allégations et d’autres questions, justifiées ou non, qui n’étaient pas communes à chacune. Compte tenu du fait que les demandes dont il est question dans ces dossiers ont été signifiées et déposées à quelques mois d’intervalle les unes des autres et que les audiences ont eu lieu à quelques semaines d’intervalle les unes des autres, je suis d’accord avec l’avocat de Lundbeck que, compte tenu de l’échéancier court et très semblable de ces instances, il est presque impossible de savoir lequel des trois dossiers a été examiné en premier, en deuxième ou en troisième et dans quelle mesure il faudrait considérer qu’il s’agit là d’un facteur à prendre en compte car je ne crois manifestement pas qu’un fabricant de produits génériques devrait supporter le fardeau pour les deux autres. Cela dit, les allégations plaidées dans chacune des demandes de délivrance d’un AC (MB) ne m’ont pas été soumises en preuve et, compte tenu de l’échéancier des trois dossiers, je suis persuadée que les contre-interrogatoires et l’audience concernant le dossier de Cobalt, qui se sont déroulés dans le même échéancier ou quelques semaines après les dossiers de Genpharm/Mylan et d’Apotex, ont obligé les avocats de Lundbeck à faire une préparation minutieuse. Par conséquent, je traiterai explicitement de la question de la répartition des dépens réclamés pour les trois dossiers au moment de taxer les services et les débours particuliers qui se rapportent à la présente affaire. La Cour a adjugé des dépens distincts dans chaque dossier et, en l’absence d’une preuve convaincante, les références faites aux autres dossiers dans la présente taxation de dépens devraient se limiter aux circonstances dans lesquelles les services se sont visiblement chevauchés.

[22]           Pour ce qui est des dépens, je ne crois pas que Lundbeck, dans le cadre du présent dossier, s’est conduite d’une manière qui a eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l’instance. Disons tout d’abord que la Loi sur les Cours fédérales ou les Règles y afférentes ne fixent aucun délai pour le dépôt du mémoire de frais d’une partie. De plus, je ne crois pas que le fait que Lundbeck ait attendu la décision de la Cour suprême du Canada sur l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Cour d’appel fédérale soit le genre de conduite qui prolonge inutilement une instance. Le fait que Lundbeck ait déposé son mémoire de frais initial quatre ans après la décision de la Cour fédérale mais quelques mois après la décision de la Cour suprême du Canada sur l’autorisation d’interjeter appel n’est pas ce que je considèrerais comme un long délai. De plus, la manière dont Lundbeck a soumis à la partie adverse des mémoires de frais modifiés pendant tout le processus n’est pas ce que j’appellerais une conduite répréhensible. J’estime plutôt qu’il s’agit d’une tactique de négociation entre avocats et je ne pense pas qu’en l’espèce cette tactique ait grandement nui au processus ou prolongé inutilement ce dernier. En conséquence, la décision de Lundbeck de déposer son mémoire de frais quatre ans et demi après que la Cour fédérale a rendu sa décision ne devrait avoir aucune incidence sur la taxation des dépens.

[23]           Pour ce qui est des débours, le rôle de l’officier taxateur consiste à déterminer si des dépens ont été engagés et, une fois que cela est établi, s’ils étaient raisonnables et nécessaires. Comme l’indique le paragraphe 1(4) du tarif B : « [à] l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation. » Cette règle ne présente aucune ambiguïté. Seul le fait que des débours ont été payés ou sont payables peut être établi par la voie d’un affidavit ou par des avocats qui comparaissent, et non leur caractère raisonnable. Ce n’est qu’une fois que l’officier taxateur est convaincu que les dépens ont été engagés qu’il est possible d’en déterminer le caractère raisonnable et la nécessité.

[24]           Comme il a été souligné au début des présents motifs ainsi que par l’avocate de Cobalt dans ses observations, les montants que réclame Lundbeck dans son mémoire de frais initial et remodifié varient considérablement. Pour ce qui est des débours, l’avocate a signalé de plus dans ses observations écrites :

[traduction
16.       Dans le mémoire de frais modifié daté du 5 juillet 2013, ainsi que dans l’affidavit de M. Leblanc, l’avocat de Lundbeck a indiqué les montants réclamés à titre de débours sous la forme de 14 éléments distincts. Cependant, en contre-interrogatoire, il a reconnu que dans bien des cas les montants réclamés dans son mémoire de frais modifié ne correspondent pas à ceux qui apparaissent dans les pièces jointes à l’affidavit de M. Leblanc. Il a indiqué que dans les cas où il n’a fourni aucune preuve documentaire à l’appui d’un montant réclamé, il ne réclame pas à vrai dire ce montant.

La transcription de l’interrogatoire de Christian Leblanc sur son affidavit comporte également ce qui suit, aux pages 20 et 21 :

[traduction
Me Heather E.A. Watts

Q. D’accord, et nous venons tout juste d’en parler brièvement, certains des documents apparaissant dans cette liste sont inclus dans l’affidavit, et d’autres pas.

R. Mmm-mmm.

Q. J’ai donc raison de présumer que le total auquel vous arrivez à la fin, où vous avez dit que c’est 285, je crois.

281.

Me Hilal Elayoubi

231.

Me Heather E.A. Watts

Q. 235 601,79 $. Et ensuite le montant que vous réclamez est inférieur à cela, 194 705 $.

R. 194 705,92 $ ce montant va changer après les corrections que Me Elayoubi a effectuées.

Q. Bien sûr.

R. … mais, en gros, oui.

Q. Donc, ai-je raison de présumer que dans ce tableau, s’il y a un document qui n’est pas joint à l’affidavit, il s’agit d’un document dont le montant n’est pas inclus dans le total?

R. Oui.

Et, aux pages 67 et 68 :

[traduction
Me Heather E.A. Watts

Q. D’accord, et je crois vous avoir déjà posé la question, mais je veux juste être sûre de la réponse. Donc, dans la mesure où nous avons ici des documents qui ne sont pas inclus dans l’affidavit, il s’agit bien de montants que vous ne réclamez pas, n’est-ce pas? Donc, par exemple, là où l’on voit la quatrième inscription au point B, Alain Leclerc, ce document-là ne figure dans aucune des pièces, est-ce là un montant qui n’est pas réclamé?

R. Oui.

Q. Est-ce exact?

R. Oui, c’est exact.

[25]           La preuve prima facie des débours engagés en l’espèce, telle que présentée dans l’affidavit de M. Leblanc, a été contestée par l’avocate de Cobalt lors du contre-interrogatoire de M. Leblanc, tenu le 17 décembre 2013. Comme l’a fait remarquer l’avocate de Cobalt, à cause du manque de détails suffisants et exacts il est plus compliqué d’obtenir la preuve absolue que l’on recherche. À l’appui de sa prétention concernant la qualité et l’insuffisance des éléments de preuve, l’avocate de Cobalt a fait référence à la décision IBM Canada Ltd. c Xerox of Canada Ltd., [1976] ACF no 124, à l’arrêt Advance Magazine Publishers Inc. c Farleyco Marketing Inc., 2010 CAF 143 et à la décision Hoffman-La Roche Ltd. c Apotex Inc., 2013 CF 1265.

[26]           En réponse, l’avocat de Lundbeck a invoqué les décisions F-C Research (précitée), Carlile (précitée) et Teledyne (précitée). Dans F‑C Research, s’inquiétant du manque de preuves suffisantes pour justifier les dépenses, l’officier taxateur a déclaré :

12        À mon avis, dans un mémoire, la simple énumération des débours, accompagnée d’une description générale et appuyée seulement d’une déclaration laconique relative au caractère raisonnable et nécessaire des débours, ne fournit pas suffisamment d’éléments d’information à partir desquels l’officier taxateur peut s’acquitter de ses fonctions et arriver à la conclusion que les débours réclamés étaient essentiels à la conduite des procédures, qu’ils ont été engagés avec prudence ou que la quantité ou le taux retenu, selon le cas, était raisonnable dans les circonstances. Cette conclusion se fonde également sur les principes dégagés par la Cour dans Aladdin Industries Inc. c. Canadian Thermos Products Ltd., [1973] C.F. 942, 12 C.P.R. (2d) 24 (1re inst.); Red Owl Foods (Alta.) Ltd. c. Red Owl Stores Inc. (1971) C.P.R. (2d) 266 (C.F. 1re inst.); Teledyne Industries c. Lido Industries (1981) 56 C.P.R. (2d) 93; Diversified Products Corporation c. Tye-Sil Corporation Limited, no du greffe T-1565-85, non publié, 22 novembre 1990, le juge Teitelbaum. À partir de ces décisions, je conclus, premièrement, qu’il serait inopportun de ne pas demander davantage de précisions sur les débours, malgré l’absence apparente de contestation de la part des autres personnes intéressées. Deuxièmement, les débours doivent être appuyés d’une preuve qui établit, de façon satisfaisante, que les frais réclamés satisfont aux critères du caractère raisonnable et de la nécessité. Les défendeurs sont loin d’avoir satisfait à cette exigence en l’espèce, en sorte que les débours réclamés sur le fondement du paragraphe 1.(3) du tarif B doivent être refusés.

[27]           Dans Carlile, l’officier taxateur signale que du travail a été manifestement fait mais qu’en raison du manque de preuves appropriées qui expliquent toutes les inscriptions, il a été difficile, voire impossible, d’attribuer le bon montant d’indemnisation. Il a de plus ajouté :

Les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés. Cela signifie que l’officier taxateur doit jouer un rôle subjectif au cours de la taxation. Dans les motifs que j’ai formulés le 2 novembre 1994 dans Youssef Hanna Dableh c. Ontario Hydro, no de greffe T-422-90, j’ai cité, à la page 4, une série de motifs de taxation indiquant le raisonnement à suivre en matière de taxation des frais. La décision que j’ai rendue dans l’affaire Dableh a été portée en appel, mais le juge en chef adjoint a rejeté cet appel dans un jugement motivé en date du 7 avril 1995. J’ai examiné les débours réclamés dans les présents mémoires de frais d’une façon compatible avec ces différentes décisions. De plus, à la page 78 de l’ouvrage intitulé Phipson On Evidence, quatorzième édition (Londres : Sweet & Maxwell, 1990), il est mentionné, au paragraphe 4-38, que [traduction] « la norme de preuve exigée en matière civile est généralement décrite comme le fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités ». Par conséquent, le déclenchement de la procédure de taxation ne devrait pas se traduire par une hausse de ce fardeau vers un seuil absolu. Si la preuve n’est pas absolue pour le plein montant réclamé et que l’officier taxateur est saisi d’une preuve non contredite, bien qu’infime, indiquant qu’un montant a effectivement été engagé pour le déroulement du litige, il n’aura pas exercé une fonction quasi judiciaire en bonne et due forme en décidant de taxer l’élément à zéro comme seule solution de rechange à l’octroi du plein montant. Les litiges semblables à celui de la présente action ne se déroulent pas uniquement grâce à des dons de charité versés par des tierces parties désintéressées. Selon la prépondérance des probabilités, il serait absurde de n’accorder aucun montant à la taxation.

Il convient de signaler le commentaire fait au sujet de la norme de preuve exigée et du rôle subjectif que joue l’officier taxateur pour veiller à ce que la partie réclamante obtienne le remboursement approprié des dépenses engagées et à ce que l’on n’impose pas de dépenses inappropriées à la partie adverse.

[28]           Dans la décision Teledyne, la Cour confirme le pouvoir de l’officier taxateur tout en ajoutant qu’il n’est pas nécessaire que toutes les dépenses soient justifiées par un reçu :

23        Dans la taxation d’un mémoire de frais entre parties, il est en principe erroné d’accepter la validité d’un débours sans demander de renseignements, et la question devrait être examinée : voir à cet égard l’affaire IBM v. Xerox, précitée, p. 186. Naturellement, la validité de tous les débours, même lorsque ces derniers ont été faits à juste titre, doit être établie d’une manière que l’officier taxateur juge satisfaisante. Cela ne veut cependant pas dire que tous les articles de dépense doivent être rigoureusement justifiés par un reçu du bénéficiaire. Il y a d’autres façons de prouver qu’une facture a été acquittée. À mon avis, le protonotaire a eu parfaitement raison d’accorder ces frais, car ils ont été manifestement engagés, à juste titre, en rapport avec les divers interrogatoires préalables. La somme intégrale est donc taxable.

[29]           Dans la décision Abbott Laboratories c Canada, 2008 CF 693 (Abbott‑2), l’officier taxateur a résumé la situation à laquelle sont confrontés les officiers taxateurs dans des circonstances de cette nature :

Je ne veux cependant pas dire que les plaideurs peuvent s’en tirer sans produire aucun élément de preuve, en se fiant à l’appréciation et à l’expérience de l’officier taxateur. La preuve dans la présente espèce n’a rien d’absolu, mais je pense que les dossiers respectifs de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale contiennent suffisamment d’éléments pour me permettre d’évaluer les efforts et les frais qu’il fallait pour plaider raisonnablement et suffisamment la cause d’Apotex. Le manque de renseignements détaillés rend difficile d’établir avec certitude si l’approche la plus efficiente a en fait été suivie ou s’il n’a pas été donné d’instructions erronées exigeant un travail correctif, comme c’était par exemple le cas dans Halford. L’insuffisance de la preuve des faits relatifs à chacun des éléments de dépenses rend difficile pour le défendeur à la taxation et l’officier taxateur de se convaincre de la nécessité raisonnable de chacun de ces éléments. Moins il y a de preuve, plus la partie qui demande la taxation doit s’en remettre au pouvoir discrétionnaire de l’officier taxateur, lequel doit l’exercer de manière prudente, en ne perdant pas de vue le principe d’austérité qui doit présider à la taxation, afin de ne pas porter préjudice à la partie condamnée aux dépens. Cependant, la conduite d’un litige exige de réelles dépenses : la taxation des dépens à zéro dollar serait absurde.

[30]           Je suis consciente que les exigences d’un litige à cette échelle peuvent faire obstacle à un suivi précis des dépens et des débours et que l’avocat de Lundbeck, en tentant de faire le suivi des factures, n’a pas toujours pris les mesures nécessaires pour justifier les débours engagés dans le cas de Cobalt. Il était néanmoins chargé d’en faire la preuve. À l’instar de mes prédécesseurs, je considère qu’une taxation à zéro dollar est un résultat absurde quand, comme en l’espèce, il est évident que l’on a engagé des dépenses. Cependant, il devient difficile d’évaluer le caractère raisonnable lorsqu’on est confronté à des preuves semblables à celles qui m’ont été fournies, eu égard aux points de vue bien ancrés et divergents des avocats inscrits au dossier. L’affidavit de M. Leblanc ainsi que les pièces qui y sont jointes auraient certes pu fournir des informations plus précises et exactes et, compte tenu de la jurisprudence antérieurement citée ainsi que des contre‑interrogatoires et des arguments qui m’ont été soumis, ces documents n’établissent pas forcément l’existence d’un droit absolu à une compensation des montants présentés. Lundbeck a fait le choix de défendre les demandes de délivrance d’un AC (MB) présentées dans le cadre des trois dossiers (Cobalt, Genpharm/Mylan et Apotex) de façon concomitante ou, comme il a été indiqué, de [traduction« manière holistique ». Je suis d’avis que Cobalt n’a pas à être pénalisée par le choix qu’a fait Lundbeck de ne pas tenir systématiquement des documents distincts pour chaque dossier. Cependant, compte tenu des preuves présentées au sujet des dépenses réclamées, il ressort clairement du dossier de la Cour ainsi que des arguments des parties qu’il y a eu plusieurs contre-interrogatoires et que des factures, bien qu’imprécises à l’occasion, ont été produites par Lundbeck afin de montrer le travail que des experts ont accompli en l’espèce.

[31]           Conformément au paragraphe 1(4) du tarif B, au moment de taxer les débours réclamés l’officier taxateur doit s’assurer que les dépenses, une fois qu’elles ont été prouvées, satisfont au critère de la nécessité et du caractère raisonnable. Ainsi qu’il est indiqué dans la décision Engine & Leasing Co. c Atlantic Towing Ltd (93 FTR 181), les frais d’expert ne font pas l’objet d’un recouvrement automatique :

J’aimerais faire remarquer au départ qu’il s’agit de dépens entre parties. Il est bien établi que les parties ne peuvent pas recouvrer tous leurs frais en pareil cas. De plus, l’indemnité versée au témoin expert pendant l’instruction au taux horaire qui est accordé à celui‑ci pour se préparer peut être considérée comme trop généreuse. En outre, l’idée selon laquelle les avocats peuvent engager des frais de témoin expert pour lesquels ils seront pleinement indemnisés s’ils ont gain de cause n’est pas fondée.

[32]           Dans les circonstances de l’espèce, je considère que les commentaires formulés dans la décision Abbott-2 (précitée) sont utiles :

[70]      Je professe toujours l’opinion, que j’ai souvent exprimée dans le prolongement de l’approche illustrée par Carlile (en date du 8 mai 1997), ainsi que des observations formulées par lord Russell à la page 608 de Re Eastwood (deceased) (1974), 3 All E.R. 603, selon lesquelles la taxation des dépens est [traduction] « une forme de justice grossièrement déterminée, au sens où elle consiste pour une grande part en approximations raisonnées » – je professe toujours, dis‑je, l’opinion qu’on peut user d’une certaine marge d’appréciation pour parvenir, en matière de dépens, à un résultat raisonnable et équitable pour les deux parties. Il me semble que ce point de vue est étayé par les commentaires que proposent des articles 57 et 58 des Règles le juge James J. Carthy, W.A. Derry Millard et Jeffrey G. Gowan dans Ontario Annual Practice 2005-2006, Aurora (Ont.), Canada Law Book, 2005, commentaires selon lesquels la taxation des dépens est plutôt un art que l’application de règles et de principes, en ce qu’elle met en œuvre l’impression générale produite par le dossier et les questions en litige, ainsi que le jugement et l’expérience de l’officier taxateur, aux prises avec la tâche difficile d’équilibrer les effets de facteurs qui peuvent être à la fois multiples et aussi bien subjectifs qu’objectifs.

[33]           La Cour d’appel fédérale s’est prononcée elle aussi sur la question de la « justice grossièrement déterminée » dans l’arrêt Merck & Co. c Apotex Inc. 2008 CAF 371 :

14        Compte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire. Tout comme les officiers dans d’autres décisions récentes, l’officier taxateur dans une affaire complexe comme celle-ci, où des sommes très importantes sont en jeu, a pleinement motivé sa décision sur la base d’un examen minutieux de la preuve dont il disposait et des principes généraux du droit applicable.

[34]           Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas nécessaire que les parties fournissent des preuves suffisantes et qu’elles doivent seulement compter sur le pouvoir discrétionnaire et l’expérience de l’officier taxateur. Selon moi, le rôle de ce dernier, s’il est confronté à des preuves moins qu’exhaustives et à des débours réels, consiste à veiller à ce qu’on ne prive pas la partie qui a eu gain de cause d’une indemnisation raisonnable et que l’on n’impose pas à la partie déboutée des dépens déraisonnable. En l’espèce, l’avocate de Cobalt a fait valoir qu’il ne ressortait pas de l’affidavit de M. Leblanc que les montants réclamés, d’après les factures qui y étaient jointes, avaient été dûment facturés au client ou payés. C’est là un argument auquel je souscris. Cependant, le paragraphe 1(4) du tarif B indique : « [à] l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation » et je suis d’avis que tant l’affidavit de M. Leblanc que les observations écrites et les arguments que l’avocate a présentés à l’audience de taxation établissent, conformément au paragraphe 1(4), que des débours ont été engagés. En gardant cela à l’esprit et en tenant compte de la décision rendue dans l’affaire Teledyne (précitée), au paragraphe 23, je passerai donc en revue la totalité des factures soumises en vue de vérifier le caractère approprié et raisonnable des débours réclamés.

IV.             Les services taxables

[35]           En vertu de l’article 1 du tarif B des Règles des Cours fédérales, Lundbeck réclame quatorze unités à titre de services taxables pour la préparation et le dépôt de l’avis de demande ainsi que du dossier de la demanderesse. Cet article est ainsi libellé :

Préparation et dépôt des actes introductifs d’instance, autres que les avis d’appel, et des dossiers de demande

Preparation and filing of originating documents, other than a notice of appeal to the Federal Court of Appeal, and application records.

[36]           Selon la pratique, à moins de circonstances exceptionnelles, l’article 1 est une attribution globale que l’on accorde indépendamment de la quantité de travail que représentent la préparation et le dépôt de l’acte introductif d’instance et du dossier de demande, inclusion faite des affidavits déposés à l’appui de la demande (voir : Montréal (Ville) c Administration portuaire de Montréal, 2012 CF 221, Dell Inc. c 9153-3141 Québec Inc., 2007 CF 1070, Novopharm Ltd c AstraZeneca AB, 2006 CF 678 et Kassam c La Reine, 2005 CAF 169). Comme je n’ai été mise au courant d’aucune circonstance exceptionnelle, sept unités seront accordées  pour la préparation et le dépôt de l’acte introductif d’instance et du dossier de demande, inclusion faite des affidavits.

[37]           La réclamation faite au titre de l’article 5 pour la préparation et le dépôt d’une requête contestée visant à obtenir l’autorisation de déposer un mémoire des faits et du droit de plus de trente pages se verra attribuer trois unités. En plus de ne pas être très complexe, cette requête a été présentée elle aussi dans le dossier T‑991‑07, pour lequel des dépens ont également été accordés. Pour ce qui est de la comparution à cette requête (article 6), Lundbeck réclame le nombre maximal d’unités. L’avocate de Cobalt soutient que cette requête a été tranchée sur la base d’observations écrites. D’après les sommaires d’audience qui figurent dans le dossier de la Cour, tant dans le présent dossier que dans le dossier T‑991‑07, la requête a été présentée à la Cour le 6 octobre 2008. Je signale notamment que seule la demanderesse a été représentée ce jour-là, tandis qu’une lettre de l’avocate de Cobalt, datée du 1er octobre 2008, fait remarquer que Cobalt ne sera pas représentée à l’audience et demande que son dossier de requête soit déposé auprès de la Cour. Compte tenu de ce qui précède, et vu la complexité moindre de cette requête, une unité multipliée par 0,5 heure sera accordée pour la comparution d’un avocat lors de cette requête.

[38]           Lundbeck réclame sept unités au titre de l’article 5 pour sa requête visant à obtenir l’autorisation de déposer d’autres preuves. D’après ma lecture du dossier de la Cour, je note dans l’ordonnance du 12 février 2009 que la Cour a rejeté la requête interlocutoire de Lundbeck en vue de produire de nouvelles preuves. Étant donné que la requête a été rejetée et que la Cour n’a pas précisément indiqué que les dépens relatifs à cette requête étaient accordés à Lundbeck, ces dépens ne seront pas acceptés.

[39]           En vertu de l’article 7 (communication de documents, y compris l’établissement de la liste, l’affidavit et leur examen), Lundbeck réclame le nombre maximal d’unités pour la communication de documents annexés à l’avis d’allégation ainsi que pour la préparation des affidavits de M. Klaus Peter Bøgesø, de M. Brian Clark, de M. Peter J. Davies, de M. Stephen G. Davies, de Mme Marie Gagné, de M. Klaus Gundertofte, de M. Christian Kjerulf-Jensen et du DStuart Montgomery. Se reportant à la décision Abbott Laboratories Ltd. c Canada, 2009 CF 399 (Abbott), l’avocate de Cobalt allègue qu’il faudrait rejeter les multiples réclamations pour la préparation et le dépôt d’affidavits d’experts sous le régime du tarif car ce dernier considère la préparation de [traduction« [tous] les […] dossiers et documents des intimés » comme une seule activité. La décision Abbott fait référence à l’article 2 du tarif B pour ce qui est de la préparation et du dépôt des documents des défendeurs. En l’espèce, Lundbeck étant la demanderesse, c’est l’article 1 qui devrait s’appliquer à la préparation et au dépôt du dossier de demande, inclusion faite des affidavits. Compte tenu du raisonnement qui précède au sujet de l’article 1 et du fait que le nombre maximal d’unités a déjà été accordé en vertu de ce dernier, les unités réclamées au titre de l’article 7 ne seront pas acceptées. De plus, l’article 7 figure au tarif B sous le sous-titre « C. Communication de documents et interrogatoires », lequel englobe la communication de documents conformément aux articles 222 et suivants des Règles des Cours fédérales. Je ne puis trouver aucune preuve de communication de documents en l’espèce au sens de ces Règles (voir : Corporation Xprima.com c IXL Marketing Inc., 2011 CF 624 et Nesathurai c Canada, 2008 CF 1014).

[40]           En vertu de l’article 8, Lundbeck a présenté sept réclamations, à raison de cinq unités chacune, pour la préparation de contre-interrogatoires sur les affidavits de ses témoins et témoins experts, soit M. Christian Kjerulf-Jensen, le Dr Stuart Anthony Montgomery, M. Klaus Peter Bøgesø, M. Brian J. Clark, M. Klaus Gundertofte, M. Peter J. Davies et M. Stephen G. Davies. Dans ses observations, Cobalt indique qu’il faudrait accorder deux unités par demande. Bien que je considère que le contre-interrogatoire de l’un de ses propres clients requière une certaine préparation ainsi qu’un rôle actif de la part de l’avocat, je ne suis pas convaincue qu’il est justifié de réclamer le nombre maximal d’unités. Trois unités seront accordées dans le cas de l’article 8 pour chacun des déposants de Lundbeck.

[41]           De plus, Cobalt demande le nombre maximal d’unités au titre de l’article 8 pour la préparation des contre-interrogatoires de ses témoins experts : M. Peter T. Kissinger, M. Roger Newton, M. Robert Cooke et M. Athanasios Stengos. L’avocate de Cobalt soutient, dans ses observations écrites, qu’il faudrait accorder deux unités par déposant. Je ne suis pas d’accord. La préparation des contre-interrogatoires des témoins experts de la partie adverse requiert plus d’efforts que ceux de ses propres témoins. Le fait d’être un expert en droit ne transforme pas un avocat en un expert scientifique et, vu la complexité relative des arguments scientifiques invoqués, quatre unités seront accordées pour chacun des déposants de Cobalt.

[42]           En ce qui concerne l’article 9 (présence aux interrogatoires, pour chaque heure), et conformément au raisonnement que j’ai exposé à propos de l’article 8, j’accorde une unité par heure pour les contre-interrogatoires des témoins et des témoins experts de Lundbeck, ainsi que deux unités pour les contre-interrogatoires des témoins experts de Cobalt s’il ne fait aucun doute qu’un avocat a mené les contre-interrogatoires ou y a été présent.

[43]           Au cours de son argumentation, l’avocate de Cobalt a confirmé que le nombre d’heures qu’ont duré les contre-interrogatoires du Dr Stuart Anthony Montgomery et de MM. Brian J. Clark, Peter J. Davies, Stephen G. Davies et Roger Newton est le même que celui réclamé dans le mémoire de frais. Le nombre d’heures applicable à ces personnes sera accordé, tel que demandé. En revanche, des arguments ont été invoqués au sujet de la durée exacte des contre‑interrogatoires de MM. Christian Kjerulf-Jensen, Klaus Peter Bøgesø, Klaus Guntertofte, Peter T. Kissinger, Robert Cooke et Athanasios Stengos. Lundbeck réclame dans son mémoire de frais une durée de sept heures pour le contre-interrogatoire de M. Christian Kjerulf-Jensen le 3 juillet 2008, tandis que l’avocate de Cobalt, dans un tableau joint à ses observations, indique que ce contre-interrogatoire a duré cinq heures (de 9 h 30 à 14 h 30). L’affidavit de M. Leblanc confirme simplement que le contre-interrogatoire de M. Christian Kjerulf-Jensen a eu lieu à Londres (R.-U.), entre le 4 et le 22 juillet 2008. Les documents soumis ne comportent pas d’autres informations qui auraient aidé à déterminer la durée exacte. Pour ce qui est du contre-interrogatoire de M. Klaus Peter Bøgesø, Lundbeck fait état dans son mémoire de frais d’une durée de cinq heures le 14 juillet 2008, tandis que l’avocate de Cobalt précise dans ses observations que le contre-interrogatoire a eu lieu ce jour-là, de 9 h 30 à 13 h 00. L’affidavit de M. Leblanc confirme que M. Bøgesø a été contre-interrogé par Cobalt à Londres (R.-U.) le 14 juillet 2008, sans plus de détails. D’après le mémoire de frais de Lundbeck, le contre-interrogatoire de M. Klaus Guntertofte aurait duré sept heures le 22 juillet 2008, tandis que l’avocate de Cobalt précise dans ses observations que ce contre-interrogatoire a eu lieu ce jour‑là, de 9 h 10 à 12 h 08. L’affidavit de M. Leblanc confirme que M. Guntertofte a été contre-interrogé à Londres (R.-U.) le 22 juillet 2008, sans autres précisions quant à sa durée. L’affidavit de M. Leblanc indique que le contre-interrogatoire de M. Peter T. Kissinger, réclamé par Lundbeck dans son mémoire de frais, a duré sept heures et s’est déroulé à Indianapolis (É.-U.) le 11 juin 2008, sans autre précision. Dans le tableau joint à ses observations, l’avocate de Cobalt indique que le contre-interrogatoire a eu lieu ce jour-là, de 10 h à 15 h 49. Pour ce qui est du contre-interrogatoire de M. Robert Cooke, Lundbeck réclame dans son mémoire de frais une durée de sept heures le 26 août 2008, tandis que l’avocate de Cobalt précise dans ses observations que le contre-interrogatoire a eu lieu ce jour-là, de 9 h 15 à 12 h 15. L’affidavit de M. Leblanc confirme que M. Cooke a été contre-interrogé à Toronto le 26 août 2008. Dans son mémoire de frais, Lundbeck indique que le contre-interrogatoire de M. Athanasios Stengos a duré sept heures le 8 octobre 2008, tandis que l’avocate de Cobalt précise dans ses observations que le contre-interrogatoire a eu lieu ce jour-là, de 9 h 44 à 13 h 22. L’affidavit de M. Leblanc confirme que M. Stengos a été contre-interrogé à Toronto le 8 octobre 2008, sans autre précision quant à la durée.

[44]           Je signale les différences qu’il y a entre les périodes indiquées dans le mémoire de frais de Lundbeck et le tableau joint aux observations de Cobalt quant à la durée des contre‑interrogatoires de MM. Christian Kjerulf-Jensen, Klaus Peter Bøgesø, Klaus Guntertofte, Peter T. Kissinger, Robert Cooke et Athanasios Stengos. Je signale par ailleurs que le mémoire de frais n’a pas été souscrit en tant que pièce jointe à l’affidavit de M. Leblanc et que la durée des contre-interrogatoires susmentionnés ne fait pas partie de cet affidavit. Dans le même ordre d’idées, le tableau joint aux observations de Cobalt n’a pas été introduit en preuve par la voie d’un affidavit, mais par l’avocate comparaissant à la taxation. Selon moi, le rôle de l’officier taxateur, confronté à des preuves moins qu’exhaustives, ainsi qu’à de réels services fournis, consiste à veiller à ce que la partie qui a obtenu gain de cause ne soit pas privée d’une indemnisation raisonnable et que la partie déboutée ne se voie pas imposer des dépens déraisonnables. Il est toutefois nécessaire que les parties produisent des preuves suffisantes, et qu’elles ne se fient pas seulement au pouvoir discrétionnaire et à l’expérience de l’officier taxateur pour arriver à une conclusion raisonnable. En l’espèce, il est nécessaire de tenir compte du fait que les renseignements que les deux parties ont fournis n’ont pas été corroborés par voie d’affidavit. L’avocate de Cobalt a fourni des détails sur la durée de tous les contre-interrogatoires dans ses observations écrites ainsi que dans sa plaidoirie, souscrivant à cinq durées proposées par Lundbeck et en rejetant six. Les justifications que l’avocate de Cobalt a fournies minent effectivement la crédibilité des réclamations qui figurent dans le mémoire de frais, sous l’article 9. Pour ce qui est de la crédibilité des renseignements qui m’ont été fournis, je signale que les chiffres indiqués dans le mémoire de frais n’émanent pas d’un tiers désintéressé et qu’ils ont plutôt été déterminés au sein même du cabinet d’avocats, tandis que l’affidavit de M. Leblanc et les observations de l’avocat de Lundbeck ne présentent pas les renseignements sous-jacents nécessaires. Je considère donc que le document que l’avocate de Cobalt a établi, de pair avec les observations non contestées qu’elle m’a soumises, établissent et servent à prouver la durée des contre-interrogatoires de MM. Christian Kjerulf-Jensen, Klaus Peter Bøgesø, Klaus Guntertofte, Peter T. Kissinger, Robert Cooke et Athanasios Stengos. Compte tenu de ce qui précède, les durées des contre-interrogatoires que Cobalt a indiquées serviront à multiplier le nombre d’unités antérieurement accordées.

[45]           Lundbeck réclame six unités pour la préparation à la conférence préparatoire (article 10) qui a eu lieu le 3 novembre 2008. En réponse, l’avocate de Cobalt soutient qu’il faudrait accepter en tout trois unités pour la préparation, et n’accorder qu’une seule unité à l’égard du présent dossier car la téléconférence englobait trois dossiers : T-372-07, T-991-07 et T‑1395‑07. Après avoir lu le sommaire d’audience de cette journée-là, je note que les discussions entre les parties et la Cour ont porté sur le regroupement des trois dossiers. Dans l’ouvrage intitulé The Law of Costs (2e édition, volume 1, 44th rel. 2014, au par. 209‑5), Orkin fait remarquer que la Cour peut répartir les dépens entre plusieurs parties, mais que l’officier taxateur devrait, dans toute la mesure du possible, éviter de le faire. Dans la décision Milliken & Co. c Interface Flooring Systems (Canada) Inc., 2003 CF 1258, l’officier taxateur mentionne au paragraphe 10 que « [l]e mot “répartition” ne figure ni dans les Règles ni dans le Tarif, mais je pense qu’ensemble, le paragraphe 400(1) et l’alinéa 6a) des Règles autorisent vraisemblablement ce concept. ». Il ajoute de plus, au paragraphe 33 : « [c]omme je l’ai mentionné plus haut, il est acceptable de répartir les dépens de façon à tenir compte du travail exécuté relativement à différentes adjudications de frais, mais je dois me rappeler que ces adjudications ont été faites séparément les unes des autres, ce qui signifie que je ne suis pas tenu de faire une répartition. » Compte tenu des détails de la présente affaire, je considère qu’il est indiqué de recourir à la répartition des dépens pour ce qui est des services visés par les articles 10 et 11 du tarif B. En conséquence, et comme on ne m’a pas avisée que les discussions tenues le 3 novembre 2008 avaient exigé une préparation considérable ou étaient d’une complexité particulière, trois unités seront accordées et divisées par trois. De ce fait, une seule unité sera acceptée au titre de l’article 10 dans le présent dossier. Quant à l’article 11 (présence à la conférence préparatoire), pour ce qui est de la conférence téléphonique tenue le 3 novembre 2008 j’accorderai deux unités divisées par trois, et le résultat est multiplié par la durée (0,5 heure), ce qui donne en tout 0,33 unité/heure.

[46]           Cinq unités sont réclamées au titre de l’alinéa 13a) pour les honoraires d’avocat concernant la préparation de l’instruction. Sans autres arguments, l’avocate de Cobalt indique dans ses observations qu’il faudrait accepter deux unités. Comme il a été mentionné plus tôt, l’avocat de Lundbeck a traité à l’audience de questions semblables dans deux autres dossiers. Je suis toutefois d’avis que le cabinet a quand même dû se préparer aux questions soulevées par Cobalt dans le présent dossier, et ce, fort peu de temps après les autres dossiers et, même s’il ne s’agissait pas d’une affaire de brevet des plus complexes, il a fallu que le cabinet se prépare pour l’audience du 16 décembre 2008. Quatre unités seront donc accordées. Au titre de l’alinéa 13b), Lundbeck a réclamé quinze unités (3 unités X 5 jours) pour la préparation de l’instruction, pour chaque jour de présence à la Cour après le premier jour. L’avocate de Cobalt soutient que l’audience a duré trois jours, et non cinq, et que, de ce fait, il faudrait accepter une seule unité pour chacune des deux journées. À la colonne III du tarif B, la fourchette applicable à cet article est de deux à trois unités. Comme il a été mentionné plus tôt, l’audition du présent dossier a duré trois jours, et non cinq et, compte tenu du raisonnement formulé dans le présent paragraphe et du fait que l’audition n’a pas obligé à préparer des témoins, la préparation de deux jours sera multipliée par deux unités.

[47]           Dans son mémoire de frais, Lundbeck réclame, au titre de l’alinéa 14a) (honoraires d’avocat pour chaque heure de présence à la Cour), 63 unités/heure, tandis que l’avocate de Cobalt soutient qu’il faudrait en accepter 42. Les deux parties conviennent du nombre d’heures à la Cour, mais pas du nombre d’unités. La fourchette d’unités prévue pour cet article est assez restreinte (2‑3), et vu la complexité d’une instance de brevet et les questions de nature juridique et scientifiques qui ont été soulevées de pair avec la quantité de travail requise pour les avocats comparaissant à l’audience, deux unités par heure ne semblent pas être un chiffre approprié. Les 63 unités demandées seront acceptées.

[48]           Cinquante-cinq unités sont réclamées pour les déplacements des avocats en vue de prendre part à des interrogatoires à Londres (R.-U.), à Indianapolis (É.-U.), ainsi qu’à Ottawa et à Toronto (onze contre-interrogatoires en tout). Comme l’a mentionné l’avocate de Cobalt dans ses observations écrites, pour que les dépens liés à l’article 24 puissent être recouvrés, il faut que la Cour ait donné des directives explicites. Conformément aux décisions rendues dans les affaires Abbott (précitée) et Merck (précitée), les unités réclamées ne seront pas accordées car le libellé de l’article 24 exige que la Cour donne des directives explicites et je ne puis trouver dans le dossier de la Cour une directive quelconque à propos des déplacements, pas plus que l’on ne m’a renvoyée à une quelconque directive en ce sens.

[49]           Pour ce qui est de la réclamation formulée en vertu de l’article 26 (taxation des frais), l’avocate de Cobalt soutient qu’il faudrait accepter deux unités, tandis que Lundbeck réclame le maximum. Mon opinion diffère de celle de l’avocate de Cobalt car je crois que le travail que les avocats de Lundbeck ont mené dans le cadre de la présente taxation justifie plus que deux unités. Avant de se présenter à l’audience de taxation des dépens, les avocats ont déposé le mémoire de frais et l’affidavit de Christian Leblanc, ils ont assisté à son contre-interrogatoire et ils ont également déposé des observations écrites en réponse ainsi qu’un recueil de jurisprudence. Cinq unités seront donc accordées au titre de l’article 26.

[50]           Les unités réclamées au titre des articles 25 (services rendus après jugement) et 27 (autres services acceptés par l’officier taxateur) pour la demande d’audience, ne sont pas contestées; elles sont considérées comme raisonnables et seront accordées telles que réclamées.

V.                Les débours

A.                Les honoraires d’expert

1)                  Stuart A. Montgomery

[51]           Conformément aux arguments invoqués à l’audition de la taxation des dépens, le mémoire de frais modifié fait état d’un montant de 46 145 $ réclamé pour les services du DStewart A. Montgomery. Ce montant est différent de la preuve figurant dans l’affidavit de M. Leblanc, où la somme réclamée est de 61 307,04 $.

[52]           En réponse à cette réclamation, l’avocate de Cobalt invoque le critère juridique applicable à l’admission d’honoraires d’expert à titre de débours, que l’on trouve au paragraphe 81 de la décision AlliedSignal Inc. c DuPont Canada Inc., [1998] ACF no 625 :

(1) L’engagement d’un expert doit, dans les circonstances du moment, constituer un chèque en blanc pour la taxation;

(2) L’engagement de l’expert ne doit pas constituer un chèque en blanc pour la taxation;

(3) Quel poids le juge a-t-il accordé au témoignage de l’expert?

[53]           L’avocate de Cobalt soutient dans ses observations écrites que les motifs d’ordonnance de la Cour du 12 février 2009 ne font aucunement référence à Stuart A. Montgomery, mais que les honoraires et les débours le concernant sont, par rapport à tous les experts, les plus élevés que Lundbeck réclame. Se reportant à la décision Northeast Marine Services Ltd. c Administration de pilotage de l’Atlantique, [1994] ACF no 1294 (Northeast Marine), elle soutient qu’il y a lieu de réduire les frais demandés vu qu’aucun renseignement n’a été indiqué sur les factures quant au tarif horaire ou au nombre d’heures travaillées. Conformément à la décision Janssen-Ortho Inc. c Novopharm Inc., 2006 CF 1333 (Janssen-Ortho), elle fait valoir que [traduction« les honoraires d’expert relatifs aux comparutions ne devraient pas excéder le montant des honoraires quotidiens de l’avocat principal, et les honoraires relatifs à la préparation devraient être plafonnés à la moitié de cette somme ». Au vu de cette décision, elle soutient par ailleurs que la Cour [traduction« a fait remarquer que les honoraires d’experts sont devenus extravagants et, de ce fait, bien qu’il soit loisible à une partie de recourir aux services d’expert d’une personne et de payer les honoraires négociés, quels qu’ils soient, il ne faudrait pas que ces derniers deviennent simplement acceptables dans le cadre d’une taxation ». Conformément aux décisions Apotex Inc. c Syntex Pharmaceuticals International Ltd., [1999] ACF no 1465 (Apotex) et Janssen-Ortho (précitée), elle soutient qu’il est établi de longue date que la partie perdante est tenue d’indemniser la partie qui a eu gain de cause uniquement à hauteur des dépenses raisonnables qui ont été engagées pour le litige. L’avocate de Cobalt soutient qu’étant donné qu’aucune preuve précise n’a été fournie au sujet du Dr Montgomery, son tarif horaire devrait être aligné sur celui du témoin expert le plus raisonnable de Lundbeck (Peter Davies), ce qui donne un montant total à payer de 2 400 $, étant donné que les seules heures documentées qu’il est possible de lier clairement aux préparatifs qu’il a faits pour témoigner ou à son témoignage dans le dossier de Cobalt sont celles qu’il a travaillées les 3 et 4 juillet 2008.

[54]           Pour ce qui est des factures justifiant la réclamation concernant le Dr Montgomery, l’avocate de Cobalt soutient qu’il faudrait faire abstraction de la facture no 1769 car Lundbeck n’a pas fourni de documents de « demande de paiement », pas plus que le taux de change ou une preuve que ce montant a été facturé à Lundbeck ou payé par ses avocats, car seule apparaît sur la facture une inscription divisant le montant total en trois, entre trois numéros de dossier différents. Elle ajoute qu’aucune preuve de paiement réel fait à partir d’une banque, comme cela a été fait dans le cas des deux autres factures, n’a été produite. À ce sujet, elle soutient que la documentation existe car elle a été produite pour certaines factures, alors que pour d’autres il n’existe aucune preuve que les factures ont été payées. Pour ce qui est de cette même facture, elle prétend que rien n’indique qu’elle se rapporte à Cobalt car le travail qui y est détaillé se rapporte à Mylan et à Apotex pour du travail fait entre les mois de juillet et d’octobre 2007, et que Lundbeck n’a pas signifié et déposé sa preuve concernant le dossier de Cobalt avant le mois d’octobre 2007. Du point de vue de Cobalt, si le Dr Montgomery a travaillé dans le cadre des trois dossiers entre les mois de juillet et d’octobre, et compte tenu du fait que ses affidavits ont été déposés dans les deux autres affaires, [traduction« il aurait réalisé la majeure partie de son travail entre juillet et septembre, moment où les deux premiers affidavits ont été déposés ». Il est de plus allégué que la réclamation de 46 145 $ n’est que la simple addition du tiers de deux factures (nos 1769 et 1851) et de 40 % de la facture no 1860. Pour ce qui est des débours facturés par le Dr Montgomery, l’avocate soutient qu’il y a lieu de les rejeter parce qu’il n’a été contre‑interrogé qu’une seule fois, à Londres, où il réside, que rien n’a été fait au sujet du dossier de Cobalt à Toronto, à Montréal ou à Paris et que les autres témoins mentionnés dans les factures ont témoigné soit dans le dossier de Mylan soit dans celui d’Apotex. Quant aux autres dossiers en cause, l’avocate de Cobalt fait valoir dans ses observations écrites que Lundbeck n’a pas tenu compte du fait qu’à l’époque où le Dr Montgomery a souscrit son affidavit et a comparu en vue d’être contre-interrogé dans le cadre du dossier de Cobalt, [traduction« il le faisait pour la troisième fois et recyclait la totalité des mêmes points dont il avait déjà traité dans les dossiers de Mylan et d’Apotex ». Par ailleurs, Lundbeck n’a fourni aucune preuve quant à la proportion des honoraires et des débours déjà recouvrés d’Apotex ou de Mylan. Cobalt est d’avis que seuls certains éléments des factures nos 1851 et 1860 devraient être pris en considération, car ils concernent précisément Cobalt. En ce qui concerne les frais de déplacement demandés (train, taxi, avion, etc.), il est allégué que les factures ne précisent pas à quel dossier ou à quelle réunion elles se rapportent et que l’on ne peut rien y trouver qui se rapporte précisément à Cobalt ou qui indique que ces frais ont déjà été recouvrés d’Apotex ou de Mylan. Lundbeck aurait dû documenter convenablement les frais relatifs aux trois dossiers et demander au Dr Montgomery des factures plus détaillées. Pour ce qui est de la facture no 1860 et de la question de savoir si les montants que dépense un témoin en vue d’aider un avocat dans le cadre d’un contre‑interrogatoire sont recouvrables, l’avocate de Cobalt se fonde sur deux décisions pour faire valoir qu’ils ne le sont pas (Aerlinte Eireann Teoranta c Canada, [1993] ACF no 1462, au paragraphe 22, et Janssen-Ortho (précitée), au paragraphe 25.

[55]           En réplique, l’avocat de Lundbeck soutient dans ses observations écrites que, conformément aux décisions Fournier Pharma Inc. c Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 1004 et Pfizer Canada Inc. c Canada (Ministre de la Santé), 2010 CF 1238 (Pfizer), le travail qu’accomplissent des experts dans le cadre d’une instance liées à un AC (MB) est pleinement recouvrable pour ce qui est de l’aide qu’ils fournissent aux avocats dans le cadre de la préparation de l’affaire, en plus du travail qu’ils font pour leurs rapports et leurs dépositions, dans la mesure où ce travail demeure nécessaire et raisonnable dans les circonstances. À cet égard, l’avocate a de plus fait référence, lors de l’audience relative à la taxation, au paragraphe 29 de la décision Biovail Corporation c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) et al., 2007 CF 767, ainsi qu’au paragraphe 21 de la décision Adir c Apotex Inc., 2008 CF 1070, (Adir). Conformément aux décisions MK Plastics Corp. c Plasticair Inc., 2007 CF 1029 (MK Plastics) et Sanofi-Aventis Canada Inc. c Pharmascience Inc., 2008 CF 782 (Sanofi-Aventis), elle a de plus allégué que [traduction« le critère relatif aux débours des experts n’est pas fonction de ce qui arrive après coup, mais de la question de savoir si, à l’époque où les frais ont été engagés, cette mesure était prudente et raisonnable, tant pour ce qui était de présenter la preuve d’expert et d’y répondre que de fournir une aide technique pour la préparation et la conduite de l’avocat ». Pour ce qui est du rejet ou du silence de la Cour à propos de la preuve d’un témoin expert, elle soutient qu’il ne devrait pas y avoir de réduction automatique du compte, conformément aux décisions Canada c Meyer, [1988] ACF no 482 et Carruthers v Canada, [1982] ACF no 235. Dans ses observations écrites, l’avocat de Lundbeck soutient que le Dr Montgomery réside au Royaume-Uni et que l’affidavit qu’il a souscrit est lié au traitement de la dépression, à son diagnostic et au mode d’action de divers antidépresseurs, notamment l’escitalopram et sa supériorité par rapport à d’autres médicaments. Il fait valoir que la question de savoir si l’escitalopram est supérieur au citalopram a été initialement soulevée par Cobalt au sujet de la validité du brevet de sélection. Lundbeck fait valoir que dans l’éventualité où la Cour aurait conclu que le brevet canadien no 1 339 452 était un brevet de sélection, la preuve d’expert du Dr Montgomery aurait servi à prouver la supériorité de l’escitalopram. Il est allégué que même si la Cour a conclu que le brevet no 1 339 452 n’était pas un brevet de sélection et n’a pas traité de l’affidavit du Dr Montgomery dans sa décision, il était prudent et raisonnable d’engager des frais pour ses services à l’époque où ces frais ont été engagés. Il est de plus mentionné dans les observations de l’avocat que le Dr Montgomery a été contre-interrogé par Cobalt à Londres (R.-U.) le 4 juillet 2008 et qu’il a aidé les avocats à passer en revue des documents relatifs à l’art antérieur, les affidavits déposés par Cobalt, notamment celui de M. Robert Cooke, pour lequel il a participé à un contre-interrogatoire à Toronto, le 26 août 2008. À l’audience, l’avocat a fait valoir que les factures avaient déjà été réduites de 61 307 $ à 46 145 $, soit une fraction de sa réclamation totale, qu’il serait déraisonnable de ne rembourser que 2 400 $ et que cela n’était pas étayé par la jurisprudence. Il a de plus allégué qu’on ne peut pas comparer les qualifications du Dr Montgomery à l’expertise de Peter Davies, un ancien examinateur du Bureau canadien des brevets. Se reportant aux factures produites à l’appui des débours, l’avocat de Lundbeck soutient que la facture no 1769, telle que produite, constitue une preuve suffisante que la somme de 5 235,19 $ CA a été payée au Dr Montgomery pour du travail fait jusqu’en octobre 2007, soit la date à laquelle son affidavit a été déposé. Se reportant à la facture no 1851, l’avocat soutient qu’il était raisonnable de la diviser en trois parts égales, car cette facture indique clairement que le Dr Montgomery s’est occupé du dossier de Cobalt les 3 et 4 juillet, pour un tiers du temps facturé. Quant au fait que le Dr Montgomery s’est occupé du dossier de Cobalt à Toronto, il est allégué que ce dernier devait être présent à Toronto, lors du contre-interrogatoire de M. Cooke, le 26 août 2008. Pour ce qui est de la facture no 1860, l’avocat de Lundbeck soutient que quatre des dix jours facturés ont été imputés au présent dossier, car ces jours-là se rapportent à la préparation du contre-interrogatoire de M. Cooke, qui a eu lieu à Toronto du 24 au 27 août 2008.

[56]           Comme l’a fait valoir l’avocat de Lundbeck à l’audition de la taxation, et étant donné qu’on n’a pas prouvé le contraire, je n’ai aucune raison de douter que le Dr Montgomery est un expert en psychiatrie clinique de renommée mondiale. La pertinence de son affidavit était liée à la conclusion de la Cour au sujet du brevet canadien no 1 339 452, relativement à la question de savoir s’il s’agissait d’un brevet de sélection ou non. Contrairement à la décision rendue dans Northeast Marine (précitée), où il a été indiqué qu’à cause du manque d’informations précises il était impossible pour le client de savoir ce qu’il payait, je considère que le travail qu’a accompli le Dr Montgomery était dénué de toute ambiguïté et que l’on ne peut pas réduire les dépens sur la foi de ce seul argument. Par ailleurs, compte tenu des conclusions de la Cour, je suis consciente qu’il était nécessaire que Lundbeck prépare l’expertise du Dr Montgomery à l’époque où elle l’a fait. Au fil des ans, il est ressorti clairement de la jurisprudence relative à la taxation des dépens que l’on ne peut pas déterminer rétrospectivement le caractère raisonnable et la nécessité des services d’un expert (Sanofi-Aventis (précitée) et MK Plastics (précitée)). Au vu de la preuve qui m’a été soumise, je suis convaincue qu’il était raisonnable que Lundbeck dépose l’affidavit du Dr Montgomery. Je suis consciente que ce dernier a déposé des affidavits dans les dossiers T‑1395‑07, T-372-07 et T-991-07 et qu’il a présenté à l’avocat de Lundbeck une facture ne faisant pas de distinction nette entre chaque dossier. En examinant les factures pour justifier le remboursement de ses dépenses, je signale de plus que les factures produites ne comportent pas de détails sur le nombre d’heures travaillées, ni de détails sur le travail accompli, à part des énoncés de nature générale tels que : [traduction« examen de documents réunions au sujet de signatures d’affidavit juillet-octobre 2007 ». Cependant, compte tenu des montants généraux qui sont réclamés pour le travail du Dr Montgomery, moins les dépenses et ses honoraires de consultation, conformément à la facture no 1769 (1 500 £ par jour), il m’est possible de déterminer un nombre probable d’heures travaillées ainsi que le tarif horaire. À cet égard, l’avocate de Cobalt laisse entendre que le tarif horaire du Dr Montgomery devrait être aligné sur celui du témoin expert le plus raisonnable de Lundbeck, M. Peter Davis (200 $ l’heure). Je ne crois pas que les honoraires d’expert peuvent être alignés sur ceux du témoin [traduction« le plus raisonnable » ou le moins coûteux qui soit inscrit au dossier. Les experts dans un domaine ne sont pas appelés à témoigner sur les mêmes questions et il est difficile de les comparer. D’après la preuve incontestée, je signale que le Dr Montgomery est un expert en psychiatrie clinique de renommée mondiale, tandis que M. Peter Davies, comme on peut le lire au paragraphe 147 des motifs de l’ordonnance de la Cour : « a travaillé pendant 37 ans au Bureau canadien des brevets, terminant sa carrière comme président de la Commission d’appel des brevets ». Compte tenu de leurs champs d’expertise tout à fait différents, la comparaison de leur travail et de leurs honoraires n’aide pas à évaluer le caractère raisonnable des honoraires du Dr Montgomery. Je ne suis donc pas disposée à réduire les dépens de ce dernier pour cette raison. Pour évaluer les honoraires des experts dans le présent dossier, il aurait été utile de comparer des experts aux antécédents semblables, de pair avec les honoraires accordés pour leur témoignage d’expert dans des affaires judiciaires différentes. D’après la preuve au dossier, je signale de plus que le tarif horaire de M. Stephen Davies, le second expert le plus coûteux que Lundbeck a appelé, est de 300 £ l’heure. M. Davies, d’après les motifs de l’ordonnance de la Cour, est, notamment, directeur du Département de chimie de l’Université d’Oxford. Comme on ne m’a pas indiqué de tarifs horaires pour le travail d’autres experts aux antécédents semblables, je suis donc obligée de faire un parallèle entre les tarifs de ces experts. L’avocate de Cobalt a également suggéré, conformément à la décision Janssen-Ortho (précitée), qu’il ne faudrait tout simplement pas accepter le tarif horaire du Dr Montgomery mais le plafonner précisément au niveau des honoraires de l’avocat principal comparaissant à l’instruction. Cette approche, qui consiste à ne pas payer à des experts un tarif supérieur à celui de l’avocat principal inscrit au dossier, a été appliquée à une reprise dans l’affaire Janssen-Ortho et, même si cela pourrait être assez tentant, il est nécessaire de tenir compte de la variation des frais juridiques dans l’ensemble du pays, car l’on pourrait considérer que cette approche profite de manière disproportionnée aux parties qui sont représentées par un avocat dans les municipalités de grande taille et il convient donc de l’appliquer après mûre réflexion.

[57]           Dans la décision Apotex (précitée), la Cour a déclaré que « les frais dont un défendeur est tenu d’indemniser une partie adverse sont les frais raisonnables entraînés par le litige » et, dans les décisions Allied Signal Inc. c Dupont Canada Inc., 81 CPR (3d) 129) et Janssen-Ortho (précitée), la Cour a ajouté : [traduction] « [i]l est peut-être raisonnable qu’une partie recoure au meilleur expert qui soit, mais déraisonnable de faire supporter la totalité des dépens par la partie déboutée ». En tenant compte de ces décisions, je vais maintenant tenter de passer en revue chacune des factures. La facture no 1769 comporte comme objet : [traduction] « examen de documents réunions au sujet de signatures d’affidavit juillet – octobre 2007 ». L’affidavit du Dr Montgomery a été déposé dans le présent dossier en octobre 2007, tandis que, selon les observations, il a déposé des affidavits dans les deux autres dossiers en juillet et en septembre 2007. Comme il a été mentionné plus tôt dans les présents motifs, la Cour n’a pas réparti les dépens entre les trois dossiers et dans aucun de ceux-ci a-t-il été demandé à la Cour de donner des directives à l’officier taxateur. Au sujet de la répartition des dépens entre des instances semblables portant sur le même produit pharmaceutique, la Cour, dans la décision Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm, 2006 CF 781, a conclu que des experts ne peuvent pas facturer deux fois le même travail et que l’on ne peut pas recouvrer des dépens à plusieurs reprises dans chaque dossier différent. En l’espèce, il ne m’a pas été soumis en preuve que Lundbeck a facturé plusieurs fois le travail du Dr Montgomery ou que des dépens ont déjà été pleinement recouvrés dans les autres dossiers. Une telle conclusion m’amènerait à mettre en doute la preuve et les observations présentées par l’avocat de Lundbeck et le déposant Leblanc, tous deux avocats et fonctionnaires judiciaires (paragraphe 11(3) de la Loi sur les Cours fédérales). Conformément aux arguments de Cobalt ainsi qu’au contre‑interrogatoire de M. Leblanc, je suis disposée à conclure que les affidavits déposés dans chaque dossier se ressemblent peut-être dans une large mesure, surtout si l’on considère que les trois affaires soumises à la Cour étaient à ce point semblables que cette dernière a décidé de les instruire en même temps et de rendre sa décision dans un seul ensemble de motifs. Cependant, n’ayant pas été orientée vers les affidavits déposés dans les deux autres dossiers, mais compte tenu de la façon dont les dossiers se sont déroulés, j’accepte que les dépens relatifs au travail accompli à l’égard des affidavits que l’expert Montgomery a déposés à quelques mois d’intervalle les uns des autres dans chaque dossier devraient être partagés à parts égales. Je signale que les montants indiqués dans la facture sont en livres sterling et qu’on ne m’a pas fourni le taux de conversion officiel qui était en vigueur à la date à laquelle la facture a été établie. J’ai donc vérifié le taux de conversion applicable à cette date en recourant au convertisseur que les parties ont utilisé tout au long de la présente affaire et j’accorde la somme de 4 969,75 $ pour la facture no 1769. Dans la facture no 1860, on demande un montant total de 18 000 £ à titre d’honoraires pour : [traduction] « préparation réunions de consultation Toronto 17‑20/8 au sujet du contre‑interrogatoire de M. Hollis Apotex, Toronto 24‑27/8 au sujet de M. Cook, Londres 17‑18/9 M. Jenner ». L’avocate de Cobalt fait valoir que seuls les frais liés au contre‑interrogatoire de M. Cooke se rapportent au dossier de Cobalt. Il faudrait toutefois rejeter la totalité de ces honoraires et débours car ils sont liés à la présence du Dr Montgomery au contre‑interrogatoire de M. Cooke et non aux préparatifs de son témoignage ou à son propre témoignage. Je ferai droit à une fraction du temps que le Dr Montgomery a consacré à la préparation de réunions de consultation et à la présence à un contre‑interrogatoire (4 jours), de même que les dépenses raisonnables engagées ces jours-là, car je suis d’avis, dans les circonstances de l’espèce, que les dépenses liées au fait que des experts aident des avocats à contre-interroger la partie adverse dans le cadre d’une instance portant sur la chimie organique avancée excèdent l’expertise juridique des avocats. Sur ce point, je souscris aux décisions Pfizer (précitée) et Adir (précitée) de la Cour, au paragraphe 21 :

21        Je ne suis pas disposée à limiter le remboursement des honoraires des experts comme me le demande Apotex. J’estime justifiable toute assistance fournie par un expert dans son domaine de spécialité. Cette aide comprend le fait d’aider les avocats à examiner et à comprendre les rapports d’expert de la partie adverse, de même qu’à se préparer au contre-interrogatoire. La participation des avocats sera nécessaire tant que les experts ne pourront pas s’interroger ouvertement entre eux sur leurs rapports lors de l’instruction de l’instance. Et ce n'est qu'en ayant recours à l'aide des experts que les avocats pourront agir valablement à titre d'intermédiaires. Il y a lieu d’accorder le recouvrement des honoraires raisonnables réclamés par les experts qui se sont présentés au procès pour offrir ce service.

[58]           Les dépenses déclarées dans la facture no 1860 à propos du voyage du Dr Montgomery à Toronto sont justifiées de manière vague, ce qui suscite des questions quant au caractère raisonnable des deux prix différents pour des billets d’avion. Le second prix réclamé sera donc rejeté. Pour la facture no 1860, les honoraires de 7 200 £ plus des débours de 3 720,96 £ seront accordés, ce qui donne un montant total, en dollars canadiens, de 21 881,13 $, compte tenu du taux de conversion non contesté qui est joint à la facture. Enfin, l’avocat de Lundbeck soutient qu’il faudrait diviser la facture no 1851 en trois parts égales, tandis que l’avocate de Cobalt fait valoir que seuls deux des sept jours indiqués sont admissibles car ils se rapportent au contre‑interrogatoire du Dr Montgomery et qu’il y a lieu de rejeter tous les débours, étant donné que le contre‑interrogatoire concernant Cobalt a eu lieu à Londres (Angleterre), où réside le Dr Montgomery. Je suis d’accord avec l’avocate de Cobalt, et la somme de 6 142,86 £ (ou 11 794,29 $, selon le taux de conversion indiqué) sera accordée pour la facture no 1851.

2)                  Peter Davies

[59]           L’affidavit de M. Leblanc comporte des factures qui font état d’honoraires et de débours concernant M. Peter Davies d’un montant de 10 272,45 $. Tant l’affidavit de M. Leblanc que les observations écrites de Lundbeck au sujet des dépens précisent que M. Leblanc est un ancien examinateur de brevet supérieur et président de la Commission d’appel des brevets. Deux factures sont présentées à l’appui de sa réclamation : la facture no 323 (23/11/2007), qui fait état de 16,75 heures (d’après la feuille qui y est jointe) dans Lundbeck c Cobalt, et la facture no 361 (12/11/2008), qui fait état de 58 heures (d’après la feuille qui y est jointe), plus 1 252,90 $ de frais de déplacement dans les affaires Lundbeck c Cobalt et Lundbeck c Apotex. À l’audition de la taxation des dépens, l’avocat de Lundbeck a reconnu que les [traduction] « feuilles jointes » n’avaient pas été soumises et il a dit ignorer pourquoi ces détails n’étaient pas annexés ou pourquoi les renseignements avaient été noircis sur la facture no 361. Il a toutefois soutenu que cette facture indiquait clairement que la première moitié du montant avait été imputée au dossier de Cobalt et l’autre moitié à celui d’Apotex.

[60]           L’avocate de Cobalt fait valoir dans ses observations écrites qu’il faudrait réduire les deux factures de 66 % car l’affidavit de Peter Davies est une répétition de ceux qui ont été déposés dans les deux autres dossiers. Pour ce qui est de la facture no 361, elle fait valoir qu’il n’existe aucune preuve que la moitié des sommes réclamées se rapporte à Cobalt car la ventilation des 58 heures travaillées, plus les frais de déplacement, ont été retranchés du document et les détails censément joints à la facture n’ont pas été fournis. Elle soutient que Peter Davies a souscrit des affidavits dans les deux autres dossiers avant qu’il dépose son affidavit concernant Cobalt et que, de ce fait, il n’a fait que recycler les mêmes points soulevés; elle conclut que la majeure partie du temps facturé dans cette facture est lié au dossier d’Apotex. Pour ce qui est plus précisément de la facture no 323, l’avocate de Cobalt a soutenu en outre à l’audition de la taxation que cette facture ne posait pas de problème à Cobalt car elle ne se rapporte qu’à Cobalt, ainsi qu’aux heures indiquées sur la facture.

[61]           La Cour, au paragraphe 147 des motifs de l’ordonnance, traite de la participation de Peter Davies à l’affaire Lundbeck. Pour ce qui est de la facture no 323, je suis persuadée qu’elle se rapporte à la préparation de l’affidavit de M. Davies dans le dossier de Cobalt. Elle sera acceptée telle que présentée. Comme je l’ai indiqué plus tôt, je conviens que le travail accompli à l’égard des affidavits déposés par Peter Davies à quelques mois d’intervalle dans chaque dossier devrait être partagé à parts égales. En ce qui concerne la part du travail accompli à l’égard du dossier de Cobalt et du dossier d’Apotex, je signale que la facture ne contient pas de détails précis à ce sujet. Cependant, du travail a sans aucun doute été accompli et même si la facture ne contient pas de preuves absolues et détaillées, je suis persuadée que Lundbeck a engagé les dépenses dont font état l’affidavit de M. Leblanc et le contre‑interrogatoire. Me fondant sur le sentiment exprimé dans Abbott‑2, au paragraphe 70 (précité), j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et j’accepte la facture no 361 telle qu’elle a été présentée.

3)                  Stephen Davies

[62]           Dans la dernière modification apportée au mémoire de frais que Lundbeck a présentée, la somme de 41 525,40 $ est réclamée, conformément à la pièce jointe à l’affidavit de M. Leblanc en tant que facture no 6, datée du 6 mai 2009, d’un montant de 64 031,75 £. L’affidavit de M. Leblanc précise de plus que Stephen Davies est le président du Département de chimie de l’Université d’Oxford (R.‑U.) et qu’il a souscrit un affidavit portant sur la [traduction] « synthèse de la résolution de l’escitalopram en tant qu’énantiomère du citalopram ». À l’audition de la taxation, l’avocat de Lundbeck a précisé que M. Davies a une réputation enviable et que des sociétés pharmaceutiques nord-américaines et européennes sollicitent souvent son expertise. Comme M. Davies a décidé de ne soumettre qu’une seule facture pour les trois dossiers, l’avocat de Lundbeck, au lieu de diviser cette facture en trois parts égales, a entrepris d’en extraire les éléments liés à Cobalt. À l’audition de la taxation, l’avocat a donc entrepris d’expliquer la démarche qu’il avait suivie pour diviser la facture de M. Davies. Dans l’affidavit de M. Leblanc, il est également indiqué que M. Davies a assisté au contre‑interrogatoire de M. Newton, expert de Cobalt, et qu’il a été contre‑interrogé à Vancouver parce que les avocats des deux parties et lui-même étaient disponibles; en effet, il se trouvait à Vancouver pour des raisons d’ordre professionnel. Ce sont les avocats de Lundbeck, qui assistaient à ce moment-là aux contre‑interrogatoires d’experts en cause dans le dossier d’Apotex, qui seraient partis de Londres (R.‑U.) pour Vancouver.

[63]           Dans ses observations écrites en réponse, l’avocate de Cobalt soutient que la somme de 38 490,33 $ en honoraires et en débours a été réclamée dans le mémoire de frais daté du 5 juillet 2013 et que, au contre‑interrogatoire de M. Leblanc, les avocats de Lundbeck ont tenté de majorer ce montant jusqu’au niveau qu’ils réclament maintenant. Elle allègue que la facture suscite des doutes à cause de son manque de détails, car elle semble englober tous les montants facturés en lien avec Apotex, Genpharm/Mylan et Cobalt. Il est de plus mentionné dans les observations que M. Davies s’est occupé tout d’abord de préparer des affidavits pour les dossiers de Mylan et d’Apotex (août et septembre 2007) et qu’il s’est occupé de l’affaire Cobalt avant de déposer son affidavit le 25 octobre 2007. Le 25 septembre 2008, son contre‑interrogatoire a eu lieu à Vancouver, où il se trouvait déjà pour assister au contre‑interrogatoire de M. Keana, dans le dossier d’Apotex, le 24 septembre 2008. Il est allégué que, d’après les dates et les descriptions apparaissant sur la facture, la majorité de ses honoraires et de ses débours en l’espèce sont liés à Mylan et à Apotex, et que les dépenses liées à Cobalt devraient être celles qui sont datées du 25 octobre 2007 environ, date à laquelle son unique affidavit lié à Cobalt a été déposé, ainsi que du 24 septembre 2008, date à laquelle il a été contre‑interrogé. À l’appui de son argument, l’avocate de Cobalt a joint à ses observations une annexe passant en revue la totalité des montants indiqués sur la facture. Se reportant à la participation des avocats de Lundbeck au contre‑interrogatoire de M. Leblanc sur la manière dont les montants ont été ventilés dans la facture, l’avocate de Cobalt soutient qu’il n’y a pas de telle ventilation dans l’affidavit de M. Leblanc, alors que c’est M. Leblanc qui l’a souscrit. Pour ce qui est de l’expertise de M. Davies, elle allègue de plus que la Cour, dans les motifs de son ordonnance, a traité de l’expertise des différents témoins, et qu’il s’agit là de la seule preuve de la renommée de M. Davies. Dans ses observations écrites, l’avocate a fait référence au tarif horaire de M. Davies (300 £) et elle a demandé que ses honoraires soient alignés sur ceux qui ont été réclamés pour Peter Davies, le témoin expert le plus raisonnable de Lundbeck. Plus tard, dans les arguments qu’elle m’a présentés, l’avocate a soutenu que la question de l’alignement des honoraires de M. Davies n’était pas si importante que cela si l’on tenait compte de la quantité réelle de travail qui avait été accomplie dans le dossier de Cobalt. Quant aux débours de M. Davies, elle a soutenu que les seules sommes qui sont remboursables à l’égard de son voyage à Vancouver pour prendre part au contre-interrogatoire devraient en outre être divisées en deux étant donné qu’il se trouvait également à Vancouver pour le contre‑interrogatoire d’un témoin d’Apotex.

[64]           En réfutation, l’avocat de Lundbeck soutient que rien n’étaye l’argument selon lequel M. Davies a été contre‑interrogé à Vancouver à cause du contre‑interrogatoire de M. Keana. Il est également allégué qu’il était plus commode et moins coûteux pour Cobalt de contre‑interroger M. Davies à Vancouver plutôt qu’à Londres (R.‑U.). Pour ce qui est de l’alignement du tarif horaire de M. Davies sur celui de Peter Davies, il est allégué que leurs champs de compétence ne sont pas comparables et que l’argument de l’alignement est invoqué parce qu’il est impossible de rationaliser l’harmonisation des honoraires des experts en raison de leur expertise très différente et, finalement, le tarif horaire de M. Davies se situe dans les normes applicables aux instances relatives aux AC (MB). À l’audition de la taxation, l’avocat a soutenu que les honoraires de M. Davies étaient raisonnables, ajoutant que Cobalt n’avait pas fourni de dépens comparatifs pour des experts ayant la même compétence que M. Davies. Au sujet de l’annexe fournie par l’avocate de Cobalt, il a soutenu en dernier lieu que ces allégations sont hypothétiques et qu’aucune preuve ne les étaye.

[65]           Lundbeck a déposé le 25 octobre 2007 l’affidavit d’expert de M. Davies à l’appui de la demande relative à l’AC (MB). M. Davies a de plus été contre‑interrogé sur son affidavit à Vancouver, le 25 septembre 2008. En plus de qualifier M. Davies d’expert dans la présente affaire, la Cour a fait référence à sa preuve dans l’ensemble des motifs de l’ordonnance et a dit que c’était cette preuve qu’elle privilégiait, comme en font foi les paragraphes 51, 74 et 109. Même si ses titres de compétence ne sont pas en litige, la manière dont sa facturation a été soumise pour paiement suscite des questions. Il aurait certes été plus avantageux et utile que la facture comporte les dates applicables, ainsi que des détails précis sur le client et le travail accompli. Ce genre de facture approximative occasionne bien des difficultés lorsqu’on tente d’estimer les frais véritables qui ont été engagés. L’affidavit de M. Leblanc et les arguments de l’avocat ne sont pas d’une grande utilité. En me fondant sur les principes du caractère raisonnable et de l’indemnisation partielle, je suis d’avis que Cobalt ne devrait pas avoir à payer pour le choix qu’a fait l’avocat de Lundbeck de ne pas fournir les détails qui auraient permis d’effectuer une meilleure taxation. Compte tenu du sentiment exprimé par l’officier taxateur au paragraphe 70 de la décision Abbott (précitée) et de la preuve moins que détaillée qui accompagne l’analyse des avocats, j’ai examiné avec soin la facture de M. Davies et je suis arrivée à la conclusion que je ferai droit aux heures indiquées pour [traduction] « lire l’affidavit » et [traduction] « signer l’affidavit » qui ont été facturées avant le dépôt de son affidavit dans le dossier de Cobalt, ainsi qu’une petite partie des [traduction] « heures de lecture » et les frais relatifs à la comparution à son propre interrogatoire, plus sa comparution au contre‑interrogatoire de M. Newton. Compte tenu des éléments de preuve qui m’ont été soumis, les seuls débours accordés sont les frais d’avion et d’hôtel liés au voyage à Vancouver en vue de comparaître à son contre‑interrogatoire. Cependant, pour tenir compte des arguments des parties et des détails de la facture de M. Davies qui se rapportent à ce voyage, lesdits débours seront divisés en deux. Le montant total qui est réclamé pour M. Davies sera donc réduit à 13 781,91 £, ou 24 347,21 $, conformément au taux de conversion non contesté.

4)                  Brian J. Clark

[66]           Conformément au mémoire de frais le plus récent, Lundbeck réclame la somme de 21 467,60 $ pour les honoraires d’expert de Brian J. Clark. Selon l’affidavit de M. Leblanc, M. Clark est professeur d’analyse pharmaceutique et biomédicale et doyen associé de la Recherche et de l’Innovation à l’École des sciences de la vie et il enseigne à l’École de pharmacie de l’Université de Bradford. L’avocat de Lundbeck soutient que les frais sont raisonnables même si M. Clark a témoigné dans le cadre des dossiers de Mylan/Genpharm et d’Apotex avant celui de Cobalt.

[67]           À l’audition de la taxation, l’avocate de Cobalt a confirmé que la facture de M. Clark, soumise dans l’affidavit de M. Leblanc, ne se rapporte qu’au dossier de Cobalt. Elle soutient toutefois que le montant réclamé, soit 34 heures et 1 499, 83 £ en débours, peut être déduit car ces frais ne sont pas liés à la préparation au témoignage ou au propre témoignage de M. Clark, mais plutôt à la préparation et à la comparution au contre‑interrogatoire de l’expert de Cobalt, M. Kissinger, à Indianapolis.

[68]           En réfutation, l’avocat de Lundbeck a soutenu qu’en ce qui concerne le travail de préparation et de comparution au contre‑interrogatoire du témoin expert de Cobalt, M. Kissinger, le travail de M. Clark est clairement détaillé dans sa facture et que la jurisprudence présentée plus tôt spécifie que la simple assistance technique d’experts à un avocat est justifiée et recouvrable.

[69]           Dans les motifs de l’ordonnance, M. Clark a été considéré comme qualifié pour aider la Cour à titre de témoin expert. Au paragraphe 109 de ses motifs, la Cour a de plus reconnu qu’elle préférait le témoignage de MM. Davies et Clark. Pour ce qui est du caractère raisonnable des honoraires et des débours de M. Clark, relativement à la préparation et à la comparution au contre‑interrogatoire de M. Kissinger, je me reporte à ce que j’ai conclu à propos du Dr Montgomery ainsi qu’aux décisions Pfizer (précitée) et Adir (précitée). Je reconnais, à la lecture des motifs de l’ordonnance de la Cour ainsi que des documents figurant dans le dossier de la Cour, que l’expertise de M. Clark a certes été nécessaire pour aider les avocats lors du contre‑interrogatoire de M. Kissinger, dont le témoignage excédait sans aucun doute l’expertise juridique des avocats. Étant donné qu’hormis cet argument aucune objection n’a été soulevée au sujet des détails du travail et des débours réclamés dans la facture, la somme réclamée pour M. Clark sera accordée telle que demandée.

VI.             Les autres débours

[70]           Dans l’affidavit de M. Leblanc, la pièce CL‑15 est produite à titre de rapport regroupant tous les débours engagés par le cabinet d’avocats dans le cadre de la présente affaire. Ce rapport contient des détails sur les experts, les hôtels, les repas, les sténographes, les moyens de transport locaux ainsi que les voyages, pour un montant total de 235 601,79 $; s’y ajoutent des débours pour papeterie/reliure/numérisation/photocopies, recherches en ligne, services d’huissier, services de livraison/messageries, télécopieur/téléphone, temps supplémentaire et autres dépenses, soit un montant total de 45 886,14 $. À l’audition de la taxation, l’avocate de Cobalt a soutenu qu’en dépit de la prétention de Lundbeck selon laquelle la pièce no 15 regroupe la totalité de ses dépenses engagées dans le dossier de Cobalt, il ressort des différentes inscriptions que certains des éléments réclamés ne se rapportent pas à ce dossier. L’avocate fait également référence à l’affidavit de M. Leblanc, où il est mentionné que la pièce no 15 a trait à des débours engagés dans le cadre de [traduction] « la présente affaire », et elle soutient qu’ils ont été engagés dans l’affaire de l’escitalopram et qu’aucune preuve ne montre que ces frais ne sont associés qu’à Cobalt. Comme je l’ai indiqué au début des présents motifs, je note, en me fondant sur la modification la plus récente aux mémoires de frais que Lundbeck a produite, que le montant total que cette dernière réclame au titre des débours a été réduit à 182 596,48 $ (119 410,45 $ en honoraires d’expert et 63 186,06 $ pour tous les autres débours). Dans les pages qui suivent, je me prononcerai sur chaque débours réclamé, en tenant compte des arguments invoqués et des éléments de preuve qui m’ont été soumis.

A.                Les sténographes

[71]           Conformément au document faisant état des débours engagés et déposé en août 2014, la somme de 18 265,68 $ est réclamée à titre de débours pour des services de sténographie. Les factures à l’appui de cette réclamation sont jointes à l’affidavit de M. Leblanc. L’avocate de Cobalt soutient que seule la somme de 8 210,62 $ est inscrite comme ayant été facturée et payée par le cabinet d’avocats, mais rien ne prouve que les montants réclamés ont été facturés à Lundbeck. Se rapportant à la transcription du contre‑interrogatoire de M. Leblanc, l’avocate allègue de plus qu’il faudrait rejeter la somme de 9 226,40 $ qui a été facturée pour la transcription de l’audition de la présente affaire, qui a eu lieu en décembre 2008, [traduction] « parce que cette transcription n’a été faite que pour l’avantage des avocats de Lundbeck; aucune copie n’en a été fournie à l’avocate de Cobalt, soit pendant soit après l’audience ». À l’audition de la taxation, elle a de plus soutenu qu’il s’agissait d’une audience fondée sur le Règlement sur les MB (AC), qu’aucun témoignage de vive voix n’a eu lieu et, de plus, qu’il n’y a pas eu d’entente entre les avocats au sujet d’une transcription quotidienne quelconque. Enfin, a‑t‑elle ajouté, Cobalt a préparé son appel de la décision du juge Harrington dans la présente affaire sans transcription aucune car elle ne l’avait pas en main. En réfutation, l’avocat de Lundbeck a fait valoir à l’audition de la taxation que l’affidavit de M. Leblanc prouve que les factures ont été payées. Il a de plus fait référence aux motifs du jugement et jugement (au sujet de directives concernant les dépens) de la Cour sur les dépens dans la décision Apotex Inc. c H. Lundbeck A/S, 2013 CF 1188. Pour ce qui est de la preuve concernant la nécessité des notes de la sténographe judiciaire sur l’audition de la présente affaire, l’avocat a fait valoir, à l’audition de la taxation, qu’il n’existe aucune preuve à l’effet contraire et que la Cour avait accès à la transcription.

[72]           Les frais de sténographie qui s’appliquent aux transcriptions des contre-interrogatoires de MM. Kissinger, Newton, Jensen, Montgomery et Bøgesø, Stengos, Cooke et S. Davies sont considérés comme nécessaires, et les dépens connexes sont raisonnables et justifiés comme il faut; ils sont donc accordés, tels que réclamés, à un montant total de 9 039,28 $. Cependant, sans autre justification, je ne puis me convaincre que la transcription de l’audience tenue les 16, 17 et 18 décembre 2008 était nécessaire à la poursuite de l’affaire devant la Cour. J’ai lu la jurisprudence invoquée par les avocats mais je ne vois pas en quoi celle-ci s’applique à l’affaire dont je suis saisie car, dans cette décision-là, la Cour avait affaire à un procès pour contrefaçon de brevet dans le cadre duquel des témoins avaient témoigné, et non à une demande fondée sur le Règlement sur les MB (AC) pour laquelle les preuves sont fournies au moyen d’affidavits et de transcriptions de contre‑interrogatoire. De plus, dans cette affaire, les frais relatifs à la transcription quotidienne du procès avaient été convenus entre les parties et, comme la Cour l’a déclaré, la transcription avait été largement employée par les avocats et par la Cour. Selon ma lecture du présent dossier, je signale qu’une sténographe a été présente pendant toute la durée de l’audience. Cependant, rien ne me prouve que la transcription était nécessaire, que la transcription quotidienne était requise ou que les parties y ont souscrit, et on ne m’a fourni aucune preuve qui en justifie l’utilisation ou la nécessité dans le cadre du présent dossier. Comme on n’a pas établi le caractère raisonnable et la nécessité qui sont requis pour justifier les frais relatifs à cette transcription, le montant sera donc rejeté.

B.                 Les recherches en ligne

[73]           L’affidavit de M. Leblanc atteste que le rapport concernant les dépenses liées à des recherches en ligne a été facturé à Lundbeck à un montant de 506,06 $, tel qu’établi par le système de facturation du cabinet d’avocats, en utilisant le numéro de dossier interne « 115693.42 » pour la présente instance.

[74]           En réponse, l’avocate de Cobalt allègue que le rapport faisant état des sommes réclamées [traduction] « a manifestement été établi par un adjoint au cabinet Fasken Martineau en faisant des recherches dans un système informatique utilisant un code client pour le dossier de Cobalt. Le code client n’est pas fourni […] ». Elle allègue de plus dans ses observations écrites qu’il y a lieu de rejeter cette réclamation parce que, pour pouvoir recouvrer des débours au titre de recherches juridiques, Lundbeck doit fournir une preuve de la pertinence et de la nécessité de ces dernières et du fait que les montants réclamés ont été facturés à Lundbeck. Elle ajoute par ailleurs : [traduction] « comme la plupart des cabinets paient des frais mensuels à taux fixe, il est également nécessaire que la partie réclamante prouve de quelle façon les frais en question ont été calculés et en quoi ils sont liés à une question invoquée dans l’affaire et qu’elle fournisse une preuve que les montants réclamés correspondent aux débours réels ». À l’audition de la taxation, l’avocate s’est reportée aux paragraphes 124 à 126 de la décision Truehope National Support Ltd c Canada (Procureur général), 2013 CF 1153 (Truehope) :

124      Il semble se dessiner dans la jurisprudence qui a été présentée une tendance vers la limitation ou l’élimination des sommes autorisées pour la recherche en ligne. Même si les tribunaux ont conclu dans certains cas que les frais de recherche en ligne pouvaient être considérés comme un élément des frais généraux et non comme des débours nécessaires qui pouvaient être incorporés à la taxation des dépens partie‑partie, j’estime qu’il existe encore des circonstances où il peut s’agir d’une demande justifiable. Comme il a été conclu dans la décision Aram Systems Ltd c Novatel Inc, précitée, je place les débours relatifs à la recherche juridique sur le même pied que les débours relatifs aux photocopies. Cependant, dans le respect de la décision Janssen Inc. c Teva, précitée, je conclus que la partie qui fait une telle demande doit aussi démontrer que la recherche est pertinente. De plus, étant donné que les frais relatifs à la recherche en ligne peuvent se chiffrer à des montants assez élevés, la justification des frais de recherche juridique en ligne est essentielle.

125      Vu les conclusions qui précèdent et la jurisprudence susmentionnée, j’estime que pour décider si des recherches en ligne sont raisonnables et nécessaires, il faut produire des éléments de preuve relatifs à la pertinence et au caractère nécessaire des recherches en ligne invoquées dans le mémoire de frais. De plus, étant donné la preuve des défendeurs selon laquelle ces derniers paient un tarif mensuel fixe, il faut démontrer de quelle façon ces frais ont été attribués à la présente affaire et établir que les sommes réclamées dans le mémoire de frais reflètent des débours réels. Compte tenu de ces exigences, il est important de souligner que malgré l’obligation d’établir une preuve à cet égard, le coût de l’établissement de la preuve des dépenses en matière de recherche sur Internet ne doit pas être supérieur au montant réclamé (voir : Almecon Industries Ltd. c Anchortek Ltd.,[2003] ACF no 1649). Compte tenu de ces éléments, je conclus que, dans le cadre de la présente taxation, les défendeurs n’ont pas transmis la preuve requise pour justifier la demande de remboursement des frais liés aux recherches en ligne.

126      En ce qui concerne la pertinence et le caractère nécessaire des recherches en ligne à l’égard desquelles les défendeurs réclament des frais, j’ai pris connaissance de la preuve fournie dans l’affidavit de Tabitha Potts et lors du contre‑interrogatoire de cette dernière, et j’estime qu’il n’existe aucun élément de preuve relatif à la pertinence des recherches en question. En effet, les défendeurs n’ont fourni aucune preuve relative à l’objet des recherches, à la question de savoir si les recherches concernent le contrôle judiciaire ou une requête ou à la question de savoir si elles ont trait à la contestation fondée sur la Charte ou à la radiation d’un affidavit. En contre‑interrogatoire, Mme Potts a été incapable de fournir des éclaircissements sur les recherches qui visaient des requêtes et sur celles qui n’avaient pas trait aux requêtes. En ce qui concerne la preuve du caractère nécessaire des recherches, les défendeurs ont précisé que 20 volumes de leur dossier de demande étaient composés de jurisprudence. Cependant, aucune preuve n’a été présentée au sujet du coût des recherches relatives aux diverses décisions en cause ni sur les recherches en ligne qui portaient sur ces décisions. Il incombe alors à l’officier taxateur de tirer une conclusion sur la pertinence et le caractère nécessaire des recherches selon les dates des recherches. Or, il s’agit d’une tâche impossible. En l’absence de preuve relative à l’objet des recherches, il est impossible de se prononcer sur la pertinence et le caractère nécessaire de telle ou de telle recherche. Il est donc impossible de tirer une conclusion sur la pertinence et le caractère nécessaire des recherches en ligne uniquement à partir du volume de la jurisprudence soumise.

[75]           Faisant référence au contre‑interrogatoire de M. Leblanc, l’avocate de Cobalt laisse entendre qu’il n’existe aucune information sur la manière dont les montants figurant dans le rapport ont été obtenus et sur leur lien avec le dossier de Cobalt. En conséquence, allègue-t-elle, l’officier taxateur chargé du présent dossier est maintenant obligée de déterminer la pertinence et la nécessité, à partir d’un tableau dans lequel figurent quelques dates et quelques codes.

[76]           En réponse, l’avocat de Lundbeck fait valoir que le montant réclamé est raisonnable vu la nature et la complexité de l’instance, et il ajoute que, conformément à l’affidavit de M. Leblanc et au contre‑interrogatoire, les recherches sont liées au dossier de Cobalt ainsi qu’au résultat d’une demande soumise au service comptable du cabinet d’avocats, à partir du numéro de dossier relatif à Cobalt.

[77]           Comme l’indique l’avocat de Lundbeck dans ses observations écrites en réponse, il est [traduction] « bien établi en droit que des débours raisonnables, associés à des recherches assistées par ordinateur, sont admissibles ». Cependant, comme il est dit dans la décision Cameco Corp. c «  MCP Altona » (Navire), 2013 CF 1263 (Cameco), au paragraphe 54, ainsi que dans la décision Truehope (précitée), de nos jours, où bien des cabinets d’avocats paient des frais mensuels fixes pour les recherches en ligne, il est nécessaire de justifier clairement la pertinence et la nécessité de ces recherches car l’officier taxateur doit être convaincu du caractère raisonnable des débours, comme il est indiqué au paragraphe 1(4) du tarif B des Règles. La présente affaire présentait une certaine complexité et a certes été vivement débattue, mais les seuls éléments de preuve soumis font état de dates, de taux, de noms de fournisseurs ainsi que de séries de chiffres qui ne sont pas corroborés par le numéro de dossier interne indiqué dans l’affidavit de M. Leblanc. Comme il a été mentionné dans la décision Truehope : « [i]l incombe alors à l’officier taxateur de tirer une conclusion sur la pertinence et le caractère nécessaire des recherches selon les dates des recherches ». Selon moi, Lundbeck n’a pas fourni les preuves nécessaires pour justifier le montant réclamé, ni le lien entre les recherches menées et la présente affaire. Comme dans les décisions Cameco et Truehope, il m’est difficile d’évaluer le caractère raisonnable du montant réclamé en raison du peu d’éléments de preuve fournis. Le montant réclamé au titre des recherches en ligne sera donc rejeté.

C.                 Papeterie, reliure, numérisation et photocopie

[78]           Lundbeck réclame la somme de 14 564,72 $ pour les éléments suivants : papeterie, reliure, numérisation et photocopie. Dans l’affidavit de M. Leblanc, cette somme est étayée par ce qui y est appelé un [traduction] « tableau des débours au titre des dépenses de photocopie, de reliure et d’impression facturées à Lundbeck à des dates précises », un tableau établi à partir du système de facturation du cabinet d’avocats.

[79]           En réfutation, l’avocate de Cobalt allègue dans ses observations écrites qu’il y a lieu de rejeter cet élément car Lundbeck a réclamé des dépenses de photocopie au tarif de 1,50 $ la page, et, ajoute-t-elle :

[traduction] Lorsque des photocopies sont faites à l’interne, ce service n’est recouvrable qu’au taux réel facturé au client. Même un tarif de 0,25 $ la page ne peut tout simplement pas être facturé sans autre preuve. Les activités d’un cabinet d’avocats ne consistent pas à réaliser un bénéfice sur ses photocopieurs. Il ne peut que recouvrer ses frais réels, et il incombe à la partie réclamante de convaincre l’officier taxateur que le montant dépensé a été essentiel pour faire avancer le litige » (Janssen‑Ortho, précitée, au paragraphe 16 et Diversified Products Corp. c Tye-Sil Corp., [1990] ACF no 1056).

[80]           À l’audition de la taxation, l’avocate a par ailleurs soutenu que les frais n’étaient pas documentés comme il faut et qu’il n’y avait aucune preuve qu’ils avaient été effectivement facturés au client. Traitant de la décision rendue dans l’affaire Diversified Products Corp. c Tye‑Sil Corp., [1990] ACF no 1056 (Diversified), elle a fait valoir que le maximum que l’on peut accepter pour les photocopies est un tarif de 0,25 $ la page et que ce service n’est admissible que s’il est essentiel à la conduite de l’action, car les dépenses relatives aux photocopies ont pour objet de rembourser à la partie un débours réel. À ce sujet, l’avocate a fait référence aux frais de photocopie réclamés pour le compendium de chimie et elle a fait valoir qu’il ne s’agissait pas d’un document essentiel à la poursuite, contrairement à la demande, au dossier et au recueil de jurisprudence. Elle a conclu son argumentation en disant : [traduction] « ces montants ne sont pas admissibles car ils ne sont pas convenablement documentés; et, subsidiairement, nous croyons aussi qu’il est juste de dire, en nous appuyant sur la jurisprudence, que le montant maximal qui peut être facturé est de 0,25 $ la page ».

[81]           En réfutation, à l’audition de la taxation, l’avocat de Lundbeck a fait valoir que le nombre total de pages réclamé était justifié et que, même si l’on demandait 1,50 $ la page dans le mémoire de frais, il était disposé à convenir d’un tarif de 0,25 $ la page. Il a de plus allégué que ce montant avait maintenant été réduit au strict minimum car la réclamation initiale figurant dans l’affidavit de M. Leblanc, telle qu’établie par le système de facturation du cabinet d’avocats, était une somme de 40 000 $ facturée à Lundbeck.

[82]           Au contre‑interrogatoire de M. Leblanc, il a été confirmé que cette réclamation ne concernait que les photocopies et que le tableau avait été établi par des adjoints au cabinet d’avocats, pour des photocopies faites à l’interne. La pièce jointe à l’affidavit de M. Leblanc, intitulée [traduction] « Débours de la demanderesse pour photocopies », précise ceci :

[traduction]

Frais de photocopie pour la préparation de la demande (21 pages) : 31,50 $

Frais de photocopie pour la préparation du compendium de chimie en quatre volumes (520 pages) : 780 00 $

Frais de photocopie pour la préparation du dossier de la demanderesse en 34 volumes (6 883 pages) : 10 324,50 $

Frais de photocopie pour la préparation du cahier de jurisprudence (1 021 pages) : 1 531,20 $

Total, taxes incluses : 14 564,72 $

La décision Diversified (précitée) fait état d’un certain nombre de paramètres à propos des photocopies :

Les photocopies ne constituent un débours admissible, que si elles sont essentielles à la conduite de l'action. Elles visent à défrayer le plaideur du coût réel de la photocopie. Les frais de 25 cents la feuille réclamés par le cabinet de l'avocat des demanderesses constituent des frais arbitraires et il ne correspondent pas au coût réel de la photocopie. Les activités d'un cabinet d'avocats ne consistent pas à réaliser un bénéfice sur ses photocopieurs. Le cabinet d'avocats doit faire payer le coût réel et il incombe à celui qui réclame ces débours de convaincre l'officier taxateur du coût réel des photocopies essentielles.

Dans la décision Janssen-Ortho (précitée), la Cour déclare de plus :

À cet égard, les commentaires de la Cour dans la décision Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp, [1990] A.C.J. no 1056 (QL), sont pertinents lorsqu’il est dit que le montant de 0,25 $ la page n’est pas un montant qui peut être facturé sans plus. Lorsqu’on a recours à un service interne, il faut informer l’officier taxateur du coût réel.

[83]           Malgré les preuves très restreintes que l’on trouve dans l’affidavit de M. Leblanc, je suis d’avis, en me reportant au dossier de la Cour proprement dit, que des frais de photocopie ont été nécessaires dans la conduite de la présente affaire. En conséquence, les frais réclamés pour les photocopies de la demande, ainsi que du dossier de la demanderesse et de son cahier de jurisprudence seront accordés car je les considère comme essentiels à la conduite de l’instance devant la Cour. Au vu des documents figurant dans le dossier de la Cour ainsi que de la jurisprudence susmentionnée, j’accorderai un montant réduit de 1 900 $ à titre de débours raisonnables pour les frais de photocopie.

D.                Hôtels, repas et transport

[84]           Les montants suivants sont réclamés dans le mémoire de frais pour des dépenses engagées dans le cadre des contre‑interrogatoires de plusieurs témoins : hôtels (23 281,17 $), repas (3 370,29 $), transport local (843,00 $) et voyages – transport (2 260,15 $). Dans l’affidavit de M. Leblanc, ces montants sont clairement divisés par des pièces auxquelles sont jointes des factures relatives aux contre‑interrogatoires de témoins particuliers, tandis que la liste complète des débours se trouve dans une pièce différente, qui décrit brièvement les dépenses et les montants réclamés par catégorie de dépenses.

[85]           Au départ, l’avocat de Lundbeck a fait valoir, à l’audition de la taxation, que la liste complète des débours avait été établie par le cabinet d’avocats, qu’elle faisait état de montants qui se rapportaient spécifiquement à Cobalt et que toutes les factures avaient été soumises à un exercice de raisonnabilité. Faisant référence au paragraphe 69 de la décision de l’officier taxateur dans l’affaire Merck (précitée), l’avocat allègue que, comme cela a été le cas dans cette décision, où l’officier taxateur avait accepté plusieurs débours malgré le fait que la preuve n’était peut‑être pas suffisamment détaillée, il faudrait prendre en compte en l’espèce que l’affaire était complexe et qu’elle comportait trois dossiers différents à instruire en même temps et à bref délai, ce qui avait obligé à effectuer de nombreux voyages. Il a de plus allégué qu’en raison des facteurs énumérés plus tôt, il avait été difficile de diviser convenablement toutes les factures. Il a également convenu qu’il y avait lieu de réduire les factures dans lesquelles figuraient des frais de consommation d’alcool.

[86]           En réponse, l’avocate de Cobalt a fait valoir qu’il ne faudrait accepter que les dépenses relatives à un avocat seulement pour le travail réalisé dans le cadre du dossier de Cobalt, tandis que les honoraires et les débours relatifs au deuxième et au troisième avocat ne devraient pas être recouvrables car la Cour n’a pas fourni de directives au sujet du deuxième avocat. Faisant référence à la décision rendue dans l’affaire Merck (précitée), où l’officier taxateur avait accepté des débours pour un second avocat, l’avocate de Cobalt soutient que la décision d’accorder des débours pour ce second avocat était fondée sur des faits qui étaient propres à cette affaire. De plus, allègue-t-elle, étant donné que Lundbeck n’a pas fourni de détails appropriés sur les frais de repas qu’elle réclame, il faudrait rejeter ces derniers pour éviter de causer un préjudice à Cobalt (décisions Advance Magazine (précitée) et Hoffman-Laroche (précitée), au paragraphe 29). De plus, aucun montant réclamé pour de l’alcool, des films et des divertissements ne devrait être accordé.

[87]           Dans les observations en réfutation de Lundbeck, invoquant les décisions Rothmans, Benson & Hedges Inc. c Imperial Tobacco Ltd. [1993] ACF no 659, Adir (précitée) et Janssen‑Ortho (précitée), l’avocat soutient que la Cour, dans ces décisions, [traduction] « a fait droit à des honoraires et à des débours que les avocats avaient engagés pour des réunions avec d’éventuels témoins ainsi qu’avec des experts en vue de la préparation de rapports d’expert et de témoignages au procès, de même qu’à des honoraires et à des débours que les avocats avaient engagés pour des réunions avec des témoins interrogés au préalable, pour la préparation d’interrogatoires préalables ainsi que pour la comparution à des interrogatoires préalables (y compris des débours de déplacement) ».

[88]           L’avocate de Cobalt ne conteste pas les voyages qu’ont faits les avocats de Lundbeck, mais plutôt le fait que deux, parfois trois, avocats se sont déplacés pour certains contre‑interrogatoires. En ce qui concerne la taxation des débours associés aux déplacements, je suis du même avis que les officiers taxateurs qui ont été chargés des affaires suivantes : Merck (précitée), Sissel-Online Ltd. c Sissel Handels GmbH, 2010 CF 779, au paragraphe 17, Biovail Pharmaceuticals Canada c Canada (Minister of National Health and Welfare), 2009 CF 665, au paragraphe 28, et Hoffman-La Roche Ltd. c Apotex Inc. 2013 CF 1265, au paragraphe 54. Le rejet de l’article 24 du tableau du tarif B des Règles (déplacement de l’avocat), au motif que cet article requiert une directive explicite de la Cour, n’empêche pas de taxer les débours de déplacement essentiels et connexes, qui pourraient inclure ceux du second avocat, s’ils sont pertinents. En raison de la complexité technique du travail accompli dans le cadre de la présente instance, je suis d’avis que le recours à deux avocats pour les contre‑interrogatoires paraît être une décision prudente et raisonnable lorsque j’examine le type de preuves qui ont été soumises à la Cour et le travail nécessaire des avocats auprès de témoins compétents et très accomplis. Cependant, rien dans la preuve qui m’a été soumise ne justifie la présente d’un troisième avocat, et les réclamations connexes seront rejetées.

[89]           Pour justifier pourquoi les comptes n’ont pas toujours été tenus de manière appropriée, il a été suggéré dans les actes de procédure de Lundbeck que la quantité de travail requise dans cette instance fondée sur le Règlement sur les MB (AC) explique que certains membres du personnel du cabinet d’avocats ont été embrouillés par la quantité de documents en cause. Je puis comprendre que les membres du personnel du cabinet d’avocats ont peut-être été débordés, mais je ne vois pas pourquoi Cobalt devrait subir un préjudice dans une situation où les reçus ne fournissent pas assez d’informations pour que l’on puisse prendre une décision éclairée et raisonnable. Je passerai donc en revue la totalité des débours de déplacement en tenant compte de la preuve qui m’a été soumise ainsi que des opinions ancrées et divergentes des parties, de façon à en évaluer le caractère raisonnable. Même si l’avocate de Cobalt en a fait la suggestion, je ne considère pas que le défaut de Lundbeck de fournir des détails appropriés sur tous les frais de repas devrait se solder par une taxation à zéro dollar. Ce résultat est injuste, et je le rejette, compte tenu du fait que les circonstances de l’espèce ont clairement obligé les avocats à voyager en vue de prendre part à des contre‑interrogatoires et de combler ainsi des lacunes dans leur expertise professionnelle. Conformément aux conclusions qui précèdent, les débours réclamés pour le contre‑interrogatoire de M. Kissinger, soit la somme de 884,53 $, seront accordés à un montant de 569,88 $.

[90]           Pour ce qui est de la seconde réclamation, il est dit dans l’affidavit de M. Leblanc que les avocats de Lundbeck ont engagé des dépenses entre le 4 et le 22 juillet 2008 pour les contre‑interrogatoires de M. Christian K. Jensen, du Dr Montgomery (4 juillet 2008, à Londres (R.‑U.)), de M. Klaus Peter Bøgesø (14 juillet 2008, à Londres (R.‑U.), de M. Brian J. Clark, de M. Klaus Guntertofte (22 juillet 2008, à Londres (R.‑U.)) et de M. Roger Newton (18 juillet 2008, à Londres (R.‑U.)), ce qui représente un montant total de 22 138,87 $. En réponse, l’avocate de Cobalt a fait valoir qu’en raison de la réduction du nombre d’avocats présents, de l’élimination du temps travaillé dans le cadre du dossier d’Apotex et de la suppression des frais de consommation d’alcool, le montant total devrait être ramené à une somme variant entre 3 800 $ et 6 000 $.

[91]           Les réclamations, telles que présentées en l’espèce, n’établissent pas nécessairement un droit absolu à une compensation des montants présentés. Suite à l’examen des preuves qui m’ont été soumises, les montants réclamés pour des dates auxquelles aucun contre-interrogatoire concernant Cobalt n’a eu lieu ne seront pas accordés. De plus, les montants réclamés pour des boissons alcoolisées, des films loués à l’hôtel, des services de buanderie de moins de 24 heures, des services de concierge ou des repas somptueux, sans détails sur ce que les repas comprenaient ou les convives, seront refusés. Il convient de signaler qu’il a été décidé à maintes reprises (Janssen‑Ortho Inc., précitée, au paragraphe 24 et Allied Signal Inc., précitée, au paragraphe 111, ainsi que Bayer AG c Novopharm Ltd, 2009 CF 1230, aux paragraphes 77 et 78) que les frais de déplacement et de repas pour les clients ne sont pas recouvrables. Vu le manque de détails dans les preuves que Lundbeck a fournies, et conformément à la démarche suivie dans l’arrêt Merck & Co c Apotex Inc, 2008 CAF 371, au paragraphe 14, je conclus qu’il est raisonnable de réduire le montant réclamé de façon à ne pas rembourser des dépenses irrégulièrement réclamées ou non étayées convenablement par la preuve. Pour les motifs qui précèdent et compte tenu de mes conclusions, le montant réclamé de 22 138,87 $ est accepté à 11 517,64 $.

[92]           Il est indiqué dans l’affidavit de M. Leblanc que les avocats de Lundbeck ont engagé des dépenses d’un montant de 3 958,84 $ pour les contre‑interrogatoires de M. S. Davies, à Vancouver, le 25 septembre 2008. Compte tenu de mes conclusions qui précèdent au sujet du troisième avocat, des dates de contre‑interrogatoire et des factures de repas sans renseignements détaillés, les dépenses réclamées ont été réduites à 1 483 $. Cobalt conteste les montants réclamés pour la comparution d’avocats aux contre‑interrogatoires de M. Cooke, à Toronto, le 26 août 2008, de M. Peter Davies, à Ottawa, le 9 septembre 2008, et de M. Stengos, à Toronto, le 8 octobre 2008, en ce qui concerne uniquement la comparution du second avocat et des problèmes que présentent les reçus relatifs au voyage fait le 8 octobre 2008 à Toronto. Compte tenu de mes conclusions qui précèdent et des éléments de preuve au dossier, les montants sont accordés tels que demandés, moins la somme de 214,47 $ qui se rapporte au voyage fait le 8 octobre 2008 et qui n’est pas justifiée convenablement.

[93]           La somme de 94,96 $ est réclamée pour des services d’huissier dans la dernière modification apportée au mémoire de frais de Lundbeck. Il s’agit d’une somme que conteste l’avocate de Cobalt, dans la mesure qu’il n’y a aucune preuve que les factures fournies, qui totalisent 95,59 $, ont été facturées au client ou payées par le cabinet d’avocats. Selon les pièces jointes à l’affidavit de M. Leblanc, ces factures se rapportent à la signification à personne de l’avis de demande à la Cour ainsi qu’à toutes les parties intéressées. Conformément, au paragraphe 127(1) des Règles et à la lumière du paragraphe 1(4) du tarif B des Règles, je suis convaincue que l’affidavit de M. Leblanc établit que le débours a été effectué. La somme de 94,96 $ est considérée comme raisonnable, et elle est accordée.

[94]           Le mémoire de frais est taxé à un montant total de 150 448,46 $.

« Johanne Parent »

Officier taxateur

Toronto (Ontario)

Le 6 novembre 2014

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Dossier :

T-1395-07

INTITULÉ :

LUNDBECK CANADA INC. c LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET COBALT PHARMACEUTICALS INC.

motifs de la taxation des frais :

JOHANNE PARENT

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 juin 2014

DATE DES MOTIFS :

LE 6 NOVEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

Hilal El Ayoubi

Marc-André Nadon

 

POUR LA demanderesse

Aucune comparution

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

Heather Watts

POUR LA DÉFENDERESSE,

COBALT PHARMACEUTICALS INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau duMoulin s.e.n.c.r.l., s.r.l.,

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

Deeth Williams Wall LLP,

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE,

COBALT PHARMACEUTICALS INC.

 

 

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