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Date : 20141215


Dossier : T-1188-14

Référence : 2014 CF 1212

Ottawa (Ontario), le 15 décembre 2014

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

TAHAR OSMANI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Monsieur Osmani interjette appel d’une décision rendue par un juge de la Cour de la citoyenneté rejetant sa demande de citoyenneté au motif que « le requérant ne s’est pas acquitté du fardeau de sa preuve relativement à ses obligations de résidence » prévues par la Loi sur la citoyenneté.

[2]               La cause fut intentée avant les récentes modifications à la Loi, donc il incombait au demandeur d’accumuler trois ans (1 095 jours) de résidence pendant les quatre ans précédant immédiatement sa demande de citoyenneté.

[3]               M. Osmani a demandé la citoyenneté canadienne le 25 mai 2010. Il déclare avoir été présent au Canada pour 1 204 jours pendant les quatre années précédentes.

[4]               Avant les modifications à la Loi, trois courants existaient dans la jurisprudence portant sur le sens de « résidence ». Un point de vue était celui du juge Muldoon dans Re Pourghasemi, 62 FTR 122, 19 Imm LR (2d) 259, [1993] ACF no 232 (QL). Il adoptait un simple compte des jours, c’est-à-dire le critère de la présence physique, plutôt qu’une méthode plus philosophique : « mon cœur y est bien que mon corps soit ailleurs ».

[5]               Le juge Lutfy, tel étant alors son titre, a statué dans Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 164 FTR 177, [1999] ACF no 410 (QL), que le juge de la citoyenneté pouvait à bon escient adopter n’importe quel des trois courants jurisprudentiels divergents. En effet, Lam présageait les décisions de la Cour suprême qui prévoient la déférence au décideur dans l’interprétation de sa propre loi constitutive (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654).

[6]               Dans le cas en espèce, le juge de la citoyenneté suivait explicitement le critère de la présence physique tel qu’exposé dans Re Pourghasemi.

[7]               Le juge de la citoyenneté n’était pas satisfait de la preuve présentée. Une question cruciale était la naissance d’une fille de M. Osmani, citoyen algérien, lorsque ce dernier était au Canada selon ses affirmations. L’acte de naissance émis par la République algérienne précise que Sarah Osmani, fille de Tahar et Zadi Nassima, naquit le 26 juillet 2007. Cet acte fut émis « sur la déclaration faite par le père ».

[8]               La note infrapaginale sur le formulaire stipule que la déclaration doit être faite « [p]ar le père, le médecin, la sage-femme ou toute autre personne ayant assisté à l’accouchement ».

[9]               L’acte porte aussi le sceau « valable uniquement pour l’étranger ».

[10]           M. Osmani, qui fut interviewé par le juge de la citoyenneté, a affirmé qu’il avait déclaré la naissance auprès du consulat algérien à Montréal.

[11]           Le juge de la citoyenneté lui a demandé d’en faire la preuve et également de fournir d’autres indices de sa présence au Canada. Il lui a accordé un délai de trente jours. Dans ce délai, M. Osmani a fourni un document en arabe et quelques autres documents reliés à sa présence au Canada.

[12]           Avec raison, le juge de la citoyenneté a conclu qu’il ne pouvait pas tenir compte du document en arabe, vu que celui-ci n’était pas accompagné d’une traduction française ou anglaise. Toutes instructions fournies aux parties demandant la citoyenneté sont très précises :

Tout document qui n’est ni en français ni en anglais doit être accompagné à la fois :

•d’une copie de sa traduction française ou anglaise et

•d’une déclaration sous serment de la personne qui l’a traduit.

Il n’était pas satisfait non plus des autres indices fournis à l’appui de sa présence au Canada. En effet, une partie de la documentation ne visait même pas les quatre années en question.

[13]           Vu que la norme de contrôle à appliquer lors d’un appel relatif à la citoyenneté est celle de la décision raisonnable, les questions suivantes sont soulevées :

1.               Était-il raisonnable pour le juge de la citoyenneté de demander des documents supplémentaires?

2.               Était-il raisonnable d’écarter le document en arabe qui, selon l’affirmation de M. Osmani à cette Cour, est la déclaration déposée au consulat algérien?

3.               Était-il raisonnable de conclure que la preuve présentée ne suffisait pas pour établir la présence au Canada de M. Osmani pendant au moins trois des quatre années précédant sa demande?

[14]           Bien que l’acte de naissance puisse être lu de plus d’une façon, il n’était pas déraisonnable pour le juge de la citoyenneté d’exiger de M. Osmani de prouver qu’il avait déclaré sa paternité en se rendant au consulat algérien à Montréal.

[15]           Il n’était pas non plus déraisonnable pour le juge de la citoyenneté de conclure que les autres preuves présentées n’étaient pas assez convaincantes.

[16]           Bien que le juge de la citoyenneté se soit livré à des conjectures, il n’en reste pas moins qu’il incombait à M. Osmani de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était présent au Canada pour la période exigée et qu’il n’était pas déraisonnable pour le juge de la citoyenneté de conclure qu’il ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve.

[17]           En effet, M. Osmani était d’avis qu’il avait déposé assez de preuves, car, tel qu’il l’affirme dans son affidavit à l’appui de cet appel :

11. le faite j’ai étudie dans un établissement canadien à temps plein, et j’ai travail dans une etablissement publique je ne fait pas des efforts pour chercher d’autres preuves.

[18]           En fait, lors de l’appel, M. Osmani témoignait des autres documents qu’il aurait pu déposer. Il a même déposé une traduction française de la déclaration qu’il avait faite au consulat algérien.

[19]           Toutefois, cet appel n’est pas une nouvelle audience; il s’agit d’une révision basée sur les éléments qui étaient devant le juge de la citoyenneté. Bien que M. Osmani prétende maintenant que le délai de 30 jours ne suffisait pas pour obtenir une traduction (d’un document n’ayant pourtant que quelques lignes), il n’avait pas demandé un report de l’échéance.

[20]           M. Osmani n’est pas le juge de sa propre cause. C’était au juge de la citoyenneté de décider s’il avait assez d’information, et c’est à la Cour de déterminer si la conclusion que l’information ne suffisait pas était déraisonnable.

[21]           Pour tous ces motifs, l’appel doit être rejeté. Bien sûr, M. Osmani a le droit de demander à nouveau la citoyenneté canadienne.


JUGEMENT

POUR CES MOTIFS;

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté.

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1188-14

 

INTITULÉ :

TAHAR OSMANI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 décembre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 DÉCEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

Tahar Osmani

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Patricia Nobl

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

pour le défendeur

 

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