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Date: 20150217


Dossier : T-605-07

Référence : 2015 CF 189

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 17 février 2015

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

H-D U.S.A., LLC ET HARLEY-DAVIDSON MOTOR COMPANY, INC.

demanderesses/

(défenderesses reconventionnelles)

 

et

JAMAL BERRADA, 3222381 CANADA INC. ET EL BARAKA INC.

défendeurs/

(demandeurs reconventionnels)

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   CONTEXTE

[1]               Les procédures judiciaires qui opposent les demanderesses et les défendeurs remontent à l’année 2007, lorsque les demanderesses ont sollicité des déclarations portant qu’elles avaient le droit de distribuer, d’annoncer, d’offrir en vente et de vendre leurs produits en utilisant la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE au Canada. Les défendeurs ont répondu, dans leurs demandes reconventionnelles, qu’ils emploient à bon escient les marques de commerce SCREAMING EAGLE et SCREAMIN’ EAGLE depuis plus de 20 ans et que les demanderesses ont commencé à vendre des vêtements et des accessoires portant ces marques de commerce ou des marques similaires dans le seul but de diminuer, de détruire ou d’acquérir l’achalandage des défendeurs.

[2]               Dans une décision de la Cour datée du 4 mars 2014, le juge André Scott a accueilli l’action intentée par les demanderesses, affirmé que celles-ci avaient le droit de distribuer, d’annoncer, d’offrir en vente et de vendre des articles connexes, y compris des vêtements, se rapportant à leur marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE, en liaison avec leur marque de commerce déposée HARLEY-DAVIDSON, dans l’ensemble du Canada, mais exclusivement dans les concessionnaires HARLEY-DAVIDSON, étant donné que ces activités ne violeront pas les droits légitimes des défendeurs, et il a rejeté les demandes reconventionnelles de ceux-ci.

[3]               Dans sa décision, à la demande des parties, le juge Scott a différé son jugement sur les dépens et a demandé aux parties de lui présenter des observations écrites à ce sujet.

[4]               Aux paragraphes 209 à 216 de sa décision, le juge Scott a examiné la question de la bonne et de la mauvaise foi des parties et celle de savoir si les défendeurs avaient droit aux déclarations et aux réparations en equity qu’ils avaient sollicitées.

[5]               Le juge Scott a conclu qu’aucun élément de la conduite des demanderesses ne montrait que celles-ci avaient fait preuve de mauvaise foi ou qu’elles n’étaient pas sans reproche. En revanche, il a conclu que, à certaines occasions, la conduite des défendeurs frisait la mauvaise foi, au point où « il [était] clair que les défendeurs n’[avaient] droit à aucune réparation en equity ».

[6]               La Cour souligne que la conclusion du juge Scott quant à la mauvaise foi des défendeurs concerne le fait qu’ils « ont sciemment essayé de s’associer à HD et de tirer profit de ce nom » et non leur conduite au cours des longues procédures qui ont mené à sa décision.

[7]               Le juge Scott a été nommé à la Cour d’appel fédérale après avoir rendu la décision sur le fond et avant la tenue de l’audience sur les dépens. Je reconnais qu’il est plutôt inhabituel que la décision concernant les dépens ne soit pas rendue par le juge qui a instruit l’affaire.

II.                OBSERVATIONS DES PARTIES

A.                 Observations des demanderesses

[8]               Les demanderesses soutiennent que l’application à la lettre du tarif n’est ni juste ni appropriée dans les circonstances. Dans le mémoire de dépens qu’elles ont déposé en même temps que leurs observations, les demanderesses soulignent que les honoraires d’avocat s’élèveraient à 109 951,54 $ et les débours, à 134 218,11 $, si les dépens étaient adjugés selon le haut de la colonne III. Elles demandent donc à la Cour d’exercer le pouvoir discrétionnaire dont elle est investie en vertu du paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS / 98-106 (les Règles), afin d’augmenter les honoraires d’avocat et d’adjuger une somme globale de 947 369 99 $.

[9]               Elles proposent que cette somme soit divisée en trois parts comme suit :

1)      Un montant de 635 000 $ représentant 50% des honoraires d’avocat qu’elles ont engagés pour faire avancer l’affaire jusqu’à l’instruction. Selon les demanderesses, cet écart par rapport à la pratique habituelle, qui consisterait à accorder environ 33% des honoraires d’avocat engagés, est justifié par la conduite des défendeurs ainsi que par le résultat de l’instance, par l’effort en cause et par le déroulement de l’instance;

2)      Un montant de 193 592,83 $ représentant le double de la partie des honoraires d’avocat engagés après le 21 août 2013, conformément à l’article 420 des Règles. De l’avis des demanderesses, le doublement est justifié en raison du rejet par les défendeurs de l’offre officielle de règlement (l’offre) qu’elles avaient présentée à cette date et qui était finalement plus avantageuse pour les défendeurs que le jugement du 4 mars 2014;

3)      Les débours raisonnables des demanderesses, qui s’élèvent à 118 777,09 $.

[10]           À l’appui des sommes qu’elles demandent, les demanderesses font valoir qu’elles ont eu gain de cause sur tous les aspects du litige, que l’affaire a nécessité des efforts considérables et que, en raison de la conduite des défendeurs, elles ont dû engager des honoraires très élevés.

[11]           En ce qui concerne le déroulement de l’instance, les demanderesses invoquent six facteurs qui militent en faveur de l’octroi d’honoraires plus élevés que ceux qui sont prévus au tarif : (i) le comportement des défendeurs; (ii) le fait qu’ils ont invoqué cinq causes d’action distinctes contre les demanderesses, même si l’une d’elles outrepassait la compétence de la Cour fédérale et qu’une autre était inapplicable; (iii) le fait que les défendeurs ont contesté la mise au rôle de la requête en jugement des demanderesses qui reposait sur les admissions fondamentales énoncées dans l’exposé conjoint des faits; (iv) le fait que les défendeurs ont formulé de nombreuses allégations offensantes; (v) le fait que les défendeurs ont modifié leur témoignage tout au long du litige et, enfin, (vi) le fait que les demanderesses ont véritablement tenté d’en arriver à un compromis en présentant des offres de règlement, notamment l’offre datée du 21 août 2013.

[12]           Dans leur réponse aux observations écrites des défendeurs sur les dépens, les demanderesses ajoutent que toutes les mesures amorcées ou prises tout au long du présent litige étaient nécessaires, que les mesures prises avant avril 2011 ne devraient pas être écartées, parce que l’essence du litige, soit la capacité des demanderesses de vendre leurs vêtements SCREAMIN’ EAGLE au Canada, n’a jamais changé et fait partie de la décision sur le fond rendue le 4 mars 2014. De plus, contrairement à ce que les défendeurs soutiennent, les honoraires engagés après avril 2011 représentent environ les deux tiers du total des honoraires, soit une partie importante de ce total. Les demanderesses contestent l’allégation des défendeurs selon laquelle trois associés principaux ont participé au dossier tout au long de l’instruction. Elles font plutôt valoir que deux avocats, soit un avocat associé et un avocat non associé, ont plaidé à l’instruction, tandis que les honoraires engagés par un autre associé étaient à la fois restreints et justifiés, étant donné que cet avocat avait pour tâche de contre-interroger un témoin en français.

B.                 Observations des défendeurs

[13]           Les défendeurs demandent à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à ordonner à chaque partie de payer ses propres dépens. Subsidiairement, ils demandent qu’une somme globale d’au plus 15 000 $ soit accordée au titre des dépens.

[14]           Dans leurs observations écrites sur les dépens, les défendeurs fondent leur demande sur les facteurs suivants :

1)        Dans son jugement, le juge Scott n’a pas confirmé que les dépens devraient être adjugés en faveur des demanderesses;

2)        Les défendeurs ont agi de bonne foi, et leur position juridique reposait sur un fondement raisonnable;

3)        La position des demanderesses a changé radicalement en avril 2011. En conséquence, les défendeurs ne devraient pas être tenus d’assumer les frais élevés des procédures engagées avant 2011, car le jugement lui-même ne traite pas de la demande initiale;

4)        L’offre datée du 21 août 2013 était moins généreuse que le jugement et, par conséquent, l’article 420 des Règles ne s’applique pas;

5)        L’octroi de dépens selon le montant que les demanderesses sollicitent constituerait une adjudication de dépens punitifs et irait à l’encontre des intérêts de la justice;

6)        Les défendeurs n’ont pas engagé l’instance; ils ont simplement contesté les allégations et réclamations des demanderesses.

[15]           Dans le résumé des arguments des défendeurs concernant les dépens, les défendeurs contestent le montant que les demanderesses sollicitent au titre des dépens pour cinq autres raisons : (i) les demanderesses ont modifié leurs réclamations de façon si importante en avril 2011 que tous les frais engagés avant avril 2011 n’étaient plus pertinents; (ii) les demanderesses ne sont pas sans reproche parce qu’elles savaient, depuis environ 1990, que les défendeurs employaient la marque SCREAMING EAGLE et qu’elles n’ont fait valoir leurs droits qu’en 2007; (iii) les défendeurs ont agi de façon raisonnable en abrégeant la durée de l’instruction de différentes façons; (iv) le jugement sur le fond porte sérieusement atteinte aux droits des défendeurs; (v) les demanderesses ont agi de mauvaise foi en employant les marques SCREAMIN’ EAGLE ou SCREAMIN’ EAGLE PERFORMANCE PARTS au Canada.

[16]           Enfin, les défendeurs contestent également certains frais et dépens que les demanderesses réclament, notamment les frais associés à la participation de trois avocats, ce qui était excessif dans les circonstances.

III.             ANALYSE

[17]           La Cour confirme que les dépens sont adjugés aux demanderesses, étant donné que l’action intentée par celles-ci a été accueillie, tandis que les demandes reconventionnelles des défendeurs ont toutes été rejetées.

[18]           Selon l’article 407 des Règles, les dépens sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B, sauf ordonnance contraire de la Cour. De plus, [TRADUCTION] « le paragraphe 400(4) des Règles prévoit expressément la possibilité de s’éloigner du tarif B […] » (Philip Morris Products SA c Malboro Canada Ltd, 2015 CAF 9, au paragraphe 4 [Philip Morris]).

[19]           Selon le paragraphe 400(1) des Règles, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens et de les répartir; dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, elle peut tenir compte de la liste non exhaustive de facteurs figurant au paragraphe 400(3) des Règles, dont les facteurs suivants : le résultat de l’instance, tout offre écrite de règlement, la charge de travail et toute autre question qu’elle juge pertinente.

[20]           Pour établir le caractère raisonnable d’une adjudication de dépens, la Cour devrait se rappeler les différents objets que peut viser cette adjudication. À cet égard, la Cour d’appel fédérale a formulé les observations suivantes dans Sherman c Canada (Ministre du Revenu national – MRN), 2003 CAF 202, au paragraphe 46 [Sherman] :

Il est maintenant généralement reconnu que l’adjudication des dépens peut remplir plus d’une fonction. En vertu des règles contemporaines, l’adjudication des dépens peut servir à réglementer, à indemniser et à dissuader. Elle réglemente en encourageant les plaideurs à en arriver à un règlement tôt dans le processus et à faire preuve de retenue. Elle décourage les comportements et litiges impétueux, futiles et abusifs. Elle vise à indemniser, du moins en partie, la partie qui a eu gain de cause et qui a parfois engagé de grosses dépenses pour faire valoir ses droits.

(Voir également Thibodeau c Air Canada, 2007 CAF 115, au paragraphe 24).

[21]           Après avoir pris en compte les observations des deux parties au sujet des dépens, je suis d’avis que le résultat de l’instance, la charge de travail et le rejet par les défendeurs des offres de règlement constituent des facteurs pertinents qui militent en faveur de l’octroi d’un montant élevé au titre des dépens. Cette conclusion va de pair avec les objets de l’adjudication des dépens, laquelle peut servir à réglementer, à indemniser et à dissuader. En fait, la présente action a duré plus de sept ans et a nécessité beaucoup de travail de la part des deux parties. De plus, les demanderesses ont présenté trois offres de règlement aux défendeurs, qui les ont rejetées et n’ont fait aucun effort pour régler l’affaire. Par ailleurs, la Cour a rejeté les allégations des défendeurs selon lesquelles les demanderesses avaient agi de mauvaise foi, ce qui constitue un autre facteur à prendre en compte au moment de décider si l’augmentation des dépens est justifiée (Air Canada c Toronto Port Authority, 2010 CF 1335, au paragraphe 17 [Air Canada]). La Cour fédérale a également décidé qu’une majoration des dépens est justifiée dans les cas où l’adjudication de dépens selon ce que prévoit le tarif B serait injuste pour la partie ayant eu gain de cause, c’est-à-dire lorsque l’adjudication fondée sur le tarif B ne satisferait pas pleinement l’objet de l’indemnisation (Ultima Foods Inc c Canada (Procureur général), 2013 CF 238, aux paragraphes 25 et 26 [Ultima Foods]; Air Canada, aux paragraphes 15 et 16). C’est le cas, en l’espèce.

[22]           Je conviens avec les deux parties que l’adjudication des dépens sous forme d’un montant global est appropriée et cadre, dans la présente affaire, avec la [TRADUCTION] « récente tendance jurisprudentielle qui favorise l’adjudication d’une somme globale fondée sur un pourcentage des frais effectivement engagés lorsqu’il s’agit de parties commerciales averties qui ont manifestement les moyens de payer le coût des choix juridiques qu’elles font » (Eli Lilly c Apotex Inc, 2011 CF 1143, au paragraphe 36 [Apotex]). De plus, l’adjudication des dépens sous forme d’un montant global permet aux parties d’économiser les coûts, en temps et en argent, qui, dans le cas contraire, découleraient du processus de taxation) (Abbott Laboratories c Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 50, au paragraphe 9; Corsorzio Del Prosciutto Di Parma c Maple Leaf Meats Inc, 2002 CAF 417, au paragraphe 12 [Consorzio]).

[23]           La Cour estime qu’une indemnisation complète à l’égard des honoraires avocat-client que les demanderesses ont engagés s’élève à 1 271 682 $. Bien que les demanderesses ne réclament pas ce montant à titre d’honoraires, la Cour peut se servir de ce total pour calculer le montant des dépens à accorder (Consorzio, au paragraphe 10; Apotex, au paragraphe 73).

[24]           Dans les déclarations modifiées de 2011 et de 2013, les demanderesses ont modifié la réparation réclamée. Elles ont renoncé à demander des déclarations selon lesquelles les défendeurs avaient violé les droits dont elles étaient titulaires et ont plutôt simplement demandé des déclarations portant qu’elles avaient le droit de distribuer, d’annoncer, d’offrir en vente et de vendre leurs produits et que leurs activités ne portaient pas atteinte aux droits des défendeurs. Cette modification ne constitue pas un changement majeur justifiant l’exclusion de la période précédant avril 2011 dans le calcul des dépens, étant donné que, dès le départ, les demanderesses voulaient obtenir la possibilité de vendre leurs vêtements SCREAMIN’ EAGLE au Canada et que cette demande constituait l’essence du litige. De plus, cette modification fait partie de la décision sur le fond rendue le 4 mars 2014.

[25]           En conséquence, la Cour convient avec les demanderesses que la période précédant avril 2011 doit être prise en compte dans le calcul des dépens. La Cour souligne également que les défendeurs lui demandent de tenir compte du fait que ce sont les demanderesses qui ont engagé les procédures judiciaires et que les défendeurs [TRADUCTION] « tentaient essentiellement de se protéger contre les attaques ». Cependant, les défendeurs ont déposé une première version de leurs demandes reconventionnelles le 28 mai 2007, laquelle a été modifiée plus tard, et demandé plusieurs réparations aux demanderesses. En conséquence, au cours de la période précédant avril 2011, non seulement les défendeurs se défendaient, mais ils formulaient également des réclamations à l’encontre des demanderesses. C’est pourquoi la Cour estime que les frais engagés avant avril 2011 devraient être pris en compte dans le calcul.

[26]           La Cour reconnaît les décisions dans lesquelles les frais alloués dans le cadre de l’adjudication des dépens totalisaient environ le tiers des honoraires d’avocat engagés, ce qui équivaudrait en l’espèce à une somme de 423 894 $ : voir Consorzio, Ultima Foods, Apotex et Philip Morris, au paragraphe 6.

[27]           La Cour n’est pas disposée à augmenter le pourcentage à 50% des honoraires d’avocat engagés, comme les demanderesses le demandent. Selon la Cour, il ressort de la jurisprudence que les demanderesses ont invoquée à l’appui de cette demande que ces augmentations sont accordées dans des circonstances exceptionnelles, et la Cour ne peut confirmer que ces circonstances sont survenues en l’espèce.

[28]           La Cour est également d’avis que le montant de 118 777,09 $ recherché au titre des dépens est appuyé par la preuve.

[29]           Enfin, la Cour doit décider si l’octroi d’un montant équivalant au double du montant applicable pour la période postérieure à l’offre du 21 août 2013 est justifié.

[30]           Le paragraphe 420(1) des Règles prévoit ce qui suit :

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106

Federal Courts Rules, SOR/98-106

Conséquences de la non-acceptation de l’offre du demandeur

Consequences of failure to accept plaintiff’s offer

420. (1) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve du paragraphe (3), si le demandeur fait au défendeur une offre écrite de règlement, et que le jugement qu’il obtient est aussi avantageux ou plus avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite, au double de ces dépens mais non au double des débours.

420. (1) Unless otherwise ordered by the Court and subject to subsection (3), where a plaintiff makes a written offer to settle and obtains a judgment as favourable or more favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and costs calculated at double that rate, but not double disbursements, after that date.

[31]           C’est la partie qui demande l’application de l’article 420 des Règles, en l’occurrence, les demanderesses, qui doit prouver que l’offre de règlement est aussi avantageuse ou plus avantageuse que le jugement final (Apotex Inc c Sanofi-Aventis, 2012 CF 318, au paragraphe 30).

[32]           La Cour fédérale a énoncé un certain nombre de facteurs à prendre en compte dans le cadre de cette évaluation; ces facteurs sont les suivants :

39        Pour que la règle du doublement des dépens s’applique, l’offre doit être claire et sans équivoque, c’est-à-dire qu’elle ne doit laisser à la partie adverse que l’alternative de l’accepter ou de la refuser (Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals, 2001 CAF 137, [2001] A.C.F. no 727 (QL), au paragraphe 10). L’offre doit également comporter un élément de compromis (ou dincitation à l’accepter) (Association olympique canadienne c. Olymel, Société en commandite, [2000] A.C.F. no 1725 (QL), au paragraphe 10). En outre, elle doit être présentée en temps utile de sorte qu’elle soit toujours avantageuse pour la partie adverse si celle‑ci l’accepte (Sammammas Compania Maritima S.A. c. Netuno (Le), Action in rem contre le navire « Netuno », [1995] A.C.F. no 1442 (QL), aux paragraphes 30 et 31). Finalement, si elle est acceptée, l’offre doit mettre fin au litige entre les parties (TRW, précité, à la page 456) (MK Plastics Corp c Plasticair Inc, 2007 CF 1029, au paragraphe 39).

[33]           Les demanderesses ont établi ces facteurs : l’offre a été présentée au moins 14 jours avant le début de l’audience; elle n’a pas été retirée; elle n’a pas expiré avant le début de l’audience; elle était claire et sans équivoque; elle a été présentée en temps utile; et elle aurait mis fin au litige entre les parties. De plus, l’offre comportait un élément de compromis, puisque les demanderesses ont proposé qu’il n’y ait pas de dépens ou que le montant des dépens soit réduit, selon la date de l’acceptation de l’offre par les défendeurs (Culhane c ATP Aero Training Products Inc, 2004 CF 1667, au paragraphe 6; Kirgan Holding SA c Panamax Leader (Le), 2003 CFPI 80, au paragraphe 12).

[34]           Étant donné que ces facteurs ont été établis, je dois décider si l’offre est effectivement aussi favorable ou plus favorable que le jugement pour les défendeurs :

[35]           Voici le texte de l’offre :

[TRADUCTION]

Les demanderesses, H-D U.S.A., LLC et Harley-Davidson Motor Company, Inc. (« demanderesses »), offrent de régler la présente instance qui les oppose aux défendeurs, Jamal Berrada, 3222381 Canada Inc. et EI Baraka Inc. (« défendeurs »), en règlement définitif de toutes les réclamations, conformément aux conditions non dissociables suivantes :

1)   Les défendeurs consentiront à un jugement :

a)  Déclarant que les demanderesses ont le droit de distribuer, d’annoncer, d’offrir en vente et de vendre, dans l’ensemble du Canada, des articles connexes HARLEY-DAVIDSON, y compris des vêtements, qui portent la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE;

b)  Déclarant que la vente au Canada d’articles connexes HARLEY-DAVIDSON des demanderesses, y compris des vêtements, qui portent la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE, ne viole pas et ne violera pas les droits légitimes des défendeurs;

c)  Rejetant la demande reconventionnelle des défendeurs aux présentes et les redressements et réparations qui y sont sollicités;

d)  Portant qu’il n’y aura pas de dépens, si l’offre est acceptée au plus tard le 31 août 2013;

e)  Portant que, si l’offre est acceptée entre le 1er septembre 2013 et une minute après le début de l’instruction, les demanderesses obtiendront 40% de leurs dépens calculés selon la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales.

[36]           Voici les extraits pertinents du jugement :

1)         L’action des demanderesses est accueillie;

2)         Les demanderesses ont le droit de distribuer, d’annoncer, d’offrir en vente et de vendre des articles connexes, y compris des vêtements, se rapportant à leur marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE, en liaison avec leur marque de commerce déposée HARLEY-DAVIDSON, dans l’ensemble du Canada, mais exclusivement dans les concessionnaires HARLEY-DAVIDSON, étant donné que ces actions ne violeront pas les droits légitimes des défendeurs;

3)         Les demandes reconventionnelles des défendeurs au titre de l’alinéa 7b) et des articles 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce sont rejetées;

[…]

[Non souligné dans l’original.]

[37]           La réduction des dépens qui est prévue dans l’offre est favorable pour les défendeurs. Cependant, l’offre et le jugement prévoient des conditions différentes en ce qui concerne l’utilisation de la marque SCREAMIN’ EAGLE par les demanderesses : l’offre prévoit la distribution, l’annonce, l’offre en vente et la vente d’articles HARLEY-DAVIDSON qui portent la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE dans l’ensemble du Canada sans la moindre restriction, tandis que le jugement restreint la distribution, l’annonce, l’offre en vente et la vente d’articles HARLEY-DAVIDSON en liaison avec leur marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE dans les concessionnaires HARLEY-DAVIDSON du Canada.

[38]           Les demanderesses n’ont présenté aucun élément de preuve concernant les répercussions possibles de cette restriction. Cependant, la Cour ne peut comparer le montant de dépens que les défendeurs sont condamnés à payer selon le présent jugement au gain qui pourrait découler de la restriction touchant le droit des demanderesses de distribuer, d’annoncer, d’offrir en vente et de vendre leurs articles au Canada. Tel qu’il est mentionné plus haut, il incombe aux demanderesses de prouver que l’offre était plus favorable pour les défendeurs que le jugement, et elles n’ont pas convaincu la Cour à cet égard. En conséquence, l’article 420 des Règles ne s’applique pas en l’espèce et les demanderesses n’ont pas droit au doublement des dépens pour la période postérieure à l’offre du 21 août 2013.

[39]           En conséquence, après avoir analysé les observations des parties, la Cour accorde aux demanderesses une somme globale de 423 894 $ au titre des honoraires ainsi qu’un montant de 118 777,09 $ au titre des débours.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.      Les défendeurs sont condamnés à payer sans délai aux demanderesses la somme de 423 894 $ ainsi que les débours de 118 777,09 $, soit un total de 542 671,09 $, lequel montant comprend les taxes applicables;

2.      Les demanderesses ont droit à l’intérêt sur les dépens à compter de la date du présent jugement.

« Martine St-Louis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-605-07

 

INTITULÉ :

H-D U.S.A. LLC ET AL. c JAMAL BERRADA ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 septembre 2014

 

jugement et motifs :

la juge ST-LOUIS

 

DATE DES MOTIFS

le 17 février 2015

 

COMPARUTIONS :

Mark K. Evans

 

POUR LES DEMANDERESSES

(défenderesses reconventionnelles)

 

Harold W. Ashenmil

 

pour les défendeurs

(demandeurs reconventionnels)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

(défenderesses reconventionnelles)

 

Harold W. Ashenmil

Avocat

Montréal (Québec)

pour les défendeurs

(demandeurs reconventionnels)

 


Annexe 1

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106

Pouvoir discrétionnaire de la Cour

400. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

[…]

Facteurs à prendre en compte

(3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

a) le résultat de l’instance;

[…]

e) toute offre écrite de règlement;

[…]

g) la charge de travail;

[…]

i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance;

[…]

o) toute autre question qu’elle juge pertinente.

Tarif B

(4) La Cour peut fixer tout ou partie des dépens en se reportant au tarif B et adjuger une somme globale au lieu ou en sus des dépens taxés.

Directives de la Cour

(5) Dans le cas où la Cour ordonne que les dépens soient taxés conformément au tarif B, elle peut donner des directives prescrivant que la taxation soit faite selon une colonne déterminée ou une combinaison de colonnes du tableau de ce tarif.

Autres pouvoirs discrétionnaires de la Cour

(6) Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut :

[…]

c) adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat-client;

 […]

Conséquences de la non-acceptation de l’offre du demandeur

420. (1) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve du paragraphe (3), si le demandeur fait au défendeur une offre écrite de règlement, et que le jugement qu’il obtient est aussi avantageux ou plus avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite, au double de ces dépens mais non au double des débours.

[…]

Federal Courts Rules, SOR/98-106

Discretionary powers of Court

400. (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

[…]

Factors in awarding costs

(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

(a) the result of the proceeding;

 […]

(e) any written offer to settle;

[…]

(g) the amount of work;

[…]

(i) any conduct of a party that tended to shorten or unnecessarily lengthen the duration of the proceeding;

[…]

(o) any other matter that it considers relevant.

Tariff B

(4) The Court may fix all or part of any costs by reference to Tariff B and may award a lump sum in lieu of, or in addition to, any assessed costs.

Directions re assessment

(5) Where the Court orders that costs be assessed in accordance with Tariff B, the Court may direct that the assessment be performed under a specific column or combination of columns of the table to that Tariff.

Further discretion of Court

(6) Notwithstanding any other provision of these Rules, the Court may

[…]

(c) award all or part of costs on a solicitor-and-client basis; or

 […]

Consequences of failure to accept plaintiff’s offer

420. (1) Unless otherwise ordered by the Court and subject to subsection (3), where a plaintiff makes a written offer to settle and obtains a judgment as favourable or more favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and costs calculated at double that rate, but not double disbursements, after that date.

[…]

 

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