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Date : 20150220


Dossier : T-1727-14

Référence : 2015 CF 223

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 février 2015

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

JOE FIORUCCI

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ET

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Joe Fiorucci (le demandeur) a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’égard du refus du ministre du Revenu national (le défendeur) de rajuster sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2000. Le demandeur demande au défendeur d’autoriser la déclaration d’une perte de placement d’entreprise de 144 683 $ et, par conséquent, l’application du montant de 72 341,50 $ à titre de perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (PDTPE), conformément au paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (la Loi).

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée, avec dépens.

I.                   Les faits

[3]               Le demandeur se représentait lui-même dans la présente instance, mais son comptable, M. Martin Lapedus, était présent avec lui lors de l’audience. Le demandeur a produit uniquement un bref affidavit à l’appui de sa prétention. Au paragraphe 6 de son affidavit, le demandeur a affirmé solennellement qu’il [traduction« avait réclamé une perte pour petite entreprise de72 341 $ sur sa déclaration de revenus personnelle pour l’année d’imposition 2000, et que celle‑ci a été rejetée ».

[4]               Le défendeur a produit l’affidavit de Nicole Giroux, une agente au sein du Bureau de Sudbury de l’Agence du revenu du Canada (ARC). L’affidavit de Mme Giroux et les pièces qui y sont jointes démontrent ce qui suit :

                              a)      Le 14 novembre 2002, M. Martin Lapedus, l’avocat du demandeur, a présenté une demande écrite à l’ARC en ce qui concerne la PDTPE.

                              b)      Le 14 mai 2003, l’ARC a accusé réception de la PDTPE réclamée et elle a demandé à ce que des renseignements supplémentaires soient produits dans les 30 jours suivants.

                              c)      Le 19 juin 2003, l’ARC a écrit à M. Lapedus pour l’informer qu’elle n’avait pas reçu la documentation à l’appui et qu’elle donnait 30 jours de plus au demandeur pour lui produire de tel document, à défaut de quoi aucune mesure ne serait prise en ce qui concerne la PDTPE demandée.

                             d)      L’ARC, n’ayant reçu aucune réponse dans les 30 jours suivants, a rejeté la demande concernant la PDTPE et elle a fermé le dossier.

                              e)      Le 8 août 2007, M. Lapedus a écrit à l’ARC pour l’aviser que le demandeur n’avait pas été capable de trouver une copie des états financiers de sa société JOFCO Construction Inc. (JOFCO) pour l’année d’imposition 2000 à l’appui de sa demande de PDTPE. Il a demandé à l’ARC de fournir au demandeur une copie de son feuillet T2 pour l’année d’imposition 2000 et des états financiers.

                               f)      Le 2 octobre 2007, l’ARC a appelé M. Lapedus et elle lui a dit que le feuillet T2 de JOFCO pour l’année d’imposition 2000 n’avait pas été produit. M. Lapedus a donc demandé une copie du feuillet T2 pour l’année d’imposition 1999.

                              g)      Le 15 octobre 2007, l’ARC a envoyé à JOFCO et à l’attention du demandeur une copie de son feuillet T2 pour l’année d’imposition 1999 ainsi que ses états financiers, au soin du demandeur.

                              h)      Le 21 juin 2011, le demandeur a présenté une demande au titre du paragraphe 152(4.2) de la Loi (les dispositions d’allègement pour les contribuables) relativement à la PDTPE.

                                i)      Le 15 août 2011, l’ARC a écrit au demandeur pour l’informer que sa demande d’ajustement de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2000, demande présentée au titre des dispositions d’allègement pour les contribuables, ne pouvait pas être examinée, parce qu’elle avait été reçue après le délai de prescription, qui est de 10 ans.

                                j)      Le 3 octobre 2011, le demandeur a fait une autre demande en ce qui concerne la PDTPE. À la suite d’échanges supplémentaires entre M. Lapedus et l’ARC, cette dernière a accepté de se pencher sur la demande fondée sur les dispositions d’allègement pour les contribuables (la demande au premier niveau).

                              k)      Le 2 mai 2013, l’ARC a écrit au demandeur et lui a mentionné ce qui suit :

[traduction]

En temps normal, une demande d’ajustement d’une déclaration doit être présentée dans les trois ans suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation respectif. Cependant, le paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu permet certains ajustements aux déclarations, dans des situations où ces ajustements sont par ailleurs interdits au titre de la loi, dans la mesure où tous les documents pertinents à l’appui de la réclamation sont produits au moment de la demande.

[…]

Pour que nous puissions examiner votre demande d’ajustement, nous avons besoin de renseignements supplémentaires. Veuillez remplir le questionnaire joint et le retourner à notre bureau, accompagné de la documentation à l’appui.

                                l)      Le 22 mai 2013, M. Lapedus a appelé à l’ARC pour demander une prorogation de 30 jours, laquelle lui fût accordée jusqu’au 2 juillet 2013.

                            m)      Le 27 mai 2013, M. Lapedus a écrit à l’ARC pour accuser réception du questionnaire et il a mentionné qu’une grande partie de l’information demandée par l’ARC n’était pas disponible en raison d’une inondation. Il a admis qu’il serait difficile d’étayer l’allégation du demandeur.

                              n)      Le 6 juin 2013, l’ARC a terminé son examen et a proposé le rejet de la PDTPE, parce que le demandeur n’avait pas fourni : i) une copie du compte de prêts à l’actionnaire tirée du grand livre de la société et les détails de toutes les transactions dans le compte; (ii) la documentation confirmant que les fonds avaient été transférés à la société (soit les chèques originaux annulés, les copies certifiées conformes du recto et du verso de tous les chèques, ou tout autre élément de preuve documentaire démontrant le transfert de compte de la société, et (iii) la documentation à l’appui de l’incapacité de la société repayer les prêts en raison de la faillite, de l’insolvabilité ou de la liquidation.

                              o)      Le 21 novembre 2013, l’ARC a avisé le demandeur de sa décision de rejeter la demande au premier palier, en déclarant qu’elle ne pouvait pas permettre la PDTPE sans documentation à l’appui, conformément à l’article 39 et au paragraphe 152(4.2) de la Loi (la décision au premier palier).

                              p)      Le 11 décembre 2013, le demandeur a demandé au directeur des services fiscaux de l’ARC qu’un examen soit effectué relativement à la décision au premier palier.

                              q)      Le 24 mars 2014, l’ARC a écrit au demandeur pour accuser réception de la demande. Dans la lettre, l’ARC a réitéré la demande qu’elle avait formulée à l’examen au premier palier en vue d’obtenir de la documentation à l’appui.

                               r)      Le 4 avril 2014, M. Lapedus a fourni à l’ARC un questionnaire partiellement rempli. Il a aussi informé l’ARC qu’il avait auparavant produit toute la documentation qui était disponible. M. Lapedus a adopté la thèse, pour le compte du demandeur, selon laquelle l’ARC avait uniquement trois ans, à compter de la date de cotisation, pour demander des renseignements concernant JOFCO, et que si l’information avait été demandée entre 2002 et 2004, cette information aurait alors été disponible.

                               s)      Le 28 avril 2014, l’ARC a terminé son examen et a proposé le rejet de la PDTPE, parce que le demandeur avait une fois de plus omis de produire la documentation à l’appui nécessaire.

                               t)      Le 11 juillet 2014, l’ARC a rejeté la demande au deuxième palier, en renvoyant à sa lettre datée du 10 juillet 2014.

[5]               Dans ses observations qu’il a formulées de vive voix devant la Cour, le demandeur a allégué, apparemment pour la première fois, que ni lui ni M. Lapedus n’avaient été avisés par l’ARC au sujet de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2000, avant qu’ils ne reçoivent un appel d’un percepteur de l’impôt en 2007. Il a nié avoir reçu un avis de cotisation en ce qui a trait à l’une de ses déclarations de revenus, et il a expressément nié que lui ou M. Lapedus avait reçu de l’ARC les lettres datées du 14 mai 2003 ou du 19 juin 2003 (pièces A et B de l’affidavit de Nicole Giroux). Dans sa lettre datée du 14 mai 2003, qui était adressée à M. Lapedus, l’ARC mentionnait ce qui suit :

[traduction]

Nous avons reçu de votre part une demande datée du 14 novembre 2002 qui visait le rajustement de la déclaration de votre client en vue d’y inclure une perte admissible à titre de placements d’entreprise en 2000.

[…]

Pour que nous puissions donner suite à la demande d’ajustement, nous avons besoin de renseignements supplémentaires. Veuillez remplir le questionnaire ci‑joint et le retourner à notre bureau, accompagné de documentation à l’appui.

[6]               Le demandeur a reconnu devant la Cour que la documentation à l’appui demandée était disponible jusqu’à environ 2008.

II.                Analyse

[7]               La norme de contrôle applicable à une décision du ministre rendue au titre du paragraphe 152(4.2) de la Loi est la raisonnabilité (Lanno c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, [2005] ACF no 714; Panchyshyn c Canada (Agence du revenu du Canada), 2008 CF 996, [2008] ACF no 1241).

[8]               Le paragraphe 152(4.2) de la Loi permet que certains ajustements soient apportés aux déclarations d’impôt dans des cas de tels ajustements sont par ailleurs interdits par l’effet de la loi :

(4.2) Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), pour déterminer, à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable — particulier (sauf une fiducie) ou succession assujettie à l’imposition à taux progressifs — pour une année d’imposition, le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l’année ou la réduction d’un montant payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie, le ministre peut, si le contribuable demande pareille détermination au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de cette année d’imposition, à la fois :

 

(4.2) Notwithstanding subsections (4), (4.1) and (5), for the purpose of determining, at any time after the end of the normal reassessment period of a taxpayer who is an individual (other than a trust) or a testamentary trust in respect of a taxation year, the amount of any refund to which the taxpayer is entitled at that time for the year, or a reduction of an amount payable under this Part by the taxpayer for the year, the Minister may, if the taxpayer makes an application for that determination on or before the day that is ten calendar years after the end of that taxation year

 

a) établir de nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie;

 

(a) reassess tax, interest or penalties payable under this Part by the taxpayer in respect of that year; and

 

b) déterminer de nouveau l’impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) ou (3), 122.8(2) ou (3), 127.1(1), 127.41(3), ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l’impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année ou qui est réputé, par le paragraphe 122.61(1), être un paiement en trop au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie pour l’année.

 

(b) redetermine the amount, if any, deemed by subsection 120(2) or (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) or (3), 127.1(1), 127.41(3) or 210.2(3) or (4) to be paid on account of the taxpayer’s tax payable under this Part for the year or deemed by subsection 122.61(1) to be an overpayment on account of the taxpayer’s liability under this Part for the year.

 

[9]               Le demandeur n’a relevé aucune erreur qu’aurait commise le défendeur dans l’examen de sa demande de PDTPE. Le seul motif allégué par le demandeur devant la Cour était que ni lui ni M. Lapedus n’avaient été informés, avant 2007, que la documentation à l’appui serait nécessaire pour que l’ARC examine sa demande. Le demandeur n’a pas produit de déclaration solennelle, que ce soit la sienne ou celle de M. Lapedus, à l’appui de cette allégation, laquelle avait été soulevée pour la première fois lors de ses observations de vive voix. Le demandeur avait connaissance du contenu de l’affidavit de Nicole Giroux bien avant l’audience, mais il a choisi de ne pas contre-interroger Mme Giroux et il n’a pas produit une déclaration solennelle pour réfuter l’affidavit. Je rejette l’affirmation du demandeur selon laquelle lui et M. Lapedus n’avaient pas reçu les demandes de documentation d’appui formulées par l’ARC en 2003.

[10]           De plus, je remarque que la lettre de l’ARC datée du 14 mai 2003 renvoyait expressément à une demande formulée par M. Lapedus le 14 novembre 2002 en vue que la déclaration de revenus du demandeur soit ajustée de manière à y inclure une PDTPE en 2000. En outre, dans son propre affidavit, le demandeur a affirmé solennellement qu’il avait réclamé une déduction de 72 341 $ pour perte de petite entreprise dans sa déclaration de revenus personnelle pour l’année d’imposition 2000, mais que cette déduction n’a pas été permise par l’ARC. Le demandeur ne peut tout simplement pas être crédible lorsqu’il n’avait pas connaissance de la cotisation de l’ARC relativement à sa déclaration d’impôt pour l’année d’imposition 2000, ni de la nécessité de produire de la documentation d’appui relativement à la PDTPE avant 2007. Son allégation selon laquelle il ne pouvait pas obtenir la documentation d’appui en raison du temps qui s’est écoulé est, dans la même veine, impossible à croire.

[11]           La proposition du demandeur selon laquelle la période de prescription de trois ans s’applique au pouvoir de l’ARC de demander la documentation à l’appui pour les besoins d’une nouvelle cotisation au titre du paragraphe 152(4.2) de la Loi conduit à un résultat absurde. Conformément à cette dernière disposition, après l’expiration de la période de prescription normale, qui est de trois ans, il existe un délai de prescription de 10 ans pour que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire à savoir s’il procède à une nouvelle cotisation pour une année de taxation donnée. Si la thèse du demandeur était valide, alors toute nouvelle cotisation prise au titre du paragraphe 152(4.2) de la Loi devrait être faite sans que de la documentation à l’appui ne puisse être exigée. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que le demandeur et M. Lapedus avaient tous les deux connaissance de la nécessité de produire de la documentation à l’appui relativement à la PDTPE demandée, et ce, au plus tard en mai 2003. Comme l’ont admis le demandeur et M. Lapedus, ils disposaient de la documentation à ce moment-là.

[12]           Le demandeur n’a pas réussi à relever quelque erreur ou vice de procédure que ce soit dans l’examen de la PDTPE demandée; il s’ensuit que la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUT que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1727-14

 

INTITULÉ :

JOE FIORUCCI

c

LA MINISTRE DU RENVEU NATIONAL ET DE L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 JANVIER 2015

 

motifs du JUGeMENT et JUGeMENT :

juge FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

LE 20 FÉVRIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Joe Fiorucci

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Ricky Y. M. Tang

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joe Fiorucci

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

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