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Date : 20150216


Dossier : T-2195-12

Référence : 2015 CF 184

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 février 2015

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

JANSSEN INC.

demanderesse

et

TEVA CANADA LIMITED ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

et

MILLENNIUM PHARMACEUTICALS, INC.

défenderesse titulaire d’une licence et
concédante d’une sous-licence

et

ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
REPRÉSENTÉS PAR LE SECRÉTAIRE
DU DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX

défendeur titulaire du brevet

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée par Janssen Inc. [Janssen] aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, modifié [le Règlement AC], en vue d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé [le ministre] de délivrer un avis de conformité [AC] à Teva Canada Limited [Teva] relativement à une version générique du médicament VELCADE® – bortézomib, ester boronique de mannitol pour injection (Velcade – bortézomib). Velcade – bortézomib est un médicament d’appoint très efficace dans le traitement du myélome multiple, un cancer hématologique.

[2]               C’est le brevet canadien 2 435 146 [le brevet 146] qui est en cause en l’espèce. La seule question encore litigieuse est de savoir si la revendication 30 du brevet 146 était, en date du 25 janvier 2001, invalide pour cause d’évidence.

I.                   Contexte

[3]               Le principe actif [PA] à la base du brevet 146 est le bortézomib, composé connu comme un inhibiteur du protéasome actif. Avant la formulation visée par le brevet 146, le bortézomib était suffisamment stable pour faire l’objet d’essais cliniques, mais pas assez pour être exploité commercialement. Le brevet 146 intéresse la stabilité de la formulation.

[4]               Velcade – bortézomib est, en termes pratiques, une formulation stable de bortézomib, mais il s’agit aussi d’un composé différent. La revendication 30 du brevet 146 se rapporte à l’ester de mannitol lyophilisé (desséché à froid) du bortézomib, produit de réaction qui se forme lorsque le mannitol, l’agent gonflant, est combiné au bortézomib.

[5]               Le brevet 146 indique que l’acide boronique et les composés esters sont connus comme des inhibiteurs de certaines enzymes protéolytiques qui peuvent, sous certaines formes, inhiber la croissance de cellules cancéreuses. Ces composés étaient également connus pour leur instabilité, surtout en présence d’oxygène. Cette instabilité passait pour limiter leur utilité pharmaceutique et rendait donc nécessaire l’élaboration de formulations améliorées et aisées à préparer, présentant une meilleure stabilité et durée de conservation que les composés d’acide boronique libre, et qui libéreraient facilement le PA après administration. L’invention est décrite en ces termes au paragraphe 6 :

[traduction
[0006]     La présente invention porte sur des compositions stables et acceptables sur le plan pharmaceutique, à base de composés d’acide boronique. L’invention porte également sur les méthodes de préparation de ces compositions. L’invention repose sur la découverte que la lyophilisation d’un milieu aqueux comprenant un composé d’acide boronique et un autre composé comportant au moins deux groupes hydroxyles produit une composition stable qui libère aisément le composé d’acide boronique après dissolution dans un milieu aqueux.

[6]               Le brevet 146 présente des revendications concernant un genre de [traduction« nouveaux » composés d’ester de boronate et de composés d’acide boronique ne contenant pas de groupes esters [voir les paragraphes 35, 38 et 135]. Les composés revendiqués ne se limitent pas à ceux qui sont obtenus par lyophilisation, quoiqu’il s’agisse d’une réalisation privilégiée [voir le paragraphe 101]. De même, l’utilisation du mannitol n’est pas présentée comme une réalisation essentielle relativement à toutes les revendications, bien que cette réalisation particulière soit préférée, tout spécialement à l’égard du D‑mannitol. Dans les autres réalisations privilégiées, le composé dihydroxy (p. ex. le mannitol) reste [traduction« libre » ou non résolu [voir le paragraphe 99].

[7]               Il convient de noter que le mémoire descriptif du brevet n’indique pas que la formation d’un ester de boronate issue de la réaction entre le mannitol et un composé choisi d’acide boronique est requise à des fins d’efficacité. De même, suivant le brevet, il n’a pas été établi que l’ester lyophilisé présente un profil de stabilité amélioré par rapport aux autres esters de boronate formés par d’autres moyens.

II.                Fardeau de preuve

[8]               Teva s’est acquittée de son fardeau de présentation, si bien que le fardeau ultime incombe à Janssen, qui doit démontrer sa thèse selon la prépondérance des probabilités.

III.             Évidence – Principes juridiques

[9]               Aux termes de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4, l’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet. Les parties s’entendent pour dire que la date pertinente pour déterminer si la revendication 30 est évidente est le 25 janvier 2001.

[10]           Dans l’arrêt Apotex c Sanofi, 2008 CSC 61, [2008] 3 RCS 265, la Cour suprême du Canada a énoncé un critère à quatre volets pour évaluer l’évidence :

a.                   identifier la « personne versée dans l’art » et déterminer les connaissances courantes pertinentes de cette personne;

b.                  définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

c.                   recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

d.                  abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[11]           La quatrième étape de l’examen concernant l’évidence peut appeler une analyse de « l’essai allant de soi » que la Cour a présentée en ces termes dans l’arrêt Sanofi :

a.                   Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

b.                  Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue, de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

c.                   L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

[12]           Une contestation fondée sur l’évidence ne peut aboutir si l’art antérieur établit seulement qu’un essai pourrait être fructueux. D’un autre côté, une garantie de succès n’est pas requise. Le critère consiste à déterminer s’il existe des chances raisonnables de succès : voir l’arrêt Apotex c Pfizer, 2009 CAF 8, au paragraphe 8, [2009] 4 RCF 223.

[13]           Tout comme le juge Roger Hughes dans Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c Teva Canada Limited., 2013 CF 283, au paragraphe 161, 2013 ACF no 303 (QL), je souscris à la description de l’évidence et de l’essai allant de soi proposée par le lord-juge Kitchin dans cet extrait de la décision MedImmune Ltd. c Novartis Pharmaceuticals UK, [2012] EWCA Civ 1234 :

[traduction]
90.       Il peut y avoir lieu de se demander s’il allait de soi de se lancer sur une voie particulière pour obtenir un produit ou un procédé amélioré. Il n’y a peut-être aucune garantie de succès, mais la personne versée dans l’art peut néanmoins l’estimer suffisamment probable pour justifier un essai. Cela pourrait suffire dans certains cas à rendre une invention évidente. Il existe par ailleurs des domaines technologiques, comme les sciences pharmaceutiques et la biotechnologie, qui dépendent grandement des recherches et dans lesquels plusieurs avenues possibles sont ouvertes à l’exploration des inventeurs, sans qu’ils sachent cependant si l’une d’elles sera fructueuse. Ils s’y engagent néanmoins dans l’espoir de trouver de nouveaux produits utiles. Il est clair qu’ils ne se lanceraient pas dans ces travaux si les chances de succès étaient minces au point de ne pas en valoir la peine. Cependant, refuser dans tous ces cas la protection d’un brevet aurait un effet dissuasif important sur la recherche.

91.       Pour ces raisons, les jugements des cours d’Angleterre et du pays de Galles et ceux des chambres de recours de l’OEB révèlent souvent un examen mené par le tribunal afin de déterminer s’il allait de soi de s’engager dans des travaux particuliers avec des chances raisonnables ou bonnes de succès, par opposition à un espoir de succès. Les chances raisonnables ou bonnes de succès d’une voie dépendent de toutes les circonstances, notamment la capacité de prédire rationnellement des résultats favorables, la durée possible du projet, la mesure dans laquelle le domaine est inexploré, la complexité des expériences à réaliser, la possibilité de réaliser ces expériences par des moyens courants et la prise d’une série de décisions correctes par la personne versée dans l’art tout au long des travaux. Lord Hoffmann a résumé sa position comme suit dans Conor, au paragraphe 42 :

À la Cour d’appel, le juge Jacob a traité de façon exhaustive de la question de savoir quand une invention peut être considérée comme évidente parce qu’il s’agit d’un essai allant de soi. Il a résumé correctement les autorités, en commençant par la décision du juge Diplock dans Johns-Manville Corporation’s Patent [1967] RPC 479, en disant que la notion d’essai allant de soi n’est utile que lorsque les chances de succès sont bonnes. Et les chances dépendent des faits particuliers de l’affaire.

92.       Par ailleurs, la question de savoir si une voie va ou non de soi n’est qu’un des nombreux facteurs qu’il pourrait être approprié pour la Cour de considérer. Dans Generics (UK) Ltd c H Lundbeck, [2008] EWCA Civ 311, [2008] RPC 19, au paragraphe 24, et dans Conor [2008] UKHL 49, [2008] RPC 28, au paragraphe 42, Lord Hoffmann a souscrit à l’énoncé de principe que j’ai formulé en première instance dans Lundbeck :

La question de l’évidence doit être examinée en s’appuyant sur les faits de chaque affaire. La Cour doit déterminer le poids à accorder à chaque facteur particulier à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, par exemple la motivation à trouver une solution au problème dont traite le brevet, le nombre et l’étendue des possibles avenues de recherche, les efforts déployés pour l’exploration de ces avenues et les chances de succès.

93.       Au bout du compte, la Cour doit évaluer toutes les circonstances pertinentes afin de répondre à une seule question relativement simple sur les faits : allait-il de soi pour la personne versée dans l’art mais dénuée de toute imagination à qui s’adresse le brevet de fabriquer un produit ou de réaliser un procédé qui tombe sous le coup de la revendication […]

Voir également : Eli Lilly and Company c Janssen Alzheimer Immotherapy, [2013] EWHC 1737, au paragraphe 232.

[14]           La capacité de prédire le succès est importante au regard de l’analyse concernant l’essai allant de soi, et pas nécessairement le caractère connu des moyens ou des méthodes employés pour parvenir au résultat. Le recours à des essais courants ou connus pour parvenir à une solution est néanmoins un élément pertinent, comme l’a reconnu le juge Pelletier dans ce passage de l’arrêt Apotex Inc. c Sanofi-Aventis, 2013 CAF 186, [2013] ACF no 856 (QL) :

81        Comme le juge de première instance a suivi le critère de l’évidence consacré par la jurisprudence Plavix, et qu’il l’a appliqué aux mêmes faits importants présentés devant la Cour suprême, il aurait dû parvenir à la même conclusion. Son erreur vient de ce qu’il n’a pas reconnu que les propriétés inconnues des énantiomères du PCR 4099, ou des autres composés du brevet 875, faisaient échouer l’analyse de l’« essai allant de soi ». En d’autres termes, l’écart entre les connaissances générales courantes et l’idée originale du brevet 777 ne pouvait être comblé par des expériences de routine puisque les résultats à venir étaient incertains. Le fait que les inventeurs, dont les connaissances étaient supérieures à celles de la personne moyennement versée dans l’art, aient tenté de résoudre un certain nombre d’autres composés avant de s’attaquer au PCR 4099, le confirme d’ailleurs : voir les motifs, aux paragraphes 752 à 759. [Non souligné dans l’original.]

IV.             Les témoins experts

[15]           Janssen a présenté en preuve le témoignage d’un témoin expert, M. Roland Bodmeier, lequel a porté principalement sur les formulations, son domaine de spécialisation.

[16]           Teva a présenté le témoignage de deux témoins experts : M. William Bachovchin, biochimiste dont la déposition concernait surtout son domaine, et M. Raj Suryanarayanan, scientifique spécialisé dans les formulations et en particulier dans la lyophilisation. Son témoignage a été fourni du point de vue d’un formulateur versé dans l’art.

[17]           Chaque partie a contesté les compétences des témoins experts de l’autre relativement à certaines portions ou à l’ensemble de leur témoignage.

[18]           Teva a soutenu que M. Bodmeier s’était en somme disqualifié sur le sujet de la lyophilisation en déclarant ceci : [traduction« [je ne me] considère pas comme un expert en matière de dessiccation par congélation, car ce n’est pas mon principal domaine de recherche, mais je dirais que mon expertise est suffisante et j’ai beaucoup d’expérience en ce qui concerne la lyophilisation pour émettre une opinion fiable ou scientifiquement fiable sur le brevet 146 ». Je ne pense pas que M. Bodmeier reconnaissait par là un manque d’expertise. Il n’est pas nécessaire qu’une question scientifique soit l’objet principal des connaissances ou de l’expérience d’un témoin expert pour qu’il puisse donner un avis là-dessus. C’est particulièrement vrai d’une technique de formulation aussi élémentaire que la lyophilisation. Ce n’est pas un sujet à la fine pointe de la science galénique à l’égard duquel les connaissances générales ne suffiraient peut-être pas; et là encore, l’enjeu concernerait généralement le poids de la preuve et non son admissibilité.

[19]           Janssen a critiqué M. Bachovchin parce qu’il manquait d’expérience dans le domaine de la formulation. M. Bachovchin a plus ou moins confirmé cette réserve en reconnaissant ses limites dans ce domaine. Cependant, il a été présenté comme témoin par Teva en raison de ses qualifications en tant que chimiste médical. En s’appuyant sur son expérience de collaboration avec des scientifiques spécialisés dans la formulation, il a exprimé des opinions sur leur pratique. Une grande partie de cette preuve a été obtenue dans le cadre du contre-interrogatoire. En fin de compte, M. Bachovchin a témoigné sur ce que la personne versée dans l’art comprendrait du point de vue de la chimie médicinale, et cette preuve n’a pas été contestée. Rien ne justifie de rejeter le témoignage de M. Bachovchin, en tout ou en partie.

[20]           Janssen a également fait valoir que le témoignage de M. Bachovchin devait être exclu parce qu’il avait pris part à la mise au point d’un composé susceptible de s’avérer utile dans le traitement du myélome multiple, ce qui soulevait un conflit d’intérêts commercial avec le produit de Janssen. La simple possibilité que cet autre composé finisse un jour par s’avérer utile et obtenir les approbations réglementaires pour servir dans le traitement du myélome multiple est si lointaine qu’aucune personne raisonnable ne conclurait à l’existence d’un conflit. En outre, cet argument ne peut être dissocié de la réaction de Janssen au témoignage de M. Bachovchin qui, pour l’essentiel, n’a pas été contesté. En l’absence de preuve contradictoire, il n’y a aucune raison de douter de la déposition de M. Bachovchin concernant ce qu’une personne versée dans l’art et dotée d’une expertise en chimie médicinale comprendrait des antériorités pertinentes.

[21]           Les critiques de Janssen visant M. Suryanarayanan se limitaient au fait qu’il avait un parti pris pour le recours à la lyophilisation comme méthode stabilisante. Cette allégation ne repose sur aucun fondement probatoire plausible, et je la rejette.

[22]           À mon avis, chacun de ces témoins avait les compétences voulues pour exprimer les avis qu’ils ont fournis. Ils avaient chacun leurs points forts et leurs points faibles relatifs sur le plan de l’expérience, mais rien dans le dossier n’autorise à les disqualifier comme témoins experts. Mes conclusions quant à leurs témoignages respectifs dépendront donc du poids à leur accorder et surtout de facteurs comme la clarté, la cohérence, la logique et la présence de contradictions.

V.                Témoignage de M. Bodmeier

[23]           M. Bodmeier est professeur de technologie pharmaceutique au Collège de pharmacie de l’Université libre de Berlin, en Allemagne. Son enseignement porte surtout sur la technologie pharmaceutique, la biopharmaceutique, les formes posologiques (y compris leur formulation et caractérisation), l’utilisation d’excipients, l’administration de médicaments par voie parentérale et la lyophilisation. Il siège dans plusieurs comités éditoriaux de publications pharmaceutiques internationales et dans un certain nombre de conseils consultatifs scientifiques.

[24]           Dans le cadre de ses travaux de recherche, M. Bodmeier a publié notamment 170 articles scientifiques et plusieurs chapitres d’ouvrages. Certaines de ses publications concernent le procédé de lyophilisation. Il s’agit manifestement d’un scientifique versé dans l’art de la formulation.

[25]           Janssen a demandé à M. Bodmeier d’examiner le brevet 146 pour répondre à certaines des allégations d’invalidité formulées par Teva et, en particulier, l’évidence.

[26]           D’après M. Bodmeier, la personne versée dans l’art est un formulateur de médicaments ayant un diplôme universitaire et au moins deux années d’expérience en laboratoire. Cette personne connaît très bien la formulation de médicaments et les ouvrages généralement reconnus dans le domaine.

[27]           Dans son affidavit, M. Bodmeier décrit l’approche usuelle entourant l’élaboration d’une formulation pharmaceutique. Avant d’entamer ses travaux, le formulateur obtient habituellement des données générales sur la formulation désirée, et notamment le profil pharmacocinétique du composé et ses paramètres de stabilité.

[28]           La voie orale est généralement la voie d’administration de premier choix. Si elle est impraticable, d’autres voies seront envisagées, comme les voies transdermique, injectable et nasale.

[29]           Le formulateur doit considérer les propriétés physiques ou chimiques du composé visé, notamment sa solubilité dans divers solvants comme l’eau. La stabilité d’une formulation est presque toujours une exigence, et une durée de conservation de deux ans constitue généralement un objectif minimal. L’instabilité peut résulter de l’oxydation (réaction avec l’oxygène ou le retrait d’hydrogène), de l’hydrolyse (réaction avec l’eau) ou de l’exposition photochimique (réaction à la lumière).

[30]           D’après M. Bodmeier, lorsque le formulateur opte pour une formulation injectable, un produit prêt à l’emploi est généralement préféré aux formes posologiques solides reconstituées. Ces formes posologiques supposent des étapes additionnelles avant l’administration au patient, ce qui rend possibles les erreurs humaines. La reconstitution efficace d’une poudre en une forme liquide injectable peut également poser problème. Cependant, lorsqu’un composé est trop instable pour être formulé sous forme liquide, il faut parfois envisager d’autres options comme la formulation lyophilisée ou sous forme de poudre sèche.

[31]           M. Bodmeier a décrit la méthode de lyophilisation et noté qu’elle oblige le formulateur à faire certains choix de procédés.

[32]            Un agent gonflant peut également s’avérer nécessaire pour augmenter la quantité de substance solide dans une formulation. M. Bodmeier a fait remarquer que le formulateur disposait de différents agents gonflants et solvants (idéalement l’eau). Il importe surtout que ces produits ne soient pas nuisibles pour les humains.

[33]           Au paragraphe 54 de son affidavit, M. Bodmeier déclare que la lyophilisation d’un composé particulier échoue parfois à cause de problèmes de stabilité non résolus ou de difficultés liées à la reconstitution. Il conclut ce paragraphe en affirmant que [traduction« la formulation lyophilisée ne fournit aucune garantie de succès ». [Non souligné dans l’original.]

[34]           Aux paragraphes 54 et 55 de son affidavit, M. Bodmeier analyse une variété d’autres options qui peuvent s’avérer utiles dans la formulation de composés peu solubles. Le paragraphe 57 indique ensuite :

[traduction
57.       La plupart des formulateurs ont des préférences personnelles pour certaines techniques. Ainsi, différents formulateurs disposeront souvent d’un certain nombre de voies pour résoudre un problème de formulation donné. Quoi qu’il en soit, la formulation des médicaments est un procédé itératif qui suppose habituellement d’essayer un certain nombre de formulations en recourant à plusieurs options différentes, comme nous l’avons vu plus haut. La tâche du formulateur est de restreindre les options et de parvenir en fin de compte à une formulation réalisable. Cela peut être parfois extrêmement difficile et il arrive que le formulateur échoue et ne parvienne pas à mettre au point une formulation réalisable.

[35]           Ayant examiné le brevet 146, M. Bodmeier a reconnu que le premier aspect concernait les composés et le second, la composition des composés revendiqués sous forme de poudre lyophilisée.

[36]           M. Bodmeier a souligné la mauvaise solubilité et l’instabilité du bortézomib, qui rendent [traduction« plus difficile » la mise au point d’une formulation acceptable. La lyophilisation avec le mannitol est censée améliorer la solubilité.

[37]           D’après M. Bodmeier, l’instabilité du bortézomib en solution et à l’état solide est confirmée dans la divulgation du brevet 146 dans la mesure où aucune des deux formulations ne s’est avérée stable pendant plus de six mois. Par contre, le produit lyophilisé ne présentait aucun signe de dégradation. Il a aussi été établi qu’il était aisément reconstitué en 10 secondes et qu’il est resté stable pendant au moins 43 heures. La composante bortézomib de la composition est également devenue disponible après la reconstitution. M. Bodmeier a conclu, sur la base de cette preuve [voir le paragraphe 74], que [traduction« le brevet 146 rencontre les objectifs clés d’un formulateur, à savoir la stabilité nécessaire ainsi que la durée de conservation minimale de deux ans, tout en permettant que la composante bortézomib du médicament soit facilement disponible au moment de l’utilisation, alors qu’il s’agit d’un composé manifestement très instable et peu soluble ». M. Bodmeier s’est ensuite penché sur l’évidence de l’invention revendiquée en date de la revendication, soit le 25 janvier 2001.

[38]           M. Bodmeier a écarté un grand nombre des antériorités invoquées par Teva au motif qu’elles ne seraient pas jugées comme faisant partie des connaissances générales courantes d’un formulateur et qu’elles s’adressaient à un chimiste organique ou médical. En outre, les références concernant d’autres composés [traduction« qui sont sans rapport » avec le composé visé [traduction« ne sont pas non plus particulièrement utiles ». C’est apparemment le cas parce que [traduction« chaque composé présente des propriétés et des problèmes différents » [paragraphe 96].

[39]           M. Bodmeier a reconnu que la personne versée dans l’art rechercherait des publications sur le bortézomib. Selon les résultats obtenus, la recherche pourrait s’étendre à d’autres antériorités sur les boronates. La personne versée dans l’art examinerait l’article Wu (Wu et al., « Degradation Pathways of a Peptide Boronic Acid Derivative ») qui est réputé être la seule antériorité ayant analysé les problèmes de stabilité liés au bortézomib. D’après M. Bodmeier, l’article Wu enseignait ce qui suit :

[traduction
101.     Les auteurs ont noté que le bortézomib présentait « une stabilité irrégulière » et qu’il était « assez instable » dans un éventail de divers solvants couramment utilisés dans le développement de médicaments. Les auteurs tentaient de comprendre le mécanisme de dégradation du bortézomib et en ont donc étudié la stabilité et les produits de dégradation.

102.     L’article révèle que l’oxydation est un problème majeur à résoudre. Pour la personne versée dans l’art, cela indiquerait que des mesures s’imposent durant la préparation pour éviter l’oxydation, comme de remplir la forme posologique dans une atmosphère d’azote.

103.     L’article indique que le bortézomib est instable en solution. La dégradation s’est produite assez rapidement et sans doute trop rapidement pour permettre une formulation liquide. Par ailleurs, une personne versée dans l’art aurait évité une formulation en solution aqueuse en raison de l’ampleur de la dégradation. Elle aurait déduit de cette source que les formulations aqueuses sont moins stables que le bortézomib solide et aurait été dissuadée de les élaborer.

104.     Les mesures prises par les auteurs pour résoudre l’instabilité, comme l’ajout d’ascorbate et d’un chélateur métallique, à savoir l’EDTA, étaient raisonnables. Si l’oxydation est soupçonnée ou avérée, le formulateur envisagera généralement ces deux composés. Il se trouve que ces mesures ont en fait augmenté la dégradation.

105.     Compte tenu des renseignements divulgués dans cette source, la personne versée dans l’art pourrait envisager d’utiliser d’autres co-solvants ou de modifier le pH. L’article ne dit rien des étapes suivantes que les auteurs prévoyaient de suivre.

[40]           M. Bodmeier indique dans son affidavit que le [traduction« bortézomib solide serait le meilleur point de départ », mais ajoute que la personne versée dans l’art n’aurait pas pensé à le dissoudre dans un milieu aqueux, à ajouter du mannitol puis à lyophiliser la solution compte tenu de la susceptibilité du bortézomib à la dégradation hydrolytique [paragraphe 106]. De ce point de vue, la personne versée dans l’art s’attendrait à ce que la forme lyophilisée du bortézomib présente un plus faible degré de stabilité de conservation à cause de la teneur en eau plus élevée d’une telle formulation. Par ailleurs, Wu n’enseignait pas que la stabilité du bortézomib était perfectible au moyen d’une réaction avec un diol. Cette information ne provient que de la divulgation du brevet 146.

[41]           M. Bodmeier a également évoqué les antériorités se rapportant à l’utilisation du mannitol. Celles-ci indiquaient que le mannitol passait pour être généralement sûr, mais offraient peu d’autres informations utiles au formulateur. Les références concernant la lyophilisation étaient sans intérêt puisque la personne versée dans l’art savait déjà que cette technique était une option parmi d’autres.

[42]           M. Bodmeier était d’avis que la personne versée dans l’art ne verrait pas de distinction entre les antériorités concernant les composés de bore et celles qui regardent le bortézomib. Il a ajouté que cette même personne n’examinerait que les titres des documents cités dans Wu et n’y décèlerait rien d’intéressant. En fin de compte, le formulateur versé dans l’art commencerait simplement à travailler avec le composé pour mettre au point différentes formulations.

[43]           M. Bodmeier décrit le concept inventif de la revendication 30 et explique la raison pour laquelle il était inattendu dans les extraits suivants de son affidavit :

[traduction] À mon avis, la personne versée dans l’art estimerait que le concept inventif du brevet 146 est une formulation stable sur le plan pharmaceutique, qui permet aussi d’obtenir une forme pharmaceutiquement active lors de la dissolution. Plus spécifiquement, il s’agit, comme l’indique la revendication 30, d’un ester de mannitol lyophilisé du bortézomib aisément reconstitué, et dont une forme active sur le plan pharmaceutique est obtenue lors de la dissolution.

154.     Ce concept inventif a été découvert de manière inattendue par la réaction de l’acide boronique avec le mannitol.

155.     Ce résultat est inattendu, car le mannitol est surtout utilisé comme agent gonflant, puisqu’il est généralement inerte. Par exemple, les personnes versées dans l’art savent bien que les excipients ne doivent pas réagir avec l’ingrédient actif. Ces excipients, et en particulier les agents gonflants, sont des substances pharmacologiquement inactives. En fait, le brevet 146 se trouve à divulguer un résultat que les formulateurs souhaiteraient éviter, à savoir l’interaction entre l’agent actif et l’agent gonflant. À cet égard, il est clair que la personne versée dans l’art ne s’attendrait pas à ce que le mannitol réagisse avec le bortézomib pour former un ester. Moi-même qui suis un formulateur expert ne m’y attendais pas.

[44]           Les conclusions de M. Bodmeier concernant l’évidence figurent aux paragraphes 160 à 168 de son affidavit et sont notamment les suivantes :

a.                   nonobstant l’enseignement de Wu, la personne versée dans l’art [traduction« pourrait continuer à tenter de mettre au point une formulation liquide »;

b.                  la personne versée dans l’art envisagerait une variété d’autres approches, notamment la lyophilisation. Cela pourrait comprendre une forme posologique à base de poudre sèche;

c.                   la personne versée dans l’art qui a recours à la lyophilisation devra choisir parmi un certain nombre de solvants, d’agents gonflants, et d’autres excipients nécessaires, et déterminer le pH et le cycle de séchage.

[45]           Compte tenu de ces options, M. Bodmeier a répété [traduction« [qu’]il n’existe aucune garantie que l’une [d’elles] aboutisse à une formulation utilisable. En d’autres termes, il n’irait pas de soi qu’il soit possible d’obtenir une formation utilisable » [non souligné dans l’original] [paragraphe 165]. Il ne serait pas non plus évident pour la personne versée dans l’art que l’ester de mannitol du bortézomib serait entièrement formé durant la lyophilisation, que cela conférerait une plus grande stabilité au bortézomib, ou que le bortézomib pourrait être aisément reconstitué en une forme active lors de la dissolution.

VI.             Témoignage de M. Suryanarayanan

[46]           M. Suryanarayanan est professeur au Département des produits pharmaceutiques de l’Université du Minnesota, où il enseigne depuis 1985. Son principal domaine de recherche concerne les formulations pharmaceutiques, et notamment la caractérisation des médicaments et excipients, et les changements de phase qui surviennent durant le traitement des produits pharmaceutiques, avec une importance particulière accordée à leur lyophilisation. Il a publié un grand nombre d’articles sur le sujet de la lyophilisation, notamment le comportement du mannitol dans de telles préparations. Il a été pendant un certain temps le chef de la Division de fabrication des produits injectables chez Hoffman-La Roche Limited, en Inde.

[47]           M. Suryanarayanan a été engagé par Teva pour fournir un avis d’expert sur la question de savoir si l’objet de la revendication 30 du brevet 146 aurait été évident pour la personne versée dans l’art. Il conclut, au paragraphe 17 de son affidavit, que la revendication 30 décrit l’invention d’une composition lyophilisée contenant du mannitol et du bortézomib. Au paragraphe 26 de son affidavit, il affirme que la revendication 30 décrit un ester de boronate lyophilisé de mannitol et de bortézomib. D’après lui, il aurait été évident pour la personne versée dans l’art de formuler le bortézomib de cette façon.

[48]           M. Suryanarayanan décrit ainsi le concept inventif de la revendication 30 au paragraphe 64 :

[traduction] La dessiccation par congélation du bortézomib et du mannitol produit une formulation stable sur le plan pharmaceutique.

[49]           L’avis de M. Suryanarayanan concernant l’évidence repose notamment sur les fondements factuels suivants :

a.                   le bortézomib est un médicament peptidique. Cette catégorie de médicaments est associée à des difficultés de formulation et leur administration par voie parentérale est souvent indiquée;

b.                  la personne versée dans l’art saurait, en lisant Wu, que le bortézomib avait été formulé en solution aqueuse injectable, mais qu’il était instable sous cette forme. La toute première chose que la personne versée dans l’art songerait à faire pour obtenir une meilleure stabilité serait de retirer l’eau par voie de dessiccation par congélation;

c.                   la lyophilisation est systématiquement utilisée pour résoudre le problème de l’instabilité aqueuse. Elle produit une poudre qui peut être reconstituée immédiatement avant l’utilisation;

d.                  si la quantité requise de l’ingrédient actif d’une préparation pharmaceutique est négligeable (quelques milligrammes), il est courant d’ajouter un agent gonflant;

e.                   le mannitol est souvent l’agent gonflant de choix pour les formulations injectables lyophilisées. En l’occurrence, le mannitol aurait été l’un des premiers excipients essayés par la personne versée dans l’art;

f.                   la personne versée dans l’art se serait [traduction« tout à fait attendue à ce que la lyophilisation du bortézomib avec le mannitol produise une formulation stable » [paragraphe 67]. Il en serait ainsi que cette personne versée dans l’art s’attende ou non à ce que la combinaison produise un ester.

[50]           M. Suryanarayanan a aussi été invité à décrire la personne versée dans l’art à qui s’adresse le brevet 146. Ce faisant, il a noté que le brevet 146 présente des revendications se rapportant à un grand nombre de composés et de formulations stables d’acides boroniques et d’esters boroniques, quoique la revendication 30 se limite à un seul ester de boronate. Plusieurs des revendications du brevet concernent des composés sans qu’une technique particulière de séchage ne soit mentionnée. D’autres revendications englobent les mêmes composés desséchés à froid. M. Suryanarayanan a conclu, à la lecture de l’ensemble du brevet, que la personne versée dans l’art serait une équipe spécialisée dans l’élaboration de formulations comprenant un formulateur et un chimiste médical. Cette opinion est appuyée par le paragraphe 40 de son affidavit :

[traduction
40.       La lyophilisation, y compris le choix des excipients et de la méthode d’exécution, relève clairement de l’expertise d’un scientifique spécialisé dans la formulation ou d’un « formulateur ». Le paragraphe 4 du brevet 146 divulgue que des composés d’acide alkylboronique forment aisément des boroxines dans des conditions de dessiccation et qu’ils sont souvent sensibles à l’air, ce qui limite leur utilité pharmaceutique. Le brevet 146 divulgue également la capacité des acides boroniques de former des esters avec des composés dihydroxy comme les sucres. Ces éléments du brevet 146 qui concernent les caractéristiques chimiques des composés d’acide boronique relèvent carrément de l’expertise d’un chimiste médical.

[51]           D’après M. Suryanarayanan, le formulateur versé dans l’art connaîtrait bien les problèmes courants de stabilité liés aux médicaments peptidiques. Cependant, la chimie de l’acide boronique est un domaine relativement spécialisé. Comme il ne connaîtrait pas les propriétés chimiques de tels composés (notamment leur capacité à former des produits de réaction), le formulateur n’entamerait pas ses travaux de formulation sans la contribution d’un chimiste médical.

[52]           Les connaissances générales courantes d’un formulateur versé dans l’art incluraient les éléments suivants :

a.                   la lyophilisation était une technique classique et connue de préparation de médicaments stables;

b.                  la dessiccation par congélation peut accélérer la vitesse de dissolution d’un composé actif;

c.                   quoique les solutions injectables prêtes à utiliser soient généralement préférées, les problèmes de stabilité peuvent signaler que la dessiccation par congélation est la meilleure option. Les poudres desséchées à froid peuvent généralement être conservées en toute sûreté jusqu’à ce qu’elles soient reconstituées en solution pour être administrées au patient;

d.                  la dessiccation par congélation était une technique connue de stabilisation à l’état sec pour les peptides et les protéines. Avant 2001, la plupart de ces composés étaient préparés sous forme de poudres desséchées à froid. Cette approche est étayée par une antériorité, Wang (1994), qui indiquait ce qui suit :

[traductionLa lyophilisation des produits pharmaceutiques peut créer des produits de grande qualité ayant une durée de conservation accrue. Les protéines ou les petites molécules médicamenteuses qui présentent des problèmes de stabilité sont de bonnes candidates pour la lyophilisation, procédé dans lequel l’eau est retirée des formulations par sublimation à faible température sous vide. L’activité biologique des protéines séchées à faible température est assez bien préservée et leur durée de conservation est prolongée à l’état sec.

e.                   le mannitol est l’un des excipients les plus couramment utilisés dans les formulations desséchées à froid (parmi quelques autres seulement) et son emploi serait envisagé naturellement. Il est établi que son utilisation par voie injectable est bien tolérée. Les avantages connus du mannitol ont été ainsi décrits dans Kim (1998) :

[traductionLe mannitol est l’un des excipients les plus couramment utilisés dans les produits pharmaceutiques desséchés à froid. Son usage répandu s’explique notamment par sa tendance à cristalliser dans les solutions aqueuses congelées et par la température de fusion élevée du mélange eutectique mannitol/glace (environ – 1,5 °C). Cette propriété favorise une dessiccation par congélation efficace et permet donc d’obtenir un solide desséché à froid élégant sur le plan pharmaceutique et physiquement stable.

[53]           Ayant comparé les antériorités décrites plus haut au concept inventif de la revendication 30 pour en dégager les différences, M. Suryanarayanan n’a rien relevé d’inventif, ce qu’il justifie de la manière suivante :

[traduction
71.       Wu 2000 révélait que le bortézomib avait été formulé en vue d’une administration par voie parentérale, mais que le composé s’était avéré instable dans diverses solutions aqueuses. En particulier, Wu 2000 divulguait que le bortézomib avait été étudié dans diverses solutions aqueuses mixtes (PEG 300/éthanol/eau; éthanol/saline; propylène glycol/éthanol/eau), et qu’une dégradation importante avait été constatée lorsque le bortézomib était conservé dans ces solutions, pendant des périodes allant d’un jour à huit mois. Wu 2000 divulguait également en page 762 que le bortézomib était instable lorsqu’il était conservé dans une solution saline (contenant 2 % d’éthanol) pendant de courtes périodes : 96 % du médicament conservé après 5 jours, 94,1 % après 14 jours (voir le tableau 1).

72.       Sachant que le bortézomib était un médicament peptidique formulé en vue d’une administration par voie parentérale et qu’il était instable en solution, il aurait été évident pour le formulateur versé dans l’art que la dessiccation par congélation allait certainement en améliorer la stabilité. Comme je l’ai expliqué plus haut au sujet des connaissances générales courantes, le formulateur versé dans l’art saurait que la lyophilisation est couramment utilisée pour résoudre les problèmes de stabilité aqueuse associés aux formulations parentérales, et que la plupart des médicaments à base de peptide et de protéine étaient préparés sous la forme de poudres desséchées à froid pour résoudre les problèmes de stabilité; il aurait donc été évident pour le formulateur versé dans l’art d’emprunter cette voie et de préparer le bortézomib dans une formulation lyophilisée.

73.       Par ailleurs, comme je l’ai évoqué plus haut à propos des connaissances générales courantes, le formulateur versé dans l’art saurait aussi qu’une formulation lyophilisée de bortézomib nécessiterait un agent gonflant, et que le mannitol serait le premier choix, puisque son utilisation à cette fin est largement admise.

74.       Au paragraphe 103 de son affidavit, M. Bodmeier déclare, relativement à Wu 2000, que la dégradation se produit assez rapidement « et sans doute trop rapidement pour permettre une formulation liquide ». Au paragraphe 106, il déclare qu’un formulateur versé dans l’art « n’aurait pas pensé à dissoudre [le bortézomib] dans un milieu aqueux, à ajouter du mannitol puis à lyophiliser la solution, compte tenu des renseignements fournis dans cette publication concernant la dégradation, et en particulier l’hydrolyse du bortézomib en milieu aqueux ». Je ne suis pas d’accord.

75.       Le problème central est que les caractéristiques cinétiques de dégradation, tableau 1 de Wu 2000 (page 762), divulguaient qu’il restait 96 % de bortézomib intact dans une solution normale saline (avec 2 % d’éthanol; pH 2,8) après 5 jours à 25 °C. Cette vitesse de dégradation n’aurait pas dissuadé une équipe versée dans l’art de se servir d’un milieu aqueux pour lyophiliser le bortézomib. Une telle vitesse de dégradation est intolérable en vue d’une conservation à long terme, mais ne poserait probablement aucun problème pour les périodes bien plus courtes liées au procédé de dessiccation par congélation et à la reconstitution. Le bortézomib n’aurait pas à être conservé pendant de longues périodes à 25 °C, que ce soit avant sa lyophilisation en poudre sèche, ou après sa reconstitution aux fins d’utilisation.

76.       Au paragraphe 107, M. Bodmeier soutient qu’en se basant sur Wu 2000, une personne versée dans l’art s’attendrait à ce que le bortézomib lyophilisé présente une stabilité de conservation plus faible que sous forme solide non lyophilisée en raison de la teneur en eau supérieure de la formulation lyophilisée. Le problème divulgué dans Wu 2000 est le manque de stabilité de la formulation en milieu aqueux. Le retrait de l’eau par lyophilisation est la réponse évidente à ce problème, et comme je l’ai expliqué plus haut au sujet des connaissances générales courantes, cette solution convient particulièrement aux médicaments sujets à une dégradation thermique lorsque desséchés à des températures élevées.

77.       Les problèmes liés à la teneur résiduelle en eau des formulations contenant du mannitol sont bien compris dans le milieu pharmaceutique. Cette teneur résiduelle en eau ne sera élevée que si une fraction importante du mannitol dans la substance lyophile finale est amorphe. Le mannitol peut être cristallisé par annelage et une analyse calorimétrique à compensation de puissance (ACD) peut être effectuée pour établir un protocole d’annelage approprié. Le formulateur peut donc prendre des mesures assez simples et directes pour cristalliser entièrement le mannitol et réduire au maximum la teneur en eau du gâteau lyophilisé final. Par conséquent, il n’y a simplement aucune raison pour que la quantité d’eau résiduelle dans un solide lyophilisé dissuade un formulateur versé dans l’art d’élaborer une formulation lyophilisée, comme le suggère M. Bodmeier.

[54]           M. Suryanarayanan a ensuite examiné les mesures concrètes prises par l’inventeur pour obtenir les résultats sur lesquels repose la revendication 30. Une formulation de mannitol lyophilisé a rapidement été obtenue et, d’après M. Suryanarayanan, l’obtention de la formulation stable désirée ne soulevait aucune difficulté importante.

[55]           M. Suryanarayanan a également examiné l’affirmation de M. Valentino Stella selon laquelle la formulation d’un ester était inattendue. Il a noté que les revendications du brevet 146 ne se limitaient pas à des composés d’esters d’acide boronique mais que de toute façon, le formulateur versé dans l’art trouverait évident que la stabilité et la durée de conservation du bortézomib pouvaient être améliorées par la dessiccation par congélation, qu’il y ait ou non formation d’un ester.

[56]           M. Suryanarayanan a examiné les antériorités concernant la probabilité de formation d’esters comme produits de réaction issus de la combinaison de composés d’acide boronique et de polyols comme le mannitol. Il en a conclu que la personne versée dans l’art, qu’il s’agisse d’un formulateur ou d’un chimiste médical éclairé, s’attendrait à la réaction illustrée par la revendication 30. Il conclut ainsi cette partie de son analyse :

[traduction
95.       En 2001, le bortézomib était un composé relativement nouveau. Le formulateur versé dans l’art ne se serait pas attendu à trouver de nombreuses publications décrivant le composé dans la littérature scientifique, et encore moins des formulations pharmaceutiques le contenant. Dès lors, le formulateur versé dans l’art s’efforcerait en fait de trouver des renseignements utiles dans des références décrivant les propriétés et les formulations de composés étroitement apparentés. L’une des premières choses que ferait le formulateur versé dans l’art chargé d’élaborer une formulation plus stable de bortézomib serait d’effectuer une recherche dans les antériorités pour savoir comment les composés les plus étroitement apparentés avaient été formulés dans le passé.

96.       L’équipe versée dans l’art qui prendrait connaissance de Wu 2000 remarquerait aussi que les auteurs ont cité et invoqué des informations concernant d’autres composés d’acide boronique. Wu 2000 mentionnait dans l’introduction d’autres inhibiteurs enzymatiques de l’acide boronique, et la personne versée dans l’art s’intéresserait à toute information publiée concernant la formulation ou la stabilité de composés apparentés.

97.       Aux paragraphes 150 à 152 de son affidavit, M. Bodmeier soutient que la stratégie de recherche de la personne versée dans l’art consisterait à passer en revue les titres des documents cités dans Wu 2000, qu’elle écarterait toutefois comme étant dépourvues d’intérêts, et donc « qu’elle ne se procurerait aucune de ces publications » et qu’elle « commencerait simplement à travailler avec les formulations ». Je ne suis pas d’accord. À mon avis, la personne versée dans l’art rechercherait des informations sur les caractéristiques chimiques et les propriétés liées à la formulation d’autres inhibiteurs de l’acide boronique, ce qui inclut les documents cités dans Wu 2000. La personne versée dans l’art ne jugerait pas tous les documents cités dépourvus d’intérêt ou inutiles, comme l’a déclaré M. Bodmeier.

98.       Au paragraphe 160 de son affidavit, M. Bodmeier soutient qu’il n’aurait pas été évident pour la personne versée dans l’art qu’une formulation lyophilisée de bortézomib formerait un ester stable avec le mannitol, qui d’autre part se reconstitue aisément et permet l’obtention d’une forme pharmaceutiquement active. Si l’on présume que l’équipe versée dans l’art ignorait totalement qu’une réaction se produirait entre les acides boroniques et des composés dihydroxy dans le cours de ses travaux, il n’y aurait aucune raison de ne pas lyophiliser le bortézomib avec le mannitol ni de s’attendre à ce que la préparation ne soit pas aisément reconstituée.

99.       Si l’on présume que l’équipe versée dans l’art savait ou a appris que les acides boroniques réagiraient avec des composés dihydroxy, elle n’aurait pas été dissuadée de mettre au point une formulation lyophilisée. Le chimiste médical versé dans l’art qui fait partie de l’équipe de formulation est censé comprendre la cinétique de réaction de la formation d’esters et de l’hydrolyse, cinétique qui pouvait être facilement confirmée en dissolvant simplement la préparation lyophilisée dans l’eau et en analysant la teneur en ingrédient actif. C’est d’ailleurs un test de routine effectué avec toutes les formulations lyophilisées d’un nouveau composé.

100.     L’équipe versée dans l’art finirait par déterminer qu’un ester s’était formé à partir du bortézomib et du mannitol en effectuant des analyses de routine du lyophile (le produit desséché à froid). La même analyse spectrale de masse rapportée au paragraphe 141 du brevet 146 pour confirmer la formation de l’ester (par un fort signal à un rapport masse/charge de 531) a d’ailleurs été effectuée dans Wu 2000 (méthode d’analyse divulguée à la page 759).

VII.          Témoignage de M. Bachovchin

[57]           M. Bachovchin est professeur de chimie biologique et moléculaire expérimentale au Département de biochimie de la Tufts University School of Medicine de Boston, au Massachusetts. Ses travaux de recherche portent surtout sur la conception et la découverte de médicaments, et accordent une importance particulière à l’étude des inhibiteurs des sérines protéases et d’autres petites molécules comme agents de traitement du cancer. M. Bachovchin a été engagé par Teva pour se prononcer sur la question de savoir si l’objet de la revendication 30 du brevet 146 aurait été évident pour la personne versée dans l’art.

[58]           M. Bachovchin a conclu qu’en date du 25 janvier 2001, il aurait été évident pour la personne versée dans l’art que la combinaison lyophilisée de bortézomib et de mannitol formerait un ester de boronate et que ce composé serait plus stable chimiquement que le bortézomib en solution. La personne versée dans l’art saurait également que l’estérification du bortézomib est réversible de telle sorte que l’acide boronique libre serait rapidement libéré lors de la reconstitution dans une solution aqueuse.

[59]           M. Bachovchin a examiné la portée du brevet 146 et noté que l’invention revendiquée comportait quatre « aspects » divulgués.

[60]           La structure du premier aspect est celle d’un ester de boronate dans lequel le bore est lié de manière covalente à un composé dihydroxy (p. ex. un sucre).

[61]           Le deuxième aspect de l’invention se distingue du premier en ceci qu’il est lyophilisé.

[62]           Le troisième aspect est une méthode de formulation d’un ester de boronate consistant à mélanger un composé d’acide boronique avec un composé qui comporte au moins deux groupes hydroxy dans une solution aqueuse qui est alors lyophilisée.

[63]           Le quatrième aspect concerne [traduction« des compositions préparées grâce aux méthodes de l’invention ».

[64]           La revendication 30 du brevet est censée se rapporter à l’ester de mannitol lyophilisé du bortézomib. Par comparaison, la revendication 15 concerne l’ester de mannitol du bortézomib seulement. D’après M. Bachovchin, la personne versée dans l’art est une équipe de développement de médicaments comprenant un chimiste médical et un scientifique spécialisé dans la formulation. Comme le problème concernait en l’espèce l’instabilité connue des acides alkylboroniques, il aurait été important de comprendre les voies chimiques dont procède cette instabilité. Toujours d’après M. Bachovchin, des aspects notables du brevet 146 relèvent directement de la compétence du chimiste médical parce qu’ils décrivent la synthèse de composés revendiqués ainsi que les essais permettant d’établir leur activité inhibitrice.

[65]           M. Bachovchin n’a pas prétendu s’exprimer en tant que scientifique spécialisé dans la formulation, mais a seulement décrit les connaissances générales courantes du chimiste médical. Durant le contre-interrogatoire, il a néanmoins exprimé certaines opinions quant à l’état des connaissances requises de la part d’un formulateur versé dans l’art pour trouver une formulation stable de bortézomib. Selon M. Bachovchin, la personne versée dans l’art aurait notamment les connaissances suivantes :

a.                   les acides boroniques ont tendance à former des composés chimiquement instables;

b.                  la partie boronate des composés d’acide boronique était généralement considérée comme chimiquement instable;

c.                   la personne versée dans l’art qui voudrait stabiliser le bortézomib rechercherait des indications dans les méthodes connues de stabilisation d’autres composés de boronate. L’affirmation de M. Bodmeier à l’effet contraire [traduction] « fait abstraction des préceptes élémentaires de la chimie » et contredit l’analyse dans Wu (document 130 de l’avis de demande) concernant les références antérieures au boronate dans ses travaux sur le bortézomib;

d.                  la lyophilisation est un procédé standard souvent utilisé pour préparer ou stabiliser un composé. Cette méthode consiste à retirer l’eau à faible température, ce qui aboutit à une composition à l’état solide. Il est notoire que le retrait de l’eau à faible température stabilise les composés instables en solution;

e.                   les médicaments à base de protéines et de peptides étaient, en date du 25 janvier 2001, souvent préparés en formulations lyophilisées;

f.                   le mannitol est recommandé à maintes reprises par les manuels d’introduction et les articles de revue comme agent gonflant pour les formulations lyophilisées.

[66]           M. Bachovchin a décrit le concept inventif de la revendication 30 comme le composé lyophilisé boronate de D-mannitol n-(2-pyrazine) carbonyl-L-phénylalanine-L-leucine, forme de bortézomib dont la stabilité et l’utilisation sont acceptables dans des préparations pharmaceutiques. Contrairement à M. Bodmeier, il ne pensait pas que le concept inventif tenait en partie à la réaction « inattendue » entre l’acide boronique et le mannitol. Il s’agissait d’une réaction réversible que la personne versée dans l’art aurait attendue et souhaitée. Ses connaissances incluaient les éléments suivants :

a.                   le bortézomib est un inhibiteur de protéase d’un analogue peptidique de l’acide boronique connu pour être instable en solution;

b.                  les esters de boronate se forment lorsque les acides boroniques se combinent avec des composés dihydroxy, dont la plupart redeviennent des acides boroniques libres après l’ajout d’eau;

c.                   les esters de boronate ont été lyophilisés; la plupart des médicaments injectables à base de peptides et de protéines se présentent comme des produits lyophilisés pour des raisons liées à la stabilité et cette approche était privilégiée par rapport aux formulations de poudre sèche;

d.                  Wu a divulgué que le bortézomib était chimiquement instable dans des solutions aqueuses ou aqueuses mixtes, de sorte qu’il ne pouvait être conservé en solution à long terme;

e.                   le brevet américain 454 (cité dans Wu) divulguait un certain nombre de composés d’acide boronique et d’esters de boronate (y compris le bortézomib) ainsi que leurs procédés de synthèse. Ce brevet divulguait également que les esters de boronate de composés d’acide boronique étaient préférés, et expliquait comment ils pouvaient être formés en utilisant des composés hydroxy. Cette antériorité divulguait également la lyophilisation des composés d’ester de boronate;

f.                   la personne versée dans l’art prédirait en toute certitude que le mannitol formerait un ester avec l’acide boronique et que le bortézomib et ses esters pouvaient être lyophilisés, le mannitol étant un polyol censé réagir de la même manière que les diols spécifiquement identifiés dans le brevet américain 454.

[67]           M. Bachovchin était aussi fermement en désaccord avec l’avis de M. Bodmeier selon lequel la personne versée dans l’art ne tiendrait pas compte des antériorités ne portant pas expressément sur le bortézomib. Dans la mesure où il s’agissait d’une entité chimique relativement récente, la personne versée dans l’art désireuse d’en obtenir une formulation stable jugerait invariablement utile de commencer par examiner des analogues chimiques. Ces antériorités démontraient amplement que la combinaison d’un acide alkylboronique (p. ex. le bortézomib) et du mannitol entraînerait la formation d’un ester réversible.

[68]           Compte tenu des antériorités, M. Bachovchin a conclu qu’il aurait été évident pour l’équipe versée dans l’art cherchant à élaborer une formulation stable du bortézomib de lyophiliser ce composé avec le mannitol. En suivant cette approche, la personne versée dans l’art aurait prédit avec beaucoup d’assurance que l’ester formé serait plus stable que le bortézomib. En outre, après reconstitution en solution aqueuse, la réaction s’inverserait puisqu’un ester de boronate sensible à l’hydrolyse avant la lyophilisation le reste lors de la reconstitution.

[69]           M. Bachovchin a également contesté l’affirmation de M. Bodmeier selon laquelle il était contre-intuitif d’exposer le composé à l’eau durant la lyophilisation compte tenu de l’instabilité du bortézomib. L’exposition relativement brève du bortézomib solide à l’eau dans le cours de ce procédé (quelques heures) n’était pas, d’après M. Bachovchin, incompatible avec le résultat suivant lequel le médicament restait largement intact après deux semaines en solution, tel qu’il est rapporté dans Wu.

[70]           M. Bachovchin a également écarté la préoccupation de M. Bodmeier selon laquelle toute forme lyophilisée du bortézomib serait instable en raison de sa teneur résiduelle en eau. L’opinion de M. Bodmeier lui a semblé contredire le recours régulier et fructueux à la lyophilisation pour régler de manière générale les problèmes d’instabilité en milieu aqueux, et d’ailleurs la teneur résiduelle en eau serait minime et gérable.

[71]           Enfin, M. Bachovchin a qualifié de [traduction] « négligeable » la quantité d’efforts nécessaires pour préparer le composé décrit dans la revendication 30. La lyophilisation est un procédé courant faisant appel à des techniques standard et ne prend qu’un jour ou deux à réaliser. Les méthodes requises pour confirmer la stabilité et l’efficacité sont tout aussi communes, ce qui d’après lui concordait avec la preuve liée aux travaux concrets effectués par M. Stella pour parvenir à la formulation décrite dans la revendication 30.

[72]           Invité durant le contre-interrogatoire à décrire l’état de la technique en ce qui se rapporte à la personne versée dans l’art, M. Bachovchin a fourni les réponses suivantes [p. 3322 et 3329] :

R. Le désaccord se situe ici à deux niveaux. Oui, je ne suis pas d’accord avec lui en ce qui concerne la personne versée dans l’art. Mais même en admettant que cette personne ne soit qu’un simple formulateur, je ne crois pas comme lui qu’un formulateur avec – ne devrait pas – ne connaîtrait pas ce simple équilibre chimique qui survient entre les acides boroniques et les diols, et qu’un formulateur, s’il ne le savait pas, l’une des premières choses qu’il aurait faites aurait – aurait été de consulter les – les publications et le – le chimiste médical au sujet de cette – cette réaction chimique élémentaire.

R.        Je ne peux pas – je ne peux pas imaginer que le formulateur ne se serait pas rendu compte de cela en s’attaquant à ce problème, qu’il demanderait – il tenterait de découvrir ce qui est connu au sujet des caractéristiques chimiques élémentaires de ces acides boroniques. Et ce serait l’une des premières choses qu’il apprendrait en parlant à presque n’importe qui s’y connaissant un peu dans le domaine, et ce serait la première – l’une des premières choses qu’il lirait dans les publications concernant les acides boroniques.

[73]           Il convient de noter que M. Bachovchin n’a pas été contre-interrogé au sujet de sa déposition concernant les antériorités et la réaction attendue entre le bortézomib et le mannitol, ni au sujet de l’inversion de cette réaction lors de la reconstitution de la poudre lyophilisée. M. Bodmeier non plus n’a pas contesté cette preuve, mais a plutôt fait valoir que la personne versée dans l’art n’en aurait pas eu connaissance ou n’aurait pas pris de mesures pour se la procurer.

VIII.       Qui est la personne versée dans l’art et quel était l’état de ses connaissances?

[74]           Les arguments de Janssen reposent largement sur la proposition suivant laquelle la personne versée dans l’art (c.-à-d. le formulateur versé dans l’art) n’aurait pas su qu’il était probable que le bortézomib et le mannitol réagissent et forment un ester. D’après cette théorie, le formulateur versé dans l’art saurait que des réactions risquaient de se produire et chercherait généralement à les éviter. En cas de nécessité, il opterait pour un agent gonflant censé être inerte ou non réactif.

[75]           Tout en reconnaissant qu’il fallait faire appel à un chimiste médical pour comprendre certains aspects du brevet 146, M. Bodmeier estimait de façon catégorique que seules les connaissances d’un formulateur versé dans l’art étaient nécessaires, du moins pour saisir la revendication 30. D’après lui, ce formulateur versé dans l’art ne se rendrait pas compte que la combinaison du mannitol et d’un acide boronique libre allait probablement produire un ester, et serait donc surpris par ce résultat. Le formulateur versé dans l’art éviterait d’ailleurs instinctivement une telle réaction par crainte de compromettre l’efficacité du bortézomib.

[76]           M. Bodmeier a également décrit de manière très restreinte la portée des recherches qu’entreprendrait sa personne versée dans l’art. Pour lui, celle-ci ne considérerait vraisemblablement qu’une seule antériorité, à savoir l’article de Wu. Outre cela, il se mettrait simplement au travail pour tenter de résoudre tout seul le problème de la formulation. Tout en reconnaissant la pertinence de Wu, M Bodmeier est allé jusqu’à dire que la personne versée dans l’art ignorerait toutes les antériorités qui s’y trouvent citées, y compris le brevet qui se rapporte au bortézomib même.

[77]           La preuve de M. Bodmeier étayant cet aspect des arguments de Janssen me laisse très sceptique. Il semble intrinsèquement douteux qu’un formulateur versé dans l’art cherchant à résoudre l’instabilité du bortézomib soit inconscient des caractéristiques chimiques élémentaires de ce composé. Ces informations étaient bien connues des chimistes médicaux en plus d’être aisément consultables dans les antériorités concernant le bortézomib et ses proches analogues. À mon avis, la personne versée dans l’art en l’espèce ne travaille pas dans une bulle de connaissances spécialisées sans se préoccuper des informations disponibles et utiles venant de sources possiblement situées au-delà des stricts confins de sa spécialité.

[78]           Je conviens que le rôle du chimiste médical est de synthétiser des composés, d’élargir à cette fin des procédés et d’identifier les problèmes de dégradation. Une fois ces tâches remplies, il appartient au formulateur de s’emparer du composé et de trouver une formulation efficace. Nonobstant ces rôles distincts, je n’accepte pas l’idée que le formulateur versé dans l’art s’attellerait aveuglément à la tâche de formuler le bortézomib sans tenir compte des connaissances pertinentes et disponibles concernant ses propriétés et tendances chimiques.

[79]           Je ne souscris pas à la description étroite qu’a donnée M. Bodmeier de la portée des recherches que la personne versée dans l’art ferait parmi les antériorités pour trouver une formulation stable de bortézomib. Il est possible que la personne versée dans l’art ne soit pas inventive, mais elle n’est ni incompétente ni encline aux expériences inutiles. Le formulateur versé dans l’art examinerait les antériorités concernant le bortézomib ou des composés étroitement apparentés pour saisir les propriétés chimiques qui pourraient s’avérer utiles, notamment celles qui ont trait à l’estérification des composés d’acide boronique et des polyols comme le mannitol.

[80]           Il n’est pas contesté que la principale antériorité pertinente en l’espèce est l’article de Wu. L’un des inventeurs du brevet 146, M. Stella, figure parmi ses auteurs. Les travaux rapportés dans Wu visaient principalement à définir les voies de dégradation du bortézomib dans le but d’en résoudre l’instabilité aux fins de formulation. Les auteurs ont confirmé que la principale voie de dégradation résultait de l’oxydation, mais ont aussi noté que [traduction] « [le bortézomib] était assez instable dans certains solvants ». L’un des documents cités dans Wu est le brevet équivalant au brevet canadien 2 203 936 (c.-à-d. le brevet américain 454) concernant des composés d’ester et d’acide boronique, y compris le bortézomib lui-même. Wu citait également des documents concernant d’autres analogues du bortézomib à base d’acide boronique.

[81]           Le brevet américain 454 enseigne que la réaction entre les groupes acides des acides boroniques et des composés dihydroxy (p. ex. le mannitol) produit des esters. Le fait qu’il soit cité dans le brevet 146 à titre d’antériorité confirme la pertinence de ce brevet antérieur.

[82]           M. Bodmeier a déclaré que la personne versée dans l’art ne chercherait qu’à lire Wu. Toutes les antériorités citées dans cet article seraient écartées d’emblée parce que les titres de ces documents ne signaleraient rien de pertinent. L’approche que propose M. Bodmeier à l’égard des antériorités n’est pas professionnelle et ne peut être entérinée comme une pratique acceptable pour la personne versée dans l’art. Je ne pense pas qu’une telle personne, cherchant à formuler un composé relativement récent et n’ayant jamais fait l’objet d’études, traiterait des antériorités potentiellement utiles (citées dans un document reconnu comme pertinent) de manière aussi cavalière.

[83]           Le témoignage de M. Bodmeier minait dans une certaine mesure ce qu’il affirmait dans son affidavit sur ce point : il a en effet reconnu avoir examiné l’un des documents cités dans Wu (no 5) qu’il a trouvé pertinent même si son titre était sans intérêt et que son objet ne concernait pas directement le bortézomib, contrairement au brevet américain 454. Son embarras sur la question se confirme d’ailleurs par le témoignage qu’il a rendu lors du contre-interrogatoire, en réponse aux questions 728 à 745, lesquelles ont considérablement ébranlé le contenu du paragraphe 151 de son affidavit.

[84]           En l’espèce, la personne versée dans l’art aurait à tout le moins examiné tous les documents cités dans Wu pour déterminer si leur contenu était pertinent au regard de la tâche de découvrir une formulation stable de bortézomib.

[85]           Contrairement à M. Bodmeier, je ne pense pas non plus que le brevet 146 s’adresse uniquement à un scientifique spécialisé dans la formulation. Le brevet intéresse manifestement des questions de chimie et de synthèse chimique. Il est possible que la revendication 30 se rapporte à une formulation, mais elle fait valoir aussi un composé, tout comme la revendication 15.

[86]           Janssen n’a pas réussi à formuler une position cohérente quant à la revendication 30. Elle soutenait d’une part que cette revendication concernait une formulation (en renvoyant à la définition de « formulation » contenue dans le brevet) et d’autre part, a décrit le concept inventif comme la fabrication d’un nouveau composé sous la forme d’un ester inattendu. Cette position était étayée dans une certaine mesure par M. Bodmeier qui a témoigné que la revendication 30 couvrait à la fois une formulation et un nouveau composé [p. 2801 et 2802]. Janssen ne peut pas jouer sur les deux tableaux aux fins de l’identification de la personne versée dans l’art. Si la revendication 30 se rapporte à un nouveau composé, les compétences de la personne versée dans l’art dépassent nécessairement celles d’un simple formulateur. Il en irait ainsi quelle que soit la manière dont le brevet définit les termes qui y sont employés.

[87]           Il ne peut pas être sérieusement contesté que certains aspects du brevet 146 décrivent des procédés de synthèse de composés revendiqués, subsidiaires à la lyophilisation. En particulier, le paragraphe 101 informe la personne versée dans l’art que les composés désirés peuvent être obtenus par le procédé de transestérification ou par l’incorporation d’un fragment de sucre à un stade antérieur de la synthèse. D’après Janssen et M. Bodmeier, ces autres approches ne revêtent qu’un intérêt théorique, car contrairement au procédé décrit qui sous-tend la revendication 30, aucune information n’est révélée sur la manière de les employer pour régler le problème de formulation du bortézomib.

[88]           Interrogé au sujet de ces autres procédés, M. Bodmeier a reconnu qu’ils relevaient des travaux normalement confiés à un chimiste médical, mais a écarté par ailleurs leur importance. Son témoignage était le suivant :

[traduction]

255      Q.        […] Qui se chargerait de ce procédé? Un formulateur ou un chimiste de synthèse?

 R.       Un chimiste de synthèse. Cet aspect ne m’a pas non plus échappé, mais si vous lisez le brevet en commençant par son objet, la formulation et surtout les exemples, il n’y a pas un seul exemple qui se rapporte à cette partie, d’accord? Donc, je pense que vous avez raison, cela ne relève pas de l’expertise d’un formulateur, il s’agirait d’un chimiste organique ou d’un chimiste médical, mais cela n’est étayé nulle part ailleurs dans tout le brevet.

[…]

261      Q.        Mais ce que ce brevet enseigne, c’est que vous pouvez obtenir le produit, l’ester de mannitol du bortézomib, par le biais de deux procédés synthétiques subsidiaires qui relèvent des tâches d’un chimiste de synthèse et non d’un formulateur, exact?

R.        Non, je dois replacer cette question dans le contexte du brevet 146. Encore une fois, ce brevet s’adresse à un formulateur, d’accord? Et il s’agit de la première partie. La deuxième partie ici s’adresse à un chimiste de synthèse, je suis d’accord, mais aucun exemple n’est cité et cette voie n’est plus mentionnée dans le brevet.

262      Q.        Mais cette partie ici ne s’adresse pas à un formulateur, en conviendriez-vous?

R.        Cette phrase-là, si vous deviez le faire, ne relèverait pas de l’ex – juste pour être spécifique, la dernière phrase :

[…] subsidiairement, les esters de boronate de la formule (1) peuvent être préparés par l’incorporation du fragment de sucre à un stade antérieur de la synthèse.

Cela ne relèverait pas de l’expertise d’un formulateur.

263      Q.        D’accord, donc au moins une partie de ce brevet s’adresse à un chimiste de synthèse?

R.        Cette phrase-là.

264      Q.        Oui. Elle s’adresse –

R.        Cette phrase, oui.

[89]           M. Bodmeier a tempéré plus loin ses préoccupations maintes fois réitérées au sujet du silence du brevet 146 sur ces autres procédés de synthèse identifiés, en reconnaissant qu’un chimiste médical [traduction« devrait probablement être en mesure de faire ça, oui » [p. 2769], ce qui signifie qu’il n’était pas nécessaire de fournir au chimiste médical des détails sur le procédé. M. Suryanarayanan a déclaré que les méthodes subsidiaires de synthèse décrites dans le brevet 146 s’adressaient à un chimiste médical [p. 3160]. La déposition de M. Bachovchin va dans le même sens [affidavit paragraphe 44][1].

[90]           Contre-interrogé plus avant quant à l’importance du paragraphe 101 du brevet 146, M. Bodmeier s’est manifestement trouvé embarrassé. Son témoignage était évasif et peu convaincant. En outre, sa crédibilité a été considérablement sapée lorsqu’il a souscrit sans hésiter à une intervention déplacée de l’avocat de Janssen. Tout l’échange est reproduit ci-après :

[traduction]

430      Q.        Lorsque vous dites que l’ensemble du brevet porte sur la lyophilisation, vous ignorez comme par hasard les deux procédés synthétiques subsidiaires figurant au paragraphe 101.

R.        Je ne les ignore pas comme par hasard, nous en avons discuté et je pense avoir dit également que la dernière partie, cette phrase du paragraphe 101, s’adresserait à un chimiste organique ou à un chimiste médical et je peux lire cette phrase de nouveau :

Subsidiairement, les esters de boronate de la formule (1) peuvent être préparés par l’incorporation du fragment de sucre à un stade antérieur de la synthèse.

Cette phrase est là, elle s’adresse à un chimiste organique; cependant, ce brevet ne comporte absolument aucun enseignement lié à cette déclaration et c’est la raison pour laquelle il s’adresse clairement à un formulateur et non à un chimiste. Et comme je l’ai dit, vous savez, l’objet de l’invention, le titre, le résumé et tous les exemples se rapportent à la formulation et à cette invention qui consiste à produire ce composé par lyophilisation.

431      R.        Mais la partie que vous venez de lire du paragraphe 101 décrit les premier et deuxième aspects de l’invention. Est-ce exact? Parce que c’est comme ça que le paragraphe 101 débute.

R.        Le premier? Oui, c’est exact, oui.

432      Q.        D’accord, donc les premier et deuxième aspects de l’invention portent notamment sur les deux procédés de synthèse subsidiaires, est-ce exact?

R.        Je pense avoir dit tout ce que j’avais à dire à ce sujet. Pour moi, il s’agit d’une phrase isolée et le brevet n’offre aucune autre information sur la manière de fabriquer ces composés.

433      Q.        Oui, mais vous m’avez dit plus tôt que le chimiste médical n’a pas besoin d’informations plus détaillées, il peut le fabriquer. La seule raison pour laquelle vous ne pouvez pas le faire est que vous n’êtes pas un chimiste de synthèse.

R.        Je ne peux pas le faire, mais la question est de savoir à qui ce brevet s’adresse et quel en est l’objet. Ce brevet a pour objet la formulation et non la chimie organique, il s’agit de formulation.

434      Q.        Mais vous, lorsque vous me faites ces déclarations, vous pensez à l’exception du paragraphe 101?

M. MILLS : Il a déjà répondu.

LE TÉMOIN : J’ai déjà répondu, oui.

PAR M. AITKEN :

435      Q.        Vous l’excluez du brevet?

M. MILLS : Il a déjà répondu.

M. AITKEN : Non, je ne lui ai pas demandé –

M. MILLS : Vous avez sa position.

M. AITKEN : – s’il l’avait exclu avant

PAR M. AITKEN :

436      Q.        Excluez-vous le paragraphe 101 du brevet?

M. MILLS : Il s’agit d’un terme juridique. Objection.

PAR M. AITKEN :

437      Q.        Lisez-vous le brevet sans tenir compte du paragraphe 101?

R.        J’ai dit tout ce que j’avais à dire et lorsque je lis ça, ce brevet porte entièrement sur la formulation, à l’exception de cette phrase.

[91]           L’argument final avancé ci-dessus par M. Bodmeier, selon lequel le brevet 146 ne contient qu’une seule phrase qui s’adresserait à un chimiste médical, est incorrect. Questionné sur la portée de la revendication 15, il a reconnu qu’elle se rapportait à l’ester non lyophilisé du bortézomib produit par les méthodes de synthèse subsidiaires décrites au paragraphe 101 [voir p. 2809 à 2811]. Il a également reconnu que la revendication 30 incluait à la fois un aspect lié à la formulation et un nouveau composé [p. 2801 et 2802].

[92]           Interrogé au sujet du brevet américain 454, M. Bodmeier a reconnu qu’il enseignait à la personne versée dans l’art, soit un chimiste médical, que les acides boroniques forment des esters avec les diols. Il a toutefois écarté cette antériorité au motif qu’elle ne s’adressait pas à un formulateur. Le problème auquel était confrontée la personne versée dans l’art concernant la formulation du bortézomib [traduction] « n’était pas de fabriquer l’ester, mais de formuler le bortézomib » [p. 2812 et 2813]. Il a écarté une fois de plus les antériorités de chimie de synthèse figurant dans le brevet 146 au motif qu’aucune description permettant de produire l’ester par d’autres moyens n’était fournie. Il a aussi déclaré de manière assez étonnante que le langage problématique ne l’intéressait pas [traduction] « parce qu’on m’a demandé d’examiner le brevet du point de vue de la revendication 30 » [p. 2815]. Il a ajouté qu’il était possible qu’il n’ait pas lu toutes les revendications du brevet [p. 2800]. Cette déposition est préoccupante, car Janssen a soutenu durant les plaidoiries finales que les revendications d’un brevet peuvent être interprétées par des personnes versées dans l’art munies de compétences différentes. Si l’approche de M. Bodmeier consistait à définir la personne versée dans l’art en considérant la revendication 30 de manière isolée, son témoignage n’est pas très utile. Je ne crois pas que les revendications individuelles d’un brevet puissent être interprétées indépendamment les unes des autres ou du mémoire descriptif dans son ensemble. L’idée que des revendications individuelles puissent requérir l’interprétation de personnes versées dans l’art dotées de compétences variées est inapplicable. Le droit des brevets nous apprend que la personne versée dans l’art peut disposer de compétences diverses. Il nous apprend aussi que les brevets doivent être lus dans leur ensemble. L’approche contextuelle qui sous-tend l’argument de Janssen veut que des revendications spécifiques puissent être isolées de l’ensemble et interprétées séparément du reste du brevet par des personnes versées dans l’art munies de compétences diverses.

[93]           Pour interpréter convenablement la revendication 30, la personne versée dans l’art doit être en mesure de comprendre l’intégralité du brevet 146. La personne versée dans l’art qui présente les compétences restreintes et le désintérêt professionnel décrit par M. Bodmeier n’y parviendrait pas. Je souscris aux témoignages de MM. Bachovchin et Suryanarayanan voulant que la personne versée dans l’art détienne l’expertise hybride d’un formulateur et d’un chimiste médical.

IX.             Évidence

[94]           Janssen fait valoir que le concept inventif du brevet 146 consiste en l’identification d’une formulation de bortézomib stable sur le plan pharmaceutique qui produit aussi une forme pharmaceutiquement active lors de la dissolution; dans le cas de la revendication 30, il s’agit de l’ester de mannitol lyophilisé du bortézomib.

[95]           Janssen soutient également qu’en dehors de certaines connaissances générales concernant les techniques de formulation et les excipients, aucune antériorité ne décrivait une formulation stable de bortézomib. Elle résume ainsi sa position sur l’évidence :

[traduction]

110.     Pour la personne versée dans l’art, il ne serait pas évident qu’une formulation lyophilisée du bortézomib produise un ester stable avec le mannitol et se reconstitue en plus facilement et trouve une forme pharmaceutiquement active au moment de la reconstitution de la formulation lyophilisée.

111.     Bien que la personne versée dans l’art puisse envisager différentes options pour formuler le bortézomib en s’inspirant des informations disponibles dans le document 130, aucune d’entre elles ne garantit une formulation utilisable. En d’autres mots, il n’est pas évident qu’il serait possible d’obtenir une formulation utilisable. En outre, il n’est pas évident que l’ester de mannitol du bortézomib se formerait complètement durant la lyophilisation, ou que cela accorderait une plus grande stabilité au bortézomib, ou que le bortézomib serait aisément reconstitué et que la forme pharmaceutique active serait obtenue lors de la dissolution. Le mannitol est employé parce qu’il est notoire qu’il est généralement inerte. Par conséquent, cette réaction est inattendue et elle n’est donc pas évidente.

D’après l’avis qui précède, un très large fossé séparait les antériorités et l’invention décrite dans la revendication 30.

[96]           Teva décrit le concept inventif de la revendication 30 du brevet comme l’ester de mannitol lyophilisé du bortézomib produisant une formulation stable propre à être utilisée dans des préparations pharmaceutiques. Teva maintient qu’il serait évident pour la personne versée dans l’art que la stabilité du bortézomib puisse être améliorée en préparant une formulation lyophilisée du bortézomib et du mannitol, qu’un ester soit formé ou non dans le cadre de ce procédé.

[97]           Janssen fait valoir que le brevet n’est pas évident en s’appuyant sur la déposition de M. Bodmeier et sur la preuve factuelle décrivant l’historique de l’invention revendiquée. M. Bodmeier affirme que la revendication 30 est inventive parce que les choix requis pour la formulation du bortézomib étaient complexes et que les résultats obtenus étaient inattendus. En particulier, M. Bodmeier soutient que la personne versée dans l’art ne se serait pas attendue à ce que la lyophilisation du bortézomib et du mannitol produise un ester du bortézomib qui soit stable et qui puisse être aisément reconstitué en vue d’une administration efficace.

[98]           Ayant conclu que la personne versée dans l’art en l’espèce n’est pas aussi dépourvue de curiosité et professionnellement limitée que M. Bodmeier l’a laissé entendre, et compte tenu de la preuve non contestée des témoins experts de Teva quant à la portée des antériorités en ce qui concerne la réaction attendue entre le bortézomib et le mannitol[2], il me reste au fond à évaluer le caractère inventif des décisions ayant consisté à choisir le mannitol comme agent gonflant et à lyophiliser la composition.

[99]           Cependant, avant de me pencher sur le caractère inventif de ces choix, je commenterai brièvement l’argument selon lequel la découverte de la formation d’un ester fait partie du concept inventif de la revendication 30.

[100]       M. Stella affirme qu’il n’a pas réalisé qu’il avait créé un ester de mannitol lorsqu’il est parvenu à la formulation/au composé décrits à la revendication 30. Néanmoins, il avait sous la main ce qu’on lui avait demandé d’élaborer comme formulateur – une formulation stable et utile de bortézomib. C’était le cas que l’on sache ou non qu’un ester avait été formé. La description ultérieure du composé par d’autres (qui sans doute ne savaient pas à quoi s’attendre) n’ajoutait rien d’inventif aux travaux de M. Stella. Si un brevet obtient une formulation utilisable, la découverte ultérieure de l’une de ses caractéristiques inhérentes n’ajoute rien d’inventif à ce qui a déjà été découvert : voir Alcon Canada Inc. c Apotex Inc., 2012 CF 410, au paragraphe 45, [2012] ACF no 1707 (QL). La seule question qu’il reste à trancher est de savoir si l’élaboration de la formulation du bortézomib par M. Stella décrite dans la revendication 30 était évidente.

[101]       La déposition de M. Bodmeier concernant l’évidence pose un important problème préliminaire. Il semble avoir compris que l’évaluation relative à l’essai allant de soi repose sur une attente de [traduction] « garantie » de succès. Il se peut très bien qu’il ait été mal informé à cet égard puisque le même terme a été employé dans le mémoire des faits et du droit de Janssen au paragraphe 111. Je ne suis pas convaincu que M. Bodmeier a correctement abordé cette question, et une grande partie de sa déposition concernant les attentes d’une personne versée dans l’art est donc sujette à caution.

[102]       Le témoignage de M. Bodmeier concernant la portée des recherches qu’entreprendrait la personne versée dans l’art compte tenu des enseignements de Wu n’est pas tout à fait cohérent. Wu invite à se détourner des formulations aqueuses – ce que M. Bodmeier semble reconnaître au paragraphe 103 de son affidavit. Il déclare ensuite, sans réserve apparente, que [traduction] « [l]a dégradation s’est produite assez rapidement et sans doute trop rapidement pour permettre une formulation liquide » et que [traduction] « une personne versée dans l’art aurait évité une formulation en solution aqueuse en raison de l’ampleur de la dégradation ». Il conclut en affirmant que la personne versée dans l’art [traduction] « aurait été dissuadée de mettre au point [des formulations aqueuses] ». Ces affirmations ne concordent pas tout à fait avec le paragraphe 161 dans lequel M. Bodmeier déclare, quoique sans grande conviction, [traduction] « [qu’]une personne versée dans l’art pourrait continuer à tenter d’élaborer une formulation liquide » [non souligné dans l’original].

[103]       M. Bodmeier s’est montré plus véhément durant le contre-interrogatoire. Il a déclaré alors que, nonobstant les enseignements de Wu, la personne versée dans l’art continuerait d’explorer les formulations aqueuses et ne commencerait pas par une formulation sèche. Les formes posologiques sèches ne seraient envisagées que si les options en milieu aqueux échouaient [voir Q. 575]. Il a finalement tenté de se distancier des déclarations limpides contenues dans son affidavit en affirmant qu’elles [traduction] « n’étaient pas confuses, mais n’étaient peut-être pas claires ». Il s’agit d’un élément important de l’opinion de M. Bodmeier concernant l’évidence et je ne crois pas qu’il ait été mal rédigé – compte tenu surtout des vérifications prudentes attendues de la part des avocats.

[104]       La rétractation de M Bodmeier quant à la teneur de son affidavit me paraît aussi contredire sa déposition selon laquelle la personne versée dans l’art serait initialement encline à éviter la lyophilisation en raison de préoccupations liées à la dégradation hydrolytique. Si elle ne soulevait pas assez de difficultés pour exclure les formulations aqueuses, l’eau ne causerait aucun problème particulier durant ou après la lyophilisation.

[105]       L’impression laissée par le témoignage de M. Bodmeier est qu’il tentait de se distancier de son affidavit afin de s’aligner plus étroitement sur les arguments de Janssen concernant l’évidence, et en particulier sur l’historique de l’invention fait par M. Stella.

[106]       Sur ce point, je préfère de loin la preuve présentée par MM. Bachovchin et Suryanarayanan, d’après laquelle Wu invite à se détourner des formulations aqueuses ou mixtes et, par conséquent, propose à la personne versée dans l’art de travailler avec des formulations à l’état sec. Les choix de telles formulations étaient beaucoup plus limités.

[107]       L’avis de M. Bodmeier concernant l’évidence reposait en grande part sur la prétendue myriade de choix que la personne versée dans l’art avait à sa disposition pour formuler le bortézomib. Après examen plus attentif, cette incertitude s’est révélée largement théorique et il n’en est rien resté après le contre-interrogatoire.

[108]       M. Bodmeier a reconnu qu’en ce qui concerne le bortézomib, une formulation orale était [traduction] « vouée à l’échec ». Il a aussi convenu que la plupart des médicaments à base de peptides et de protéines sont administrés par injection [p. 2712]. Comme je l’ai déjà noté, il a effectivement reconnu que la personne versée dans l’art [traduction] « aurait été dissuadée de mettre au point [des formulations aqueuses] ».

[109]       Les deux seules méthodes de formulations à l’état solide mentionnées par M. Bodmeier étaient le remplissage pulvérulent et la lyophilisation. M. Bodmeier a reconnu que la lyophilisation était une option et que c’était une méthode connue pour stabiliser des composés instables [p. 2870], par ailleurs couramment utilisée pour formuler des protéines et des petites molécules [p. 2905 et 2906]. Néanmoins, selon lui, la lyophilisation n’aurait pas été le [traduction] « premier choix d’un formulateur » [p. 2870].

[110]       M. Bodmeier a convenu que la personne versée dans l’art saurait que le mannitol est l’un des excipients les plus couramment utilisés dans les produits pharmaceutiques desséchés à froid [p. 2887] et qu’il représentait [traduction] « un choix d’agent gonflant » [p. 2889]. Ce n’est qu’après avoir longuement disserté sur un autre agent gonflant qui aurait été préféré au mannitol [p. 2902 et 2903 et p. 2906] qu’il a convenu aussi que celui-ci était connu à l’époque comme stabilisateur.

[111]       Après examen approfondi, je suis d’avis que la preuve présentée par M. Bodmeier indique que la personne versée dans l’art aux prises avec un composé instable en solution envisagerait immédiatement des formulations à l’état solide pour lesquelles il existait deux options connues : la lyophilisation et le remplissage pulvérulent. Chacune de ces options présentait des avantages et des inconvénients potentiels, mais aucune n’était contre-indiquée. Le bortézomib, qui est une petite molécule, se prêtait bien à la lyophilisation. La formulation nécessitait également un agent gonflant. Là encore, il existait un certain nombre d’options bien connues. Le mannitol était un agent gonflant couramment utilisé dans les formulations desséchées à froid. Il était également connu comme un stabilisateur. Il n’existait aucune raison manifeste de l’éviter ou de penser que le mannitol échouerait dans cette application.

[112]       Finalement, peu de choses distinguent la déposition de M. Bodmeier de celle des témoins de Teva. Les différences se résument principalement aux éléments sur lesquels ils ont insisté. Compte tenu des difficultés que pose la preuve présentée par M. Bodmeier, décrites plus haut, et de l’absence presque complète de contestation sérieuse à l’endroit de MM. Suryanarayanan et Bachovchin, j’accepte leur déposition en cas de disparités avec celle de M. Bodmeier. En particulier, j’accepte les éléments de preuve suivants :

a.                   il était notoire que le bortézomib était instable en solution aqueuse et, par conséquent, il se prêtait bien à une formulation à l’état sec, qu’il s’agisse de lyophilisation ou d’une poudre sèche;

b.                  la lyophilisation était une méthode tout à fait courante et répandue de stabilisation des composés instables en solution aqueuse. Cette méthode avait d’ailleurs été employée avec succès avec le bortézomib et d’autres petites molécules analogues;

c.                   la personne versée dans l’art saurait qu’un agent gonflant était nécessaire pour formuler le bortézomib. Le mannitol était un agent gonflant d’utilisation très courante dans les formulations lyophilisées, et la personne versée dans l’art l’aurait probablement choisi pour l’utiliser avec le bortézomib;

d.                  la personne versée dans l’art saurait, grâce au brevet américain 454 et à d’autres antériorités, que le mannitol était un polyol susceptible de produire un ester de boronate et que la combinaison avec le bortézomib produirait un ester;

e.                   la personne versée dans l’art s’attendrait à ce que l’ester de mannitol du bortézomib soit aisément réversible lors de la reconstitution;

f.                   la personne versée dans l’art ne se préoccuperait pas de la formation d’un ester, car il était notoire que les esters de boronate avaient un effet stabilisant et qu’ils étaient préférés aux acides boroniques à titre d’intermédiaires synthétiques.

[113]       Le recours à une méthode de stabilisation et à un agent gonflant couramment utilisés pour formuler le bortézomib ne peut pas être considéré comme inventif. Le fait que le formulateur devait faire quelques choix et tester la formulation pour s’assurer de son efficacité ne rend pas cet exercice non évident. Je souscris ici à l’opinion exprimée par le juge Roger Hughes dans Shire Biochem Inc. c Apotex Inc., 2008 CF 538 au para 80, [2008] ACF no 690 (QL), à savoir que l’existence d’un certain nombre de voies possibles pour résoudre un problème ne signifie pas que la voie adoptée n’était pas évidente. Dans Brugger c Medic-Aid Ltd., [1996] RPC 635 à la p. 661, le même argument a été ainsi formulé :

[traduction]

Premièrement, il arrive qu'une voie de recherche soit à essayer à l'évidence même si l'on ne peut dire avec certitude qu'elle mènera à la réussite, ou à une réussite suffisante pour qu'il vaille la peine de s'y engager du point de vue commercial [...] Deuxièmement, si une voie déterminée est à l'évidence à suivre ou à essayer, elle n'est pas rendue moins évidente sur le plan technique par le simple fait qu'il existe un certain nombre, ou peut-être un grand nombre, d'autres voies évidentes. S'il y a une pluralité de voies évidentes, il est plus ou moins inévitable que la personne versée dans l'art en essaie certaines avant d'autres.

[114]       Il est incontestable que la poudre sèche était une option subsidiaire à la lyophilisation, comme le suggère M. Bodmeier, mais M. Stella ne l’a jamais testée. Lorsque ce dernier a retenu une formulation à l’état sec, il a immédiatement opté pour la lyophilisation. C’est précisément l’approche que M. Suryanarayanan a qualifiée de premier choix pour la personne versée dans l’art. La déposition de M. Stella selon laquelle il a décidé d’essayer une poudre lyophilisée pour ne pas être [traduction] « négligent » est une précision sémantique qui contredit ce qui s’est passé. Le même problème se pose relativement au choix du mannitol par M. Stella. Même s’il est vrai que d’autres agents gonflants auraient pu être testés (et auraient très bien pu fonctionner), le mannitol était l’un des rares qu’il ait essayés. Interrogé sur la raison du choix du mannitol, M. Stella a donné une réponse qui ne laissait entendre aucune perspicacité particulière. Le mannitol lui a été recommandé par un collègue et il savait qu’il s’agissait d’un agent gonflant [traduction« utilisé dans un certain nombre de produits commerciaux desséchés à froid » [p. 3017]. Ce type de réponse ne donne pas à penser que le mannitol était un choix improbable.

[115]       Il ne fait aucun doute que M. Stella était confronté à des problèmes de stabilité et de solubilité lorsqu’il tentait de formuler le bortézomib, mais la plupart de ces difficultés étaient liées à ses tentatives initiales d’obtenir une solution injectable. À ce stade, M. Stella connaissait les données rapportées dans Wu et savait qu’une formulation liquide serait difficile à obtenir. Malgré ces connaissances, il a testé plusieurs solvants différents en vue d’une formulation liquide, et même si certains d’entre eux étaient prometteurs, il n’était pas sûr qu’une formulation liquide fonctionnerait [p. 2990]. En octobre 1997, il a décidé d’adopter plutôt une stratégie de dessiccation par congélation. Ses problèmes de solubilité ont effectivement disparu lorsque son superviseur l’a avisé que le précédent objectif de solubilité pouvait être considérablement réduit. Une fois qu’il a opté pour la lyophilisation et le mannitol comme agent gonflant, M. Stella a réalisé très rapidement que la formulation était convenablement soluble et qu’elle se reconstituait facilement. Il a déclaré que l’équipe de formulation avait alors [traduction] « poussé de grands cris de joie dans le laboratoire. Nous avions découvert quelque chose qui ne fonctionnait pas auparavant ». Cette célébration a été suivie d’analyses habituelles de stabilité à long terme ayant démontré que la stabilité du composé était correcte.

[116]       Ce n’est qu’ultérieurement que d’autres chercheurs ont effectué des tests visant à décrire le composé et ont découvert qu’un ester s’était formé. M. Stella a déclaré que pour lui ce résultat était inattendu et que, s’il avait été conscient de la réaction potentielle entre le mannitol et le bortézomib, il l’aurait considérée comme une [traduction] « prémisse négative ». Il a néanmoins reconnu que les excipients peuvent parfois améliorer l’efficacité d’un PA [p. 3040]. Il a également indiqué que [traduction] « chaque excipient a ses défauts et nous essayons autant que possible d’anticiper les effets négatifs qu’ils auront sur le produit » [p. 3041].

[117]       À la question légitime de savoir si la lyophilisation du mannitol et du bortézomib avait soulevé des difficultés inhabituelles ou inattendues, M. Stella n’a rien répondu de précis. Il a seulement déclaré que l’exercice avait nécessité beaucoup de travail, de réflexion et d’expérience, et ajouté sur la défensive que la question [traduction] « dévalorisait » ces efforts [p. 3031].

[118]       Je qualifierais les efforts investis dans l’élaboration du composé décrit dans la revendication 30 de compétents et de précis, mais néanmoins de courants. Rien de ce qu’a livré M. Stella dans l’historique de l’invention ne change le fait que pour obtenir une formulation utilisable, il a appliqué une technique de formulation augmentant notoirement la stabilité d’un composé instable et qu’il s’est servi d’un agent gonflant bien connu. Aucun enseignement ne décourageait son approche, et il n’y avait aucune raison de croire que ce qui était tenté ne fonctionnerait probablement pas. Le fait que M. Stella ait continué de tester d’autres options n’ajoute rien d’inventif à l’approche qui s’est finalement avérée fructueuse.

[119]       À mon avis, il n’existe aucune différence importante entre les connaissances découlant des antériorités et l’objet de la revendication 30. La personne versée dans l’art se serait raisonnablement attendu qu’en lyophilisant le bortézomib et le mannitol, une formulation stable et efficace en résulterait, peu importe qu’elle ait su ou non qu’un ester se formerait.

[120]       Compte tenu de tout ce qui précède, la revendication 30 du brevet 146 est invalide pour cause d’évidence et la demande de Janssen est rejetée. La question des dépens sera traitée par les parties après la publication du jugement de la Cour dans l’instance connexe Janssen Inc. c Teva Canada Limited, et al., dans le dossier T-2194-12.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de Janssen. La question des dépens sera traitée par les parties après la publication du jugement de la Cour dans l’instance connexe Janssen Inc. c Teva Canada Limited, et al., dans le dossier T-2194-12.

« R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2195-12

 

Intitulé :

JANSSEN INC.

c

TEVA CANADA LIMITED ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

c

MILLENNIUM PHARMACEUTICALS, INC.

c

ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
REPRÉSENTÉS PAR LE SECRÉTAIRE
DU DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

DU 8 AU 12 SeptembRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 16 FÉVRIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Jamie Mills

Chantal Saunders

Beverly Moore

Ryan Steeves

 

pour la demanderesse

 

David Aitken

Bryan Norrie

Jeffrey Warnock

 

pour la défenderesse

TEVA CANADA LIMITED

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais, S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Ottawa (Ontario)

 

pour le défendeur

ET LA DÉFENDERESSE TITULAIRE D’UNE LICENCE ET CONCÉDANTE D’UNE SOUS‑LICENCE

 

Aitken Klee LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

TEVA CANADA LIMITED

 

William F. Pentney

Deputy Attorney General of Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 



[1]    Je ne pense pas que cette preuve ait été ébranlée par le témoignage de M. Bachovchin selon lequel les inventeurs cherchaient à mettre au point une formulation stable du bortézomib. Même si c’était assurément un de leurs objectifs, le brevet 146 introduisait dans les revendications des éléments de chimie médicinale qui ne peuvent pas être simplement ignorés.

[2]     M. Bodmeier a également reconnu qu’un chimiste médical déduirait des antériorités qu’un composé d’acide boronique formerait un ester en présence de mannitol, que cet ester pouvait être desséché à froid et que la composition pouvait être reconstituée avec succès [p. 2893 à 2897 et p. 2908 et 2909].

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