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Date : 20150129


Dossier : T-1786-13

Référence : 2015 CF 106

Montréal (Québec), le 29 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

VILLE DE TROIS-RIVIÈRES

demanderesse

et

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TROIS‑RIVIÈRES

défenderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intervenant

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               La Ville de Trois-Rivières (la demanderesse) conteste la légalité de la décision datée du 4 octobre 2013 rendue par l’Administration portuaire de Trois-Rivières (APT), selon laquelle l’APT considère que le paiement en remplacement d’impôt (PERI) foncier dû à la demanderesse en vertu de la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôt, LRC 1985, c M-13 (LPRI) pour l’année d’imposition 2013, s’élève à 68 313 $ et à 70 341 $ en incluant les taxes d’eau et d’égout. En communiquant cette décision, l’APT fait référence à un paiement provisoire de 91 179 $ effectué le 25 juillet 2013 et informait la demanderesse que le montant excédant la somme de 70 341 $ doit être considéré comme un acompte sur le PERI de 2014.

[2]               La présente demande de contrôle judiciaire concerne : (i) l’étendue du pouvoir discrétionnaire d’une société d’État, en l’espèce l’APT, de déterminer le montant d’un PERI qu’elle devra verser à une municipalité; (ii) la procédure à suivre en cas de désaccord entre une société d’État et une municipalité quant au montant d’un PERI; et (iii) l’existence du droit d’une société d’État d’opérer compensation pour un trop-payé à une municipalité sur une année de taxation subséquente.

II.                Le régime fédéral de paiements en remplacement d’impôts

[3]               Bien que le cadre législatif entourant le présent litige fût expliqué avec une grande précision par cette Cour, la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada, il apparaît pertinent d’en rappeler brièvement les éléments essentiels aux fins du présent litige.

[4]               En vertu de l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867, les propriétés de la Couronne ne sauraient être taxées par un autre ordre de gouvernement et jouissent donc d’une immunité fiscale (voir : Montréal (Ville) c Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14 au para 12 [Administration portuaire de Montréal]; Halifax (Regional Municipality) c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2012 CSC 29 au para 2 [Halifax]). Afin de concilier l’équité fiscale envers les municipalités et la préservation de l’immunité fiscale constitutionnelle, le gouvernement fédéral a créé un régime de paiements discrétionnaires afin de compenser les impôts autrement perçus par les municipalités, la LPRI (Administration portuaire de Montréal, au para 14; Halifax, au para 2). En effet, l’article 2.1 de la LPRI prévoit explicitement : « La présente loi a pour objet l’administration juste et équitable des paiements versés en remplacement d’impôts. » Cependant, tel que souligné par le juge Lebel dans Administration portuaire de Montréal, au para 20, une municipalité ne saurait être créancière de l’État fédéral, la volonté du législateur fédéral de ne pas entacher l’immunité fiscale de l’État fédéral étant reflétée par l’article 15 de la LPRI qui prévoit : « La présente loi ne confère aucun droit à un paiement. » Ainsi, bien que les municipalités « s’attendent » à recevoir un paiement de remplacement, ce dernier est subordonné à un « pouvoir discrétionnaire encadré » (Administration portuaire de Montréal, au para 20).

[5]               L’alinéa 3 (1) a) de la LPRI prévoit que « le ministre peut […] verser sur le Trésor [un paiement à une municipalité] en remplacement de l’impôt foncier pour une année d’imposition donnée. » Cependant, ce paiement ne peut dépasser le produit du « taux effectif applicable à la propriété fédérale en cause pour l’année d’imposition » et la « valeur effective de celle-ci pour l’année d’imposition » aux termes du paragraphe 4 (1) de la LPRI. Le paragraphe 7 (1) du Règlement sur les paiements versés par les sociétés d’État, DORS/81-1030 (RPSE) adopté par le gouverneur en conseil aux termes de l’alinéa 9 (1) f) de la LPRI indique que ce paiement par une société d’État ne doit pas être inférieur au produit de ces deux montants. À cet effet, l’article 2 du RPSE définit les notions de « taux effectif applicable à une société » et de « valeur effective de la propriété d’une société » comme suit :


« taux effectif applicable à une société »

Le taux de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie qui, de l’avis de la société, serait applicable à sa propriété si celle-ci était une propriété imposable.

« valeur effective de la propriété d’une société »

La valeur qui, de l’avis de la société, serait déterminée par une autorité évaluatrice, abstraction faite de tous droits miniers et de tous éléments décoratifs ou non fonctionnels, comme base du calcul de l’impôt foncier applicable à sa propriété si celle-ci était une propriété imposable.

[Je souligne.]

[6]               Bien que je reconnaisse que les définitions relatives au calcul des paiements de la LPRI et les définitions du RPSE ne sont pas exactement identiques, je note qu’elles sont hautement similaires.

[7]               Dans l’éventualité où une société d’État « est incapable de déterminer de façon définitive le montant du paiement à verser » en remplacement d’impôt à une municipalité, celle-ci doit, à l’intérieur d’un délai de 50 jours suivant la réception de la demande de paiement, « effectuer un paiement provisoire qui correspond au montant estimatif total du paiement » aux termes de l’article 12 du RPSE.

[8]               Finalement, l’article 11.1 de la LPRI prévoit qu’en cas de désaccord entre le ministre et une municipalité, un comité consultatif est chargé de donner avis quant à « la valeur effective, la dimension effective ou le taux effectif ou sur l’augmentation ou non d’un paiement au titre du paragraphe 3 (1.1). »


III.             Faits

[9]               Le 22 mai 2013, la demanderesse, par le biais de sa chef de la trésorerie et assistante-trésorière, fait parvenir à l’APT une demande de PERI pour un montant de 179 486 $. Selon la demanderesse, la valeur des lots détenus par l’APT était de 4,18 $ le pied carré et c’est donc sur cette base que le montant demandé à titre de PERI fut calculé. Je note que l’APT soutient dans son mémoire que l’évaluation de la Ville était de 4,09 $ le pied carré et non de 4,18 $ le pied carré. Je suis d’avis que cet écart mineur n’est pas déterminant aux fins du présent litige.

[10]           Le 25 juin 2013, la demanderesse transmet à l’APT une demande complémentaire de PERI s’élevant à 1 979 $ en raison de l’émission de deux certificats de modification. Le PERI total réclamé par la demanderesse pour l’année 2013 s’élevait donc à 181 465 $.

[11]           Notant que le montant déterminé par la demanderesse a été calculé sur la base d’une valeur effective dont l’augmentation est de 60 % par rapport à l’année 2012, l’APT a retenu les services d’un évaluateur agréé afin d’obtenir une seconde opinion. Selon cet évaluateur, la valeur des lots était de 1,25 $ le pied carré, un montant largement inférieur à celui évalué par la demanderesse. Le taux effectif utilisé par la demanderesse n’est cependant pas en litige.

[12]           Le 25 juillet 2013, l’APT transmet à la demanderesse un chèque au montant de 91 179 $ à titre de paiement provisoire pour le PERI de l’année 2013.

[13]           Le 10 septembre 2013, les représentants des parties se rencontrent afin de discuter du désaccord relatif à la valeur du terrain. Cependant, les parties ne parviennent pas à un accord.

[14]           Par courriel daté du 4 octobre 2013, l’APT informe la demanderesse qu’elle considère que le PERI pour l’année d’imposition 2013 s’élève à 68 313 $ et à 70 341 $ en incluant les taxes d’eau et d’égout, et cela, conformément à l’évaluation de l’évaluateur agréé. L’APT précise que le montant payé le 25 juillet 2013 excédant le somme de 70 341$ doit être considéré comme un acompte sur le PERI de 2014.

[15]           Le 11 octobre 2013, l’évaluateur agréé retenu par l’APT transmet à la demanderesse les comparables ayant servi de référence afin d’estimer la valeur des lots visés par la demande de PERI. Dans cette lettre, l’évaluateur agréé confirme la réception des fiches techniques envoyées par la demanderesse à l’APT et sollicite la transmission des comparables utilisés par la demanderesse afin de déterminer la valeur du PERI exigé de l’APT. La demanderesse n’a pas transmis les comparables demandés par l’APT.

[16]           Le 21 novembre 2013, la demanderesse dépose auprès du Comité consultatif une demande afin de contester l’évaluation des terrains. Cependant, ce dossier est en suspend en attendant les conclusions du présent dossier.

[17]           Le 3 décembre 2013, la demanderesse transmet à l’APT une troisième demande de PERI au montant de 300 $.

IV.             Questions en litige

[18]           Il y a deux questions en litige :

1.         L’APT a-t-elle erré dans l’application de son pouvoir discrétionnaire en déterminant la valeur effective de ses propriétés?

2.         L’APT peut-elle recouvrer un trop-payé par compensation sur une année de taxation subséquente?

V.                Dispositions pertinentes

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3

The Constitution Act, 1867, 30 & 31 Vict, c 3

125.  Nulle terre ou propriété appartenant au Canada ou à aucune province en particulier ne sera sujette à la taxation.

125.  No Lands or Property belonging to Canada or any Province shall be liable to Taxation.

Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts L.R.C. (1985), ch. M-13

Payments in Lieu of Taxes Act, RSC 1985, c M-13

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2. (1) In this Act,

« valeur effective » Valeur que, selon le ministre, une autorité évaluatrice déterminerait, compte non tenu des droits miniers et des éléments décoratifs ou non fonctionnels, comme base du calcul de l’impôt foncier qui serait applicable à une propriété fédérale si celle-ci était une propriété imposable.

“property value” means the value that, in the opinion of the Minister, would be attributable by an assessment authority to federal property, without regard to any mineral rights or any ornamental, decorative or non-functional features thereof, as the basis for computing the amount of any real property tax that would be applicable to that property if it were taxable property;

2.1 La présente loi a pour objet l’administration juste et équitable des paiements versés en remplacement d’impôts.

2.1 The purpose of this Act is to provide for the fair and equitable administration of payments in lieu of taxes.

3. (1) Le ministre peut, pour toute propriété fédérale située sur le territoire où une autorité taxatrice est habilitée à lever et à percevoir l’un ou l’autre des impôts mentionnés aux alinéas a) et b), et sur réception d’une demande à cet effet établie en la forme qu’il a fixée ou approuvée, verser sur le Trésor un paiement à l’autorité taxatrice :

3. (1) The Minister may, on receipt of an application in a form provided or approved by the Minister, make a payment out of the Consolidated Revenue Fund to a taxing authority applying for it

a) en remplacement de l’impôt foncier pour une année d’imposition donnée;

(a) in lieu of a real property tax for a taxation year, and

b) en remplacement de l’impôt sur la façade ou sur la superficie.

(b) in lieu of a frontage or area tax

4. (1) Sous réserve des paragraphes (2), (3) et 5(1) et (2), le paiement visé à l’alinéa 3(1)a) ne peut dépasser le produit des deux facteurs suivants :

4. (1) Subject to subsections (2) and (3) and 5(1) and (2), a payment referred to in paragraph 3(1)(a) shall not exceed the product of

a) le taux effectif applicable à la propriété fédérale en cause pour l’année d’imposition;

(a) the effective rate in the taxation year applicable to the federal property in respect of which the payment may be made, and

b) la valeur effective de celle-ci pour l’année d’imposition.

(b) the property value in the taxation year of that federal property.

11.1 (1) Le gouverneur en conseil constitue un comité consultatif composé d’au moins deux membres de chaque province et territoire — dont un président — possédant une formation ou une expérience pertinentes. Les membres sont nommés à titre inamovible pour un mandat renouvelable d’au plus trois ans.

11.1 (1) The Governor in Council shall appoint an advisory panel of at least two members from each province and territory with relevant knowledge or experience to hold office during good behaviour for a term not exceeding three years, which term may be renewed for one or more further terms. The Governor in Council shall name one of the members as Chairperson.

[…]

[…]

Mandat

Mandate

(2) Le comité a pour mandat de donner des avis au ministre relativement à une propriété fédérale en cas de désaccord avec une autorité taxatrice sur la valeur effective, la dimension effective ou le taux effectif ou sur l’augmentation ou non d’un paiement au titre du paragraphe 3(1.1).

(2) The advisory panel shall give advice to the Minister in the event that a taxing authority disagrees with the property value, property dimension or effective rate applicable to any federal property, or claims that a payment should be supplemented under subsection 3(1.1).

15. La présente loi ne confère aucun droit à un paiement.

15. No right to a payment is conferred by this Act.

Règlements sur les versements provisoires et les recouvrements, DORS/81-226

Crown Corporation Payments Regulations, SOR/81-1030

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

2. In these Regulations,

« taux effectif applicable à une société » Le taux de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie qui, de l’avis de la société, serait applicable à sa propriété si celle-ci était une propriété imposable.

“corporation effective rate” means the rate of real property tax or of frontage or area tax that a corporation would consider applicable to its corporation property if that property were taxable property.

« valeur effective de la propriété d’une société » La valeur qui, de l’avis de la société, serait déterminée par une autorité évaluatrice, abstraction faite de tous droits miniers et de tous éléments décoratifs ou non-fonctionnels, comme base du calcul de l’impôt foncier applicable à sa propriété si celle-ci était une propriété imposable.

“corporation applicable property value its corporation property” means the value that a corporation would consider to be attributable by an assessment authority to its corporation property, without regard to any mineral rights or any ornamental, decorative or non-functional features thereof, as the basis for computing the amount of any real property tax that would be applicable to that property if it were taxable property.

6. Le paiement effectué par une société en remplacement de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie à l’égard d’une propriété qui serait une propriété fédérale si un ministre fédéral en avait la gestion, la charge et la direction n’est assorti d’aucune condition et ne doit pas être inférieur aux sommes visées aux articles 7 et 11.

6. The payment made by a corporation in lieu of a real property tax or frontage or area tax in respect of any corporation property that would be federal property if it were under the management, charge and direction of a minister of the Crown is made without any condition, in an amount that is not less than the amount referred to in sections 7 to 11.

7. (1) Sous réserve du paragraphe (2), un paiement versé par une société en remplacement de l’impôt foncier pour une année d’imposition ne doit pas être inférieur au produit des deux facteurs suivants :

7. (1) Subject to subsection (2), a payment made by a corporation in lieu of a real property tax for a taxation year shall be not less than the product of

a) le taux effectif applicable à la société dans l’année d’imposition en cause à l’égard de la propriété de celle-ci pour laquelle le paiement peut être versé;

(a) the corporation effective rate in the taxation year applicable to the corporation property in respect of which the payment may be made; and

b) la valeur effective de la propriété de la société pour cette année d’imposition.

(b) the corporation property value in the taxation year of that corporation property.

12. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le paiement effectué par une société en application de l’article 6 est versé :

12. (1) Subject to subsection (2), where a corporation makes a payment in accordance with section 6, it shall be made

a) uniquement à l’autorité taxatrice du lieu où la propriété est située;

(a) only to the taxing authority for the area in which the corporation property is situated; and

b) dans les cinquante jours suivant la réception de la demande de paiement.

(b) within 50 days after receipt of an application for the payment.

(2) Lorsqu’une société est incapable de déterminer de façon définitive le montant du paiement à verser aux termes de l’article 6 au cours du délai visé à l’alinéa (1)b), elle doit, au cours de ce délai, effectuer un versement provisoire qui correspond au montant estimatif total du paiement.

(2) Where a corporation is unable to make a final determination of the amount of a payment made in accordance with section 6 within the time referred to in paragraph (1)(b), the corporation shall make, within that time, an interim payment that corresponds to the estimated total payment to be made.

Règlements sur les versements provisoires et les recouvrements, DORS/81-226

Interim Payments and Recovery of Overpayments Regulations, SOR/81-226

4. Si le montant d’un paiement versé à une autorité taxatrice au titre de la Loi ou du présent règlement est plus élevé que ce qui aurait dû être versé en vertu l’article 3 de la Loi, le trop-perçu et les intérêts fixés en vertu de l’article 155.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques peuvent être, selon le cas :

4. If any payment made to a taxing authority under the Act or these Regulations is greater than the amount that may be paid to the taxing authority under section 3 of the Act, the amount of the overpayment and interest on that amount prescribed for the purpose of section 155.1 of the Financial Administration Act may be

a) portés en diminution de tout autre paiement pouvant être versé à l’autorité taxatrice en vertu de cet article ou du présent règlement;

(a) set off against other payments that may otherwise be paid to the taxing authority under section 3 of the Act or these Regulations; or

b) recouvrés à titre de créance de Sa Majesté du chef du Canada.

(b) recovered as a debt due to Her Majesty in right of Canada by the taxing authority.

VI.             Observations des parties

A.                Observations de la demanderesse

[19]           La demanderesse souligne qu’en date du 11 octobre 2013, l’évaluateur agréé retenu par l’APT a envoyé les comparables utilisés pour tirer ses conclusions quant à la valeur du terrain, mais soutient que ces comparables sont de simples allégations impertinentes, car elles n’ont pas été devant le Comité consultatif et ne sont donc pas des preuves du caractère raisonnable de la décision. Par ailleurs, la demanderesse soutient que lesdits comparables furent transmis 11 jours après la date prévue par les parties dans leur échéancier de travail. La demanderesse soutient également que puisqu’elle a reçu les comparables utilisés par l’évaluateur de l’APT le 11 octobre 2013, soit après que la décision de l’APT du 4 octobre 2013 lui fut transmise, il apparaît que l’APT tente de justifier postérieurement et illégalement sa décision.

[20]           La demanderesse ne conteste pas l’existence de la discrétion des sociétés d’État de déterminer la valeur de leurs propriétés, mais soutient que ce pouvoir discrétionnaire est normatif et fortement balisé. Elle soutient également que le pouvoir que revendique l’APT créerait l’instabilité et le chaos dans les finances municipales.

[21]           La demanderesse argumente que l’APT agit comme si elle avait le pouvoir de se faire justice unilatéralement. La demanderesse soulève le manque d’intelligibilité de la décision sur la base que l’APT n’avait pas le pouvoir d’agir unilatéralement sans s’adresser au forum compétent.

[22]           La demanderesse argumente que la décision de l’APT du 4 octobre 2013 reflète une interprétation et une application déraisonnable de la LPRI et du RPSE et souffre donc d’un « vice fondamental », suivant l’expression employée par le juge Lebel dans Administration portuaire de Montréal au para 40. La demanderesse fonde son raisonnement sur les principes d’interprétation législative rappelés dans l’arrêt Bell ExpressVu Limited Partnership c Rex, 2002 CSC 42, au para 26.

[23]           Selon la demanderesse, l’un des principes fondamentaux de la LPRI est que l’office fédéral doit franchir la limite de son immunité fiscale constitutionnelle et « calquer le régime fiscal municipal en place dans une municipalité donnée. »

[24]           La demanderesse soutient que l’arrêt Administration portuaire de Montréal, aux para 14, 24, 42, et 46, indique que les sociétés d’État doivent « agir comme n’importe quel contribuable ordinaire et suivre le système fiscal en place dans la province en cause » et devrait donc suivre la Loi sur la fiscalité municipale, LRQ, c F-2.1 (LFM). Suivant cette logique, la demanderesse soutient que puisque l’article 252.1 de la LFM prévoit qu’un contribuable ordinaire québécois ne peut refuser de payer ses taxes avant d’entreprendre tout recours ou demande, l’APT doit suivre une procédure similaire en payant l’entièreté du PERI pour ensuite s’adresser au Comité consultatif constitué en vertu de l’article 11.1 de la LPRI pour obtenir réparation, et cela, dans le but de préserver la stabilité des finances municipales. De plus, la demanderesse soutient que de nombreux « indices législatifs » soutiennent ses prétentions à cet égard.

[25]           L’un de ces « indices législatifs » se trouverait aux alinéas 12 (1) b) et 12 (2) du RPSE qui prévoient « un versement provisoire qui correspond au montant estimatif total du paiement. » Selon, la demanderesse, l’emploi du mot « total » oblige les sociétés d’État à verser l’entièreté des PERI réclamés par une municipalité.

[26]           La demanderesse soutient également que puisque le paragraphe 3 (1) du RPSE interdit à une société de faire une « entente pour un paiement moindre », une société d’État ne peut, a fortiori, décider unilatéralement de verser un montant moindre.

[27]           Par ailleurs, selon la demanderesse, le versement partiel du montant réclamé en PERI équivaut à assortir le paiement d’une condition, ce qui est interdit par l’article 6 du RPSE. Un tel paiement irait également à l’encontre du cadre législatif établi, car l’article 6 du RPSE, lu en combinaison avec les articles 2 et 7 du RPSE, contraint les sociétés d’État à ne verser aucun paiement inférieur au produit du « taux effectif applicable à une société » et de la « valeur effective de la propriété d’une société » tel que déterminé par une municipalité. En effet, le rôle du ministre ou de la société d’État est limité au versement du plein montant réclamé par une autorité évaluatrice et, en cas de désaccord, ceux-ci peuvent intenter un recours devant le Comité consultatif.

[28]           La demanderesse argumente également que l’emploi des mots « de l’avis de la société » à l’article 2 du RPSE « indique simplement que c’est cette dernière qui détermine la valeur effective en se référant à la valeur foncière prescrite par l’autorité évaluatrice. »

[29]           Qui plus est, la demanderesse soutient que la méthode de calcul employée par l’APT constitue une méthode de calcul « fictive » et « arbitraire » qui contreviendrait donc aux enseignements du juge Lebel dans Administration portuaire de Montréal.

[30]           La demanderesse soutient également que l’APT se devait de payer le supplément de retard en raison du non-respect du délai de paiement de 50 jours suivant le paragraphe 12 (1) du RPSE.

[31]           De l’avis de la demanderesse, cette Cour devrait ordonner à l’APT d’effectuer un paiement de la totalité de la demande de PERI de 2013, sans toutefois lui permettre de s’adresser au Comité consultatif, car l’APT ne s’est pas adressé aux forums compétents dans les délais prescrits. La demanderesse soutient que l’APT a pris la décision finale sans d’abord s’adresser au Comité consultatif et qu’elle est donc functus officio.

[32]           Finalement, la demanderesse soutient que l’APT n’a pas le pouvoir de soustraire le montant qu’elle prétend avoir payé en trop pour l’année d’imposition 2013 de son paiement de l’année d’imposition 2014. La demanderesse soutient également que même si cette Cour concluait que cette compensation peut s’opérer, seul le ministre et non les sociétés d’État, peut régir le versement du trop-payé en vertu de l’article 10 de la LPRI, et que l’APT ne pouvait donc pas compenser le soi-disant trop-payé sur l’année d’imposition subséquente.

B.                 Observations de la défenderesse

[33]           L’APT allègue, entre autres, avoir tenté depuis l’année 2011 de s’entendre avec la demanderesse relativement à la valeur effective de ses terrains. De plus, l’APT souligne que le PERI de 2013 a été augmenté de 60 % comparativement au PERI de l’année 2012; la valeur effective calculée par la demanderesse étant de 5 millions de dollars en 2012 et de 8 millions de dollars en 2013.

[34]           L’APT soutient que la norme de contrôle applicable à la présente affaire est celle de la décision raisonnable et que la seule question en litige « est celle de savoir si la détermination de la valeur effective par l’APT était raisonnable. »

[35]           L’APT soutient que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée, car elle n’est pas conforme à la Loi constitutionnelle de 1867 et à la LPRI. La défenderesse soutient qu’en vertu de l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867, l’APT possède un pouvoir discrétionnaire lui permettant de déterminer le montant du PERI. L’APT soutient que « [l]e ministre et les sociétés d’État, tant au niveau fédéral que provincial, doivent pouvoir gérer leurs actifs sans l’ingérence de l’autre palier gouvernemental » et que « l’article 125 interdit l’ingérence antidémocratique dans l’administration des fonds » publics.

[36]           De plus, l’APT soutient que la discrétion fédérale est reflétée au niveau du Comité consultatif. De l’avis de l’APT, cela est reflété par l’article 4.1 des Règles du comité consultatif qui prévoit que toute demande de révision doit être présentée par écrit par une autorité taxatrice. Selon l’APT, puisque la LPRI et le RPSE accordent un pouvoir discrétionnaire au ministre et aux sociétés d’État pour la détermination du PERI, il serait incohérent qu’ils soient obligés de consulter le Comité consultatif en cas de désaccord.

[37]           L’APT argumente qu’elle se devait de verser des sommes comparables à celles versées par les propriétaires imposables et qu’elle a suivi une méthode intelligible pour déterminer la valeur effective. L’APT soutient qu’elle s’est raisonnablement basée sur la valeur des terrains comparables afin de déterminer la valeur effective de la propriété et du montant du PERI. L’évaluateur agréé, dont elle a retenu les services, a noté que le terrain du voisin de la demanderesse a été évalué à 1,15 $ le pied carré alors que le terrain de la demanderesse a été évalué à 4,09 $ le pied carré par la demanderesse. L’évaluateur a conclu que la valeur des terrains de l’APT est de 1,25 $ le pied carré. D’autre part, l’APT souligne que puisqu’elle n’a pas accès aux comparables de la demanderesse (la demanderesse ne les a pas fournis), elle a pris une décision en fonction de l’information en sa possession.

[38]           L’APT allègue avoir été transparente avec la demanderesse puisque durant la réunion du 10 septembre 2013 avec celle-ci, elle a expliqué comment elle en est arrivée à une évaluation de 1,25 $ le pied carré bien que la demanderesse avait déjà accès à ces informations puisque l’évaluateur agréé retenu par l’APT a tiré ses conclusions du rôle triennal de la Ville de Trois-Rivières.

[39]           L’APT soutient qu’elle a fait un paiement provisoire, car il lui était impossible « de réconcilier la demande de la Ville avec ce qu’elle croyait être la juste valeur de ses terrains. » L’APT soutient également que la demanderesse a manqué de participer pleinement aux échanges et qu’elle a elle-même judiciarisé le débat en introduisant une demande de contrôle judiciaire.

[40]           De plus, l’APT argumente qu’en vertu de l’article 4 du Règlement sur les versements provisoires et les recouvrements, DORS/81-226 (RVPR), elle pouvait raisonnablement déduire de tout autre paiement devant être versé à la demanderesse le trop-payé du paiement versé. De l’avis de l’APT, une déduction du trop-payé est possible dans la présente affaire puisque contrairement à l’affaire Société Radio-Canada c Ville de Montréal, 2012 CAF 184 (Société Radio-Canada), l’APT a découvert le trop-payé avant d’aviser la demanderesse de sa décision finale.

C.                 Observations de l’intervenant

[41]           L’intervenant soutient que la position de la demanderesse est une « attaque directe » contre l’immunité fiscale prévue à la Loi constitutionnelle de 1867 et que le recouvrement d’un trop-payé sur une année subséquente découle de la nature même du paiement provisoire.

[42]           Selon l’intervenant, les questions en litige concernent l’existence ou non d’une discrétion pour l’APT de déterminer la valeur effective sans référer à une autre instance ainsi que le droit de compensation de l’APT pour un trop-payé. De l’avis de l’intervenant, il s’agit de questions générales de droit qui revêtent une importance significative pour le régime fédéral des PERI et qui doit donc être analysées suivant la norme de la décision correcte.

[43]           Selon l’intervenant, bien que la Cour suprême a précisé dans l’affaire Administration portuaire de Montréal que l’État fédéral ne peut utiliser une méthode de calcul de l’impôt foncier qui n’existe plus et qui ne correspond donc pas à la « réalité fiscale du territoire », il n’en résulte pas pour autant que le régime provincial de contestation de taxe doit être incorporé dans le régime fédéral des PERI. L’intervenant argumente donc que la demanderesse soutient sans fondement « qu’une partie du régime provincial est opposable à l’État fédéral par incorporation implicite ou autrement. »

[44]           L’intervenant soutient que les prétentions de la demanderesse concernant : (i) l’obligation de l’APT de payer les montants des taxes foncières indiqués dans la demande de paiement; (ii) la présomption d’exactitude des valeurs inscrites au rôle d’évaluation; et (iii) l’application de la procédure de contestation de la LFM, portent atteinte à l’immunité fiscale prévue dans la Loi constitutionnelle de 1867.

[45]           L’intervenant soutient également que l’article 204 de la LFM, qui prévoit que les immeubles de la Couronne du chef du Canada sont exempts de toute taxe foncière, fait échec aux prétentions de la demanderesse.

[46]           Qui plus est, l’intervenant soutient que les sociétés d’État fédérales ont le pouvoir discrétionnaire de déterminer la valeur du PERI telle que reflétée par l’article 2 du RPSE et le paragraphe 2 (1) de la LPRI. Le paragraphe 12 (2) du RPSE conférerait également à l’État fédéral le pouvoir discrétionnaire de déterminer la valeur d’une propriété aux fins d’un versement provisoire.

[47]           L’intervenant argumente qu’il est incohérent pour la demanderesse de soutenir que les mots « montant estimatif total » prévus au paragraphe 12 (2) du RPSE font référence au montant indiqué par une municipalité dans sa demande de paiement puisque l’intervenant argumente que le montant réclamé par une municipalité dans une demande de paiement n’est pas estimatif, mais définitif. De plus, selon l’intervenant, obliger les sociétés d’État à instituer des recours pour valider leur détermination de la valeur effective de leurs propriétés équivaudrait à éliminer le pouvoir discrétionnaire qui leur est conféré.

[48]           Par ailleurs, l’intervenant argumente que puisque l’article 11.1 de la LPRI précise que le Comité consultatif donne des avis en cas de désaccord quant à la valeur du PERI et que selon les définitions prévues à l’article 2 du RPSE la valeur effective est déterminée par les sociétés d’État, il faut que la société d’État exerce son pouvoir pour qu’il y ait désaccord, ce qui indique donc qu’elle possède un pouvoir discrétionnaire relativement à la détermination de la valeur du PERI.

[49]           L’intervenant argumente également que selon l’arrêt Administration portuaire de Montréal, au para 15, ce sont les autorités municipales qui doivent contester les valeurs déterminées par les sociétés d’État. Il en résulte, selon l’intervenant, que l’APT a le pouvoir discrétionnaire de déterminer la valeur effective des propriétés sans s’adresser au Comité consultatif.

[50]           D’autre part, contrairement à l’argument de la demanderesse, l’intervenant soumet que l’APT n’est pas forclose de s’adresser au Comité consultatif pour déterminer la valeur des propriétés. Son raisonnement s’appuie sur le fait que lorsque la Cour fédérale autorise une demande de contrôle judiciaire, elle doit renvoyer l’affaire à l’autorité compétente et elle ne peut rendre une décision à la place du décideur. Ainsi, puisque l’invalidité d’une décision équivaut à une absence de décision, le principe du « functus officio » ne saurait trouver application.

[51]           Finalement, concernant le droit d’une société d’État de recouvrer le trop-payé versé provisoirement sur une année de taxation subséquente, l’intervenant soutient que cette Cour devrait suivre le raisonnement de la Cour d’appel fédérale dans Administration portuaire de Montréal c Ville de Montréal, 2008 CAF 278 (Administration portuaire de Montréal 2008), car cet arrêt ne fut pas renversé par la Cour suprême du Canada sur ce point. L’intervenant soutient donc qu’une société d’État peut, à l’occasion du paiement final, décider qu’elle compensera sur une année de taxation à venir un trop-payé versé dans la cadre d’un versement provisoire.


VII.          Analyse

A.                Norme de contrôle

[52]           Les questions en litige doivent être analysées suivant la norme de la décision raisonnable. L’intervenant soutient que les questions en litige constituent des questions de droit générales qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble devant être analysées suivant la norme de la décision correcte puisque ces questions sont présentement soulevées devant cette Cour dans plusieurs demandes de contrôle judiciaire. Or, bien que ces questions soient présentement soulevées par de nombreuses municipalités, il s’agit véritablement de l’interprétation et de l’application des dispositions de la LPRI, du RVPR et du RPSE à un contexte précis (McLean c Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, au para 28) impliquant l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire (Halifax, au para 43; Administration portuaire de Montréal, aux para 36-37).

[53]           Tel que mentionné dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au para 47 :

Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[54]           Ceci étant dit, l’intelligibilité et la transparence de la décision de l’APT ne sont pas remises en question par la demanderesse, mais celle-ci conteste plutôt la qualité et la substance de la décision de l’APT.


B.                 Le pouvoir discrétionnaire de déterminer la valeur foncière des propriétés

[55]           Les parties ne questionnent pas l’existence du pouvoir discrétionnaire d’une société d’État, mais sont en désaccord quant à la portée de ce pouvoir.

[56]           Dans Administration portuaire de Montréal, au para 12, le juge Lebel souligne que selon l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867, « aucune loi provinciale ne pourrait assujettir à des charges fiscales les biens appartenant à la Couronne fédérale. » En effet, afin de favoriser les valeurs constitutionnelles du fédéralisme et de la démocratie, chaque palier de gouvernement doit avoir suffisamment d’espace opérationnel pour travailler sans intervention d’un autre palier de gouvernement, tel que le mentionne le juge Gonthier dans Première nation de Westbank c British Columbia Hydro and Power Authority, [1999] 3 RCS 134, aux para 16-17. Or, le juge Martineau soulignait dans Montréal (Ville de) c Société Radio-Canada, 2007 CF 700, au para 21 (rétabli par la Cour suprême du Canada), que « le gouvernement du Canada est le plus important propriétaire foncier du pays. » La LPRI joue donc un rôle crucial dans l’harmonisation de l’immunité fiscale et la stabilité des finances municipales en permettant aux sociétés d’État fédérales de verser des paiements qui tiennent lieu de taxe (Administration portuaire de Montréal, aux para 13-14).

[57]           La demanderesse suggère que le régime d’indemnisation prévu par la LPRI doit « calquer » le régime municipal en place dans un territoire donné et la LFM. Cette position du demandeur n’est pas reflétée par la jurisprudence. En effet, la Cour suprême du Canada mentionne plutôt que la LPRI établit « un système de paiement remplaçant les taxes que les municipalités canadiennes perçoivent. » Ce système est distinct de la LFM et il serait donc erroné de tenter de l’interpréter en calquant la LFM. Le juge Lebel clarifie la nature de ce système au para 20 de l’arrêt Administration portuaire de Montréal :

La LPRI exprime clairement la volonté du Parlement de sauvegarder l’intégrité de l’immunité fiscale des biens de l’État fédéral. En effet, l’art. 15 de cette loi dispose : « La présente loi ne confère aucun droit à un paiement. » Le Parlement n’entend donc pas conférer aux municipalités la qualité de créancières de l’État à l’égard des paiements versés en remplacement des impôts. La LPRI établit plutôt un système en vertu duquel les municipalités s’attendent à recevoir des paiements, mais à l’intérieur du cadre législatif et réglementaire qu’a institué le Parlement, sans écarter le principe de l’immunité fiscale. La LPRI veut ainsi concilier des objectifs différents — l’équité fiscale envers les municipalités et la préservation de l’immunité fiscale constitutionnelle — dont la réalisation exige le maintien d’un pouvoir discrétionnaire administratif encadré en ce qui concerne la fixation des paiements de remplacement.

[Je souligne.]

[58]           Or, ni la jurisprudence ni la législation n’indiquent que l’intention du législateur était de « calquer » la LFM en adoptant la LPRI, tel qu’argumente la demanderesse. De fait, si le législateur souhaitait réellement adopter un calque, celui-ci n’aurait pas créé le régime distinct et autonome que constitue la LPRI. D’ailleurs, tel que le souligne l’intervenant, la LFM prévoit expressément à son article 204 que les immeubles de la Couronne du chef du Canada « sont exempts de toute taxe foncière, municipale ou scolaire. » L’arrêt Administration portuaire de Montréal mentionne certes, comme le souligne la demanderesse, que les sociétés de la Couronne doivent verser des paiements en remplacement « autant que possible comme s’ils étaient des gestionnaires » et que la LPRI vise à établir un système de paiement « qui correspond à la réalité fiscale des territoires où sont situées les propriétés fédérales. » Cependant, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada combinée à l’analyse de la législation milite en faveur d’une position plus nuancée que ce qu’argumente la demanderesse. En effet, l’exercice auquel s’est livré le législateur fédéral en adoptant la LFM en est un d’équilibre qui comprend le maintien du pouvoir discrétionnaire de l’État fédéral dans le calcul des PERI néanmoins encadré par la législation et les règlements (Administration portuaire de Montréal, au para 20).

[59]           D’une part, cet exercice d’équilibre se traduit entre autres par le fait d’octroyer une certaine « marge de manœuvre » aux gestionnaires des propriétés fédérales leur permettant de ne pas s’en tenir à une simple « application mécanique » des évaluations municipales (Administration portuaire de Montréal, aux para 34-35). Le juge Lebel mentionne dans Administration portuaire de Montréal, au para 35 :

Des impératifs d’ordre pratique expliquent également la nécessité de maintenir le pouvoir décisionnel des gestionnaires des biens de l’État à l’égard des questions touchant l’évaluation de ces biens et la détermination des taux d’imposition applicables à ceux-ci. En premier lieu, des désaccords peuvent éclater avec des autorités taxatrices au sujet de l’évaluation des propriétés. Les propriétés fédérales sont comme on le sait fort diverses et parfois même très particulières, sinon uniques ou presque en leur genre au Canada. L’évaluation peut de ce fait soulever des difficultés techniques importantes quant à l’application des principes d’évaluation immobilière et provoquer de temps à autre des désaccords inévitables mais par ailleurs légitimes avec les municipalités.

[Je souligne.]

[60]           Une position similaire fut adoptée subséquemment par le juge Cromwell dans Halifax, au para 41 :

En cas de désaccord sur l’évaluation d’une propriété fédérale, le ministre ne peut se prévaloir des processus d’appel mis à la disposition des contribuables assujettis à certains régimes municipaux ou provinciaux.  Enfin, dans ce régime hautement discrétionnaire que constituent les PRI — un régime qui préserve expressément l’immunité fiscale constitutionnelle de la Couronne fédérale en l’exonérant des impôts provinciaux et municipaux (art. 15) —, il est logique que le ministre soit en mesure de protéger au besoin les intérêts fédéraux contre le zèle excessif des autorités évaluatrices.

[61]           D’autre part, le calcul d’un PERI doit être basé sur le régime fiscal normalement imposé à un propriétaire privé sur le territoire où la propriété fédérale est située (Administration portuaire de Montréal, aux para 40 et 46). Le juge Lebel mentionne dans Administration portuaire de Montréal, au para 42 :

La position des intimées va en outre à l’encontre de l’objectif de la LPRI et du Règlement. Le Parlement entendait que les sociétés de la Couronne et les gestionnaires des biens fédéraux versent des paiements de remplacement eu égard au système fiscal en place dans chaque municipalité, autant que possible comme s’ils étaient des propriétaires ou des occupants imposables.

[Je souligne]

[62]           Le juge Cromwell explique l’espace qu’occupe le pouvoir discrétionnaire du ministre dans l’arrêt Halifax, au para 40 :

Le rôle du ministre selon la Loi n’est pas de revoir l’évaluation faite par l’autorité évaluatrice.  Son rôle à cet égard consiste plutôt à se former une opinion de la valeur qu’une autorité évaluatrice déterminerait à l’égard de la propriété en question, ce qu’il fait dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de verser un PRI dont le montant ne doit pas dépasser le produit du taux effectif applicable à la propriété en cause par la valeur effective de celleci.  Bien que le point de vue qu’adopterait une autorité évaluatrice constitue un facteur de référence important pour le ministre, je suis néanmoins d’accord avec le juge Evans pour dire que le ministre peut, pour se former une opinion, procéder à une détermination indépendante de la valeur qu’une autorité évaluatrice attribuerait à la propriété fédérale en cause.

[Je souligne]

[63]           D’ailleurs, le paragraphe 2 (1) de la LPRI reflète la volonté du législateur fédéral d’établir un équilibre entre la discrétion du ministre et la prise en compte de la valeur effective d’une propriété de l’État fédéral déterminée par une autorité évaluatrice (Halifax, au para 48). En vertu du paragraphe 2 (1) de la LPRI définissant la « valeur effective » d’une telle propriété, le ministre possède donc le pouvoir discrétionnaire de déterminer la valeur à attribuer à une propriété dans la mesure où cet exercice trouve son fondement dans le régime fiscal qui s’appliquerait si la propriété fédérale en cause était une propriété imposable (Halifax, au para 42).

[64]           Ainsi, lorsqu’une société d’État fédérale reçoit une demande de paiement d’une autorité taxatrice, l’évaluation de la valeur effective déterminée par l’autorité taxatrice constitue le fondement de l’exercice de la discrétion du ministre qui sera néanmoins appelé à se faire « sa propre opinion sur la valeur de la propriété » (Halifax, au para 42). Tel que mentionné ci-haut, en principe, la valeur effective de la propriété foncière déterminée par l’autorité taxatrice équivaut à « la valeur que, selon le ministre, une autorité évaluatrice déterminerait » (je souligne). Le ministre possède donc une marge de manœuvre suffisante, mais limitée, pour protéger les intérêts fédéraux lorsque besoin est. Il ne s’agit cependant pas d’un pouvoir balisé qui s’écarte en tous points d’un pouvoir arbitraire. L’exercice de ce pouvoir doit être raisonnable eu égard aux circonstances de chaque cas et à la nécessité de préserver la stabilité fiscale des municipalités. Dans bien des cas, l’exercice du pouvoir ministériel se limite à contre-vérifier si le PERI, et par le fait même la « valeur effective » déterminée par l’autorité taxatrice, est le véritable reflet du régime fiscal qui existe réellement à l’endroit où sont situés les biens en cause. Dans le cas de la détermination de la « valeur effective » d’une propriété, l’exercice de la discrétion ministérielle peut nécessiter la prise en compte judicieuse et raisonnable d’une évaluation indépendante de la valeur qu’une autorité évaluatrice attribuerait normalement à la propriété fédérale en cause (Halifax, au para 40 (in fine)).

[65]           La question qui se pose donc en l’espèce est celle de savoir si la décision de l’APT de verser un PERI conforme à l’opinion de l’évaluateur agréé dont elle a retenu les services, sans préalablement saisir le Comité consultatif, est raisonnable. Je suis d’avis qu’il importe d’analyser cette question en deux parties, soit : 1) l’obligation pour une société d’État fédérale de saisir le Comité consultatif avant de verser un PERI ne correspondant pas au montant réclamé par l’autorité taxatrice; et 2) le caractère raisonnable de la décision de l’APT de verser un PERI conforme à l’opinion de l’évaluateur agréé dont elle a retenu les services.

(1)               L’obligation de saisir le Comité consultatif

[66]           Dans l’arrêt Administration portuaire de Montréal, le juge Lebel explique au para 22 :

La LPRI établit un comité consultatif chargé de conseiller le ministre sur le règlement de tout différend avec une autorité taxatrice à propos de la valeur effective d’une propriété ou du taux effectif d’imposition qui lui serait applicable (art. 11.1). Ces conflits ne relèvent pas des instances judiciaires ou administratives qui seraient chargées de les régler en vertu du droit provincial pertinent.

[67]           Il est établi par la jurisprudence de la Cour suprême qu’en cas de désaccord avec l’autorité taxatrice, le ministre « peut renvoyer l’affaire à un comité consultatif, qui lui donnera des avis » (Halifax, au para 13; je souligne) suivant l’article 11.1 de la LPRI. Cependant, ni la jurisprudence, ni la législation ne semblent contraindre les sociétés d’État à s’adresser au Comité consultatif en cas de désaccord avec l’autorité taxatrice. Je suis d’avis que rien n’indique que le ministre n’est forcé de saisir le Comité consultatif afin d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Tel que le souligne l’intervenant, la proposition de la demanderesse « équivaut à éliminer le pouvoir discrétionnaire que le Parlement a conféré aux sociétés d’État par le [RPSE] et à vider les dispositions réglementaires pertinentes de leur contenu. » À titre purement indicatif, tel que le souligne l’APT, l’article 4.1 des Règles de pratique du Comité consultatif reflète cette réalité en prévoyant que les demandes de révisions sont présentées par l’autorité taxatrice. Bien que, tel que le souligne la demanderesse, les Règles de pratiques du Comité consultatif n’ont pas force de loi, il n’en demeure pas moins qu’il n’existe aucune indication dans la législation selon laquelle il incomberait au ministre ou à une société d’État de saisir le Comité consultatif.

[68]           À mon avis, l’opinion du Comité consultatif constitue un élément pertinent qui limitera les issues possibles raisonnables, mais il n’incombe pas au ministre ou à une société d’État de saisir le Comité consultatif. Règle générale, lorsqu’une partie est en désaccord avec une décision gouvernementale, elle lui appartient de prendre les recours appropriés pour la contester. En l’espèce, la demanderesse a elle-même choisi de demander la révision judiciaire de la décision du ministre en l’absence de l’avis du Comité consultatif. Cette approche prive les parties de l’avis du Comité consultatif qui, bien que non contraignant, aurait certes été considéré subséquemment par l’APT et, si toujours nécessaire, dans la présente demande de contrôle judiciaire. Je suis donc d’avis que l’APT peut exercer son pouvoir discrétionnaire relatif à la détermination de la « valeur effective de la propriété d’une société » sans avoir l’obligation de s’adresser au Comité consultatif pour faire valider sa décision.

(2)               Le caractère raisonnable de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’APT

[69]           En l’espèce, le caractère raisonnable de la décision de l’APT est supporté par l’opinion d’un expert indépendant. L’APT souligne au soutien de sa prétention que sa décision est raisonnable qu’il existe un écart marqué entre les conclusions de la demanderesse et celles de l’évaluateur agréé que l’APT a engagé quant à la valeur au pied carré de sa propriété.

[70]           Premièrement, alors que la demanderesse soutient que la propriété de l’APT a une valeur de 4,18 $ le pied carré, l’évaluateur agréé de l’APT a conclu que la valeur de la propriété était de 1,25 $ le pied carré.

[71]           Deuxièmement, l’enquête de l’évaluateur agréé a révélé que le rôle triennal de la Ville de Trois-Rivières indique que les terrains industriels de la compagnie Kruger situés à proximité de la propriété de l’APT ont une valeur variant entre 1,15 $ le pied carré et 0,25 $ le pied carré.

[72]           Troisièmement, l’évaluateur agréé a noté que les terrains similaires à ceux de l’APT mais situés dans la ville de Bécancour ont une valeur de 0,72 $ le pied carré. La demanderesse soutient que les comparables qui lui ont été transmis par l’APT le 11 octobre 2013 ne sont que de simples allégations impertinentes servant à justifier postérieurement la décision de l’APT. Or, le fait que les comparables ont été transmis à la demanderesse après que l’APT lui a transmis sa décision ne signifie pas pour autant que ladite décision n’était pas basée sur lesdits comparables. De plus, ayant conclu qu’il n’incombait pas à l’APT de saisir le Comité consultatif, je ne peux souscrire à l’argument de la demanderesse selon lequel lesdits comparables ne sont que de simples allégations impertinentes pour la raison qu’ils n’ont pas été soumis devant le Comité consultatif.

[73]           Finalement, le Directeur-finances et administration de l’APT a expliqué lors de son contre-interrogatoire qu’en 2012 la valeur des terrains de l’APT avait été évaluée à environ 5 millions de dollars par la demanderesse alors qu’elle avait été évaluée à environ 8 millions de dollars en 2013, ce qui a poussé l’APT à demander l’opinion d’un évaluateur agréé. Or, la demanderesse n’a pas contesté ces faits et n’a soumis aucune explication justifiant l’écart entre son évaluation de la valeur des terrains de l’APT et l’évaluation de l’évaluateur agréé.

[74]           La Cour suprême du Canada dans Administration portuaire de Montréal et Halifax a établi que le ministre ou la société d’État ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire en se basant sur un système fiscal fictif (Administration portuaire de Montréal, au para 40) et que le ministre doit utiliser « la méthode qu’utiliserait en fait l’autorité taxatrice compétente pour évaluer la propriété en question » (Halifax, au para 47). Ces balises établies par la Cour suprême furent respectées en l’espèce. L’APT n’a pas employé une méthode de calcul distincte; elle a employé la méthode de calcul normalement employée par la municipalité, mais en arrivant à un résultat différent de cette dernière. De fait, l’évaluateur agréé n’a pas tenté de soumettre sa propre méthode de calcul, mais s’est notamment basé sur le rôle triennal de la Ville de Trois-Rivières pour en tirer des conclusions quant à la valeur des terrains de l’APT.

[75]           Dans l’arrêt Halifax, le juge Cromwell a jugé que le ministre disposait d’éléments de preuve selon lesquels d’autres autorités canadiennes procédaient à une évaluation de la propriété selon une façon différente de celle utilisée par le ministre et qu’il était donc déraisonnable pour l’autorité évaluatrice d’attribuer une valeur de 10 $ au terrain en question. Or, en l’espèce, l’APT ne possédait aucune information voulant que la méthode de calcul employée dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire n’aurait pas été employée par la demanderesse. Qui plus est, la demanderesse ne soumet aucune preuve devant cette Cour afin de prouver que la méthode de calcul employée par l’APT est distincte de celle qu’elle a utilisée pour en arriver à la conclusion que la propriété en question a une valeur de 4,18 $ le pied carré.

[76]           De plus, je suis d’avis que les articles 7 et 2 du RPSE furent respectés en l’espèce. En effet, l’APT a simplement appliqué son pouvoir discrétionnaire en déterminant que l’autorité évaluatrice ne serait pas parvenue à l’évaluation qu’elle a faite si elle avait appliqué adéquatement les méthodes de calculs normalement appliquées par celle-ci. L’APT n’était pas « tenu[e] d’accepter l’évaluation faite par l’autorité évaluatrice compétente [mais] cette évaluation doit tout de même servir comme facteur de référence » (Halifax, au para 48). Or, l’APT s’est justement basée sur les méthodes de calculs de la demanderesse pour conclure qu’il existait un écart marqué entre l’évaluation de la valeur effective de sa propriété effectuée par la demanderesse pour l’année 2013 et les autres évaluations semblables normalement effectuées par celle-ci.

[77]           La demanderesse soutient que si cette Cour ne lui donne pas raison, cela créerait une grave instabilité dans les finances municipales à travers le Canada. Or, rappelons qu’en l’espèce la demanderesse a réclamé un PERI basé sur une augmentation inexpliquée de 60 % de la valeur des terrains. La demanderesse n’a fourni aucun comparable à l’APT et il est simplement impossible pour cette Cour de déterminer à la lumière du dossier sur quelle base cette augmentation fut calculée.

[78]           À mon avis, lorsque, comme en l'espèce : (i) l’évaluation de la valeur effective d’une propriété pour une année financière donnée est significativement plus élevée que l’évaluation de la valeur effective effectuée pour les années financières précédentes; (ii) que cet écart significatif reste inexpliqué par l’autorité taxatrice; (iii) qu’une évaluation indépendante révèle que l’évaluation effectuée par l’autorité taxatrice est, selon toute vraisemblance, erronée; et (iv) que l’évaluation indépendante en question respecte les critères établis par la jurisprudence et la législation, notamment parce qu’elle se base sur la méthode de calcul qu’utiliserait l’autorité taxatrice, il est permis de conclure que l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre est raisonnable. Ceci étant dit, l’opinion du Comité consultatif aurait pu s’avérer convaincante dans la présente affaire, mais la demanderesse a choisi de présenter une demande de contrôle judiciaire en l’absence d’une telle opinion.

[79]           Pour conclure sur le caractère raisonnable du montant du PERI de l’APT, je suis d’avis que l’APT n’était pas obligée d’inclure un supplément de retard en raison du dépassement du délai de 50 jours pour paiement provisoire. Ce supplément revendiqué par la demanderesse fait partie du système municipal du paiement d’impôts, mais ne s’applique pas au système de PERI.

C.                 Le droit de l’APT de recouvrer un trop-payé sur le PERI d’une année subséquente

[80]           Tel que le souligne l’intervenant, la Cour d’appel fédérale avait préalablement tranché cette question de la compensation dans Administration portuaire de Montréal 2008 infirmée pour d’autres motifs par Administration portuaire de Montréal. D’autre part, bien que la question de la compensation d’un PERI fut subséquemment sujette à l’analyse de la Cour d’appel fédérale dans Société Radio-Canada, il s’agissait d’une situation distincte du cas d’espèce puisque dans cette affaire, la Société Radio-Canada soutenait que la possible existence d’un droit de compensation quant aux sommes qu’elle aurait versées en trop justifiait de retarder le paiement des intérêts (Société Radio-Canada, au para 4). En l’espèce, il s’agit plutôt d’une situation où, suite à l’exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire encadré par la LPRI, l’APT a décidé de ne pas réclamer le trop-payé de la demanderesse, mais de simplement déduire le trop-payé du PERI d’une année subséquente. Pour les motifs énoncés ci-dessous, je suis d’avis que l’APT peut raisonnablement procéder ainsi.

[81]           D’une part, si les sociétés d’État n’avaient pas la possibilité de recouvrer le trop-payé sur une année taxable subséquente, elles seraient incitées à verser des paiements moindres en cas de désaccord avec l’autorité taxatrice. Il semble que la stabilité des finances municipales se verrait inutilement affectée dans une telle situation.

[82]           L’article 12 du RPSE prévoit expressément qu’une société d’État peut effectuer un versement provisoire. Or, tel que le mentionnait la Cour d’appel fédérale dans Administration portuaire de Montréal 2008, au para 118 infirmée pour d’autres motifs par Administration portuaire de Montréal :

un paiement n’a rien de provisoire si on ne peut, lors de la détermination du montant définitif, procéder à des ajustements requis, soit en l’occurrence une récupération du trop-payé, soit une diminution sur les paiements futurs d’un montant correspondant au trop-payé.

[83]           Ainsi, les sociétés d’État fédérales possèdent un droit à une compensation légale puisque si cela n’était pas le cas les versements de paiements provisoires se verraient inutilement complexifiés (voir Administration portuaire de Montréal 2008, aux para 113 et 119 infirmée pour d’autres motifs par Administration portuaire de Montréal). En effet, dans la mesure où les sociétés d’État fédérales ne pourraient recouvrer un trop-payé sur le PERI d’une année subséquente, l’une des alternatives raisonnables qui s’offriraient à elles serait de demander sans délai le remboursement du trop-payé.

[84]           En l’espèce, l’APT a clairement indiqué dans sa lettre datée du 25 juillet 2013 que le chèque de 91 179 $ transmis sous pli représentait un « paiement provisoire pour l’année 2013. » Le 10 septembre 2013, les représentants des parties se sont rencontrés afin de discuter du désaccord relatif à la valeur du terrain. Cependant, les parties ne sont pas parvenues à un accord. Par courriel daté du 4 octobre 2013, l’APT a informé la demanderesse qu’elle considérait que le PERI pour l’année d’imposition 2013 s’élevait à 68 313 $ et à 70 341 $ en incluant les taxes d’eau et d’égout, et cela, conformément à l’évaluation de l’évaluateur agréé selon laquelle les lots en possession de l’APT ont une valeur de 1,25 $ le pied carré. L’APT a précisé que le montant payé le 25 juillet 2013 excédant le somme de 70 341 $ doit être considéré comme un acompte sur les PERI de 2014. À mon avis, outre le fait qu’il était expressément mentionné dans la lettre du 25 juillet que le chèque de 91 179 $ constituait un paiement provisoire, le contexte dans lequel le paiement fut fait ne laisse aucun doute quant au caractère intérimaire du paiement.

[85]           Je suis donc d’avis que l’APT peut raisonnablement compenser le trop-payé sur une année taxable subséquente.

VIII.       Conclusion

[86]           La présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1786-13

 

INTITULÉ :

VILLE DE TROIS-RIVIÈRES c ADMINISTRATION PORTUAIRE DE TROIS-RIVIÈRES ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 novembre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 janvier 2015

 

COMPARUTIONS :

Vincent Jacob

Louis Béland

 

Pour la demanderesse

 

Greg Moore

 

Pour la défenderesse

 

Diane Pelletier

 

Pour l'intervenant

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dufresne Hébert Comeau Inc.

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

Joli-Coeur Lacasse

Montréal (Québec)

 

Pour la défenderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l'intervenant

 

 

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