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Date : 20150105


Dossier : IMM-2729-14

Référence : 2015 CF 8

Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

NZOLANI MWANAMP JULIO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 28 février 2014, à l’effet que le demandeur n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [Loi].

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Angola. Ce jeune homme exerçait là-bas le métier d’homme d’affaires. Dans son témoignage, il explique ne s’être jamais mêlé de politique, mais le 3 septembre 2011, à l’invitation d’étudiants, il a participé à une manifestation à caractère politique réunissant quelque 300 participants qui dénonçaient l’absence de la liberté d’expression et l’extrême misère de la population. Comme un certain nombre d’autres manifestants, il a été arrêté par la police. Mais voilà, le demandeur aurait été détenu au siège de la Direction nationale des enquêtes criminelles pendant plus de trois mois; période durant laquelle il aurait été torturé et interrogé, ses tortionnaires désirant connaître les noms des organisateurs de la manifestation. Le 10 décembre 2011, suite à son hospitalisation, il a réussi à s’échapper et à se réfugier chez son oncle. Le même mois, il a fait des démarches pour un visa américain. En mai 2012, il s’est rendu aux États-Unis et y est demeuré jusqu’au 10 août 2012, où, à un poste frontalier canadien, il a revendiqué le statut de réfugié.

[3]               La crédibilité du demandeur est au cœur de la décision contestée. La SPR a conclu que l’exposé du demandeur était « un récit fabriqué de toutes pièces » et a rejeté sa demande d’asile. La norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire doit échouer.

[4]               La SPR a relevé un certain nombre de contradictions ou d’invraisemblances. Une contradiction majeure notée par la SPR est que le demandeur a témoigné avoir été détenu trois mois, mais a indiqué dans le Formulaire de demande d’asile que sa détention avait été d’un peu plus qu’un mois. Le demandeur impute à une erreur de l’interprète cette contradiction apparente, mais en l’absence de preuve démontrant que la traduction n’était pas fidèle, la SPR pouvait ignorer l’explication avancée par le demandeur.

[5]               Mais il y a plus, la SPR doute que le demandeur ait pu être torturé pendant 3 mois, car d’autres manifestants arrêtés ont simplement été condamnés après un procès rapide. À première vue, la conclusion d’implausibilité de la SPR n’est pas gratuite et repose sur la preuve au dossier. Un article de journal déposé par le demandeur fait état de 17 manifestants arrêtés qui auraient tous été condamnés à des peines d’emprisonnement d’un maximum de 45 jours, tandis que le document Country Reports on Human Rights Practices for 2012 du Cartable national de documentation indique que les détenus sont informés des accusations et de leurs droits. Le demandeur a eu l’occasion d’expliquer à l’audition pourquoi il aurait été traité plus sévèrement que les autres manifestants ayant été arrêtés par la police, mais il n’a pas pu vraiment fournir d’explication raisonnable. Son témoignage n’est pas plus convaincant lorsqu’il affirme qu’aucun membre de sa famille ne s’est inquiété de sa disparition et n’a fait aucune démarche ou recherche durant les trois mois où il aurait été détenu. Il était loisible à la SPR de juger non plausible l’explication selon laquelle la famille savait qu’il faisait souvent des voyages d’affaires (ceux-ci étant généralement d’un mois selon son témoignage).

[6]               Le savant procureur du demandeur prétend aujourd’hui que la SPR a erré en déterminant qu’il était non plausible que le demandeur ait été détenu et torturé pendant 3 mois. Même si l’article en question parle de 17 manifestants arrêtés et condamnés, il est possible que d’autres personnes aient été arrêtées et que ces dernières n’aient pas toutes subi un procès. La SPR a également erré en prenant uniquement en compte la partie de la preuve documentaire qui indique que les détenus sont avertis dans les cinq jours des chefs d’accusation contre eux, sans prendre en considération la partie de la preuve qui indique que les arrestations et détentions illégales et arbitraires restaient un problème sérieux. Le demandeur conclut que l’analyse de la SPR est incomplète et erronée, ce qui justifie l’intervention de cette Cour.

[7]               Devant la Cour, le procureur du demandeur ne fait que réitérer les explications données par son client à la SPR et demande à toutes fins pratiques à la Cour de substituer son jugement à celui de la SPR. Or, la SPR est la mieux placée pour déterminer de la crédibilité du demandeur (Aguebor c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 160 NR 315, [1993] ACF no 732 (CAF) au para 4). La Cour siège en révision judiciaire. Il ne s’agit pas d’un appel et le rôle de la Cour n’est pas de faire une réévaluation de la preuve (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 aux paras 61 et 64; Canada (Procureur général) c Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193 au para 62; voir Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CSC 40 aux paras 35-38; Nimer Obeid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 503 aux paras 9-11; Trevino Zavala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 370 au para 5; Hernandez Cortes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 583 au para 28).

[8]               Le demandeur n’a pas démontré en l’espèce que les conclusions de la SPR sont déraisonnables. Pour ces motifs, la demande de contrôle doit être rejetée. Les procureurs n’ont proposé aucune question d’importance générale et aucune question ne sera certifiée par la Cour.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2729-14

 

INTITULÉ :

NZOLANI MWANAMP JULIO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 décembre 2014

 

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 JANVIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Me Claude Whalen

 

Pour le demandeur

 

Me Margarita Tzavelakos

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Claude Whalen

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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