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Date : 20150112


Dossier : IMM-3916-13

Référence : 2015 CF 36

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

MOHAMMAD MIAH ET

SUMAYA JAHAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire qu’a présentée Mohammad Miah [M. Miah ou le demandeur] en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR ou la Loi], relativement à une décision datée du 22 mai 2013 par laquelle Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] a rejeté sa demande de résidence permanente présentée depuis le Canada, au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada [la demande de conjoint], parce qu’il n’était pas convaincu qu’à l’époque de son mariage avec le demandeur, Sumaya Jahan [la répondante ou la codemanderesse] était divorcée de son ex‑époux Shuvo Kumar Das. M. Miah et Mme Jayan sont appelés ci‑après, collectivement,  les demandeurs.

[2]               Le demandeur sollicite une ordonnance de certiorari en vue de faire annuler la décision ainsi qu’une ordonnance de mandamus enjoignant au défendeur d’examiner à nouveau la demande présentée au titre de la catégorie des époux.

[3]               Je ferai droit à la demande pour les motifs qui suivent.

II.                Le contexte

[4]               La répondante s’était mariée à deux reprises auparavant – d’abord à M. Das, le 22 janvier 2002, dont elle dit avoir divorcé le 20 août 2005 et, ensuite, à Mohammad Shajedur Rahaman, le 19 janvier 2007, dont elle a divorcé le 25 février 2010. Les deux mariages précédents de la répondante ont eu lieu au Bangladesh.

[5]               Le demandeur est citoyen du Bangladesh. La répondante et lui se sont rencontrés le 17 juin 2008 et ils ont commencé à vivre ensemble à Toronto (Ontario) le 19 septembre 2008. Ils ont participé à une cérémonie de mariage le 12 mars 2010, et le mariage a été enregistré en Ontario le 30 mars 2010. Ils ont eu une fille au Canada, Tashnuba Jannat Miah, le 11 septembre 2012.

[6]               Conformément à l’alinéa 125(1)c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement], pour avoir le droit de parrainer le demandeur, la répondante était tenue de démontrer qu’au moment de son mariage avec ce dernier, elle n’était toujours pas mariée à M. Das ou à M. Rahaman. Seul le divorce de son mariage contracté avec M. Das est en litige.

[7]               Lors du deuxième mariage de la répondante, avec M. Rahaman, elle a tenté de parrainer ce dernier afin qu’il obtienne la résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou des conjoints de fait, mais la demande a été retirée avant que CIC rende une décision.

[8]               Le demandeur a présenté la demande au titre de la catégorie des époux au Canada le 23 mai 2011, et, à la même date, la répondante a fourni un engagement de parrainage en sa faveur. Dans sa demande en vue de parrainer le demandeur, la répondante fait état de son mariage avec M. Rahaman, mais pas de son mariage avec M. Das.

[9]               CIC a signalé qu’il mettait en doute le divorce de la répondante avec son premier ex‑époux, M. Das, et de ce fait, le demandeur et sa répondante ont été invités à une entrevue de conjoints.

[10]           Quand une agente de CIC l’a interrogée le 30 mai 2011, la répondante a déclaré qu’elle n’avait pas mentionné son premier mariage, parce qu’elle avait déjà fourni cette information au moment où elle avait présenté une demande en vue de parrainer M. Rahaman, et qu’elle n’avait plus aucune preuve du divorce, parce qu’elle l’avait fournie à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié quand elle avait demandé l’asile. Elle a de plus indiqué lors de l’entrevue qu’elle n’avait produit aucun document de divorce quand elle avait essayé de parrainer M. Rahaman, mais qu’elle avait fourni un affidavit concernant son divorce avec M. Das [l’affidavit de divorce].

[11]           Lors de son entretien avec CIC, la répondante a déclaré ce qui suit sur son premier mariage avec M. Das en réponse à certaines questions :

  1. il s’agissait d’une cérémonie musulmane, mais elle n’avait pas été célébrée [traduction] « à la musulmane »;
  2. le mariage avait été célébré par un tribunal de kazi ou de mariage;
  3. le mariage a été enregistré par un kazi même si M. Das était hindou et ne s’était pas converti à l’Islam;
  4. Un divorce par affidavit est tout ce qui est exigé au Bangladesh.

[12]           Lors de l’entretien du 30 mai 2011, l’agente de CIC a fait savoir que la répondante et le demandeur devaient fournir une copie originale du certificat de divorce de la répondante et de M. Das, et elle leur a fait savoir que ce document serait envoyé à l’étranger en vue d’être authentifié.

[13]           Le 8 juin 2011, les demandeurs ont fourni l’affidavit de divorce comme preuve du divorce de la répondante d’avec M. Das. Les faits qui suivent sont exposés dans cet affidavit :

  1. M. Das était de religion hindoue;
  2. la répondante est de religion islamique;
  3. le mariage de la répondante avec M. Das a été célébré au bureau de notaires public no 80, à Bagerhat (Bangladesh);
  4. M. Das a quitté la répondante, et celle-ci ignore où il se trouve;
  5. l’affidavit de divorce porte le sceau officiel de Rozinaa Aketer, du tribunal de Bagerhat.

[14]           CIC a finalement transmis l’affidavit de divorce au bureau des visas de Dacca (Bangladesh) pour qu’il soit vérifié. Le bureau des visas de Dacca a répondu en février 2012 et a fourni les renseignements suivants à propos des exigences légales d’un mariage et d’un divorce au Bangladesh :

  1. une musulmane ne peut pas épouser un non‑musulman selon le droit musulman, mais le Special Marriage Act, 1872 autorise les mariages interconfessionnels, ce qui serait attesté par un certificat du greffier;
  2. la Special Marriage Act, 1872 ne prévoit pas de [traduction] « mariages célébrés par un tribunal »;
  3. les mariages interconfessionnels ne peuvent être enregistrés que par un greffier spécial et jamais par un kazi;
  4. un affidavit de mariage n’est pas une preuve valide de mariage, sauf s’il a été enregistré par un tribunal;
  5. lorsqu’un « nikah nama » est délivré, un talaq nama ainsi qu’un enregistrement du divorce doivent être consignés au bureau d’enregistrement des mariages et des divorces en cas de divorce; un affidavit ne serait pas suffisant.

[15]           Le bureau des visas de Dacca a vérifié l’affidavit de divorce et a confirmé que ce document n’était pas suffisant, conformément au droit bangladais, décrit ci-dessous :

[traduction]

Aux termes de l’alinéa 2(i) du Muslim Marriage Act, 1939, si l’on ignore depuis quatre ans l’endroit où se trouve l’époux, l’épouse a le droit d’obtenir un décret de dissolution de son mariage. Dans un tel cas, un avis doit être signifié aux héritiers de l’époux.

•Les noms et les adresses des personnes qui auraient été héritiers de l’époux en droit musulman, à la date du dépôt, doivent être mentionnés.

•L’avis de l’action doit être signifié à ces personnes et celles-ci ont le droit d’être entendues dans le cadre de l’action.

•À la condition toutefois qu’un oncle paternel et un frère de l’époux, le cas échéant, soient cités comme partie, même s’ils ne font pas partie des héritiers.

[16]           Le 7 février 2013, l’agente de CIC a informé les demandeurs que, d’après les renseignements reçus du [traduction] « bureau à l’étranger », l’affidavit de divorce n’était pas suffisant pour prouver que la répondante était divorcée de M. Das au moment où elle avait épousé le demandeur et qu’il semblait donc que M. Miah était interdit de territoire en application de l’alinéa 125(1)c) de la LIPR. Elle a donné aux demandeurs la possibilité de fournir les renseignements qu’ils voudraient que l’on prenne en considération, en indiquant ceci :

[traduction]

En raison de l’observation qui précède, il semble que vous soyez interdit de territoire en application de l’article 125(1)c) (Restrictions) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, car le premier divorce de votre répondante est invalide.

[…]

Avant que l’on rende une décision dans la présente affaire, vous avez la possibilité de fournir tous les renseignements que vous voudriez que l’on prenne en considération. […]

S’il vous faut plus de 30 jours pour fournir les renseignements ou les documents demandés, veuillez écrire au présent bureau et expliquer pourquoi vous avez besoin d’un délai supplémentaire, et de quelle durée.

[17]           Le demandeur a sollicité une prorogation de délai le 25 février 2013 en vue d’obtenir des renseignements qui apaiseraient les doutes de l’agente, ce qui a été accepté. Dans l’intervalle, les demandeurs ont changé d’avocat et leur nouvel avocat a répondu à la lettre du bureau le 7 mars 2013, disant que le divorce de la répondante et de M. Das n’avait pas été prononcé en bonne et due forme et qu’il allait déposer une demande de divorce devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. L’avocat du demandeur a demandé que CIC garde le dossier en suspens jusqu’à ce que le couple ait obtenu le certificat de divorce.

[18]           Le 14 mai 2013, l’agente de CIC a rejeté la demande de mise en suspens du dossier des demandeurs jusqu’à ce que la répondante ait reçu le certificat de dépôt, en mentionnant qu’un document de divorce obtenu à ce moment-là n’aurait pas d’incidence quant à sa décision. Le 22 mai 2013, l’agente de CIC a rejeté la demande au titre de la catégorie des époux, parce qu’elle a conclu que la répondante était mariée à M. Das au moment de son mariage avec le demandeur, ce qui excluait le demandeur en vertu de l’alinéa 125(1)c) du Règlement.

[19]           Lorsque la demande est revenue le 18 septembre 2014, les demandeurs ont reconnu que leur position avait été compromise par la déclaration de leur nouvel avocat selon laquelle le divorce de la répondante avec M. Das n’avait pas été prononcé en bonne et due forme et qu’il allait déposer une demande de divorce devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario en vue de rectifier la situation.

[20]           La demande de contrôle judiciaire a été ajournée afin que les demandeurs puissent déposer des éléments de preuve supplémentaires en vue de démontrer que leur ancien avocat avait été incompétent ou négligent, occasionnant ainsi un déni de justice naturelle, conformément au Protocole procédural de la Cour fédérale du 7 mars 2014 : Protocole procédural concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger.

[21]           Les demandeurs ont déposé deux autres affidavits. Le premier était celui de leur ancien avocat. Celui-ci a affirmé sous serment que les demandeurs lui avaient dit qu’ils avaient reçu de CIC une lettre les informant que les [traduction] « documents » permettant de prouver que la répondante avait divorcé de M. Das n’avaient pas été établis en bonne et due forme. L’avocat a déclaré que la répondante ne lui avait pas dit que le divorce de son premier époux était invalide. Elle lui avait dit qu’elle avait divorcé de son premier époux et qu’elle avait fourni les documents nécessaires.

[22]           L’ancien avocat a indiqué que si les documents posaient un problème, la répondante pouvait demander une ordonnance de divorce à la Cour supérieure de l’Ontario. On lui a donné l’instruction de le faire. Compte tenu de cela, il a informé l’agente que le divorce avec M. Das n’avait pas été prononcé en bonne et due forme et qu’il allait présenter une nouvelle demande de divorce pour la répondante devant la Cour supérieure de l’Ontario.

[23]           Il a de plus affirmé que s’il avait su que le véritable problème était la validité – ou non – du divorce de la répondante d’avec son premier époux, il aurait conseillé aux demandeurs de s’adresser à un avocat du Bangladesh pour prouver que le divorce était valide.

[24]           Le second affidavit, déposé par la répondante, contenait une lettre d’opinion d’un avocat bangladais, qui mentionnait ceci :

  1. le premier mariage de la répondante était illégal et nul, car il s’agissait d’un mariage interconfessionnel;
  2. même si la répondante s’était mariée dans le cadre d’une cérémonie musulmane, elle n’était pas mariée selon le droit musulman et, de ce fait, le Muslim Marriage Act de 1939/1961/1974 et d’autres lois ne s’appliquaient pas à son mariage;
  3. le « nikah nama » n’a pas été délivré à la répondante et à son premier époux et, de ce fait, un talaq nama n’était pas requis pour donner effet à un divorce;
  4. la répondante était mariée selon le droit civil, mais le mariage ne tombait pas sous le coup des dispositions du Special Marriage Act, 1872 (mariage hindou‑musulman), parce qu’il n’était pas enregistré. Le mariage civil est lui aussi vicié et nul;
  5. l’enregistrement, par la répondante, de l’affidavit de séparation-divorce du 24 août 2005 était suffisant pour révoquer son accord-affidavit de mariage antérieur et pour donner effet à son divorce ou à sa séparation de M. Das.

III.             La question en litige

[25]           Dans la présente affaire, la question en litige consiste à savoir si l’ancien avocat des demandeurs a fait preuve d’incompétence ou de négligence dans la réponse qu’il a donnée à l’agente, à savoir que le divorce de la répondante d’avec M. Das n’avait pas été prononcé en bonne et due forme et que la répondante avait proposé de corriger la situation en obtenant le divorce devant la Cour supérieure de l’Ontario, et, dans l’affirmative, si cela avait donné lieu à un déni de justice naturelle.

IV.             La norme de contrôle applicable

[26]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, la Cour a conclu qu’il n’est pas nécessaire qu’une cour de révision procède à une analyse complète lorsque la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante la norme de contrôle applicable.

[27]           Pour ce qui est des questions de justice naturelle et d’équité procédurale, la norme de contrôle applicable est la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 RCS 502, au paragraphe 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43.

V.                Analyse

[28]           Dans la décision Shirvan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1509, 143 ACWS (3d) 1098, au paragraphe 20, le juge Teitelbaum a décrit de manière succincte la jurisprudence qui s’applique à l’incompétence d’un avocat (appelé « conseil » dans l’extrait qui suit) et à la justice naturelle :

[20]      Les demandeurs reconnaissent que le critère applicable à l’incompétence d’un conseil est très élevé. Ils soutiennent que la partie qui allègue l’incompétence de son conseil doit démontrer qu’elle a subi un préjudice important et que ce préjudice a été causé par les actes ou l’inaction du conseil incompétent et a abouti à une erreur judiciaire (R. c. G.D.B., [2000] 1 R.C.S. 520; Strickland c. Washington, 446 U.S. 668 (1984), la juge O’Connor; Shirwa c. Canada (M.C.I.), [1994] 2 C.F. 51 (1re inst.); Sheikh c. Canada (M.C.I.),[1990] 3 C.F. 238 (C.A.); Tchiegang c. Canada (M.C.I.) 2003 CFPI 249; Robles c. Canada (M.C.I.), 2003 CFPI 374). Il faut démontrer qu’il est raisonnablement probable que, n’eût été des erreurs commises par le conseil par manque de professionnalisme, l’issue de l’instance aurait été différente (Olia c. Canada (M.C.I.), 2005 CF 315).

[29]           Je suis persuadé que l’agente pouvait se fonder sur la déclaration de l’ancien avocat des demandeurs selon laquelle le divorce de la répondante d’avec M. Das n’avait pas été prononcé en bonne et due forme. Pour ce motif, il est impossible de contester la conclusion de l’agente, à savoir que la répondante ne pouvait pas parrainer le demandeur parce que son mariage avec ce dernier était invalide, car, à l’époque de ce mariage, elle aurait été encore mariée à M. Das.

[30]           L’agente a également eu raison de décider de refuser d’accorder au demandeur une prorogation de délai supplémentaire en vue que la répondante puisse obtenir le divorce au Canada. Le fait de divorcer d’avec M. Das après le mariage ne serait d’aucune utilité pour rétablir la validité du mariage avec le demandeur ou pour rectifier par ailleurs sa demande de parrainage du demandeur.

[31]           Les demandeurs font valoir que leur ancien avocat a fait preuve d’incompétence dans ses communications avec l’agente de CIC ainsi qu’en leur conseillant de présenter une nouvelle demande de divorce en Ontario. De ce fait, soutiennent-ils, la conduite de cet avocat a donné lieu à un déni de justice naturelle, du fait qu’elle occasionnait la révocation irrévocable de leur demande de parrainage, sans possibilité de renouvellement. Je suis d’accord.

[32]           Il ressort clairement du conseil donné aux demandeurs que l’ancien avocat n’avait rien compris du tout à leurs problèmes, ni aux solutions requises pour répondre à leurs besoins juridiques. Le fait d’avoir conseillé à la répondante d’obtenir un divorce en Ontario, et d’avoir informé l’agente que sa cliente avait l’intention de le faire et que le divorce de la répondante d’avec M. Das n’eût pas été prononcé en bonne et due forme n’était pas seulement tout à fait inexact; ce fait a aussi porté un coup fatal à leur demande.

[33]           Dans son affidavit, l’ancien avocat reconnaît que la répondante ne lui avait pas dit que le divorce d’avec son premier époux était invalide. Néanmoins, il a entrepris d’une certaine façon de faire savoir à l’agente que la répondante n’était pas divorcée d’avec M. Das, ce qui a entraîné le rejet de la demande de parrainage. Normalement, un avocat au courant du droit de l’immigration aurait reconnu la nature du problème auquel était confrontée la répondante. S’il ne s’agissait pas pour lui d’un champ de pratique habituel, l’avocat aurait toutefois dû refuser d’agir ou alors il aurait dû faire des recherches et bien comprendre les exigences canadiennes en matière de parrainage conjugal, compte tenu des renseignements que ses clients lui avaient fournis.

[34]           S’il avait agi ainsi, l’ancien avocat aurait établi que le problème n’était pas le fait que le divorce n’avait pas été prononcé en bonne et due forme, mais plutôt que CIC n’était pas convaincue de la validité du divorce, et partir ensuite de là. De son propre aveu, s’il avait reconnu la nature du problème, il aurait conseillé aux demandeurs de consulter un avocat au Bangladesh pour prouver la validité du divorce, mais au lieu de cela, il a reconnu à tort l’invalidité du divorce de M. Das, ce qui a entrainé le rejet immédiat de la demande.

[35]           Le défendeur soulève un certain nombre de questions, qui ont surtout trait au caractère succinct de la lettre de l’ancien avocat, en laissant entendre que ce dernier avait donné suite aux informations que les demandeurs lui avaient fournies et qu’il avait fait ce qu’on lui avait demandé de faire. Il ne laisse toutefois pas entendre que l’avocat a été mal informé par les demandeurs, le problème étant manifestement le fait qu’il n’a pas examiné de manière adéquate quels étaient les problèmes qui se posaient dans les rapports entre ses clients et CIC.

[36]           Le fait que les demandeurs ont suivi son conseil de demander un divorce en Ontario semble dénoter qu’ils n’ont pas tout à fait compris la nature de l’opposition de l’agente à l’égard de leur demande. Cependant, cela n’excuse pas un avocat de sa tâche première, qui est d’examiner et de bien comprendre la nature du problème que soulève le client, de façon à pouvoir donner des conseils appropriés. Il est évident qu’il ne comprenait rien aux problèmes que posait la demande de parrainage de ses clients. Dans les circonstances, je conclus que sa conduite ne répondait pas aux normes de la profession juridique relativement aux conseils fournis sur leur demande de parrainage en matière d’immigration.

[37]           Je conclus également que les demandeurs ont subi un préjudice grave en raison des actes de leur ancien avocat. Ils sont un couple marié ayant donné naissance à une jeune fille et leur demande de parrainage a été rejetée. Il semble y avoir peu de chances qu’une nouvelle demande puisse être déposée en raison des contraintes imposées par le sous‑alinéa 125(1)c)(i) du Règlement. Il n’est pas évident non plus que les demandeurs peuvent invoquer des considérations d’ordre humanitaire spéciales qui pourraient par ailleurs s’appliquer. En tout état de cause, je considère que le rejet de la demande de parrainage est suffisant pour constituer un préjudice grave.

[38]           Je suis également d’avis qu’il y a une « possibilité raisonnable » que l’issue de leur demande ait été différente. La répondante a obtenu de l’avocat bangladais une preuve sous forme d’affidavit qui mine les hypothèses préliminaires de l’agente selon lesquelles il n’a pas été mis fin au mariage avec M. Das par un divorce, comme on le prétendait.

VI.             La conclusion

[39]           La demande est accueillie. La décision de l’agente est infirmée et la demande de résidence permanente du demandeur doit être renvoyée à un autre agent de CIC pour nouvel examen. Aucune question à certifier n’a été proposée en vue d’un appel, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est accueillie et aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3916-13

 

INTITULÉ :

MOHAMMAD MIAH ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 décembre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 janvier 2015

 

COMPARUTIONS :

Jayson W. Thomas

 

pour les demandeurs

 

Bridget A. O’Leary

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jayson W. Thomas

Thomas Law P.C.

Toronto (Ontario)

 

pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LE défendeur

 

 

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