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Date : 20150514


Dossier : T-1062-13

Référence : 2015 CF 35

Ottawa (Ontario), le 14 mai 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

DANIEL BÉLANGER

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS MODIFIÉS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande visant à obtenir une ordonnance par laquelle la Cour déclare le défendeur coupable d’outrage au tribunal en vertu de la Règle 466(b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles].

[2]               Après avoir considéré les représentations orales et écrites des parties, la Cour est d’avis de faire droit à la demande du demandeur pour les motifs ci-dessous exprimés.

II.                Les faits

[3]               Les faits du présent dossier ont été étayés dans l’ordonnance du 4 février 2014 du juge Boivin de cette Cour. En conséquence, la Cour juge qu’il n’est pas nécessaire de les répéter, mais qu’il suffit d’en dresser un portrait sommaire.

[4]               En date du 3 mars 2013, le demandeur signifie au défendeur sept demandes de fournir des renseignements ou de produire des documents dans un délai de 30 jours, afin de vérifier l’observance des lois fiscales et ce, tel que l’en autorise l’alinéa 231.1(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch 1 (5e suppl). Suivant le défaut du défendeur de produire l’entièreté des documents demandés, le demandeur obtient contre le défendeur une ordonnance du juge de Montigny de cette Cour, datée du 12 juillet 2013, enjoignant au défendeur de produire les documents demandés par le demandeur.

[5]               Le défendeur ayant fait défaut de se conformer à l’ordonnance du juge de Montigny, le 4 février 2014, le juge Boivin rend une ordonnance déclarant le défendeur coupable d’outrage au tribunal, lui ordonnant de se conformer à l’ordonnance rendue par le juge de Montigny, de payer une amende de 1 500 $, ainsi que des dépens d’un montant de 2 500 $.

[6]               Le 8 juillet 2014, suite au dépôt d’une demande ex parte par le demandeur suivant la règle 467 des Règles, le protonotaire Morneau ordonne au défendeur de comparaître devant la présente Cour en date du 11 décembre 2014 et ordonne qu’il soit prêt à présenter une défense d’avoir fait défaut de se conformer à l’ordonnance du juge Boivin, en ce que :

  1. Le défendeur n’a pas fourni toutes les informations et tous les documents requis dans l’ordonnance du 4 février 2014 dans les délais qui y sont stipulés, ni en aucun temps par la suite;
  2. Le défendeur a omis de divulguer l’existence de certaines informations bancaires disponibles;
  3. Le défendeur a omis de payer l’amende et les dépens auxquels il a été condamné par l’ordonnance du 4 février 2014;
  4. En date de la présente audience, le défendeur faisait toujours défaut de se conformer à l’ordonnance du juge de Montigny et à celle du juge Boivin.

III.             Déroulement de l’audience

[7]               Lors de l’audience, le demandeur a demandé un ajournement à la Cour afin de lui permettre de retenir les services d’un avocat. La Cour a refusé d’accorder un tel ajournement au défendeur en soupesant les intérêts du demandeur, ceux du défendeur et ceux de la Cour. La Cour a remarqué que le demandeur avait déposé devant la Cour une forte preuve démontrant que le défendeur avait commis un outrage au tribunal et, au surplus, qu’il s’agit de son deuxième outrage au tribunal. La Cour a aussi noté que le défendeur n’a pas fait preuve de diligence en prenant la décision de ne pas retenir les services d’un avocat et en demandant subséquemment à la Cour, lors de l’audience, un ajournement afin de remédier à ce défaut. La Cour a ainsi jugé approprié de rejeter la demande d’ajournement du défendeur, et ce, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice.

[8]               De même, la Cour a proposé aux parties lors de l’audience de suspendre le prononcé du jugement pour leur permettre d’entamer des discussions de règlement. En date du 29 décembre 2014, le demandeur a informé la Cour que ces discussions n’avaient pas permis aux parties de s’entendre. En conséquence du résultat infructueux de ces discussions, la Cour rend le présent jugement.

IV.             Analyse

[9]               Le demandeur soutient qu’il a prouvé hors de tout doute raisonnable que le défendeur est coupable d’outrage au tribunal et que les faits en l’espèce satisfont aux critères permettant de déclarer un demandeur coupable d’outrage au tribunal (Lougheed v Canada, 2013 FCA 138 au para 18; Prescott-Russell Services for Children and Adults v G (N) (2006), 82 OR (3d) 686 au para 27), soit que :

  1. L’ordonnance bafouée énonce clairement et sans aucune ambigüité ce qui doit être accompli et ce qui ne doit pas l’être;
  2. Le non-respect de cette ordonnance est délibéré et volontaire;
  3. La démonstration de ces critères est établie hors de tout doute raisonnable.

[10]           La Cour souscrit à la position du demandeur en ce que le défendeur a désobéi à l’ordonnance du juge Boivin du 4 février 2014.

[11]           La Cour est satisfaite que la preuve démontre clairement que le défendeur a fait défaut de payer l’amende de 1 500 $ pour laquelle il a été condamné par le juge Boivin. De même, la Cour note que la décision du défendeur de ne pas payer l’amende est délibérée et volontaire en ce que le défendeur a reçu un montant de 4 000 $ en remboursement d’impôt et a décidé d’utiliser ce montant pour payer ses taxes municipales, sans qu’il ne soit visé par une ordonnance de paiement pour celles-ci, au lieu d’utiliser ce montant pour se conformer à l’ordonnance du juge Boivin.

[12]           De même, le défendeur a fait défaut de produire les documents suivants dans les délais impartis conformément à l’ordonnance du juge Boivin :

  1. Ses relevés Visa Desjardins;
  2. Le compte en banque détenu par l’organisme de bienfaisance Je me prends en main et les relevés bancaires afférents auprès de la Banque TD;
  3. Une facture du 29 décembre 2009 de Services Conseils Daniel Bélanger, CA inc., portant le numéro 1;
  4. Une facture du 28 novembre 2010 de Services Conseils Daniel Bélanger, CA inc. portant le numéro 3.

[13]           En l’espèce, le défendeur n’a pas fourni de justification valable devant la présente Cour pour ne pas s’être conformé à l’ordonnance du juge Boivin.

[14]           En application de la règle 466(b) des Règles, la Cour est convaincue hors de tout doute raisonnable que le demandeur est coupable d’outrage au tribunal conformément aux critères établis par la jurisprudence. En effet, le défendeur a fait délibérément et volontairement défaut de payer l’amende pour laquelle le juge Boivin l’a condamné et de remettre au demandeur les comptes, relevés et factures exigés par l’ordonnance.

[15]           La Cour doit maintenant déterminer la peine appropriée en considérant les facteurs pertinents tels qu’énoncés dans Canada (Ministre du Revenu national - MRN) c Marshall, 2006 CF 788 au para 16 [Marshall]:

i. Le but principal des sanctions imposées est d'assurer le respect des ordonnances du tribunal. La dissuasion, particulière et générale, est importante afin de maintenir la confiance du public envers l'administration de la justice soit maintenue;

ii. La proportionnalité de la peine doit refléter un équilibre entre l'application de la loi et ce que la Cour a qualifié de "clémence de la justice";

iii. Les facteurs aggravants comprennent la gravité objective du comportement constituant un outrage au tribunal, la gravité subjective de ce comportement (à savoir si le comportement constitue un manquement technique ou si le contrevenant a agi de façon flagrante en sachant bien que ses actions étaient illégales), et, le cas échéant, le fait que le contrevenant ait enfreint de façon répétitive des ordonnances de la Cour;

iv. Les facteurs atténuants peuvent comprendre des tentatives de bonne foi de se conformer à l'ordonnance (même après le manquement à l'ordonnance), des excuses ou l'acceptation de la responsabilité, ou le fait que le manquement constitue une première infraction.

[16]           Le demandeur soutient que les circonstances du présent dossier permettent de demander l’emprisonnement du défendeur, soit une peine ayant pour objectif de dissuader le défendeur de récidiver une nouvelle fois, et ce, à défaut de payer les amendes et frais dus.

[17]           Suivant l’analyse des facteurs de Marshall, supra la Cour conclut qu’il est justifié en l’espèce d’imposer une peine qui reflète l’importance du respect des ordonnances de la Cour afin de maintenir la bonne administration de la justice. En effet, il s’agit en l’espèce de la deuxième situation où le défendeur est reconnu coupable d’outrage au tribunal, le défendeur a fait délibérément et volontairement défaut de se conformer aux ordonnances de la Cour et a continué de cacher de l’information et des documents même après que deux ordonnances exigeant la production de ces documents aient été émises, le défendeur n’a en aucun temps démontré de regret face à ses agissements et les circonstances du présent dossier ne font intervenir aucun facteur atténuant.

V.                Conclusion

[18]           Pour les raisons énoncées ci-dessus, la Cour est d’avis de condamner le défendeur à payer une amende de 2 000 $ et des dépens de 3 000 $ en plus des montants déjà exigés par l’ordonnance du 4 février 2014 du juge Boivin.


ORDONNANCE

LA COUR :

  1. DÉCLARE le défendeur coupable d’outrage à l’ordonnance du juge Boivin, datée du 4 février 2014;
  2. ORDONNE au défendeur de se conformer à l’ordonnance du 4 février 2014 du juge Boivin en payant à la Cour l’amende de 1 500 $ et au demandeur les dépens de la somme de 2 500 $ pour lesquels il a déjà été condamné;
  3. CONDAMNE le défendeur à payer à la Cour une amende de 2 000 $ et au demandeur des dépens au montant de 3 000 $;
  4. Les montants dus par le défendeur au demandeur devront être acquittés auprès du Receveur général du Canada. Les amendes payables par le défendeur à la Cour pour une somme de 3 500 $ sont payables dans les 6 mois de la date de la signification de la présente ordonnance. Le défaut du défendeur de payer ce montant entraînera son emprisonnement. À défaut du défendeur de se conformer à la présente ordonnance,  la Cour délivrera un mandat d’incarcération contre le défendeur pour qu’il soit emprisonné pour une période de 15 jours ou jusqu’à ce qu’il paie ses amendes totalisant 3 500 $.

“Peter Annis”

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t-1062-13

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL c DANIEL BÉLANGER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

québec (québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 DÉCEMBRE 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 JANVIER 2015

 

DATE DES MOTIFS MODIFIÉS :

LE 14 MAI 2015

COMPARUTIONS :

Me Anne-Marie Desgens

 

pour le demandeur

 

Daniel Bélanger

 

pour le défendeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

pour le demandeur

 

Daniel Bélanger

 

pour le défendeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 

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