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Date : 20150115


Dossier : IMM-4732-14

Référence : 2015 CF 51

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 15 janvier 2015

En présence de madame la juge Bédard

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

NAJEEB BASHIR

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 14 mai 2014 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans sa décision, la Commission a rejeté une demande de constat de perte d’asile présentée par le ministre au titre de à l’alinéa 108(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR ] en ce qui concerne Najeeb Bashir (le défendeur). La Commission a conclu que le défendeur ne s’était pas réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité, soit le Pakistan, lorsqu’il a demandé et obtenu un passeport pakistanais. Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.                   Contexte

[2]               Le défendeur est un citoyen du Pakistan. Il est arrivé au Canada en juin 2000 et il a demandé l’asile qui lui a été accordé en septembre 2001. Le 13 novembre 2001, il a présenté une demande de résidence permanente et il attend toujours une décision.

[3]               Lorsque le défendeur est arrivé au Canada, il était muni d’un passeport pakistanais qui lui avait été délivré en 1998. Depuis lors, son passeport pakistanais a été renouvelé à trois reprises (en 2004, en 2010 et en 2012). Le défendeur détient également une nouvelle carte d’identité nationale du Pakistan qu'il a obtenue en 2012 en vue de renouveler son passeport national.

[4]               Le 6 août 2013, le défendeur s’est présenté à une entrevue de sécurité réalisée par une agente d’immigration (l’agente) aux fins de sa demande de résidence permanente. Au cours de l’entrevue, l’agente lui a demandé s’il détenait un passeport valide. Le défendeur a répondu qu’il avait un passeport pakistanais et qu’il avait demandé le renouvellement de celui-ci au consulat pakistanais à Montréal. Il a expliqué qu’il voulait détenir un passeport valide parce qu’il espérait pouvoir, par la suite, aller dans un tiers pays, tel que Dubaï, pour rendre visite à ses parents. Il a également confirmé qu’il n’a jamais demandé de titre de voyage auprès des autorités canadiennes. L’agente a demandé au défendeur de transmettre des copies de ses passeports valides et expirés.

[5]               Le lendemain, le défendeur a envoyé des copies de ses passeports pakistanais de même qu’une copie de sa carte d’identité nationale pakistanaise. Dans une lettre accompagnant ces documents, il a mentionné qu’il détenait un passeport pakistanais valide parce qu’il avait été avisé qu’il devrait présenter un passeport valide à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) avant de pouvoir obtenir ses [traduction] « documents de résidence permanente ».

II.                Instance devant la Commission

[6]               Le 26 août 2013, le ministre a présenté, au titre de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR, une demande de constat de perte d’asile du défendeur au motif que, en demandant et en obtenant des passeports pakistanais, ce dernier s’était réclamé de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité.

[7]               Le paragraphe 108(2) de la LIPR prévoit que les motifs énoncés au paragraphe 108(1) de la LIPR relativement au rejet d’une demande d’asile constituent également des causes de la perte de l’asile. L’alinéa 108(1)a) de la LIPR, qui s’applique en l’espèce, vise plus particulièrement la situation où un demandeur « se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité ».

[8]               Les éléments de preuve du défendeur peuvent être résumés comme suit :

  • Il ignorait que les réfugiés ne sont pas censés détenir un passeport national;

         Il n’a jamais eu l’intention de retourner au Pakistan et ne voulait pas voyager à l’extérieur du Canada avant d’obtenir sa résidence permanente;

         Il a obtenu et renouvelé son passeport pakistanais pour deux raisons. Premièrement, parce qu’un ami lui a dit qu’il aurait besoin de présenter un passeport valide à CIC avant de pouvoir obtenir le droit d’établissement au Canada en qualité de résident permanent. Deuxièmement, sitôt sa résidence permanente obtenue, il voulait rendre visite à ses parents dans un pays tiers, comme Dubaï ou l’Arabie saoudite, où ils pouvaient facilement obtenir un visa de visiteur;

         En ce qui concerne le fait d’avoir cru qu’il aurait à fournir un passeport valide à CIC afin d’obtenir la résidence permanente, le défendeur a reconnu s’être fié aux propos d’un ami, ne pas avoir consulté son avocat et ne pas avoir reçu un formulaire ou une lettre de CIC lui demandant de produire un passeport pakistanais valide;

         Il n’a jamais demandé un titre de voyage canadien. Il a déclaré qu’il en savait [traduction] « un peu » au sujet d’un tel document, mais a ajouté qu’il ne connaissait personne qui en avait obtenu un. En outre, il a déclaré qu’il ne savait pas que les résidents permanents pouvaient obtenir des titres de voyage canadiens;

         Il croyait que la seule façon pour lui de voyager et aller voir ses parents après avoir obtenu le statut de résident permanent, était d’acquérir un passeport pakistanais et de voyager en étant muni de ce passeport.

III.             La décision de la Commission

[9]               La Commission a conclu que le défendeur n’avait pas perdu l’asile puisqu’elle a jugé que les actions du défendeur n’ont pas démontré une intention de sa part de se réclamer de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité.

[10]           La Commission a estimé que le défendeur était crédible et elle a cru les deux raisons qu’il a invoquées afin d’expliquer pourquoi il a renouvelé son passeport pakistanais. La Commission a conclu que le défendeur avait obtenu et renouvelé son passeport pakistanais parce qu’il avait l’impression qu’il devrait le présenter à CIC aux fins de l’obtention du droit d’établissement et parce qu’il voulait l’utiliser pour aller dans un pays tiers pour rendre visite à ses parents après avoir obtenu le statut de résident permanent.

[11]           La Commission a fait renvoi à plusieurs dispositions du Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, UN Doc HCR/1P/4/FRE/REV. 3 (décembre 2011, réédition), en ligne : <http://www.refworld.org/pdfid/4fc5db782.pdf> [Guide du HCNUR].

[12]           La Commission a mentionné et appliqué plus précisément les trois conditions décrites au paragraphe 119 du Guide du HCNUR qui doivent être remplies pour conclure que l’asile qui a été accordé devrait être perdu conformément à la clause de cessation énoncée à la section C, paragraphe 1 de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, le 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6 (la Convention). Le paragraphe 119 est libellé comme suit :

119. L’application de cette clause de cessation suppose la réalisation de trois conditions :

a) la volonté : le réfugié doit avoir agi volontairement;

b) l’intention : le réfugié doit avoir accompli intentionnellement l’acte par lequel il s’est réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité;

c) le succès de l’action : le réfugié doit avoir effectivement obtenu cette protection.

[13]           En ce qui concerne la première condition, soit la volonté, la Commission a conclu que le défendeur avait agi volontairement en acquérant et en renouvelant son passeport pakistanais. Malgré cette conclusion, la Commission a souligné, d’une part, que l’information fournie par CIC concernant la nécessité de présenter un passeport valide aux fins de l’obtention du droit d’établissement semble être contradictoire et difficile à comprendre. La Commission a également fait observer que le défendeur ne savait pas qu’il aurait pu demander un titre de voyage au Canada. D’autre part, la Commission a reconnu que le défendeur n’a jamais reçu une lettre de CIC lui demandant de fournir un passeport valide. Elle a également conclu que le défendeur avait peut-être manqué de diligence en se renseignant sur d’autres options lui permettant de voyager, outre l’obtention d’un passeport pakistanais. Néanmoins, la Commission a reconnu que le défendeur avait vraiment l’impression qu’il devait présenter un passeport valide à CIC afin d’obtenir la résidence permanente, mais elle a tout de même conclu qu’il avait agi volontairement.

[14]           La Commission s’est ensuite penchée sur la deuxième condition, à savoir l’intention du défendeur lorsqu’il a demandé le renouvellement de son passeport, et a fait observer qu’il s’agissait là de l’élément le plus important du critère.

[15]           La Commission a conclu que, en obtenant un passeport parce qu’il croyait qu’il en aurait besoin d’un pour obtenir ses documents de résidence permanente et parce qu’il voulait aller dans un pays tiers pour rendre visite à ses parents, le défendeur n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du Pakistan.

[16]           La Commission a cité le paragraphe 121 du Guide du HCNUR, qui crée une présomption réfutable d’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays lorsqu’une personne demande et obtient un passeport de son pays de nationalité :

121. Lorsqu’on cherche à déterminer si le statut de réfugié a été perdu dans des circonstances de cet ordre, il convient d’établir une distinction entre le fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays considéré et des rapports occasionnels et fortuits avec les autorités de ce pays. Si un réfugié demande et obtient un passeport national ou le renouvellement de ce passeport, il sera présumé, en l’absence de preuves contraires, avoir voulu se réclamer à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. En revanche, l’obtention de certaines pièces auprès des autorités d’un pays, auxquelles en des circonstances analogues des non-ressortissants seraient également tenus de s’adresser, par exemple l’obtention d’un certificat de naissance ou de mariage, ou autres services de ce genre, ne peut être assimilée au fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays en question.

[Non souligné dans l’original.]

[17]           La Commission a également fait renvoi au paragraphe 122 du Guide du HCNUR qui traite de la troisième condition, à savoir que le réfugié doit avoir effectivement obtenu la protection du pays dont il a la nationalité. Le paragraphe est ainsi libellé :

122. Un réfugié qui demande la protection des autorités du pays dont il a la nationalité ne peut être considéré comme s’étant « réclamé » de cette protection que lorsque sa demande a effectivement abouti. Le cas le plus fréquent de réclamation de la protection du pays sera celui où le réfugié veut retourner dans le pays dont il a la nationalité. Il ne cessera pas d’être un réfugié du simple fait qu’il demande le rapatriement. En revanche, l’obtention d’une autorisation de rentrer dans le pays ou d’un passeport national aux fins de retourner dans le pays sera considérée, sauf preuve contraire, comme entraînant la perte du statut de réfugié.16 Cependant, cela n’exclut pas qu’une assistance puisse être accordée – y compris par le Haut Commissariat – à celui qui a choisi le rapatriement afin de lui faciliter le retour dans son pays.

[Notes de bas de page omises]

[18]           La Commission a cru comprendre de ces paragraphes que « [l]e HCR considère que le fait d’obtenir volontairement un passeport national avec l’intention de se réclamer de la protection de ce pays met normalement fin au statut de réfugié » (paragraphe 14 de la décision de la Commission).

[19]           La Commission a mentionné que, en l’espèce, le paragraphe 122 du Guide du HCNUR pouvait être appliqué a contrario. En conséquence, la Commission a conclu que, puisque le défendeur n’avait pas l’intention de retourner au Pakistan, qu’il n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. La Commission a insisté sur le fait que l’intention du défendeur était d’aller dans un pays tiers pour voir ses parents. En conséquence, la Commission a conclu que la deuxième condition du paragraphe 119 du Guide du HCNUR n’avait pas été satisfaite.

[20]           La Commission a terminé son analyse à cette étape-là et n’a formulé aucun commentaire sur la troisième condition énoncée au paragraphe 119 du Guide du HCNUR.

[21]           Compte tenu de la conclusion que la Commission a tirée en ce qui concerne l’intention du défendeur, cette dernière a conclu que celui-ci ne s’était pas réclamé de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité et que le ministre ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur s’était réclamé de nouveau de la protection du Pakistan. Par conséquent, la Commission a rejeté la demande présentée par le ministre et a conclu que l’asile conféré au défendeur n’avait pas pris fin au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR.

IV.             Question en litige et norme de contrôle

[22]           Le demandeur soulève trois questions, mais à mon avis, elles se résument toutes à déterminer si la décision de la Commission est raisonnable.

[23]           Les deux parties ont fait valoir, et je suis d’accord avec elles, que la décision de la Commission est contrôlable selon la norme de la décision raisonnable.

[24]           Afin de trancher la demande de constat de perte d’asile du défendeur présentée par le ministre, la Commission était tenue d’interpréter le paragraphe 108(1) de la LIPR et, plus particulièrement, l’alinéa 108(1)a). L’analyse de la Commission comportait également l’interprétation et l’application de certaines dispositions du Guide du HCNUR qui donnent des indications sur l’interprétation des clauses de cessation comprises dans la Convention qui sont reprises, pour l’essentiel, au paragraphe 108(1) de la LIPR. Enfin, la Commission était tenue d’apprécier la preuve et d’établir si le défendeur avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du Pakistan.

[25]           Ces questions comportaient l’interprétation de la loi constitutive de la Commission, la LIPR et du Guide du HCNUR, dont cette dernière a une connaissance approfondie et détient une grande expertise relativement à leur application (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 54, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 30, [2011] 3 RCS 654). En outre, la question en litige dont était saisie la Commission soulevait des questions mixtes de fait et de droit concernant l’interprétation et l’application de l’article 108 de la LIPR et de telles questions sont généralement examinées en fonction de la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir, au paragraphe 53). Ce principe a été appliqué par la Cour dans le cadre d’une demande de constat de perte de l’asile dans la décision Nsende c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 531, au paragraphe 9, [2008] ACF n689 [Nsende].

V.                Observations des parties

A.                Les arguments du demandeur

[26]           Le demandeur soutient que le critère applicable à la perte de l’asile est le critère en trois volets décrit au paragraphe 119 du Guide du HCNUR; il se fonde sur la décision Nsende, aux paragraphes 12-15, et sur la décision Cadena c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CF 67, au paragraphe 19, [2012] ACF no 86. Il reconnaît que la Commission a formulé correctement les conditions du critère énoncées au paragraphe 119 du Guide du HCNUR, mais il prétend que la Commission a commis une erreur en les appliquant.

[27]           Le demandeur soutient que l’évaluation de la deuxième condition du critère par la Commission (l’intention du défendeur de se réclamer à nouveau de la protection du Pakistan) était déraisonnable. Le demandeur précise que, conformément au paragraphe 121 du Guide du HCNUR, une fois que le défendeur a obtenu un passeport pakistanais pour voyager à l’extérieur du Canada, il a été présumé avoir eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du Pakistan. Le demandeur soutient que le défendeur n’a pas présenté une preuve pouvant servir à réfuter cette présomption et il soutient en outre que le raisonnement de la Commission a pour effet d’inverser le fardeau de la preuve en l’obligeant à démontrer pourquoi la présomption d’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays ne devrait pas s’appliquer.

[28]           Le demandeur a avancé des arguments précis au regard de chacune des deux raisons invoquées par le défendeur afin d’expliquer pourquoi il a renouvelé son passeport pakistanais.

[29]           Le demandeur prétend que la preuve produite par le défendeur concernant le fait qu’il croyait avoir besoin d’un passeport pakistanais valide pour obtenir la résidence permanente était faible. Le demandeur insiste sur le fait que CIC n’a jamais demandé au défendeur d’obtenir et de fournir un passeport pakistanais valide, que celui-ci n’a jamais consulté son avocat à ce sujet et qu’il ne s’est pas renseigné sur la possibilité d’obtenir un titre de voyage canadien pour réfugiés. Quoi qu’il en soit, le demandeur soutient que le simple fait de croire à tort qu’un passeport est nécessaire, sans consulter un conseiller juridique, n’est pas une explication raisonnable, puisque l’ignorance de la loi ne constitue pas un moyen de défense. Le demandeur soutient également que cette explication donnée par le défendeur pour justifier la demande de renouvellement de son passeport national a été ajoutée par ce dernier après son entrevue avec l’agente.

[30]           En outre, le demandeur fait valoir que le raisonnement de la Commission est contradictoire, puisque cette dernière a rejeté l’argument du défendeur, selon lequel [traduction] « il croyait à tort avoir besoin d’un passeport valide », en ce qui concerne la première condition du critère, alors que, ultérieurement, la Commission a admis l’argument en ce qui concerne la deuxième condition. Ainsi, la Commission a commis une erreur dans son appréciation de la preuve et est arrivée à des conclusions contradictoires et irréconciliables.

[31]           En outre, le demandeur prétend que le renouvellement d’un passeport national qui repose sur le fait de croire à tort qu’il sera obligatoire pour obtenir le droit d’établissement n’est pas une raison suffisante pour réfuter la présomption créée par le paragraphe 121 du Guide du HCNUR.

[32]           De plus, le demandeur prétend que la deuxième raison invoquée par le défendeur pour obtenir un passeport (pour aller dans un pays tiers) ne peut pas non plus servir à réfuter la présomption. Au contraire, le demandeur soutient que, en acquérant un passeport pakistanais en vue de l’utiliser pour voyager, le défendeur a établi qu’il avait l’intention de se présenter à l’étranger en tant que citoyen pakistanais et qu’il serait probablement perçu comme tel. En outre, il pourrait, pendant qu’il voyage, demander la protection des autorités pakistanaises. En conséquence, de l’avis du demandeur, le fait d’obtenir un passeport pakistanais en vue de l’utiliser comme titre de voyage est en soi suffisant pour démontrer une intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité et ne peut constituer une explication valable pour réfuter la présomption d’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays en question. Le demandeur ajoute qu’il est sans importance que le défendeur ait l’intention de se rendre dans un pays tiers plutôt qu’au Pakistan.

[33]           Pour les motifs susmentionnés, le demandeur fait valoir qu’il était déraisonnable pour la Commission, à la lumière de la preuve, de conclure que le défendeur n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection des autorités pakistanaises et que cette dernière aurait dû conclure que la deuxième condition était satisfaite.

[34]           Le demandeur soutient également que la Commission a commis une erreur de droit en n’effectuant pas une évaluation de la troisième condition énoncée au paragraphe 119 du Guide du HCNUR (le réfugié doit avoir effectivement obtenu la protection du pays dont il a la nationalité), et qu’elle a de ce fait omis de parachever l’analyse nécessaire et qu’elle a fourni des motifs inadéquats.

B.                 Les arguments du défendeur

[35]           Le défendeur fait valoir que la Commission a appliqué le bon critère relatif au fait de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité et que sa décision est tout à fait raisonnable et ne devrait pas être modifiée.

[36]           Le défendeur affirme que la jurisprudence établit clairement que la condition la plus importante à analyser pour déterminer si un réfugié s’est réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité, est l’intention du réfugié. Le défendeur soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle il n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du Pakistan était raisonnable à la lumière de la preuve qu’il a présentée.

[37]           Le défendeur précise que la perte de l’asile est une exception et que les circonstances qui pourraient provoquer la perte doivent être examinées de près. Il affirme que c’est exactement ce qu’a fait la Commission, et il soutient qu’il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure qu’il n’avait pas l’intention de se réclamer de la protection des autorités pakistanaises.

[38]           Il déclare que la Commission a estimé qu’il était crédible et que les deux raisons pour lesquelles il a obtenu et renouvelé son passeport pakistanais étaient suffisantes pour réfuter la présomption d’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays. À cet égard, le défendeur fait valoir que les raisons pour lesquelles il a renouvelé son passeport pakistanais, en l’occurrence pour le présenter, sur demande, à CIC aux fins de l’obtention du droit d’établissement et pour aller dans un pays tiers pour rendre visite à ses parents, montrent clairement qu’il n’avait aucune intention de se réclamer de la protection du Pakistan.

[39]           En réplique à l’argument du demandeur, selon lequel les conclusions de la Commission sont contradictoires, le défendeur fait observer qu’il n’y a aucune contradiction entre la conclusion de la Commission selon laquelle il a agi volontairement en demandant un passeport pakistanais et sa conclusion que, ce faisant, il n’avait pas l’intention de se réclamer de la protection du Pakistan. Il prétend que la volonté et l’intention sont deux conditions distinctes et que le fait qu’un réfugié ait agi volontairement ne signifie pas nécessairement qu’il agissait avec l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité.

[40]           Enfin, le défendeur fait valoir que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission n’a pas été tenue de procéder à une analyse de la troisième condition du critère, parce que la conclusion qu’elle a tirée concernant l’intention du défendeur quand il a renouvelé son passeport pakistanais était sans équivoque. Ainsi, compte tenu de cette conclusion et du fait que le critère en trois volets est cumulatif, il n’était pas nécessaire que la Commission poursuive plus à fond son analyse.

VI.             Analyse

[41]           À mon avis, l’interprétation faite par la Commission de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR et de son application aux faits de l’espèce est raisonnable et ne devrait pas être modifiée.

[42]           La Commission s’est fondée sur le Guide du HCNUR pour interpréter l’alinéa 108(1)a) de la LIPR et déterminer si le défendeur s’était réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. Il n’y a pas de désaccord entre les parties sur le fait que le recours au Guide du HCNUR pour interpréter l’alinéa 108(1)a) de la LIPR ne constitue pas une erreur et tient compte de l’état actuel du droit. Je partage l’avis des parties sur cette question.

[43]           Le Guide du HCNUR fournit une orientation dans l’interprétation des clauses de cessation de la Convention, y compris de la perte de l’asile attribuable au fait que le réfugié se réclame de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. L’alinéa 108(1)a) de la LIPR reprend pour l’essentiel la section C, paragraphe 1 de l’article premier de la Convention et la Cour a reconnu la pertinence d’utiliser le Guide du HCNUR comme guide quant à l’interprétation de l’expression « se réclamer de nouveau de la protection du pays ». Sur cette question, je souscris aux commentaires du juge Lagacé dans la décision Nsende, au paragraphe 12 :

12   Afin de déterminer la signification de l’expression « se réclamer de nouveau de la protection du pays » employée à l’alinéa 108(1)a) de la Loi, il peut être utile de se pencher sur l’interprétation donnée à l’article source de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention). L’article 1C1) de la Convention prévoit ce qui suit : « Cette Convention cessera, dans les cas ci-après, d’être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus : 1) Si elle s’est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité. » Les paragraphes 118 à 125 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le Guide du HCNUR) présentent des directives quant à l’interprétation de l’expression « se réclamer de nouveau de la protection du pays ».

[44]           Selon le Guide du HCNUR, les clauses de cessation doivent être interprétées de manière restrictive compte tenu du fait qu’elles énoncent des conditions négatives et que l’énumération qui en est faite est exhaustive. Elles doivent également être interprétées de manière restrictive pour assurer que le statut de réfugié ne soit pas constamment remis en question à la suite de changements de caractère passager. Il est utile de citer les paragraphes suivants du Guide du HCNUR, qui donnent des indications sur l’interprétation des clauses de cessation :

111. Les clauses dites « de cessation » (section C, paragraphes 1 à 6 de l’article premier de la Convention de 1951) énoncent les conditions dans lesquelles une personne cesse d’être réfugié. Ces clauses sont fondées sur la considération que la protection internationale ne doit pas être accordée lorsqu’elle n’est plus nécessaire ou qu’elle ne se justifie plus.

112. Lorsqu’une personne s’est vu reconnaître le statut de réfugié, ce statut est maintenu à moins que l’intéressé ne relève de l’un des cas de cessation d’applicabilité de la Convention prévus par ces clauses. Cette conception stricte de la détermination du statut de réfugié a pour but de donner aux réfugiés l’assurance que leur statut ne sera pas constamment remis en question à la suite de changements de caractère passager – et non fondamental – de la situation existant dans leur pays d’origine.

[…]

116. Les clauses de cessation énoncent des conditions négatives et l’énumération qui en est faite est exhaustive. Ces clauses doivent donc s’interpréter de manière restrictive et aucune autre raison ne saurait être invoquée, par voie d’analogie, pour justifier le retrait du statut de réfugié. Il va sans dire que si, pour une raison quelconque, un réfugié ne souhaite plus être considéré comme tel, il n’y aura pas lieu de continuer son statut de réfugié et de lui accorder la protection internationale.

[Notes de bas de page omises]

[45]           Le paragraphe 118 donne le contexte du paragraphe 119 et énonce qu’il y a cessation de l’asile conféré à une personne qui s’est réclamée de nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité, parce que cette personne n’a plus besoin d’une protection internationale ou ne souhaite plus en bénéficier :

118. Cette clause de cessation s’applique à un réfugié qui possède une nationalité et qui demeure hors du pays dont il a la nationalité. (Le cas du réfugié qui est effectivement retourné « s’établir » dans le pays dont il a la nationalité est prévu par la quatrième clause de cessation.) Le réfugié qui s’est volontairement réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité n’a plus besoin de la protection internationale. Il a montré qu’il n’était plus dans la situation de celui qui ne peut ou ne veut se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité.

[46]           Le paragraphe 119 du Guide du HCNUR prévoit que le fait de se réclamer de nouveau et volontairement de la protection de son pays de nationalité passe par la satisfaction de trois conditions. Le réfugié doit : 1) agir volontairement; 2) accomplir intentionnellement l’acte par lequel il se réclame de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité; 3) obtenir effectivement cette protection.

[47]           Les principes d’interprétation susmentionnés doivent être pris en compte dans l’application des conditions énoncées au paragraphe 119.

[48]           En ce qui concerne la première condition, la Commission a conclu que le défendeur avait agi volontairement en demandant le renouvellement de son passeport pakistanais. Bien que la Commission ait ensuite insisté sur le fait que l’information communiquée par CIC concernant la nécessité de fournir un passeport valide afin d’obtenir la résidence permanente n’était pas claire ou était contradictoire, ces commentaires n’étaient rien de plus que des remarques incidentes, car il est évident que la Commission a conclu que l’intimé avait agi volontairement. La preuve appuie clairement cette conclusion qui a été admise par le défendeur lui-même.

[49]           Cette conclusion particulière de la Commission en ce qui concerne la première condition du critère n’est pas contestée par le demandeur. Toutefois, ce dernier soutient que les conclusions de la Commission sont contradictoires, parce que celle-ci a rejeté l’explication du défendeur selon laquelle il croyait avoir besoin d’un passeport valide aux fins de l’obtention du droit d’établissement en ce qui concerne la première condition du critère, alors qu’elle a accepté ce même argument en ce qui concerne la deuxième condition du critère. Avec respect, je ne suis pas de cet avis.

[50]           L’argument du demandeur semble reposer sur la prémisse que, puisque la Commission avait conclu que le défendeur croyait sincèrement qu’il devait détenir un passeport valide aux fins de sa demande de résidence permanente, elle aurait dû alors avoir conclu qu’il n’avait pas agi volontairement. À mon avis, une telle conclusion aurait pu être tirée par la Commission, à la lumière de la preuve, mais la conclusion selon laquelle le défendeur avait agi volontairement pouvait également être tirée, en raison du fait qu’aucune autorité n’avait demandé ou exigé que le défendeur obtienne un passeport pakistanais. Cela dit, le fait que l’intimé a volontairement demandé le renouvellement de son passeport pakistanais ne veut pas nécessairement dire que, ce faisant, il avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du Pakistan. Les deux conditions sont différentes et la même matrice factuelle peut avoir une incidence différente selon la condition qui est évaluée.

[51]           J’estime également que la conclusion de la Commission en ce qui concerne la deuxième condition, à savoir que le défendeur n’avait pas l'intention de se réclamer de nouveau de la protection du Pakistan lorsqu’il a demandé le renouvellement de son passeport, est étayée par la preuve et est raisonnable.

[52]           Tout d’abord, la Commission a évalué la preuve et tiré des conclusions de fait concernant les raisons pour lesquelles le défendeur a renouvelé son passeport national et, à mon avis, ces conclusions relatives aux explications du défendeur sont raisonnables.

[53]           Le défendeur a mentionné avoir demandé le renouvellement de son passeport principalement pour deux raisons. Tout d’abord, il avait l’intention de l’utiliser pour se rendre dans un pays tiers afin de rencontrer ses parents après avoir obtenu la résidence permanente. À cet égard, le défendeur a expliqué qu’il ignorait qu’il pouvait obtenir un titre de voyage canadien en tant que résident permanent et qu’il croyait que la seule façon pour lui de se rendre à l’étranger après avoir obtenu la résidence permanente était d’avoir en main son passeport pakistanais. Deuxièmement, le défendeur avait l’impression qu’il aurait besoin de fournir à CIC un passeport valide pour obtenir la résidence permanente. Il a également déclaré qu’il n’avait pas l’intention de retourner au Pakistan. La Commission a conclu que le défendeur était un témoin crédible et elle a estimé que ses explications étaient les véritables raisons pour lesquelles il a renouvelé son passeport pakistanais.

[54]           Le demandeur a fait valoir que la preuve concernant la conviction du défendeur qu’il avait besoin d’un passeport national valide pour obtenir le droit d’établissement au Canada à titre de résident permanent était faible. En toute déférence, cela se résume à un simple désaccord avec la Commission quant à son appréciation de la preuve.

[55]           Le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier de nouveau les éléments de preuve (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 61, [2009] 1 RCS 339) et la Commission est beaucoup mieux en mesure que la Cour pour évaluer la crédibilité du défendeur (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315, au paragraphe 4, [1993] ACF no 732 (CAF)). La Cour d’appel fédérale a récemment mis en garde la Cour contre une nouvelle appréciation des éléments de preuve dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, au paragraphe 99, [2014] ACF no 472, où le juge Stratas a formulé les commentaires suivants :

Lorsqu’elle effectue un examen selon la norme de la raisonnabilité de conclusions de fait telles que celles‑ci, la Cour n’a pas pour mission d’apprécier de nouveau les éléments de preuve versés aux débats. Elle doit alors plutôt se limiter à rechercher si une conclusion a un caractère irrationnel ou arbitraire tel que sa compétence, reposant sur la primauté du droit, est engagée, comme l’absence totale de recherche des faits, le défaut, lors d’une telle recherche, de respecter une exigence expresse de la loi, le caractère illogique ou irrationnel du processus de recherche des faits ou l’absence de tout fondement acceptable à la conclusion de fait tirée (Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., District 15, [1997] 1 R.C.S. 487, aux paragraphes 44 et 45; Lester (W.W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, à la page 669.

J’accepte donc les conclusions de fait de la Commission concernant les raisons invoquées par le défendeur pour obtenir et renouveler ses passeports pakistanais.

[56]           La Commission a ensuite conclu que les raisons pour lesquelles le défendeur a demandé le renouvellement de son passeport pakistanais n’ont pas indiqué une intention de se réclamer de nouveau de la protection des autorités pakistanaises. J’estime que cette conclusion est également raisonnable compte tenu de la preuve.

[57]           Tout d’abord, il est difficile de voir comment le renouvellement d’un passeport national en vue de le présenter à CIC pour conclure le processus d’acquisition du statut de résident permanent peut être considéré comme indiquant une intention de la part du défendeur de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité.

[58]           Deuxièmement, à mon avis, il était également loisible à la Commission, compte tenu de la preuve, de conclure que, en renouvelant son passeport en vue de l’utiliser pour se rendre dans un pays tiers afin de rencontrer ses parents, le défendeur n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection des autorités pakistanaises.

[59]           Le paragraphe 121 du Guide du HCNUR crée une présomption d’intention de la part du réfugié de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité lorsque celui-ci demande et obtient un passeport national ou son renouvellement. En l’espèce, la présomption s’appliquait au défendeur. Toutefois, le paragraphe 121 mentionne expressément que cette présomption peut être réfutée par une « preuve[…] contraire[…] », par exemple, si le réfugié démontre qu’il n’a pas demandé un passeport avec l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. Bien que le demandeur affirme que la Commission n’a pas appliqué efficacement cette présomption et qu’elle a inversé le fardeau de la preuve, en toute déférence, je ne suis pas d’accord. La Commission a reconnu qu’il y avait une présomption d’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays, mais elle était convaincue que l’explication du défendeur était suffisante pour réfuter cette présomption.

[60]           La Commission a été chargée d’analyser la motivation du défendeur au moment du renouvellement de son passeport et c’est exactement ce qu’elle a fait. Dans la décision Chandrakumar c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1997] ACF n615 (QL), aux paragraphes 5 et 6, 1997 CanLII 5161 [Chandrakumar], la Cour a conclu que la Commission a commis une erreur en supposant que le simple fait de renouveler un passeport, sans explorer les principales raisons qui ont poussé un demandeur à renouveler son passeport national, suffisait à établir le fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays. Dans la décision Nsende, le demandeur avait demandé le renouvellement de son passeport congolais en vue de l’utiliser pour se rendre en Thaïlande aux fins de ses activités professionnelles. La Cour a estimé que la décision de la Commission n’était pas claire quant au motif pour lequel elle a conclu que les explications du demandeur étaient insuffisantes pour réfuter la présomption. La Cour, au paragraphe 23, a refusé d’accepter une conclusion implicite selon laquelle le simple fait de posséder un passeport constituait une preuve de l’intention du demandeur de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité.

[61]           En l’espèce, il est manifeste que la Commission a évalué l’ensemble de la preuve du défendeur et qu’elle était convaincue que les explications de ce dernier étaient crédibles et ont démontré qu’il n’a pas eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection des autorités pakistanaises. À mon avis, cette conclusion est raisonnable compte tenu de la preuve présentée par le défendeur, selon laquelle il avait l’intention d’utiliser son passeport national comme titre de voyage pour se rendre dans un pays tiers afin de rendre visite à ses parents, il n’a pas eu l’intention d’aller ou de retourner au Pakistan et il croyait que son passeport pakistanais était le seul titre de voyage qu’il pouvait utiliser pour voyager à l’étranger avec un statut de résident permanent. Dans ces circonstances particulières, j’estime qu’il était raisonnable pour la Commission de conclure que rien n’indiquait que le défendeur avait l’intention de demander au Pakistan une protection concrète pendant qu’il voyage à l’étranger. Il a également été loisible à la Commission de conclure que la présomption d’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays, créée par le paragraphe 121 du Guide du HCNUR, avait été réfutée par les explications du défendeur. Les conclusions de la Commission sont étayées par la preuve et le raisonnement de celle-ci n’est pas injustifié, irrationnel ou arbitraire.

[62]           J’estime aussi qu’il était raisonnable pour la Commission de faire un parallèle avec le paragraphe 122 du Guide du HCNUR et de l’appliquer a contrario à la situation du défendeur. Le paragraphe 122 traite de la troisième condition du critère (le réfugié a effectivement obtenu la protection du pays dont il a la nationalité) et crée une présomption selon laquelle le réfugié s’est réclamé de nouveau de la protection du pays au moment d’obtenir un passeport en vue de retourner dans le pays dont il a la nationalité. Il est utile encore une fois de citer le paragraphe 122 :

122. Un réfugié qui demande la protection des autorités du pays dont il a la nationalité ne peut être considéré comme s’étant « réclamé » de cette protection que lorsque sa demande a effectivement abouti. Le cas le plus fréquent de réclamation de la protection du pays sera celui où le réfugié veut retourner dans le pays dont il a la nationalité. Il ne cessera pas d’être un réfugié du simple fait qu’il demande le rapatriement. En revanche, l’obtention d’une autorisation de rentrer dans le pays ou d’un passeport national aux fins de retourner dans le pays sera considérée, sauf preuve contraire, comme entraînant la perte du statut de réfugié. Cependant, cela n’exclut pas qu’une assistance puisse être accordée – y compris par le Haut Commissariat – à celui qui a choisi le rapatriement afin de lui faciliter le retour dans son pays.

[Notes de bas de page omises et non souligné dans l’original.]

[63]           Selon ce paragraphe, en l’absence de preuves contraires, en obtenant un passeport national dans le but de retourner dans le pays dont il a la nationalité, un réfugié est réputé avoir obtenu la protection du pays dont il a la nationalité et, donc, satisfait à la troisième condition relative au succès de l’action. Cependant, la présomption est réfutable et ne fonctionne que lorsque la raison principale incitant le réfugié à obtenir un passeport national est de retourner dans le pays dont il a la nationalité. Si un réfugié obtient un passeport national sans avoir l’intention de retourner dans le pays dont il a la nationalité, il ne sera pas considéré comme ayant obtenu la protection du pays dont il a la nationalité. Un parallèle peut être établi à partir de ce principe en ce qui concerne la condition qui traite de l’intention du réfugié, car il y a un lien entre le fait d’avoir l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité et le fait d’obtenir effectivement cette protection.

[64]           Il n’est pas déraisonnable d’appliquer ce principe, par analogie, aux critères relatifs à l’intention des réfugiés et de conclure que, dans certaines circonstances, l’obtention d’un passeport en vue de voyager à l’étranger, mais pas dans le pays dont le réfugié a la nationalité, n’indique pas une intention de la part du réfugié de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. En l’espèce, le défendeur avait l’intention d’utiliser son passeport national pour se rendre dans un pays tiers, et non au Pakistan, et il avait l’impression que son passeport pakistanais serait le seul document qui lui permettrait de voyager à l’extérieur du Canada à titre de résident permanent. Ces circonstances ont été examinées par la Commission dans son évaluation de l’intention du défendeur.

[65]           Le demandeur affirme que même si le défendeur n’avait pas l’intention de retourner dans le pays dont il a la nationalité, le fait qu’il ait demandé un passeport en vue de l’utiliser pour voyager à l’étranger constitue en soi une preuve qu’il se réclamait de nouveau de la protection du pays, parce qu’il se présenterait alors comme un citoyen du Pakistan et pouvait, au besoin, se réclamer de la protection du Pakistan. En d’autres termes, l’obtention d’un passeport avec l’intention de l’utiliser comme un document d’identification pour voyager à l’extérieur du Canada, même sans avoir l’intention d’entrer dans le pays dont il a la nationalité ou de demander par ailleurs la protection du pays dont il a la nationalité, ne peut pas réfuter la présomption d’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays et entraîne la perte de l’asile.

[66]           Je me vois à regret incapable de souscrire à cet argument pour plusieurs raisons.

[67]           Tout d’abord, j’estime que l’affirmation du demandeur aurait pour effet de créer une présomption supplémentaire et irréfragable d’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dès qu’un réfugié a l’intention de voyager à l’étranger avec un passeport national, sans égard aux circonstances particulières de chaque cas. Une telle présomption n’est pas prévue dans le Guide du HCNUR. En outre, l’acceptation de l’affirmation du demandeur serait contraire à l’approche stricte des clauses de cessation énoncées dans le Guide du HCNUR.

[68]           Le Guide du HCNUR crée une présomption lorsque le réfugié obtient un passeport, mais il laisse par ailleurs à la Commission le soin d’évaluer, dans les circonstances de chaque cas, la pertinence des explications données par le réfugié pour réfuter la présomption. Compte tenu de l’interprétation restrictive des clauses de cessation et des principes qui les sous-tendent, la Cour ne devrait pas incorporer une présomption supplémentaire que, lorsque le réfugié a déclaré avoir l'intention d’aller dans un pays autre que celui dont il a la nationalité, cela suppose nécessairement qu’il a l’intention de demander la protection du pays dont il a la nationalité. Si une telle conséquence extrême avait été prévue, je m’attendrais à ce que cela soit formulé en des termes explicites dans le Guide du HCNUR.

[69]           À mon avis, l’affirmation du demandeur usurpe le mandat de la Commission, suivant l’alinéa 108(1)a) de la LIPR et le paragraphe 119 du Guide du HCNUR, d’évaluer la motivation du réfugié afin de déterminer s’il avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité au moment où il a renouvelé son passeport national dans le but de voyager. À mon avis, le fait qu’un réfugié n’ait pas l’intention de voyager ou de retourner dans le pays dont il a la nationalité peut être utile pour évaluer son intention. Cela ne signifie pas qu’il ne pourrait jamais être conclu que le réfugié qui n’a pas l’intention d’utiliser son passeport pour se rendre dans le pays dont il a la nationalité n’a pas eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays. Cependant, à mon avis, cette évaluation doit être faite par la Commission à la lumière des circonstances propres à chaque cas. En l’espèce, le défendeur a eu l’intention d’utiliser son passeport national parce qu’il avait l’impression que son statut de résident permanent ne lui permettrait pas d’obtenir un titre de voyage canadien.

[70]           J’estime également que la nécessité de ne pas neutraliser le pouvoir discrétionnaire qu’exerce la Commission dans l’évaluation des circonstances propres à chaque cas est renforcée par les commentaires du professeur James C. Hathaway en ce qui concerne l’absence d’un lien direct entre l’utilisation d’un passeport comme titre de voyage et une garantie que la protection du pays de nationalité serait accordée. À cet égard, dans The Law of Refugee Status (Toronto: Butterworths, 1991), aux pages 193 à 195, il a formulé les observations utiles suivantes :

[traduction]

Deuxièmement, la demande diplomatique doit être présentée comme étant une action de se réclamer à nouveau de la protection du pays, ce qui implique, par conséquent, l’intention de la personne de faire défendre ses intérêts par le pays concerné. […]

[…] Ces décisions ne saisissent pas les véritables raisons qui incitent les réfugiés à communiquer avec les autorités diplomatiques de leur pays d’origine. En particulier, les décideurs se sont souvent fondés sur une hypothèse erronée, à savoir que la réception d’un titre de voyage est fondamentalement un moyen qui vise à assurer la protection nationale :

[…] il semble grand temps de dissiper une idée qui est trop répandue – et fausse, qui plus est – de ce qu’est exactement un passeport. En fait et en droit, un passeport, c’est un simple titre de voyage délivré par les autorités compétentes d’un pays pour permettre à l’un de ses ressortissants de voyager à l’étranger et, au besoin, de faire appel aux services de ses autorités consulaires dans les pays étrangers visités pour que le titulaire du titre bénéficie d’une protection adéquate. Le fait de détenir un passeport, même s’il est valide et délivré légalement, ne constitue nullement une garantie qu’une protection sera assurée […]

[…] Étant donné qu’il n’y a pas de lien automatique entre la délivrance ou le renouvellement d’un passeport et l’octroi de la protection, il est essentiel que la raison véritable pour laquelle le passeport est demandé fasse partie des considérations de l’autorité décisionnelle. Sauf si le motif du réfugié est véritablement la protection de ses intérêts par le pays dont il a la nationalité, l’intention requise est inexistante.

Par conséquent et à mon avis, il n’y a aucune raison logique de présumer de manière irréfutable que dès qu’un réfugié déclare qu’il a l’intention de voyager à l’étranger avec un passeport national, il est réputé avoir eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. Chaque situation dépend des circonstances qui lui sont propres et il incombe à la Commission d’évaluer ces circonstances.

[71]           Pour tous ces motifs, je conclus que la conclusion de la Commission, selon laquelle la présomption avait été réfutée et que le défendeur n’avait pas l'intention de se réclamer de nouveau de la protection du Pakistan, constitue une issue possible acceptable au regard du droit et de la preuve (Dunsmuir, au paragraphe 47).

[72]           J’examinerai maintenant la prétention du demandeur, selon laquelle la Commission a commis une erreur en omettant de procéder à une analyse de la troisième condition énoncée au paragraphe 119 du Guide du HCNUR. Avec égards, je ne crois pas que la Commission était tenue de passer au troisième volet de l’analyse étant donné sa conclusion sur l’intention. Il me semble évident que les conditions énoncées au paragraphe 119 du Guide du HCNUR sont cumulatives et d’application conjointe. Le caractère cumulatif de ces conditions ressort du libellé du paragraphe 119. Celui-ci a également été reconnu par la Cour dans la décision Nsende, au paragraphe 13, et par le demandeur lui-même, au paragraphe 25 de son mémoire. Par conséquent, si l’une des conditions n’est pas satisfaite, le statut de réfugié ne peut être réputé avoir été perdu. Ainsi, étant donné que la Commission a conclu que le défendeur n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection des autorités pakistanaises, au moment où il a renouvelé son passeport pakistanais, il n’était pas nécessaire que cette dernière poursuive son analyse.

[73]           Pour tous les motifs susmentionnés, je conclus que la décision de la Commission était raisonnable et que rien ne justifie l’intervention de la Cour.

VII.          Certification

[74]           Le demandeur soutient que, en l’espèce, de graves questions sont soulevées auxquelles la Cour n’a pas encore répondu. Il propose que la Cour certifie les trois questions suivantes :

1.                           Dans le cadre d’une demande de constat de la perte de l’asile présentée au titre de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR, la Commission a-t-elle l’obligation d’expliquer chaque partie de l’analyse en trois étapes figurant au paragraphe 119 du Guide du HCNUR?

2.                           Est-ce que la détention d’un passeport valide et son renouvellement sont suffisants pour conclure que le réfugié se réclame de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité, s’il ne l’a jamais utilisé pour voyager à l’extérieur du Canada?

3.                           Dans la négative, en quoi consiste, pour un réfugié, le fait de se réclamer à nouveau la protection du pays dont il a la nationalité?

[75]           Le demandeur soutient que les questions qu’il propose répondent aux exigences établies par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Liyanagamage, [1994] ACF n1637, 176 NR 4 (CAF) [Liyanagamage], parce que ce sont des questions de portée générale qui transcendent les intérêts des parties, qu’elles permettent de trancher de façon définitive les questions en litige et qu’aucune cour canadienne n’a encore décidé de ce que signifie le fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays en vertu de la Loi.

[76]           Le défendeur affirme que les questions proposées ne doivent pas être certifiées, parce que l’application de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR repose sur des faits.

[77]           L’alinéa 74d) de la LIPR énonce les circonstances dans lesquelles un jugement de la Cour peut faire l’objet d’un appel :

Demande de contrôle judiciaire

74. Les règles suivantes s’appliquent à la demande de contrôle judiciaire :

[…]

d) le jugement consécutif au contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel en Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.

Judicial review

74. Judicial review is subject to the following provisions:

[…]

(d) an appeal to the Federal Court of Appeal may be made only if, in rendering judgment, the judge certifies that a serious question of general importance is involved and states the question.

[78]           La Cour d’appel fédérale a clarifié ce qui pouvait constituer une « question grave de portée générale » dans l’arrêt Liyanagamage, au paragraphe 4, où le juge Décary a précisé que la question doit transcender les intérêts des parties, qu’elle doit aborder des éléments qui ont des conséquences importantes ou qui sont de portée générale et qu’elle doit être déterminante quant à l’issue de l’appel. Il a ajouté que le processus de certification ne doit pas « être assimilé au processus de renvoi [...] ni être utilisé comme un moyen d’obtenir, de la Cour d’appel, des jugements déclaratoires à l’égard de questions subtiles qu’il n’est pas nécessaire de trancher pour régler une affaire donnée ».

[79]           Dans l’arrêt Zazai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, au paragraphe 11, [2004] ACF no 368, la Cour d’appel fédérale a réitéré que, pour qu’une question soit certifiée, il doit s’agir d’une question grave de portée générale qui permettrait de régler un appel.

[80]           À mon avis, la première question proposée ne soulève pas une question grave de portée générale. En outre, cette question ne permettrait pas non plus de régler un appel. Comme je l’ai mentionné plus tôt, il me semble évident que, pour conclure qu’un réfugié s’est réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité, les trois conditions mentionnées au paragraphe 119 du Guide du HCNUR doivent être satisfaites. Le caractère cumulatif de ces conditions ressort du libellé du paragraphe 119 et de la jurisprudence de la présente Cour dans la décision Nsende, au paragraphe 13. Par conséquent, si la Commission conclut que l’une des conditions n’a pas été établie, alors le critère permettant de conclure qu’il y a eu perte de l’asile n’a pas été satisfait. Par conséquent, une fois que la Commission a conclu que l’une des trois conditions n’a pas été établie, il n’est pas nécessaire de poursuivre l’analyse en vue d’évaluer les autres conditions. Puisque la Commission, en l’espèce, a conclu que le défendeur n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du Pakistan, lorsqu’il a demandé et obtenu les renouvellements de son passeport, une analyse de la troisième condition n’aurait pas été déterminante quant à la décision de la Commission.

[81]           Je suis également d’avis que la deuxième question proposée, formulée par le demandeur, ne soulève pas non plus une question grave, puisque le Guide du HCNUR répond implicitement de façon négative à cette question. Le paragraphe 121 du Guide du HCNUR prévoit clairement que la présomption d’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays qui résulte de la présentation d’une demande d’un passeport national et de l’obtention de celui-ci peut être réfutée par une preuve contraire (voir aussi Nsende, au paragraphe 15). Par conséquent, le simple fait de posséder un passeport national ne suffit pas, dans toutes les circonstances, pour conclure que le réfugié s’est réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. Cette disposition prescrit une évaluation des circonstances propres à chaque cas et de la véritable motivation du réfugié pour demander un passeport national. La Cour a également décidé à deux reprises (dans les décisions Chandrakumar et Nsende) que la détention d’un passeport, sans plus, n’était pas nécessairement suffisante pour conclure à une intention de réclamer de nouveau la protection du pays.

[82]           Le fait que le réfugié n’ait jamais utilisé son passeport national est l’un des nombreux éléments qui pourrait être utile dans l’évaluation de la véritable intention du réfugié. Par conséquent, j’estime que la deuxième question proposée par le demandeur ne remplit pas les conditions pour être certifiée.

[83]           J’estime également que la troisième question proposée est formulée d’une manière qui est trop générale pour être certifiée.

[84]           Toutefois, je conviens que l’une des questions soulevées par le demandeur constitue une question grave de portée générale qui permettrait de trancher un appel. Le demandeur soutient principalement que, étant donné que le défendeur a demandé le renouvellement de son passeport pakistanais en vue de l’utiliser pour voyager à l’extérieur du Canada, même s’il n’avait pas l’intention de se rendre au Pakistan et ignorait qu’il pouvait obtenir un titre de voyage canadien, il doit être réputé avoir eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. Le demandeur a fondé cette affirmation sur le fait que, en voyageant avec un passeport pakistanais, le défendeur se présenterait comme un citoyen pakistanais et pouvait, au besoin, pendant ses déplacements à l’étranger, demander la protection des autorités pakistanaises.

[85]           À mon avis, cette question soulève une question grave, d’une portée générale; elle pourrait être aussi d’une application plus générale, parce qu’elle a une incidence sur l’interprétation de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR et plus précisément sur l’interprétation de la deuxième condition mentionnée au paragraphe 119 du Guide du HCNUR. En outre, il existe peu de précédents relatifs à l’interprétation de cette disposition. En conséquence, je suis disposée à certifier deux questions ayant trait à cette question :

1.        Si un réfugié demande et obtient un passeport du pays dont il a la nationalité en vue de l’utiliser pour voyager à l’extérieur du Canada, mais pas dans le pays dont il a la nationalité, cela constitue‑t‑il, dans toutes les circonstances, la preuve irréfutable que le réfugié avait l’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité?

2.        Si un réfugié demande et obtient un passeport du pays dont il a la nationalité en vue de l’utiliser pour voyager à l’extérieur du Canada, mais pas dans le pays dont il a la nationalité, cela constitue‑t‑il, dans toutes les circonstances, un fait qui ne peut jamais servir à réfuter la présomption établie au paragraphe 121 du Guide du HCNUR?


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et que les questions suivantes sont certifiées :

1.                  Si un réfugié demande et obtient un passeport du pays dont il a la nationalité en vue de l’utiliser pour voyager à l’extérieur du Canada, mais pas dans le pays dont il a la nationalité, cela constitue‑t‑il, dans toutes les circonstances, la preuve irréfutable que le réfugié avait l’intention de se réclamer à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité?

2.                  Si un réfugié demande et obtient un passeport du pays dont il a la nationalité en vue de l’utiliser pour voyager à l’extérieur du Canada, mais pas dans le pays dont il a la nationalité, cela constitue‑t‑il, dans toutes les circonstances, un fait qui ne peut jamais servir à réfuter la présomption établie au paragraphe 121 du Guide du HCNUR?

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4732-14

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c NAJEEB BASHIR

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 DÉCEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE BÉDARD

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 15 JANVIER 2015

COMPARUTIONS :

Émilie Tremblay

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rachel Benaroch

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rachel Benaroch

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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