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Date : 20150120


Dossier : IMM-1589-13

Référence : 2015 CF 62

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2015

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

JUAN LIN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT

I.                   Aperçu

[1]               En 2010, Mme Juan Lin a demandé l’asile au Canada en raison de sa crainte de persécution religieuse dans la province du Fujian, en Chine. Elle soutenait que le Bureau de la sécurité publique (le BSP) avait effectué une descente lors d’une réunion d’un groupe de prières catholique qu’elle avait organisée dans sa maison. Le BSP aurait saisi des objets à caractère religieux, puis aurait amené Mme Lin au poste de police, où elle aurait subi un lavage de cerveau qui aurait duré plusieurs heures. Les policiers l’ont libérée et l’ont avertie qu’elle devait dorénavant fréquenter une église approuvée par l’État. Ils ont aussi exigé qu’elle se présente chaque semaine pour subir d’autres interrogatoires. Elle soutient que, lorsqu’elle a raté une rencontre pendant ses examens universitaires, les policiers lui ont de nouveau rendu visite et l’ont avertie qu’elle serait arrêtée si elle ratait une autre rencontre. Craignant d’être arrêtée, Mme Lin a embauché un passeur pour qu’il l’aide à s’enfuir au Canada.

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile de Mme Lin parce qu’il n’a pas cru son récit des événements. De plus, en fonction des éléments de preuve documentaire disponibles, la Commission a conclu que Mme Lin pourrait pratiquer librement sa religion dans la province du Fujian.

[3]               Mme Lin soutient que la décision de la Commission était déraisonnable, parce que ses conclusions défavorables quant à la crédibilité n’étaient pas étayées par la preuve dont elle était saisie. De plus, elle soutient que la Commission n’a pas tenu compte d’éléments de preuve à l’appui de sa crainte de persécution religieuse dans la province du Fujian. Elle me demande d’annuler la décision de la Commission et de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

[4]               Je ne vois aucune raison d’annuler la décision de la Commission. Ses conclusions quant à la crédibilité étaient, en fait, étayées par la preuve dont elle était saisie. De plus, la Commission a raisonnablement conclu, en se fondant sur la preuve documentaire, que le risque de persécution religieuse dans la province du Fujian était faible. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire.

II.                La décision de la Commission

[5]               La Commission a rejeté le récit de Mme Lin du traitement que lui a réservé le BSP, principalement parce qu’elle n’a rien mentionné à ce sujet lorsqu’elle est arrivée au Canada. À la frontière, on lui a demandé précisément si elle avait été arrêtée ou détenue en Chine. Elle a répondu par la négative. De plus, elle n’a pas mentionné que le BSP avait effectué une descente chez elle, l’avait détenue, l’avait obligée à se présenter chaque semaine et l’avait menacée de l’arrêter si elle ne le faisait pas. Elle a expliqué à la Commission qu’elle ne croyait pas que la détention lors de laquelle elle a subi un interrogatoire était une arrestation et qu’elle était nerveuse lors de son arrivée au Canada. La Commission a conclu que les explications de Mme Lin ne justifiaient pas ses omissions de façon satisfaisante.

[6]               La Commission était aussi préoccupée par le manque d’éléments de preuve corroborants. Le BSP avait préparé un mandat d’arrestation, mais Mme Lin a été incapable de produire un avis de détention ou un mandat de perquisition. Mme Lin a présenté une citation à comparaître, mais la Commission a conclu qu’il s’agissait probablement d’un faux. Elle a noté que les faux documents sont facilement obtenus en Chine; en effet, Mme Lin est venue au Canada à l’aide d’un faux passeport. De plus, la présence d’écriture sur le sceau de la citation à comparaître donnait à penser qu’elle avait été falsifiée. Enfin, Mme Lin n’a fourni aucune preuve au sujet de la source du document.

[7]               En ce qui a trait à la situation au Fujian, la Commission a examiné les preuves documentaires pertinentes. Elle a conclu que les catholiques sont persécutés dans certaines parties de la Chine, mais qu’il y avait peu de preuve à l’appui de la crainte de persécution de Mme Lin dans la province du Fujian. La Commission a cité une déclaration du président de la Cardinal Kung Foundation portant sur le fait que la province du Fujian est l’une des pires zones de persécution des catholiques, mais elle n’a trouvé aucune preuve documentaire à l’appui de cette opinion. La Commission a ensuite conclu que Mme Lin pourrait faire du prosélytisme dans la province du Fujian, tant qu’elle ne le faisait pas dans des lieux publics.

[8]               Par conséquent, la Commission a conclu que Mme Lin n’avait pas démontré une possibilité sérieuse qu’elle serait persécutée ou qu’elle subirait un mauvais traitement si elle retournait en Chine.

III.             La décision de la Commission était-elle déraisonnable?

[9]               Mme Lin soutient que la Commission a déraisonnablement rejeté ses explications pour le fait qu’elle n’a pas mentionné, lors de son arrivée au Canada, son arrestation par le BSP et le traitement qu’elle a subi par la suite. En fait, elle soutient qu’elle a déclaré à son arrivée qu’elle craignait d’être arrêtée pour des motifs religieux, ce qui concorde avec le fondement de sa demande d’asile.

[10]           Mme Lin soutient aussi que la façon dont la Commission a traité les éléments de preuve corroborants, et le manque de tels éléments, était déraisonnable. La Commission a supposé que, comme le BSP avait lancé un mandat d’arrestation, il aurait aussi fourni un avis de détention et un mandat de perquisition. Elle fait valoir qu’aucune preuve documentaire n’appuyait cette conclusion. De plus, elle soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle la citation à comparaître était un faux était fondée sur un mauvais raisonnement. Le fait que les faux documents sont facilement disponibles, et que Mme Lin avait été en mesure d’obtenir un faux passeport, ne signifie pas nécessairement que la citation à comparaître était frauduleuse. De plus, l’existence d’écriture par-dessus le sceau ne signifie pas nécessairement, à son avis, que le document n’est pas authentique.

[11]           En ce qui a trait à la situation dans la province du Fujian, Mme Lin soutient que le fait que la preuve documentaire ne décrit pas des exemples précis d’arrestation ou de détention de catholiques ne signifie pas qu’il n’y a pas de persécution. En fait, une partie de la preuve dont la Commission était saisie précisait que la persécution était courante dans la province du Fujian. Mme Lin conteste aussi la conclusion de la Commission selon laquelle elle pouvait faire du prosélytisme dans sa province. La preuve citée par la Commission montre que cet aspect de sa liberté religieuse est sérieusement limité.

[12]           Je ne peux pas souscrire aux observations de Mme Lin. À mon avis, les conclusions de la Commission étaient raisonnables.

[13]           En ce qui a trait à ses omissions à la frontière, la Commission a raisonnablement conclu que les explications de Mme Lin n’étaient pas adéquates. Il ne s’agit pas d’une situation où elle aurait simplement omis des détails, ou une situation où elle aurait eu des motifs authentiques de refuser de communiquer certains renseignements (voir Ratnavelu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 938, au paragraphe 8; Hamdar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 382, au paragraphe 48). Au contraire, en réponse à des questions directes, Mme Lin a omis de mentionner des événements au cœur de sa demande.

[14]           En ce qui a trait aux éléments de preuve corroborants, ou à un manque de tels éléments, la Commission était raisonnablement préoccupée par l’authenticité de la citation à comparaître, en particulier compte tenu de l’absence de preuve au sujet de sa source. Mme Lin a déclaré qu’un ami de la famille la lui avait envoyée par la poste, parce que son père craignait de correspondre avec elle. Pourtant, son père lui avait envoyé d’autres documents, ce qui met en doute ses explications. De plus, Mme Lin n’a pas pu fournir l’enveloppe dans laquelle la citation à comparaître avait été envoyée.

[15]           De plus, même si la Commission avait admis que la citation à comparaître fût authentique, Mme Lin n’a pas expliqué l’absence d’autres documents qui auraient pu être disponibles pour appuyer sa demande. Il semble que le BSP n’aurait pas émis un avis de détention, parce qu’elle n’a été détenue que quelques heures et qu’elle n’a pas été officiellement arrêtée. Cependant, la Commission a raisonnablement conclu que Mme Lin aurait probablement reçu un avis de perquisition.

[16]           La Commission a examiné attentivement la preuve documentaire portant sur la situation dans la province du Fujian. Elle a accepté que la preuve était partagée, mais elle a conclu que l’absence de rapports de persécution, y compris le fait qu’il n’y avait aucune mention d’une descente dans le groupe de prières de Mme Lin, signifiait probablement qu’il n’y avait pas une possibilité sérieuse de persécution dans cette province. La Commission a aussi relevé des preuves documentaires qui laissaient croire que Mme Lin pourrait faire du prosélytisme dans son cercle de famille et d’amis. Elle ne pourrait pas partager ses opinions religieuses en public; cependant, elle n’a pas exprimé le désir de le faire.

[17]           Compte tenu de cette preuve, je ne peux pas conclure que les conclusions de la Commission étaient déraisonnables.

IV.             Conclusion et dispositif

[18]           Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité et quant à la possibilité que Mme Lin subisse de la persécution religieuse dans la province du Fujian constituaient des issues justifiables fondées sur le droit et sur la preuve dont elle était saisie. Elles n’étaient pas déraisonnables. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre partie n’a proposé de questions de portée générale pour la certification et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1589-13

 

INTITULÉ :

JUAN LIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 SEPTEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 JANVIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Michael Korman

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Christopher Crighton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Otis & Korman

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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