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Date : 20150112


Dossier : IMM-3825-14

Référence : 2015 CF 38

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

VASANTHA BALASUNDARAM,

NIRMALAN BALASUNDARAM,

JAYANATH BALASUNDARAM

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR ou la Loi] à l’égard de la décision datée du 14 mars 2014 par laquelle une conseillère en immigration [l’agente] du haut‑commissariat du Canada au Colombo (Sri Lanka) [la Commission] a rejeté les demandes de visas de résidents permanents présentées par les demandeurs au titre de la catégorie du regroupement familial.

[2]               Les demandeurs sollicitent une ordonnance annulant la décision de l’agente et renvoyant l’affaire à un autre conseiller en immigration pour nouvelle décision.

[3]               La demande sera rejetée, et ce, pour les motifs qui suivent.

II.                Le contexte

[4]               Les demandeurs, Mme Vasantha Balasundaram [la demanderesse principale] est accompagnée de ses deux enfants adultes, M. Nirmalan Balasundaram (dont le statut est par la suite devenu celui d’un membre de la famille n’accompagnant pas la demanderesse) et M. Jayanath Balasundaram [le fils]. Ils sont tous des citoyens du Sri Lanka. En janvier 2009 ou vers cette date, ils ont présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie du regroupement familial; la demande était parrainée par M. Niranjan Balasundaram [le répondant].

[5]               En mai 2012, le fils a rempli l’annexe A du formulaire Contexte/Déclaration [l’annexe A], dans laquelle il a déclaré qu’il ne s’était jamais vu refuser un visa au Canada ou dans tout autre pays. Il a signé le formulaire, par lequel il déclarait que les renseignements qu’il avait donnés dans le formulaire étaient véridiques, complets et exacts.

[6]               La demanderesse principale a été avisée, par une lettre de la Commission datée du 22 novembre 2013, qu’un agent avait conclu que la demande était prête à être traitée pour décision définitive et qu’il demandait à ce que les demandeurs produisent un passeport original valide ou un document de voyage valide, ainsi que deux photos d’immigration pour la demanderesse principale et pour chaque membre de sa famille qui l’accompagne. Les demandeurs ont obtempéré à la demande.

[7]               En décembre 2013, le passeport du fils a été examiné et on a décelé un refus d’une demande de visa en Inde non déclarée en 2009 [le refus de visa]. La Commission a présenté une demande de partage de renseignements au haut‑commissariat indien, lequel a répondu en janvier 2014 en mentionnant qu’aucun renseignement à propos du refus de visa n’était accessible, parce que les dossiers avaient été supprimés.

[8]               Dans une lettre datée du 22 janvier 2014 [la lettre d’équité], la Commission a avisé la demanderesse principale qu’il semblait que des renseignements pertinents quant à un élément important de la demande n’étaient pas exacts, soit le fait que son fils s’était antérieurement vu refuser un visa de visiteur en Inde, et que cet élément n’était pas mentionné à l’annexe A. On leur a donné 30 jours pour fournir tout renseignement pertinent avant que la Commission rende une décision définitive quant à la demande.

[9]               Le répondant a communiqué avec M. Blank, un avocat canadien [l’avocat] en vue d’obtenir de l’assistance pour répondre à la lettre d’équité. Le 10 février 2014, l’avocat a envoyé une lettre à la Commission dans laquelle il fournissait des détails au sujet de la prétendue fausse déclaration [la réponse] et indiquait qu’il avait joint un formulaire Recours aux services d’un représentant (IMM 5476) avec ses observations, lequel était signé par le répondant [le formulaire du représentant]. L’agente a toutefois constaté qu’aucun formulaire n’accompagnait sa lettre. Dans la réponse, l’avocat a déclaré que les documents en question avaient été remplis par une tierce personne, et non par la demanderesse principale ou le fils, et qu’ils avaient été présentés aux demandeurs pour qu’ils la signent. Lorsque le fils a signé l’annexe A, il n’a pas [traduction« remarqué exactement quelles cases étaient cochées et lesquelles ne l’étaient pas », mais il s’agissait d’une erreur non intentionnelle. La réponse faisait aussi état du fait qu’il n’y avait pas eu d’entrevue au cours de laquelle le fils aurait pu produire une réponse à l’égard des préoccupations de la Commission.

[10]           La réponse de l’avocat contenait aussi des citations tirées de la décision Koo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 931, [2009] 3 RCS 446 [Koo], dans laquelle il était conclu que des renseignements, qui étaient pertinents et à l’égard desquels il y avait eu des erreurs d’inattention dans le formulaire, n’étaient pas importants dans l’affaire en question.

III.             La décision contestée

[11]           La demande de résidence permanente a été rejetée le 14 mars 2014.

[12]           L’agente a relevé que le fils avait rempli l’annexe A en mai 2012, dans laquelle il déclarait qu’il ne s’était jamais vu refuser un visa au Canada ou dans tout autre pays, et que les renseignements contenus dans la demande étaient véridiques, complets et exacts. Cependant, après vérification du passeport du fils, le refus de lui accorder un visa est venu à l’attention de la Commission et la lettre d’équité a été envoyée aux demandeurs, pour leur donner la possibilité de traiter de cette question.

[13]           L’agente a accusé réception de la réponse et elle a remarqué que celle‑ci était censée comprendre un formulaire du représentant signé par le répondant. Cependant, l’agente n’a pas tenu compte de ces observations, parce qu’aucun formulaire n’était joint à la réponse; l’avocat aurait su que sa représentation du répondant ne signifiait pas automatiquement qu’il représente les demandeurs, et que les demandeurs eux‑mêmes n’ont déclaré nulle part que l’avocat allait les représenter pour les besoins de leur demande.

[14]           L’agente a ensuite abordé la question de l’erreur commise par le fils dans l’annexe A du formulaire :

[traduction]

Votre fils Jayanath avait environ 22 ans au moment où il a rempli les formulaires de la demande; il s’est présenté à son examen de niveau avancé en 2010. Par conséquent, je crois qu’il a un degré d’instruction raisonnable. Il a signé, dans sa demande, une déclaration selon laquelle sa demande est véridique et complète. Ce n’est pas le cas. Je juge qu’il est difficile de croire qu’il aurait oublié le fait qu’il s’était vu refuser un visa en Inde. Je conclus qu’il est probable qu’il ait fait une présentation erronée sur un fait important.

[Non souligné dans l’original.]

[15]           L’agente a ensuite mentionné que les antécédents du fils en matière d’immigration étaient un élément important, parce que [traduction« cela fait en sorte qu’il est nécessaire d’examiner les circonstances du refus ». Selon l’agente, la fausse déclaration, ou la non‑déclaration, des antécédents en matière d’immigration entraînaient ou risquaient d’entraîner des erreurs dans le traitement de la demande, lesquelles auraient pu conduire à une décision erronée. Davantage de détails ont été apportés dans une entrée effectuée au Système mondial de gestion des cas [SMGC] datée du 19 février 2014 :

[traduction]

Le fils né en 1990 a déclaré dans son annexe A qu’il ne s’était jamais vu refuser un visa dans quelque pays. On avait refusé de lui accorder un visa en Inde. Un tel refus est important, et ce, à plusieurs égards. Une déclaration exacte lance l’examen nécessaire quant aux circonstances (intention, motif du refus, etc.), lesquelles peuvent entraîner des préoccupations en matière d’admissibilité. D’un point de vue général, il est rare qu’un Sri Lankais se voit refuser un visa en Inde, surtout lors des mois qui précédaient la fin de la guerre civile. Cependant, il était aussi fréquent, dans ces années‑là, que les personnes au Sri Lanka qui avaient quelque chose à craindre de la fin de la guerre civile quittaient le pays en direction de l’Inde. Bien qu’il puisse n’y avoir aucune préoccupation concernant le refus d’octroyer le visa en question, le demandeur ne nous a pas donné l’occasion d’examiner la situation, et il s’ensuit qu’une erreur aurait pu avoir lieu quant à la décision relative à son admissibilité.

[Non souligné dans l’original.]

[16]           L’agente a conclu qu’elle n’était pas convaincue que les demandeurs n’étaient pas interdits de territoire, et puisqu’il s’agit d’une condition préalable à la délivrance du visa, la demande devait être rejetée (LIPR, au paragraphe 11(1)). L’agente a aussi signalé que le fils serait interdit de territoire au Canada pour une période de deux ans à compter de la date de la lettre de l’agente (LIPR, alinéa 40(2)a)) et que le répondant ne pouvait pas interjeter appel de la décision (LIPR, au paragraphe 64(3)).

IV.             Les dispositions législatives et réglementaires

[17]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visas et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

[…]

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

[…]

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1):

a) l’interdiction de territoire court pour les deux ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

[...]

64. (3) N’est pas susceptible d’appel au titre du paragraphe 63(1) le refus fondé sur l’interdiction de territoire pour fausses déclarations, sauf si l’étranger en cause est l’époux ou le conjoint de fait du répondant ou son enfant.

[…]

91. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, commet une infraction quiconque sciemment, de façon directe ou indirecte, représente ou conseille une personne, moyennant rétribution, relativement à une demande ou à une instance prévue par la présente loi, ou offre de le faire.

(2) Sont soustraites à l’application du paragraphe (1) les personnes suivantes :

a) les avocats qui sont membres en règle du barreau d’une province et les notaires qui sont membres en règle de la Chambre des notaires du Québec;

b) les autres membres en règle du barreau d’une province ou de la Chambre des notaires du Québec, notamment les parajuristes;

c) les membres en règle d’un organisme désigné en vertu du paragraphe (5).

[…]

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

[…]

40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

[…]

(2) The following provisions govern subsection (1):

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of two years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

[…]

64. (3) No appeal may be made under subsection 63(1) in respect of a decision that was based on a finding of inadmissibility on the ground of misrepresentation, unless the foreign national in question is the sponsor’s spouse, common-law partner or child.

[…]

91. (1) Subject to this section, no person shall knowingly, directly or indirectly, represent or advise a person for consideration — or offer to do so — in connection with a proceeding or application under this Act.

(2) A person does not contravene subsection (1) if they are

(a) a lawyer who is a member in good standing of a law society of a province or a notary who is a member in good standing of the Chambre des notaires du Québec;

(b) any other member in good standing of a law society of a province or the Chambre des notaires du Québec, including a paralegal; or

(c) a member in good standing of a body designated under subsection (5).

[…]

[18]           Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement] sont applicables en l’espèce :

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

10. (2) La demande comporte, sauf disposition contraire du présent règlement, les éléments suivants :

[…]

c.1) si le demandeur est représenté relativement à la demande, le nom, l’adresse postale, le numéro de téléphone et, le cas échéant, le numéro de télécopieur et l’adresse électronique de toute personne ou entité — ou de toute personne agissant en son nom — qui le représente;

c.2) si le demandeur est représenté, moyennant rétribution, relativement à la demande par une personne visée à l’un des alinéas 91(2)a) à c) de la Loi, le nom de l’organisme dont elle est membre et le numéro de membre de celle-ci;

c.3) si le demandeur a été conseillé, moyennant rétribution, relativement à la demande par une personne visée à l’un des alinéas 91(2)a) à c) de la Loi, les renseignements prévus aux alinéas c.1) et c.2) à l’égard de cette personne;

c.4) si le demandeur a été conseillé, moyennant rétribution, relativement à la demande par une entité visée au paragraphe 91(4) de la Loi — ou une personne agissant en son nom —, les renseignements prévus à l’alinéa c.1) à l’égard de cette entité ou personne.

d) une déclaration attestant que les renseignements fournis sont exacts et complets.

[…]

12. Sous réserve de l’article 140.4, si les exigences prévues aux articles 10 et 11 ne sont pas remplies, la demande et tous les documents fournis à l’appui de celle-ci sont retournés au demandeur.

[…]

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

10. (2) The application shall, unless otherwise provided by these Regulations,

[…]

(c.1) if the applicant is represented in connection with the application, include the name, postal address and telephone number, and fax number and electronic mail address, if any, of any person or entity — or a person acting on its behalf — representing the applicant;

(c.2) if the applicant is represented, for consideration in connection with the application, by a person referred to in any of paragraphs 91(2)(a) to (c) of the Act, include the name of the body of which the person is a member and their membership identification number;

(c.3) if the applicant has been advised, for consideration in connection with the application, by a person referred to in any of paragraphs 91(2)(a) to (c) of the Act, include the information referred to in paragraphs (c.1) and (c.2) with respect to that person;

(c.4) if the applicant has been advised, for consideration in connection with the application, by an entity — or a person acting on its behalf — referred to in subsection 91(4) of the Act, include the information referred to in paragraph (c.1) with respect to that entity or person; and

(d) include a declaration that the information provided is complete and accurate.

[…]

12. Subject to section 140.4, if the requirements of sections 10 and 11 are not met, the application and all documents submitted in support of it shall be returned to the applicant.

[…]

[19]           Les parties suivantes du guide opérationnel IP-9 Recours aux services d’un représentant rémunéré ou non rémunéré de Citoyenneté et Immigration Canada [le Guide opérationnel] s’applique en l’espèce :

3.1 Formulaires requis

Le formulaire intitulé « Recours aux services d’un représentant » (IMM 5476) doit accompagner la demande d’immigration si le demandeur a eu recours aux services d’un représentant pour l’aider à préparer sa demande ou si le demandeur souhaite nommer un représentant pour mener des activités en son nom auprès de CIC ou de l’ASFC.

Toute l’information demandée par l’entremise du formulaire IMM 5476 doit être fournie, sauf si la question précise « s’il y a lieu » ou « si vous le connaissez ». Si l’une des informations demandées n’est pas fournie, CIC a le pouvoir de retourner la demande (voir la Section 7.2) avec une lettre énonçant les raisons de ce retour (voir l’Appendice D). Le formulaire est dûment rempli quand il est signé et daté par le demandeur et le représentant.

[…]

7.2 Traitement des demandes reçues après le 28 octobre 2011

[…]

Demande complète – [R10(2)]

Tous les demandeurs ayant recours aux services d’un représentant, qu’il soit rémunéré ou non, doivent soumettre le formulaire Recours aux services d’un représentant (IMM 5476) dûment rempli.

L’article 10 du Règlement définit ce qu’est une demande complète. Si la demande contient tous les renseignements exigés conformément au R10, elle doit être traitée.

Le R10(2)c.1), le R10(2)c.2), le R10(2)c.3 et le R10(2)c.4 énoncent que des renseignements détaillés doivent être fournis au sujet du représentant, le cas échéant. La demande est jugée complète si le nom, l’adresse postale, le numéro de téléphone et, s’il y a lieu, le numéro de télécopieur et l’adresse de courriel du représentant sont fournis. Le formulaire doit être signé, tant par le demandeur que par le représentant. Si tous les renseignements ne sont pas fournis, la demande sera retournée conformément au R12

[…]

Retourner la demande

Chaque demande présentée à l’aide d’un représentant non autorisé doit être retournée, afin de rappeler au représentant et à son client que le gouvernement ne traite qu’avec des représentants autorisés quand ces derniers sont rémunérés. Il est nécessaire de diffuser uniformément ce message afin de renforcer notre Règlement modifié et de protéger davantage les clients vulnérables.

IMM 5476 incomplet : Si le formulaire IMM 5476 ne contient pas tous les renseignements requis en vertu du R10(2), la demande entière, la lettre concernant une demande incomplète (voir exemple de lettre à l’appendice D) et tous les frais doivent être retournés, ainsi que tous les documents qui pourraient être envoyés par la suite …

[Non souligné dans l’original.]

V.                Les questions en litige

[20]           La présente demande soulève les questions en litige suivantes :

  1. L’agente a‑t‑elle commis une erreur en omettant de tenir compte de la lettre envoyée par l’avocat qui contenait des observations en réponse à la lettre d’équité?

2.      L’agente a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs étaient interdits de territoire aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi en raison de leurs présentations erronées sur un fait important qui risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi?

VI.             La norme de contrôle applicable

[21]           Il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse complète quant à la norme de contrôle dans les cas où la norme de contrôle applicable est déjà bien établie par la jurisprudence (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 62).

[22]           En ce qui a trait à la question relative à l’équité procédurale soulevée en l’espèce, soit celle se rapportant à la manière avec laquelle l’agente a traité la réponse de l’avocat, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 RCS 502, au paragraphe 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43).

[23]           Les décisions concernant l’interdiction de territoire pour fausse déclaration ont trait à des questions mixtes de fait et de droit, lesquelles sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Sidhu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 419, au paragraphe 11; Koo, précitée).

VII.          Analyse

A.                L’agente a‑t‑elle commis une erreur en omettant de tenir compte de la lettre envoyée par l’avocat qui contenait des observations à la réponse à la lettre d’équité?

[24]           Les demandeurs soutiennent que l’agente a commis une erreur en ne tenant pas compte de la réponse, parce que l’avocat y avait clairement indiqué que les demandeurs avaient l’intention de produire une réponse à la lettre d’équité ainsi qu’une explication pour dissiper les préoccupations de l’agente. L’agente a conclu que, pour que la réponse soit prise en compte, celle‑ci devait contenir un Formulaire du représentant dûment signé par les demandeurs. Cependant, une telle exigence est uniquement prévue dans le guide opérationnel, un document de politique, mais nulle part dans la Loi ou le Règlement. La réponse était conforme aux dispositions législatives, du fait qu’elle contenait des détails de l’avocat, et il ne faisait aucun doute qu’il répondait à la lettre d’équité procédurale. Les demandeurs soutiennent qu’il n’est pas contesté que l’avocat avait été retenu pour les besoins de produire une réponse à l’égard des préoccupations de l’agente, ou qu’il avait produit des renseignements importants qui auraient dû être pris en compte. Subsidiairement, les demandeurs soutiennent que l’agente a manqué à son devoir d’agir équitablement en omettant de les aviser que la réponse ne serait pas prise en compte et qu’il serait déraisonnable pour elle de rejeter la demande, plutôt que d’aviser les demandeurs, ou leur l’avocat, qu’un formulaire du représentant dûment signé par les demandeurs aurait dû être produit, compte tenu du fait qu’il s’agissait d’une décision définitive.

[25]           Le défendeur soutient qu’il est [traduction« entièrement raisonnable de la part de CIC d’exiger des demandeurs eux-mêmes une certaine indication que l’avocat les représente ». Le fardeau de la preuve était sur les épaules des demandeurs et ils n’avaient pas un droit d’exiger un compte rendu de l’état de leur demande, de sorte que l’agente n’avait pas l’obligation de leur donner un avis quant au problème du formulaire de représentant. Subsidiairement, si la Cour devait conclure que l’absence d’avis constituait un manquement à l’équité procédurale, le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer en quoi la décision ultimement rendue aurait été différente si l’agente avait tenu compte de la réponse, parce que la lettre ne contient aucune observation à propos de la raison pour laquelle le refus d’accorder le visa n’était pas important dans le cas des demandeurs.

[26]           Je conviens avec les demandeurs que le refus de l’agente d’aviser leur avocat que le formulaire du représentant n’avait pas été joint et qu’un formulaire de même nature dûment signé par les demandeurs aurait aussi été nécessaire constituait un manquement à la justice naturelle. D’un autre côté, je souscris aussi à l’argument du défendeur selon lequel l’omission de tenir compte de la réponse du répondant et de l’avocat des demandeurs n’aurait eu aucune incidence sur la décision, de quelque manière que ce soit.

[27]           Je reconnais que la Loi ou le Règlement ne semble pas contenir de dispositions exigeant la présentation d’un formulaire du représentant dans un cas où une partie retient les services d’un représentant. Néanmoins, il convient de souligner que les demandes que CIC formule aux demandeurs d’asile n’ont pas toutes à être prescrites par une disposition législative ou réglementaire. CIC peut adopter des pratiques générales normalement suivies par les organisations dans le déroulement de leurs activités quotidiennes. L’exigence selon laquelle il doit exister une certaine forme de mandat officiel signé par une personne, par laquelle elle permet à une autre personne de représenter ses intérêts, est une pratique préventive normale qui est nécessaire pour protéger l’organisme à l’encontre d’allégations subséquentes selon lesquelles le représentant n’était pas autorisé à représenter le prétendu mandant. Puisqu’un tel formulaire n’avait pas été produit, CIC avait le droit de refuser de tenir compte des observations du représentant.

[28]           Malgré le fait que CIC a le droit d’exiger à un prétendu représentant de produire un formulaire de représentation dûment signé, je conclus que le délégué de CIC, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et dans les circonstances particulières relatives à l’exigence de produire une lettre d’équité, peut devoir prendre des mesures supplémentaires et permettre que des observations soient formulées, s’il est évident que la non-réception du formulaire s’explique par une certaine omission ou un malentendu de bonne foi. Il s’ensuit que, lorsqu’il s’acquitte de son obligation d’agir équitablement dans la réception d’observations de demandeurs d’asile, et lorsqu’exposé à des situations de la nature d’une pièce jointe manquante ou encore d’un malentendu quant aux personnes visées par un formulaire de représentant, et lorsque l’exigence administrative est de nature mineure, l’agent devrait accorder aux demandeurs d’asile l’occasion de corriger l’erreur ou l’omission quant à la forme afin d’obtenir leurs observations.

[29]           La raisonnabilité dans le processus décisionnel administratif comprend l’équité, en jouant un rôle dans l’amélioration de l’exactitude, de la fiabilité et de la légitimité des décisions. Il a été conclu que, si des personnes touchées par les décisions n’ont pas la possibilité de participer au processus décisionnel, la décision risque davantage de contenir des lacunes (c.‑à‑d. être inexactes, non fiables ou non légitimes). De cette perspective, l’agente aurait dû comprendre qu’il était dans son intérêt supérieur de s’acquitter de ses fonctions et d’entendre ce que les demandeurs avaient à dire, pour qu’elle puisse bonifier le bienfondé et la légitimité de sa décision dans une situation où les erreurs ou omissions étaient manifestement mineures.

[30]           L’équité que nécessite la raisonnabilité repose aussi sur les attentes. Des normes de conduite sont élaborées et on s’attend à ce que les personnes se fondent sur elles. L’une de ces normes qui s’applique en temps normal est celle selon laquelle les erreurs ou omissions évidentes ne seront pas automatiquement fatales et peuvent être corrigées. Par exemple, l’omission d’inclure une pièce jointe à un courriel soulève l’attente que le destinataire du courriel avise l’expéditeur de son erreur. Dans la même veine, lorsque les intérêts du répondant et du demandeur sont les mêmes sur le fond, l’agente devrait chercher à corriger le malentendu de bonne foi, à moins que cela ne nécessite la prise de mesures administratives complexes. Dans ce cas‑ci, l’agente aurait dû aviser les demandeurs à propos de la pièce jointe manquante et chercher à préciser la confusion quant au mandat, laquelle découlait du fait que le répondant avait signé le formulaire du représentant.

[31]           Par conséquent, si le refus de l’agente de tenir compte des observations de l’avocat du répondant en raison des omissions de forme décrites ci‑dessus était déterminant, j’aurais annulé la décision et ordonné qu’elle fasse l’objet d’un réexamen par un autre agent. Cependant, je conclus que les observations de l’avocat du répondant n’auraient eu une incidence, de quelque manière que ce soit, sur la décision qu’a ultimement rendue l’agente, et ce, pour les motifs exposés ci‑dessous.

B.                 L’agente a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs avaient effectué une présentation erronée et qu’ils étaient donc interdits de territoire aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi?

[32]           Les parties conviennent que deux facteurs sont nécessaires pour qu’une déclaration d’interdiction de territoire soit prononcée aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi : le demandeur doit faire de fausses déclarations, et ces fausses déclarations doivent être importantes, en ce sens qu’elles risquent d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi (Bellido c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 452, 138 ACWS (3d) 728, au paragraphe 28 [Bellido]).

[33]           Les demandeurs soutiennent que la conclusion de l’agente en ce qui concerne la fausse déclaration est déraisonnable, compte tenu de la preuve dont elle disposait et de sa propre enquête en ce qui concerne les motifs à l’appui du refus d’octroyer le visa. Ils prétendent qu’un étranger qui cherche à entrer au Canada a une obligation de franchise quant à la communication de faits importants (Haque c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 315, au paragraphe 13 [Haque]); mais que cet étranger ne sera pas interdit de territoire s’il peut démontrer qu’il croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne dissimulait pas des faits importants (Bickin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2000, 209 FTR 14, 104 ACWS (3d) 743; Medel c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 CF 345; Baro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1299, 163 ACWS (3d) 109), au paragraphe 15.

[34]           Néanmoins, il s’ensuit que les fausses déclarations d’un demandeur ne doivent pas être attribuables à son insouciance ou à sa négligence (voir Bellido, précitée). Dans la décision Haque, précitée, la Cour cite la décision Cao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 450, 367 FTR 153, dont les faits sous‑jacents étaient très similaires à ceux en l’espèce. Elle a mentionné ce qui suit au paragraphe 15 :

[15]      M. Haque a tenté de faire porter le blâme à son consultant, qui aurait mal remplit la demande, mais il a signé cette demande, et il ne peut être libéré de sa responsabilité personnelle de veiller à ce que les renseignements fournis soient exacts et complets. Le juge Mainville a succinctement exprimé ce principe au paragraphe 31 de la décision Cao, précitée :

La demanderesse principale a signé sa demande de résidence temporaire et elle doit donc être tenue personnellement responsable des renseignements qui y sont fournis. C’est aussi simple que cela.

[35]           Les demandeurs ont renvoyé à la décision récente rendue dans l’affaire Karunaratna c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 421, 25 Imm LR (4th) 313, dans laquelle la Cour a annulé la décision d’un agent qui avait rejeté la demande de résidence permanente présentée par des époux en raison de présentations erronées importantes, du fait qu’ils ont omis de faire mention d’un refus antérieur de leur accorder des visas temporaires. Cependant, les faits dans cette affaire peuvent aisément être distingués de ceux de l’espèce, dans la mesure où il régnait une confusion considérable relativement à leurs demandes antérieures et à la mise à jour de celles-ci. De plus, le fait que les demandeurs s’étaient vus refuser des visas temporaires par le passé avait déjà été décrit dans d’autres documents figurant dans les dossiers de l’agent, ce qui démontrait que les demandeurs n’avaient pas une intention réelle de dissimuler le fait. De plus, la Cour a aussi déclaré qu’il ne s’agissait pas là de renseignements importants, ce qui semble avoir été un facteur dans la décision globale en ce qui a trait aux visas et aux autres renseignements datés quant à l’emploi.

[36]           Je conclus que le fils a fait une fausse déclaration lorsqu’il a omis d’indiquer, dans sa déclaration d’antécédents, qu’il s’était vu refuser un visa. Le refus de l’agente de tenir compte des observations formulées par l’avocat de la demanderesse, ou toute analyse effectuée par l’agente, n’a aucune incidence quant à cette décision. Elle découle de l’application de la jurisprudence aux faits.

[37]           La deuxième question à trancher est celle de savoir si la fausse déclaration visait un objet important. L’alinéa 40(1)a) de la LIPR prévoit qu’un étranger sera interdit de territoire s’il, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou s’il exprime une réticence sur ce fait, qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Une fausse déclaration sera importante si elle est assez importante pour avoir une incidence sur le processus. De plus, il n’est pas nécessaire qu’une fausse déclaration entraîne bel et bien une erreur; le risque qu’elle en entraîne une est suffisant (Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971, 439 FTR 210, aux paragraphes 36 et 37 [Goburdhun]; Haque, précitée, au paragraphe 11; Mai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 101, 383 FTR 139, au paragraphe 18; Nazim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 471, 344 FTR 272).

[38]           Les demandeurs soutiennent qu’avant que la fausse déclaration ne soit décelée, il n’y avait aucun doute quant à leur admissibilité selon les vérifications approfondies effectuées en matière médicale, criminelle et de sécurité qui avaient déjà été effectuées au Sri Lanka. Cependant, l’obtention d’une autorisation de sécurité dans un pays n’enlève pas le droit à l’agente de faire enquête quant à la question de savoir pourquoi le fils s’était vu refuser l’entrée en Inde. Comme il a été décrit dans les notes consignées au SMGC, il était plutôt inhabituel qu’un Sri lankais se voit refuser un visa en Inde, surtout lors des mois précédant la fin de la guerre civile. Je conclus que cela donnait lieu à une préoccupation raisonnable à l’égard de laquelle l’agente pouvait prendre les mesures qui s’imposaient.

[39]           Les demandeurs soutiennent aussi qu’ils ne comprennent pas exactement quels renseignements auraient pu être obtenus par CIC ou à l’égard de quels renseignements cette dernière aurait pu faire enquête, compte tenu du fait que les autorités indiennes n’avaient plus aucun dossier à propos du refus d’accorder le visa. Ils prétendent que tout ce que l’organisme aurait pu apprendre était les motifs personnels du fils pour demander un visa indien, ce qui n’est pas pertinent quant à son admissibilité au Canada et n’est, par conséquent, pas un fait important. Avec égards, la destruction des documents que l’agente souhaitait consulter ne peut pas être invoquée à l’appui des observations des demandeurs dans une situation où un délai de 18 mois a eu lieu entre la fausse déclaration et le moment où celle‑ci a été portée à l’attention de l’agente. Ces circonstances décrivent plutôt le préjudice qui découle de l’omission de donner des réponses exactes sur un formulaire de demande, du fait que cela retarde l’enquête de l’agente, et appuient la conclusion selon laquelle la fausse déclaration visait un objet important.

[40]           Je rejette aussi les observations supplémentaires des demandeurs selon lesquelles les fausses déclarations n’ont pas empêché l’agente [traduction« d’entreprendre les procédures appropriées qui auraient normalement été prises », parce que l’agente a pu effectuer les enquêtes nécessaires après la vérification de passeport. Cet argument est sans fondement. La procédure appropriée nécessitait d’apprendre des autorités indiennes pourquoi le fils s’était vu refuser un visa dans une situation ou de tels refus étaient notoirement rares.

[41]           Je conviens aussi avec le défendeur que les motifs de l’agente n’étaient pas centrés sur la raison pour laquelle le visa avait été refusé, mais plutôt sur le fait que CIC n’avait pas eu l’occasion d’examiner un fait important (les antécédents d’immigration du fils) et que cela risquait d’entraîner une erreur quant à la question de l’admissibilité. Comme il a été mentionné dans la décision Goburdhun, précitée, au paragraphe 42 : «  si l’agent s’était fié uniquement à la demande qui ne faisait pas état d’un refus de visa antérieur, une erreur dans l’application de la LIPR aurait été commise puisque l’agent aurait délivré un visa au demandeur ».

VIII.       Conclusion

[42]           Compte tenu des circonstances, la demande doit être rejetée.

[43]           La demanderessse a proposé la question suivante à des fins de certification :

  1. Un agent peut‑il refuser de tenir compte d’observations formulées par un avocat en raison de l’absence d’un formulaire du représentant, dans la mesure où l’avocat affirme que ses services ont été retenus par un demandeur?

[44]           Compte tenu de mes motifs, je ne certifie pas la question, car elle ne permettrait pas de trancher l’appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3825-14

 

INTITULÉ :

VASANTHA BALASUNDARAM et al c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE:

LE 2 DÉcembRe 2014

 

DATE DU jugEment ET DES MOTIFS :

LE JUGE Annis

 

DATE :

LE 12 JANVIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Clarisa Waldman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Leila Jawando

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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