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Date : 20150113


Dossier : T‑917‑13

Référence : 2015 CF 47

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 13 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

ALIMENTS SOFINA INC., JANES FAMILY FOODS LTD. et LILYDALE INC.

demanderesses

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Le contexte et les faits

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par le ministre du Commerce international (le ministre) concernant l’autorisation d’importer des poulets et des produits du poulet au Canada. En application d’accords internationaux, le Canada permet chaque année l’importation d’une certaine quantité de poulet, à savoir 7,5 p. cent de la production intérieure de l’année précédente. Une fois cette quantité atteinte, l’importation de poulet est assujettie à des tarifs douaniers prohibitifs. Chaque année, le contingent d’importation de poulet est réparti entre les différents acteurs du marché. La décision contestée en l’espèce porte sur les demandes d’autorisation d’importation présentées en 2013 par deux des demanderesses, Lilydale Inc. (Lilydale) et Janes Family Foods Ltd. (Janes). En 2012, de même qu’au cours des années précédentes, chacune d’elles avait été autorisée à importer une certaine quantité de poulet. Suivant le Règlement sur les autorisations d’importation, DORS/95‑36, pris sous le régime de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, LRC 1985, c E‑19 (la LLEI), les décisions relatives à ces autorisations sont du ressort du ministre, par l’entremise du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (le MAECI).

[2]               En 2010, la troisième demanderesse, Aliments Sofina Inc. (Sofina), a acquis Lilydale. Plus tard, en mars 2012, le ministre a appris que Sofina avait l’intention d’acquérir Janes. Par suite d’une telle acquisition, Lilydale et Janes appartiendraient au même propriétaire. Sofina/Lilydale et Janes ont demandé si leurs autorisations respectives risquaient d’être modifiées par suite de l’acquisition projetée. Le MAECI leur a répondu que, selon l’information qu’il avait reçue, Lilydale et Janes seraient considérées comme des sociétés liées, de sorte qu’elles n’auraient désormais droit qu’à une seule autorisation d’importation, au lieu des deux autorisations distinctes antérieurement délivrées.

[3]               En ce qui concerne cette question, il est utile de mentionner l’Avis aux importateurs – Poulet et produits du poulet (Articles 96 à 104 de la Liste des marchandises d’importation contrôlée), no de série 815 (l’Avis no 815), qui vise l’année civile 2013 et a remplacé un autre avis au libellé identique portant le no de série 792 (l’Avis no 792), lequel visait l’année 2012. Le paragraphe 4.10 de l’Avis no 815 prévoit que les requérants ne sont admissibles qu’à une seule allocation, et le paragraphe 10.1, que « lorsque deux requérants ou plus constituent des entités liées, ils n’auront habituellement droit qu’à une seule allocation ». On emploie parfois le terme « politique sur les personnes liées » pour désigner cette politique consistant à n’accorder qu’une seule autorisation d’importation aux requérants liés.

[4]               En dépit de la réponse reçue du MAECI, Sofina a procédé à l’acquisition de Janes. Elle a aussi informé le MAECI qu’elle contestait l’idée qu’il faille retirer l’une des autorisations d’importation de ses sociétés et demandé à être entendue sur cette question. Le 17 avril 2012, des représentants de Sofina et du MAECI se sont rencontrés au sujet des questions de savoir si la politique sur les personnes liées devait s’appliquer ou s’il y avait lieu de recourir à l’exception qui se dégage implicitement du mot « habituellement » employé au paragraphe 10.1 de l’Avis no 215.

[5]               Bien qu’aucune modification n’ait été apportée aux deux autorisations d’importation déjà délivrées aux demanderesses pour 2012, le ministre a décidé, à la suite d’une recommandation du MAECI, [traduction« de confirmer la décision communiquée antérieurement, à savoir de ne pas permettre à Sofina de demander plus qu’une autorisation d’importation » à compter de 2013. Le MAECI a communiqué cette décision à Sofina dans une lettre datée du 1er novembre 2012 (la première décision). Les motifs de la première décision ont été fournis dans une seconde lettre qui porte la date du 8 novembre 2012 et dit essentiellement ceci :

[traduction] De façon générale, il vous faut savoir que l’un des objectifs de la politique d’attribution est de procéder à la répartition la plus large possible du contingent. Cette manière de faire a notamment pour effet de compenser la concentration grandissante du marché intérieur; elle endigue en partie la création de rentes d’oligopole et, dans une certaine mesure, atténue les effets des comportements qui nuisent à la concurrence. La politique sur les personnes liées – qui veut que lorsque deux ou plus de deux requérants constituent des entités liées ou associées, ils n’auront habituellement droit qu’à une seule autorisation d’importation – est l’un des principaux outils permettant de maintenir l’accessibilité la plus large possible au contingent tarifaire de poulet.

[6]               Le 14 décembre 2012, les avocats des demanderesses ont demandé le réexamen de la première décision ainsi qu’une rencontre entre les parties en vue de discuter de solutions de rechange. La rencontre demandée a eu lieu le 16 janvier 2013. À cette occasion, le MAECI a précisé qu’un réexamen de la première décision était possible si de nouveaux renseignements étaient présentés. Le 25 février 2013, les avocats des demanderesses ont remis au MAECI une lettre de treize pages dans laquelle étaient exposés d’autres faits et observations à l’appui de la demande d’autorisations distinctes pour Lilydale et pour Janes.

[7]               Après avoir pris connaissance de la lettre du 25 février 2013, le MAECI a conclu que rien ne justifiait de demander au ministre de réexaminer la première décision; en effet, les demanderesses n’avaient pas présenté d’arguments suffisamment convaincants pour inciter le MAECI à modifier sa recommandation au ministre. Le MAECI a rédigé une note d’information (à laquelle a été jointe la lettre de treize pages des demanderesses) dans laquelle il faisait savoir au ministre son intention d’informer les avocats des demanderesses que les faits et les arguments présentés dans la lettre [traduction« soit ne sont pas nouveaux, soit ne sont pas des facteurs justifiant un réexamen ». Le ministre a approuvé la note et une lettre à cet effet a été envoyée le 23 avril 2013 (la deuxième décision).

[8]               La présente demande de contrôle judiciaire a été introduite au moyen d’un avis de demande déposé le 23 mai 2013 à l’égard de :

[traduction] [...] la décision du [MAECI], datée du 23 avril 2013, (la « deuxième décision ») par laquelle le MAECI a refusé de permettre [au ministre] de réexaminer son précédent refus de maintenir les contingents tarifaires de poulet attribués jusqu’ici à [Janes] et [Lilydale] après que ces deux sociétés furent devenues affiliées (la « première décision »); et la question de l’administration et de la gestion par le MAECI des contingents tarifaires attribués aux sociétés affiliées.

[9]               Les demanderesses contestent par conséquent clairement la deuxième décision. Elles sollicitent également le contrôle de la première décision dans le cadre du réexamen de la deuxième décision, de même que l’annulation de ces deux décisions et le renvoi du dossier au ministre pour qu’il rende une nouvelle décision en prenant en compte les facteurs prévus par règlement, notamment « les répercussions possibles de la délivrance [...] de l’autorisation d’importation sur le secteur agro‑industriel canadien visé ».

II.                Les questions en litige

[10]           Les demanderesses soulèvent essentiellement les quatre questions suivantes :

1.      Le raisonnement exposé dans la première décision est‑il étayé par les faits ou l’analyse? En particulier, les demanderesses semblent s’inquiéter du fait qu’on a conclu dans la première décision que la politique sur les personnes liées devrait s’appliquer sans chercher à savoir si le fait que Janes et Lilydale détiennent leurs propres quotas aurait des répercussions sur le marché canadien du poulet.

2.      Pour rendre sa décision, le ministre a‑t‑il omis de tenir compte d’un facteur pertinent, soit essentiellement « les répercussions possibles de la délivrance [...] de l’autorisation d’importation sur le secteur agro‑industriel canadien visé »?

3.      Le ministre a‑t‑il fait entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en appliquant la politique sur les personnes liées?

4.      Le MAECI a‑t‑il manqué à l’obligation d’équité qu’il avait envers les demanderesses en ne transmettant pas au ministre leur demande de réexamen de la première décision?

[11]           Pour sa part, le défendeur soutient qu’il y a lieu de faire une distinction importante entre la première décision et la deuxième décision et que la Cour n’a été régulièrement saisie que de la deuxième décision dans le cadre de la présente demande. Le défendeur fait essentiellement valoir que la véritable question est de savoir s’il faut annuler la décision de ne pas réexaminer la première décision et que le fond de la première décision (de ne pas admettre d’exception à la politique sur les personnes liées) ne fait pas l’objet du débat, si bien que la dernière question qui se pose est la suivante :

5.      La première décision est‑elle dûment en litige?

III.             Contexte légal, réglementaire et politique

[12]           Les alinéas 5(1)a) et e) de la LLEI prévoient ce qui suit :

Liste des marchandises d’importation contrôlée

Import control list of goods

5. (1) Le gouverneur en conseil peut dresser la liste des marchandises d’importation contrôlée comprenant les articles dont, à son avis, il est nécessaire de contrôler l’importation pour l’une des fins suivantes :

5. (1) The Governor in Council may establish a list of goods, to be called an Import Control List, including therein any article the import of which the Governor in Council deems it necessary to control for any of the following purposes:

a) assurer, selon les besoins du Canada, le meilleur approvisionnement et la meilleure distribution possibles d’un article rare sur les marchés mondiaux ou canadien ou soumis à des régies gouvernementales dans les pays d’origine ou à une répartition par accord intergouvernemental;

(a) to ensure, in accordance with the needs of Canada, the best possible supply and distribution of an article that is scarce in world markets or in Canada or is subject to governmental controls in the countries of origin or to allocation by intergovernmental arrangement;

[...]

[...]

e) mettre en œuvre un accord ou un engagement intergouvernemental;

(e) to implement an intergovernmental arrangement or commitment; [...]

[13]           Le poulet figure dans la liste des marchandises d’importation contrôlée visée au paragraphe 5(1) de la LLEI. Les paragraphes 6.2(1) et 6.2(2) de la LLEI prévoient ce qui suit :

Établissement de quantités

Determination of quantities

6.2 (1) En cas d’inscription de marchandises sur la liste des marchandises d’importation contrôlée aux fins de la mise en œuvre d’un accord ou d’un engagement intergouvernemental, le ministre peut, pour l’application du paragraphe (2), de l’article 8.3 et du Tarif des douanes, déterminer la quantité de marchandises visée par le régime d’accès en cause, ou établir des critères à cet effet.

6.2 (1) Where any goods have been included on the Import Control List for the purpose of implementing an intergovernmental arrangement or commitment, the Minister may determine import access quantities, or the basis for calculating them, for the purposes of subsection (2) and section 8.3 of this Act and for the purposes of the Customs Tariff.

Allocation de quotas

Allocation method

(2) Lorsqu’il a déterminé la quantité des marchandises en application du paragraphe (1), le ministre peut :

(2) Where the Minister has determined a quantity of goods under subsection (1), the Minister may

[...]

[...]

b) délivrer une autorisation d’importation à tout résident du Canada qui en fait la demande, sous réserve des conditions qui y sont énoncées et des règlements.

(b) issue an allocation to any resident of Canada who applies for the allocation, subject to the regulations and any terms and conditions the Minister may specify in the allocation.

[14]           L’alinéa 12a.1) de la LLEI permet au gouverneur en conseil de prévoir, par règlement, les facteurs à prendre en compte pour la délivrance d’autorisations d’importation :

Règlements

Regulations

12. Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

12. The Governor in Council may make regulations

[...]

[...]

a.1) prévoir les facteurs à prendre en compte par le ministre pour la délivrance et le transfert des autorisations d’importation ou d’exportation;

(a.1) respecting the considerations that the Minister must take into account when deciding whether to issue an import allocation or export allocation or consent to its transfer;

[15]           L’article 6 du Règlement sur les autorisations d’importation traite de ces facteurs :

FACTEURS À PRENDRE EN COMPTE POUR LA DÉLIVRANCE D’UNE AUTORISATION D’IMPORTATION OU DE TRANSFERT

CONSIDERATIONS FOR ISSUANCE OR TRANSFER OF AN IMPORT ALLOCATION

6. Le ministre prend en compte les facteurs suivants avant de décider de délivrer une autorisation d’importation ou d’en autoriser le transfert :

6. The Minister shall take the following considerations into account when deciding whether to issue an import allocation or whether to consent to a transfer:

[...]

[...]

b) les répercussions possibles de la délivrance ou du transfert de l’autorisation d’importation sur le secteur agro‑industriel canadien visé;

(b) the potential impact of the issuance of the import allocation or the transfer on the applicable Canadian agro‑industrial sector;

[...]

[...]

d) la participation du requérant au secteur agro‑industriel canadien visé, y compris la production ou la distribution de marchandises similaires, durant les 12 mois qui précèdent la période à laquelle s’appliquera l’autorisation d’importation ou le transfert;

(d) the applicant’s involvement in the applicable Canadian agro‑industrial sector, including the production or distribution of like goods, during the 12‑month period preceding the period in respect of which the import allocation or transfer is to apply;

e) le cas échéant, le fait qu’une demande d’autorisation d’importation ou de transfert a été présentée par le requérant ou en son nom, et le fait qu’une autorisation d’importation ou de transfert a été obtenue ou non par lui ou en son nom, à l’égard de marchandises similaires pour la période, ou toute partie de celle‑ci, à laquelle s’appliquera l’autorisation d’importation ou le transfert;

(e) whether the applicant, or another person on their behalf, has applied for an import allocation or a transfer, and whether or not the applicant, or another person on their behalf, has been issued an import allocation or has had a transfer consented to, in respect of like goods for the period, or part of the period, in respect of which the import allocation or transfer is to apply; and

f) le cas échéant, le fait que le détenteur de l’autorisation d’importation a communiqué, durant les 12 mois qui précèdent la période à laquelle s’appliquera l’autorisation d’importation ou le transfert, des renseignements faux ou trompeurs relativement à tout rapport exigé en vertu de la Loi ou de ses règlements d’application ou selon les conditions régissant toute autorisation d’importation ou licence d’importation.

[Non souligné dans l’original.]

(f) whether the import allocation holder has furnished false or misleading information in connection with any reports required by the Act or the regulations made under the Act or by any condition of an import allocation or import permit during the 12‑month period preceding the period in respect of which the import allocation or transfer is to apply.

[Emphasis added.]

[16]           Les avis aux importateurs dont il est question au paragraphe 3 des présents motifs sont également utiles pour situer le contexte légal, réglementaire et politique de la présente demande. Comme l’indique son préambule, l’Avis no 815 énonce les politiques et les pratiques relatives à l’administration du contingent tarifaire du poulet et des produits du poulet, notamment les politiques d’attribution du contingent. Les paragraphes 4.10 et 10.1 sont ainsi libellés :

4.10. Les requérants ne sont éligibles qu’a une seule allocation, à l’exception des transformateurs, qui sont admissibles à la fois à une allocation du groupe des détenteurs traditionnels ou de la réserve des transformateurs et à une allocation du groupe des fabricants de produits non‑inscrits [sic] sur la LMIC.

[...]

10.1. À l’exception des sections 4.10 et 8.6, lorsque deux requérants ou plus constituent des entités liées, ils n’auront habituellement droit qu’à une seule allocation. Les requérants d’une allocation doivent fournir une liste des entreprises ou personnes liées. Les requérant [sic] devraient consulter l’annexe 11 afin d’obtenir la définition des personnes liées aux fins du présent Avis.

[17]           S’agissant de l’exception prévue au paragraphe 4.10, mentionnons qu’elle ne s’applique pas en l’espèce. En ce qui concerne le paragraphe 10.1, nul ne conteste le fait que Janes et Lilydale sont des personnes liées au sens de l’Avis no 815.

IV.             Analyse

A.                La norme de contrôle

[18]           Les demanderesses reconnaissent que la norme de contrôle applicable aux trois premières questions en litige (celles de savoir si le ministre a étayé son raisonnement, s’il a omis de tenir compte d’un facteur pertinent et s’il a fait entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire) est la norme de la décision raisonnable.

[19]           Pour sa part, le défendeur reconnaît que la quatrième question (celle de savoir si le MAECI a manqué à son obligation d’équité envers Sofina) commande l’application de la norme de contrôle de la décision correcte.

[20]           Il semble donc n’y avoir aucun désaccord quant aux normes de contrôle applicables. Je souscris à l’opinion des parties sur cette question.

B.                 Première question : Le raisonnement exposé dans la première décision est‑il étayé par les faits ou l’analyse?

[21]           Les demanderesses soutiennent à juste titre que pour être raisonnable, une décision doit être étayée par les faits mis en preuve. Nul ne conteste cette affirmation. Les demanderesses soutiennent en outre que la décision d’appliquer la politique sur les personnes liées a été prise en l’absence de toute preuve permettant de dire si le fait que Janes et Lilydale détiennent chacune leur propre quota aurait ou non des effets anticoncurrentiels. Il s’ensuit donc, selon les demanderesses, que la première décision était dépourvue du fondement factuel nécessaire. Cet argument appelle des explications.

[22]           Les demanderesses affirment – et cela semble admis – que le MAECI n’a procédé à aucune analyse des conséquences directes et immédiates que pouvaient avoir, sur le plan de la concurrence, l’acquisition de Janes par Sofina et le fait que Sofina ait le contrôle de deux sociétés détenant des autorisations d’importation distinctes. Il semblerait que le MAECI ait été davantage préoccupé par les répercussions plus vastes qui se feraient sentir sur le marché si la demande de dérogation à la politique sur les personnes liées sollicitée par les demanderesses était accordée et si, dans la foulée, d’autres acteurs du marché se trouvant dans des situations analogues présentaient des demandes de même nature. Se fondant sur son expérience, le défendeur fait valoir qu’il faut s’attendre à ce que d’autres demandes soient présentées et ajoute que si un précédent était créé en admettant une exception dans le présent cas, il deviendrait difficile de refuser ces demandes. Le défendeur affirme que l’effet cumulatif qu’aurait sur le marché le fait d’accéder à répétition à de telles demandes a été étudié et qu’il en résulterait un recul de la concurrence.

[23]           Les demanderesses soutiennent que ce raisonnement fondé sur une crainte de dérapage est malvenu. Selon elles, suivant l’alinéa 6b) du Règlement sur les autorisations d’importation, le ministre devrait se soucier des répercussions possibles de la décision en cause en matière de délivrance des autorisations d’importation (soit la question de savoir si Lilydale et Janes devraient chacune recevoir leur propre autorisation), et non des répercussions plus vastes que pourraient avoir d’autres décisions rendues en la matière à l’avenir. Je ne suis pas de cet avis.

[24]           À mon sens, l’approche préconisée par le défendeur est raisonnable. Ainsi qu’il l’a précisé dans la lettre du 8 novembre 2012 visant à motiver la première décision, [traduction« l’un des objectifs de la politique d’attribution est de procéder à la répartition la plus large possible du contingent » et la politique sur les personnes liées est l’un des principaux outils permettant d’atteindre cet objectif. Un tel objectif serait vraisemblablement inatteignable s’il n’était pas permis au ministre de prendre en compte les répercussions économiques à plus long terme d’une demande de dérogation à la politique sur les personnes liées. Il se pourrait fort bien qu’aucun cas isolé n’ait d’incidence négative mesurable sur la concurrence du marché, mais le ministre était bien placé pour conclure : (i) que d’autres demandes du genre suivraient vraisemblablement si celle des demanderesses était acceptée; (ii) qu’il faudrait accepter certaines de ces autres demandes par souci de cohérence; (iii) que le fait d’accepter ces demandes aurait comme effet cumulatif de nuire à la concurrence du marché.

[25]           De part et d’autre, les parties ont invoqué la décision 7687567 Canada Inc. c Canada (Affaires étrangères et Commerce international), 2013 CF 1191 (Flavio). Dans cette affaire, le ministre avait refusé d’allouer un quota de poulet sur la base de la politique sur les personnes liées. La demanderesse invoque Flavio parce que la Cour fédérale a annulé la décision contestée parce que le ministre s’était contenté d’appliquer la politique sur les personnes liées sans tenir compte de l’exception qu’elle envisage. Le défendeur soutient qu’une distinction s’impose entre les faits de l’espèce et Flavio, car dans la décision en cause dans cette dernière affaire la politique sur les personnes liées était considérée comme obligatoire; il y était d’ailleurs explicitement déclaré que la demande d’autorisation d’importation ne pouvait être examinée compte tenu de la politique sur les personnes liées. Je privilégie l’argument du défendeur en ce qui concerne Flavio. En l’espèce, la demande de dérogation à la politique sur les personnes liées a été étudiée et, bien qu’on ait décidé de ne pas accorder d’exception en l’occurrence, on a reconnu qu’il était possible de faire jouer une telle exception.

[26]           Il convient de souligner que l’un des éléments importants sur lesquels repose la décision Flavio était l’insuffisance des motifs fournis à l’appui de la décision contestée. Ce n’est pas le cas en l’espèce où les demanderesses ont admis que la question du caractère suffisant des motifs n’était pas en litige. Soulignons également que les demanderesses ont reconnu que la politique sur les personnes liées n’était pas en soi remise en cause en l’espèce. C’était aussi le cas dans Flavio où, au paragraphe 72, la Cour a écrit ce qui suit :

[...] il est tout à fait légitime pour un organisme de l’administration publique de se doter de règles, ou d’instruments non contraignants, pour encadrer l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. De telles directives permettent à l’organisme en question de régler un enjeu précis de manière proactive et à un administré concerné par cet enjeu d’avoir une idée du traitement qui pourrait être réservé à sa demande [...].

[27]           La demanderesse soutient que rien dans la loi ou la réglementation applicables, ni même dans l’Avis no 815, ne permet de penser que l’objectif de la politique d’attribution est de procéder à la répartition la plus large possible du contingent. Il est vrai qu’aucun de ces textes ne fait expressément mention de cet objectif, mais aucun d’eux n’interdit non plus d’établir un tel objectif, même implicitement. De plus, dans son affidavit, Jean‑Philippe Brassard précise que le processus d’allocation des quotas, et notamment l’objectif consistant à procéder à la répartition la plus large possible du contingent, s’est développé sur plusieurs décennies avec le concours de divers acteurs du marché. À mon avis, le défendeur était autorisé à adopter cet objectif dans le but de se conformer aux objets de la LLEI, dont celui consistant à « assurer [...] le meilleur approvisionnement et la meilleure distribution possibles d’un article [...] soumis à [...] une répartition par accord intergouvernemental » (alinéa 5(1)a) de la LLEI).

[28]           Les demanderesses prétendent que le fait de refuser l’une des deux autorisations d’importation antérieurement détenues par Lilydale et Janes avait eu comme effet concret de réduire le nombre d’acteurs sur le marché, entraînant ainsi une diminution de la concurrence. Encore une fois, cet argument met trop l’accent à mon sens sur l’effet à court terme de la décision et ne tient pas dûment compte de ses répercussions économiques à plus long terme.

C.                 Deuxième question : pour rendre sa décision, le ministre a‑t‑il omis de tenir compte d’un facteur pertinent?

[29]           Les demanderesses s’appuient sur l’alinéa 6b) du Règlement sur les autorisations d’importation pour faire valoir qu’avant de rendre sa décision, le ministre était tenu de prendre en compte « les répercussions possibles de la délivrance [...] de l’autorisation d’importation sur le secteur agro‑industriel canadien visé ». Comme je l’ai déjà mentionné dans l’analyse de la première question, les demanderesses interprètent l’expression « la délivrance de l’autorisation d’importation » comme si elle renvoyait uniquement à l’autorisation d’importation demandée en l’espèce. Elles soutiennent qu’en omettant d’examiner les effets anticoncurrentiels de l’autorisation demandée, le ministre a négligé de prendre en compte ce facteur obligatoire.

[30]           J’ai sur cette question un point de vue semblable à celui que j’ai exposé en ce qui concerne le fondement de la décision du ministre. S’il a l’obligation de tenir compte des répercussions possibles de l’attribution d’une autorisation, le ministre n’est pas pour autant tenu de se limiter à examiner cette attribution isolément. Il est évident qu’il s’est aussi penché sur les conséquences à plus long terme qui découleraient de l’octroi d’une exception à la politique sur les personnes liées en l’espèce. À mon avis, il était permis et raisonnable de procéder ainsi.

D.                Troisième question : le ministre a‑t‑il fait entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en appliquant la politique sur les personnes liées?

[31]           Les demanderesses affirment que le défendeur a appliqué la politique sur les personnes liées comme s’il s’agissait d’un texte de droit contraignant, faisant ainsi entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre. Les demanderesses invoquent plusieurs précédents à l’appui du principe voulant qu’un décideur ne soit pas habilité à restreindre ainsi son pouvoir discrétionnaire : Island Timberlands Lp c Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2009 CF 258, au paragraphe 27; Maple Lodge Farms c Gouvernement du Canada, [1982] 2 RCS 2; Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, aux paragraphes 53 et 54. Les demanderesses soulignent que c’est avant tout la crainte de créer un précédent et de devoir faire preuve de cohérence dans l’examen des futures demandes d’autorisation d’importation qui a incité le ministre à leur refuser le bénéfice de l’exception à la politique sur les personnes liées. Puisqu’aucune exception du genre de celle demandée en l’espèce n’a été accordée jusqu’ici, les demanderesses soutiennent que le ministre n’est pas disposé à faire exception à la politique sur les personnes liées et qu’il fait ainsi entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[32]           Comme je l’ai expliqué dans le cadre de l’examen de la première question, dans l’affaire Flavio, le ministre avait appliqué la politique sur les personnes liées sans même étudier l’autorisation d’importation demandée. La Cour a donc jugé qu’en se fondant uniquement sur la politique et en refusant d’envisager la possibilité d’une exception, le ministre s’était abstenu sans raison légitime d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Les faits de l’espèce sont différents. En effet, le ministre a reconnu la possibilité de faire exception à la politique et il s’est penché sur la question de savoir s’il y avait lieu d’accorder une telle exception (voir le mémoire rédigé à des fins d’intervention par le MAECI, en date du 7 août 2012, et sa note d’information datée du 10 avril 2013). À mon avis, le défendeur aurait été disposé à accorder l’exception demandée s’il avait eu la conviction que cela ne produirait pas d’effets anticoncurrentiels sur le marché, même à plus long terme.

[33]           Selon les demanderesses, puisque le défendeur ne s’est soucié que des conséquences à long terme associées au fait d’accorder une exception, c’est à la question de savoir si la politique était justifiée qu’il a cherché à répondre, et non à celle de savoir s’il y avait lieu d’accorder une exception en l’espèce. Comme je l’ai mentionné dans le cadre de l’analyse de la première question, le ministre était autorisé à prendre en compte les conséquences à plus long terme que risquait d’entraîner l’octroi d’une exception à la politique sur les personnes liées. S’il en était autrement, il lui serait vraisemblablement difficile de mettre en œuvre les objectifs de la LLEI. Par ailleurs, le défendeur signale qu’une exception partielle a de fait été accordée du fait que les deux autorisations délivrées à Lilydale et Janes en 2012 n’avaient pas été retirées.

[34]           Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Thamotharem, 2007 CAF 198, le juge Evans a fait deux déclarations qui présentent un intérêt dans l’analyse de cette question. D’abord, au paragraphe 60, il a déclaré ce qui suit :

Le recours à des directives et à d’autres techniques n’ayant pas caractère obligatoire en vue d’assurer une cohérence raisonnable dans les décisions de nature administrative est particulièrement important pour l’exercice des fonctions décisionnelles des tribunaux auxquels la loi a conféré un pouvoir discrétionnaire sur des questions de procédure, de preuve ou de fond.

[35]           Ensuite, au paragraphe 74, il précise que lorsque ces directives et autres techniques n’ayant pas caractère obligatoire autorisent expressément les dérogations (comme dans le cas de la politique sur les personnes liées), la Cour devrait hésiter à conclure que le décideur se considère tenu de suivre la politique habituelle.

[36]           Au final, la véritable question est de savoir si le ministre a examiné de façon raisonnable la question de savoir si la politique sur les personnes liées devait être suivie en l’espèce. Pour les motifs exposés précédemment, je suis d’avis qu’il l’a fait.

E.                 Quatrième question : le MAECI a‑t‑il manqué à l’obligation d’équité qu’il avait envers les demanderesses?

[37]           Comme je l’ai indiqué plus haut, le défendeur a fait savoir en janvier 2013 aux demanderesses qu’un réexamen de la première décision était possible si de nouveaux renseignements étaient présentés. Après avoir pris connaissance de la lettre de treize pages que lui ont fait parvenir les demanderesses en février 2013, le MAECI a conclu qu’aucun fait ou argument nouveau d’importance ne justifiait un réexamen et il a informé le ministre de son intention d’en aviser les demanderesses. Bien que cela puisse donner l’impression que le ministre n’a pas été invité à réexaminer le dossier, ce dernier s’est vu remettre une note d’information comportant une description du contexte de l’affaire et des motifs pour lesquels le MAECI avait décidé de ne pas demander de réexamen; en outre, la lettre des demanderesses était jointe à la note. Le ministre a approuvé la teneur du message que le MAECI entendait communiquer aux demanderesses.

[38]           Se fondant sur des déclarations faites par le MAECI, les demanderesses affirment qu’elles étaient en droit de s’attendre, à ce que le ministre réexamine la première décision sans que le MAECI n’intervienne pour empêcher la tenue de ce réexamen. Elles font valoir qu’on n’a pas répondu à cette attente légitime, ce qui constitue un manquement à l’obligation d’équité qui leur était due.

[39]           Les demanderesses prétendent qu’il était légitime de s’attendre à ce que la première décision soit réexaminée sans qu’il soit nécessaire de présenter de nouveaux faits ou arguments. Selon les demanderesses, cette exigence a été ajoutée par la suite. À l’appui de ce qu’elles avancent, les demanderesses renvoient à l’affidavit de Solène Murphy, stagiaire en droit travaillant pour les avocats des demanderesses, qui était présente à la rencontre avec le MAECI le 16 janvier 2013. J’ai pris connaissance de l’affidavit de Mme Murphy (en particulier des paragraphes 10 et 13, que les avocats ont portés à mon attention) et de ses notes de la rencontre, et je ne suis pas convaincu que les demanderesses étaient en droit de s’attendre à ce que l’affaire soit réexaminée si elles ne présentaient pas de faits ou d’arguments nouveaux. J’ai passé la preuve en revue et je constate que le MAECI ne s’est pas engagé à soumettre le dossier à un réexamen même en l’absence de faits ou d’arguments nouveaux.

[40]           Pour qu’il y ait attente légitime, le MAECI aurait dû faire des déclarations claires, nettes et explicites : Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30, au paragraphe 68. Je ne suis pas convaincu que la distinction subtile que les demanderesses tentent d’établir ici (concernant la tenue d’un réexamen indépendamment de la présentation de faits ou arguments nouveaux) a été énoncée si nettement par le MAECI.

[41]           Je ne suis pas non plus convaincu que les demanderesses pouvaient légitimement s’attendre à ce que ce soit le ministre qui réexamine l’affaire, et non le MAECI qui décide à l’interne qu’il n’était pas nécessaire de renvoyer le dossier au ministre et se contente d’en informer ce dernier. De plus, je ne vois aucune raison d’écarter l’argument du défendeur selon lequel les représentants du MAECI sont des délégués du ministre et que, partant, leur décision vaut décision du ministre : alinéa 24(2)d) de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21.

[42]           Quoi qu’il en soit, le MAECI a remis une note d’information au ministre. Or, il n’y a, à mon avis, aucune différence importante entre la remise d’une note d’information indiquant que le réexamen de l’affaire n’est pas justifié et la remise d’un mémoire à des fins d’intervention recommandant le maintien de la décision originale (d’après le document que le MAECI a commencé à rédiger sans l’achever). Dans un cas comme dans l’autre, le ministre sollicite l’avis du MAECI quant à la façon de procéder, le MAECI lui propose une marche à suivre et le ministre décide s’il est d’accord. Rien ne permet de penser que la deuxième décision aurait été différente si le MAECI avait remis au ministre un mémoire aux fins d’intervention au lieu de la note d’information. En fait, tout ce dont j’ai pu prendre connaissance me porte à croire que le résultat aurait été le même.

[43]           Les demanderesses prétendent en outre que le défendeur lui‑même a admis que les observations présentées par Sofina en février 2013 en vue d’obtenir le réexamen de son dossier renfermaient des renseignements nouveaux, quoique d’un caractère qui ne suffisait pas à justifier le réexamen de la première décision. Selon moi, cette distinction est sans importance. Le MAECI a précisé que le réexamen serait effectué sur la base de nouveaux renseignements, et j’estime qu’implicitement, cela voulait dire que les renseignements en question devaient satisfaire à une exigence minimale en matière de pertinence pour qu’un réexamen soit justifié. Par ailleurs, le MAECI est bien placé pour juger de la pertinence d’un renseignement.

[44]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que les demanderesses n’ont pas été privées de leur droit à l’équité procédurale dans le cadre de leur demande de réexamen de la première décision. De plus, je ne vois rien qui m’autorise à penser que la décision de ne pas procéder à un réexamen a été entachée de l’une ou l’autre des erreurs alléguées par les demanderesses relativement à la première décision.

F.                  Cinquième question : la première décision est‑elle dûment en litige?

[45]           Comme je l’ai déjà dit, le défendeur prétend que la première décision n’a jamais été correctement mise en litige. Il souligne qu’il est précisé dans l’avis de demande introductif d’instance que le contrôle judiciaire porte sur la deuxième décision. Le défendeur ajoute que la deuxième décision (qui traite de la demande de réexamen) est bien distincte de la première décision (qui concerne l’attribution d’un quota). Pour les motifs exposés ci‑après, je souscris à l’avis du défendeur selon lequel la première décision n’a jamais été dûment mise en litige et ne peut donc faire l’objet du présent contrôle judiciaire.

[46]           Avant de procéder à l’analyse de cette question, je tiens à préciser que je suis conscient que la conclusion à laquelle je suis arrivé rend inutile mon analyse des première, deuxième et troisième questions. Néanmoins, j’ai choisi de traiter de toutes ces questions par souci d’exhaustivité.

[47]           La première décision a été communiquée le 1er novembre 2012 et les motifs qui la sous‑tendent, le 8 novembre 2012. Le délai prescrit à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales pour le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire de la première décision est de 30 jours. Si ce délai est dépassé, les demanderesses sont tenues de présenter une requête en prorogation de délai. Le bien‑fondé d’une prorogation aurait pu être discuté dans le cadre de l’audition de la requête, mais aucune requête en ce sens n’a été présentée.

[48]           Par ailleurs, les demanderesses n’ont même pas soulevé la question du réexamen avant l’expiration du délai de 30 jours prescrit dont elles disposaient pour demander le contrôle judiciaire de la première décision. Il s’ensuit que les demanderesses ne semblent même pas pouvoir raisonnablement faire valoir que la date à laquelle elles se sont informées de la possibilité de faire réexaminer la première décision était respectait le délai pour maintenir cette décision en litige. Comme le signale le défendeur, le dossier relatif à la première décision n’a même pas été produit en preuve en l’espèce puisqu’il n’a pas été correctement mis en litige. La seule absence du dossier devrait suffire à inciter à la prudence quant à la question de savoir s’il y a lieu de statuer sur le bien‑fondé de la première décision.

[49]           Les demanderesses invoquent une décision rendue par le juge Rothstein, Soimu c Canada (Secrétaire d’État) (1994), 83 FTR 285 (CF 1re inst) (Soimu) pour affirmer que la contestation de la deuxième décision entraînerait de façon inhérente la contestation de la première décision. Toutefois, les faits de l’espèce sont nettement différents de ceux de l’affaire Soimu. Premièrement, dans Soimu, la demande de réexamen a été présentée dans le délai imparti pour demander le contrôle de la décision initiale. Par conséquent, le bien‑fondé de la première décision a à tout le moins été remis en question dans le délai prescrit. La deuxième différence de taille tient au fait qu’il a été jugé en l’espèce, dans le cadre de la deuxième décision, qu’il n’y avait pas lieu de réexaminer la première décision; en revanche, dans Soimu, la décision initiale a fait l’objet d’un réexamen à l’issue duquel elle a été confirmée. Ainsi, dans Soimu, les questions soulevées lors du réexamen comprenaient celles qui avaient été examinées dans le cadre de la décision initiale.

[50]           En outre, il est bien établi que lorsqu’elle est appelée à procéder au contrôle d’une décision rendue par un tribunal dans le cadre d’un réexamen, la Cour ne doit pas examiner la décision dont on a demandé le réexamen : Canadian Airport Workers Union c Sécurité préembarquement Garda inc., 2013 CAF 106, au paragraphe 3.

V.                Conclusion

[51]           La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la deuxième décision (qui était de ne pas réexaminer la première décision). La première décision ne fait pas à bon droit l’objet du présent litige puisque, d’une part, cette décision n’était pas visée par l’avis de demande et que, d’autre part, le délai prescrit pour s’y opposer avait expiré avant le dépôt de l’avis de demande.

[52]           Même si la première décision avait été dûment mise en litige, je ne suis pas convaincu que l’un ou l’autre des points litigieux soulevés par les demanderesses à l’égard de cette première décision est fondé. Plus particulièrement, je ne suis pas convaincu que la première décision (i) n’est pas étayée, (ii) a été prise sans tenir compte d’un facteur pertinent ou (iii) procède d’une entrave à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.

[53]           Je ne suis pas non plus convaincu qu’il faut annuler la deuxième décision, que ce soit pour une question de fond ou en raison d’un manquement à l’équité procédurale.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑917‑13

 

INTITULÉ :

ALIMENTS SOFINA INC., JANES FAMILY FOODS LTD. ET LILYDALE INC. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 NOVEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 JANVIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Nicholas McHaffie

Fabio Pozzobon

Alex Sarabura

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Michelle Kellam

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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