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Date : 20150113


Dossier : IMM-7378-13

Référence : 2015 CF 43

Montréal (Québec), le 13 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

JANVIER MALE LIKALE

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, SC 2001, ch 27 (LIPR) d’une décision de L. Ly (l’agente) rendue le 24 octobre 2013 rejetant la demande de résidence permanente du demandeur fondée sur la base de considérations d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25(1) de la LIPR.

[2]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la présente demande doit être rejetée.

II.                Faits

[3]               Le demandeur est un citoyen de la République démocratique du Congo (RDC). Le 2 août 2006, le demandeur entre au Canada et dépose une demande d’asile qui fut rejetée le 26 novembre 2008. Le 27 avril 2009, la demande de contrôle judiciaire de cette décision a également été rejetée par le juge Teitelbaum.

[4]               Sa première demande pour considérations humanitaires a été rejetée le 29 avril 2011.

[5]               Sa deuxième demande pour considérations humanitaires est reçue le 24 octobre 2011 et rejetée le 24 octobre 2013. Tel que mentionné ci-haut, c’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

III.             Décision

[6]               Au début de sa décision, l’agente précise que la demande est fondée sur deux facteurs soit, l’établissement et l’intégration du demandeur au Canada ainsi que l’impact d’un éventuel retour du demandeur dans son pays d’origine. Citant l’affaire Willson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 488, au para 12, l’agente note, entre autres, que : « celui qui présente une deuxième demande pour motifs d’ordre humanitaire doit l’appuyer de nouveaux éléments de preuve et […] une telle demande ne peut viser simplement la réévaluation de la preuve déjà soumise. »

[7]               L’agente constate que depuis le rejet de sa première demande pour considérations humanitaires, le demandeur a un emploi et a fait des efforts afin d’être autonome financièrement. L’agente note cependant que peu de changements ont eu lieu au niveau de l’emploi et des revenus du demandeur depuis sa première demande, outre le fait que le demandeur a continué de travailler. Les revenus du demandeur pour les années 2006 à 2010 étaient respectivement de 2 880 $, 9 984$, 13 770 $, 10 243 $ et de 6 391 $. L’agente conclut ainsi que le demandeur n’a pas démontré qu’il est autonome financièrement.

[8]               Par ailleurs, l’agente note que le demandeur a travaillé comme mécanicien de 1986 à 2006 en RDC et qu’il serait donc en mesure de trouver un emploi dans son domaine à son retour dans son pays. De plus, l’agente considère que le demandeur n’a pas démontré que la rupture de son lien d’emploi actuel lui causerait une difficulté qui serait inhabituelle et injustifiée ou démesurée s’il devait déposer sa demande de visa de résident permanent à l’étranger.

[9]               L’agente constate que le demandeur fait du bénévolat, fréquente l’église, n’a pas de casier judiciaire et est apprécié par sa communauté, mais soutient que celui-ci n’a pas démontré de quelle façon une rupture de ces liens lui occasionnerait une difficulté qui serait inhabituelle et injustifiée ou démesurée s’il devait déposer sa demande à l’étranger.

[10]           L’agente souligne que bien que le demandeur soutient qu’il n’aura pas de maison ni d’appui financier une fois de retour dans son pays, celui-ci a démontré sa capacité d’adaptation en arrivant dans la société canadienne et pourrait travailler comme mécanicien une fois de retour dans son pays.

[11]           L’agente note également que la demande pour considérations d’ordre humanitaire présentée devant elle n’équivaut pas à un mécanisme d’appel de la première demande. L’agente considère que la preuve dont elle dispose ne lui permet toujours pas de conclure qu’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire est justifiée.

[12]           L’agente a considéré la suspension temporaire des renvois (STR) vers la RDC justifiée par la situation difficile qui prévaut dans le pays et mentionne que cela constitue des circonstances indépendantes de la volonté du demandeur. Bien que la STR n’empêche pas le demandeur de quitter le Canada sur une base volontaire, l’agente mentionne qu’elle a tenu compte de la période d’incapacité du demandeur à quitter le Canada en raison de circonstances échappant à son contrôle. Cependant, l’agente conclut que l’établissement du demandeur n’est pas suffisant pour justifier une dispense, malgré le fait que le demandeur est au Canada depuis 2006 et qu’il a fait des efforts importants pour s’intégrer dans la société canadienne.

[13]           L’agente a considéré l’argument du demandeur selon lequel celui-ci risque de demeurer sans statut au Canada pour une période indéfinie en raison de la STR. Cependant, celle-ci soutient que le demandeur n’a pas démontré qu’il rencontrerait une difficulté inhabituelle et injustifiée ou démesurée s’il devait déposer sa demande de visa de résident permanent de l’extérieur du Canada une fois que la STR est levée. Par ailleurs, le demandeur n’a pas démontré qu’il n’est pas parvenu à travailler et à s’impliquer au sein de la communauté canadienne malgré son absence de statut.

[14]           L’agente constate que le demandeur allègue avoir une fille de 28 ans en RDC, mais que la question du meilleur intérêt de l’enfant doit être soulevée, lorsque nécessaire, que dans les cas ou un(e) demandeur(esse) d’asile a un enfant de moins de 18 ans.

[15]           L’agente juge que les difficultés auxquelles s’expose le demandeur à son retour au Congo ne sont pas différentes de celles auxquelles doit faire face l’ensemble de la population de ce pays.

[16]           Elle souligne que, lors de sa première demande d’asile, le demandeur n’est pas parvenu à faire la preuve de son identité de façon satisfaisante et que malgré cela le demandeur soumet les documents qui furent présentés lors de sa première demande d’asile au soutien de sa deuxième demande pour considérations humanitaires, bien qu’il sait que la détermination de son identité demeure problématique. L’agente réitère donc que la deuxième demande pour considérations d’ordre humanitaire soumise par le demandeur n’équivaut pas à un appel.

[17]           L’agente mentionne que le demandeur a soumis de nombreuses preuves attestant que de nombreux crimes et viols sont encore perpétrés en RDC et que les forces armées se sont rendues coupables de violations des droits fondamentaux (torture, violences sexuelles, arrestations arbitraires, etc.), dans certains cas pour des motifs politiques. Cependant, l’agente soutient que le demandeur n’a pas expliqué dans sa demande les conséquences de cette situation sur lui-même ni de quelle façon le dépôt d’une demande à l’étranger lui occasionnerait des difficultés.

[18]           L’agente note que la STR est un processus lié au risque généralisé envers la population civile lorsqu’un pays fait face à un événement catastrophique et que le demandeur peut donc continuer de bénéficier de la STR en restant au Canada. Cependant, l’agente soutient, jurisprudence à l’appui, que malgré les risques relatifs au STR le demandeur se devait de démontrer que les faits particuliers à sa propre situation font en sorte que le dépôt de sa demande de l’étranger représenterait pour lui une difficulté inhabituelle et injustifiée ou démesurée (Lalane c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 6, au para 38, 41 [Lalane]).

[19]           L’agente conclut donc que le demandeur n’est pas parvenu à démontrer qu’une dispense pour considérations humanitaires doit être accordée.

IV.             Question en litige

[20]           Il y a une question en litige :

1.      La décision de l’agente est-elle raisonnable?

V.                Dispositions pertinentes

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act SC 2001, c 27

3 (3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

 

3 (3) This Act is to be construed and applied in a manner that:

 

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.

(f) complies with international human rights instruments to which Canada is signatory.

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

International Covenant on Civil and Political Rights

Article 17

Article 17

1. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.

1. No one shall be subjected to arbitrary or unlawful interference with his privacy, family, home or correspondence, nor to unlawful attacks on his honour and reputation.

2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

2. Everyone has the right to the protection of the law against such interference or attacks.

Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11

The Constitution Act, 1982, Schedule B to the Canada Act 1982 (UK), 1982, c 11

12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

12. Everyone has the right not to be subjected to any cruel and unusual treatment or punishment.

 

VI.             Observations des parties

A.                Observations du demandeur

[21]           Citant Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, le demandeur débute son argumentation par une affirmation générale à l’effet que les questions touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, de même que les questions mixtes de faits et de droit sont assujetties à la norme de la raisonnabilité. Le demandeur mentionne également que certaines questions de droit sont assujetties à la norme de la décision correcte.

[22]           Premièrement, le demandeur argumente que l’agente a commis une erreur de droit et de fait en omettant de traiter de la teneur des instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire. Le demandeur argumente que l’agente a erré en ne gardant pas à l’esprit les valeurs humanitaires fondamentales consacrées par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP), un instrument juridique contraignant pour le Canada, en effectuant une analyse sur la base de l’article 25 de la LIPR (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Okoloubu, 2008 CAF 326, au para 36 [Okoloubu]).

[23]           Le demandeur souligne que la preuve documentaire démontre que les valeurs garanties par le PIRDCP sont bafouées en RDC. Le demandeur soutient que l’article 17 du PIRDCP, garantissant à toute personne le droit à la protection de la loi contre les immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ou d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation, s’applique en l’espèce. Le demandeur soutient donc que l’agente a erré en ne traitant pas de la teneur des instruments internationaux dont le Canada est signataire puisque la preuve objective révèle que la RDC n’offre aucune protection contre des atteintes aux droits prévus à l’article 17 du PIRDCP.

[24]           Le demandeur soumet que le défaut par l’agente d’intégrer le PIRDCP dans son analyse contrevient à l’article 12 de la Charte (protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités).

[25]           Deuxièmement, le demandeur argumente que l’agente n’aurait pas exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR de façon appropriée. Le demandeur soumet à cet effet que l’agente ne s’est pas conformée au Guide opérationnel IP 5, notamment en examinant les considérations séparément plutôt que globalement (tel que le guide le prévoit).


B.                 Observations du défendeur

[26]           Le défendeur soutient que la norme applicable est celle de la décision raisonnable.

[27]           Le défendeur soutient également qu’une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est discrétionnaire et exceptionnelle. Le demandeur a le fardeau d’établir qu’il fera face à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées s’il devait déposer sa demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada.

[28]           L’argument du défendeur que l’affaire Lalane devrait être appliquée au cas d’espèce. Dans cette affaire, le juge Shore mentionne que le fait qu’un demandeur ait « progressé dans son adaptation au sein de la société canadienne, qu’il travaille et qu’il est devenu autonome financièrement ne pouvait permettre à l’agent d’immigration de conclure automatiquement à la présence de motifs d’ordre humanitaire » (Lalane, au para 27).

[29]           Qui plus est, le défendeur argumente que les risques généralisés ne sont pas suffisants pour justifier une conclusion sous l’article 25 de la LIPR et qu’il importe que le demandeur démontre un lien entre la preuve et sa situation personnelle.

[30]           Le défendeur soumet que notre Cour a déjà statué que la STR visant le Congo n’empêche pas pour autant qu’une demande fondée sur des motifs humanitaires soit rejetée (Lalane, au para 41; Mathewa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 914 [Mathewa]; Nkitabungi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 331, au para 12 [Nkitabungi]).

[31]           Par ailleurs, le défendeur argumente que l’agente a gardé à l’esprit les valeurs humaines fondamentales consacrées dans la Charte et le PIRDCP, car l’agente constate spécifiquement qu’en raison de la STR le demandeur peut continuer de demeurer au Canada.

[32]           Le défendeur soutient que rien n’indique que l’agente a omis de traiter de la teneur des instruments internationaux. Le défendeur souligne que la jurisprudence établit qu’un agent chargé de l’examen de motifs d’ordre humanitaire n’est pas obligé de mentionner expressément les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme (Okoloubu, au para 50).

[33]           De plus, le défendeur rappelle que l’exécution de la mesure de renvoi dont le demandeur est frappé et la décision rendue par l’agente pour motifs humanitaires sont deux procédures distinctes.

[34]           Finalement, le défendeur constate que l’argument du demandeur à l’effet que la décision contrevient à l’article 12 de la Charte est sans fondement puisque : (i) la décision pour motifs d’ordre humanitaire est ni un traitement ni une peine, (ii) le demandeur ne soumet aucune jurisprudence au soutien de son argument, et (iii) le demandeur n’a pas démontré en quoi la décision rencontrerait le seuil du traitement ou de la peine cruelle et inusitée.


VII.          Analyse

A.                La norme de contrôle applicable

[35]           En l’espèce, la question soulevée est celle de savoir si l’agente a erré dans l’application de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 25 de la LIPR, la norme applicable étant celle de la décision raisonnable (Okoloubu, au para 30).

B.                 La décision de l’agente est-elle raisonnable?

[36]           L’agente n’a pas erré en concluant que le demandeur n’est pas parvenu à démontrer qu’il serait exposé à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées dans l’éventualité où sa demande de résidence permanente devrait être faite à l’extérieur du Canada. Tel que souligné par le défendeur, le fait qu’un individu travaille au Canada, soit autonome financièrement (ce qui n’est pas le cas du demandeur) ou soit forcé de quitter les membres de sa famille et/ou son emploi ne permet pas de conclure automatiquement qu’une décision favorable sous l’article 25 de la LIPR doit être rendue (Lalane, aux para 27 et 31). En l’espèce, le demandeur a démontré qu’il s’est acclimaté aux conditions de vie au Canada, notamment en raison de ses activités de bénévolat et de l’emploi qui l’occupe. Cependant, le demandeur n’a soumis aucune preuve à l’effet que son retour en RDC, une fois que la STR sera levée, lui causerait des difficultés qui seraient inhabituelles et injustifiées ou démesurées. Qui plus est, le demandeur a travaillé pendant de nombreuses années comme mécanicien en RDC (1986-2006) et, selon toute vraisemblance, possède les ressources nécessaires afin de se réhabituer à la vie congolaise.

[37]           L’agente a considéré toute la preuve et tous les facteurs pertinents qu’elle se devait de considérer. À mon avis, sa décision est tout à fait raisonnable.

[38]           Il apparaît que l’agente a appliqué l’article 25 LIPR en conformité avec l’alinéa 3(3)f) de la LIPR. D’une part, tel que mentionné par les parties, la jurisprudence établit que l’alinéa 3(3)f) de la LIPR n’exige pas de l’agente qu’elle « mentionne expressément les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire et en fasse l’analyse » (Thiara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 151, au para 9) lorsqu’elle procède à une évaluation sous l’article 25 de la LIPR. D’autre part, tel qu’argumenté par le défendeur, l’agente a adéquatement traité de la teneur de ces instruments et des valeurs humanitaires fondamentales associés à la Charte et au PIRDCP. Après avoir évalué la preuve documentaire soumise, l’agente a conclu que d’importants risques pour la population civile découlent de la situation sociopolitique générale en RDC; les violations des droits fondamentaux de la population étant chose courante dans ce pays. Cependant, l’agente a noté que « le demandeur peut continuer de bénéficier de [la] STR et de demeurer au Canada ». Cette analyse est conforme aux valeurs humanitaires.

[39]           De fait, il semble que le demandeur soutient que le simple fait d’être citoyen de la RDC lui permettrait d’obtenir automatiquement le statut de résident permanent au Canada. Tel que mentionné par le juge Shore dans Lalane, au para 1 :

Le demandeur a le fardeau de démontrer un lien entre cette preuve et sa situation personnelle. Autrement, chaque ressortissant d’un pays en difficulté devrait recevoir une évaluation positive de sa demande CH, peu importe sa situation personnelle en cause, ce qui n’est pas le but et l’objectif d’une demande CH.

[Soulignements ajoutés.]

En effet, le demandeur ne peut se contenter de soutenir de façon générale que « la documentation objective soumise […] démontre que les risques auxquels il serait soumis en RDC sont des actes susceptibles de constituer des violations des droits fondamentaux ». Ainsi, il était raisonnable pour l’agente de conclure que le demandeur n’a pas démontré qu’il serait personnellement exposé à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées s’il devait retourner en RDC afin de faire sa demande de résidence permanente.

[40]           Qui plus est, la jurisprudence établit clairement que même la présence d’une STR ne fait pas en sorte qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire sera automatiquement accueillie (Lalane, au para 41; Nkitabungi, au para 12). Dans Nkitabungi, le juge Martineau mentionne :

D’autre part, le seul fait que les autorités responsables aient décidé de ne pas retourner au Congo des ressortissants congolais se trouvant au Canada sans statut légal ne crée aucune présomption de difficultés indues ou excessives comme le soutient le savant procureur du demandeur. En effet, chaque cas de demande CH est un cas d’espèce. Je note à cet égard que dans la décision Mathewa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 914, il a été décidé qu’un moratoire sur les renvois au Congo n’empêche pas en soi qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire soit rejetée.

[Soulignements ajoutés.]

Ce passage trouve tout particulièrement application dans le présent cas.

[41]           Finalement, je suis d’avis que l’argument du demandeur à l’effet que la décision contrevient à l’article 12 de la Charte est sans fondement. La décision de l’agente n’implique aucun traitement ou peine cruelle et inusitée.

VIII.       Conclusions

[42]           Je suis d’avis que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

2.      Il n'y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7378-13

 

INTITULÉ :

JANVIER MALE LIKALE c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 octobre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 janvier 2015

 

COMPARUTIONS :

Alain Tayeye

 

Pour le demandeur

 

Andrew Gibbs

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tayeye Law Office

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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