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Date : 20141209


Dossier : IMM-5843-13

Référence : 2014 CF 1191

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 9 décembre 2014

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

LE KIEU KHANH NGUYEN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Survol

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], qui vise la décision datée du 21 mai 2013 par laquelle un agent [l’agent] de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] a rejeté la demande présentée par la demanderesse afin que son fils à charge soit dispensé de l’exigence de se soumettre à un examen médical pour les besoins de la demande de résidence permanente au Canada qu’elle avait présentée au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

II.                Les faits

[2]               En 2009, Le Kieu Khanh Nguyen [la demanderesse] a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des époux ou des conjoints de fait au Canada. Après que CIC l’eut avisée que son fils avait l’obligation de se soumettre à un examen médical pour les besoins de l’immigration, elle a demandé à ce que CIC ferme le dossier de son fil, puisqu’il vivait avec son père à ce moment‑là et qu’il ne souhaitait pas venir au Canada. CIC l’a avisée en réponse que, peu importe que son fils l’accompagne ou non, il aurait l’obligation de se soumettre à un examen médical afin d’établir qu’il n’est pas interdit de territoire.

[3]               La demanderesse a donc produit une version traduite de son jugement de divorce [le jugement de divorce] ainsi qu’une lettre d’un avocat, datée du 25 mars 2012 [la lettre de confirmation de l’avocat].

[4]               CIC a avisé la demanderesse qu’elle avait produit des renseignements contradictoires en ce qui concerne la garde de son fils. D’un côté, elle avait mentionné que son père en avait la garde, et de l’autre, elle avait fourni des documents selon lesquels ce sont ses grands-parents qui s’occupaient de lui. On lui a demandé de clarifier la situation [traduction] « au moyen de documents certifiés, conformément à l’entente quant à la garde dans [son] jugement de divorce » (dossier de la demanderesse [DD], à la page 153). On lui a donné 60 jours pour fournir les résultats de l’examen médical de son fils, ou pour produire des observations quant à sa capacité à se conformer à l’exigence.

[5]               En juillet 2012, le consultant en immigration de la demanderesse a écrit une lettre [la lettre du consultant], par laquelle il demandait à CIC que le fils de la demanderesse soit dispensé de l’exigence relative à l’examen médical, sans toutefois lui enlever la possibilité d’être parrainé par sa mère à l’avenir. Le consultant a mentionné que la demanderesse ne cherchait pas à ce que son fils vienne la rejoindre au Canada à ce stade‑là, mais qu’il pourrait être nécessaire, à un certain point, de le parrainer pour qu’il vienne au Canada. Il a aussi mentionné que la demanderesse n’avait pas la garde de facto de son fils et qu’elle n’avait pas la capacité de faire en sorte que l’examen médical ait lieu à ce moment‑là, du fait que son fils était avec son père biologique. Puisque le père refusait de permettre que son fils se soumette à un examen médical, et puisqu’il pourrait être nécessaire que le fils vienne au Canada dans l’avenir, le consultant a demandé à CIC de le dispenser de l’exigence, en se fondant sur l’intérêt supérieur de l’enfant [ISE] (dossier certifié du tribunal [DCT], aux pages 150 et 151).

[6]               En réponse à la demande de dispense de l’exigence, CIC a demandé une preuve portant que tous les efforts raisonnables ont été déployés en vue que le fils à charge soit examiné. Le consultant de la demanderesse a produit un certain nombre de documents qui confirment que le fils de la demanderesse vivait avec l’ancien époux de la demanderesse à ce moment‑là, et que ce dernier refusait de permettre à son fils de se soumettre à un examen médical (DCT, aux pages 135, 136, 145 et 147).

III.             La décision

[7]               Le 21 mai 2013, l’agent a refusé la demande présentée par la demanderesse pour qu’on lui accorde une dispense de l’obligation que son fils se soumette à examen médical [la décision]. Il a écrit ce qui suit :

[traduction]
Vous avez produit des renseignements contradictoires quant à la question de la garde de votre fils mineur et vous avez produit des renseignements selon lesquels vous avez l’intention de parrainer votre fils mineur dans l’avenir. Après un examen attentif des circonstances, votre demande de dispense de l’exigence relative à l’examen médical a été rejetée.

(DCT, à la page 167).

[8]               Les motifs de l’agent qui ont été produits à la Cour prennent la forme de notes consignées au SSOBL. Selon ces motifs, CIC a conclu que les éléments de preuve suivants étaient contradictoires quant à la question de la garde du fils de la demanderesse :

A.    Le jugement de divorce donnait à la demanderesse le droit [traduction] « d’élever » son fils, et donnait à son ancien époux le droit de [traduction] « surveiller, s’occuper et éduquer » le fils (DCT, aux pages 56 et 57; DD, aux pages 90 et 91).

B.     La lettre de confirmation de l’avocat mentionnait que le jugement de divorce représente le fait que le fils devait être élevé par sa mère. La lettre confirme aussi que, du fait que la demanderesse n’est pas au Vietnam sur une base régulière, son fils [traduction] « sera supervisé et soigné par son grand‑père et sa grand‑mère […] à l’adresse susmentionnée » (DCT, à la page 186).

C.     Selon la lettre du consultant, [traduction] « le fils est sous la garde de son père depuis que la demanderesse a quitté le Vietnam ». Cette lettre mentionnait aussi que l’avocat qui a rédigé la lettre de confirmation de l’avocat avait fondé sa conclusion selon laquelle le fils vivait avec ses grands‑parents sur le jugement de divorce et sur le fait que le fils accompagnait les grands‑parents lorsque ceux‑ci se sont présentés à son bureau. Le consultant a mentionné que le fils avait rendu visite aux grands‑parents en avril 2012, et qu’ils s’occupaient parfois de ce dernier, mais qu’il était ensuite retourné sous la garde de son père. Il a ensuite prétendu que [traduction] « si les grands‑parents avaient la garde de l’enfant, ils auraient sans aucun doute accompagné ce dernier pour que celui‑ci se soumette à son examen médical » (DCT, à la page 150).

D.    La demanderesse a ensuite énoncé, dans une lettre de confirmation non accompagnée du serment datée du 25 octobre 2012, que lorsqu’elle a quitté le Vietnam en 2008, elle a [traduction] « laissé la garde de son fils au père de ce dernier » (DCT, à la page 66)

E.     Selon une deuxième lettre de l’avocat, datée du 12 octobre 2012, la demanderesse avait, aux termes du jugement de divorce, [traduction] « le droit d’élever leur enfant » et que [traduction] « ses grands‑parents maternels [… étaient] ses tuteurs ». La lettre mentionnait aussi que son [traduction] « père a récupéré [le fils] pour que ceux‑ci vivent ensemble à Vinh Phuoc », que les grands‑parents maternels avaient pressé ce dernier de l’envoyer passer un examen médical, mais qu’il [traduction] « ne l’avait pas fait et qu’il voulait que [son fils] vive avec lui » (DCT, aux pages 66 à 70).

[9]               Les motifs faisaient état des renseignements contradictoires qui avaient été produits en ce qui concerne la question de savoir si la demanderesse avait l’intention que son fils vienne au Canada pour vivre avec elle dans l’avenir (DCT, aux pages 28, 75 à 78).

[10]           En dernier lieu, l’agent a conclu que son fils devait faire l’objet d’un examen, du fait qu’elle n’avait pas établi qu’une autre personne avait la garde exclusive de son fils :

[traduction]
Il semble que la cliente veuille bel et bien que son fils l’accompagne au Canada, pas nécessairement à ce stade‑ci, mais à un certain point dans l’avenir. Elle n’a pas produit de preuve selon laquelle son fils à charge, qui est à l’étranger et qui ne l’accompagne pas, est sous la garde exclusive d’une autre personne. Elle a produit des renseignements contradictoires en ce qui concerne les conditions de logement et la garde de son fils. Son fils est un enfant d’âge mineur (il a 9 ans en ce moment), et puisqu’elle ne peut produire de preuve portant qu’une autre personne en a la garde exclusive, il doit faire l’objet d’un examen médical. La demande, formulée dans la lettre datée du 27 juillet 2012, en vue de dispenser le fils à charge de l’exigence de se soumettre à un examen médical, a été rejetée. […]

(DCT, aux pages 76 à 78).

IV.             Les questions en litige

[11]           La demanderesse a soulevé les questions en litige suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il donné une interprétation erronée à l’article 23 du Règlement, en obligeant la demanderesse à démontrer qu’une autre personne avait la garde exclusive de son fils pour que ce dernier soit visé par cette disposition?

B.     Le refus de l’agent de dispenser le fils à charge de la demanderesse de l’obligation de se soumettre à un examen médical pour établir si ce dernier est interdit de territoire pour des motifs médicaux était‑il raisonnable?

V.                Les dispositions pertinentes

[12]           L’alinéa 42(1)a) de la Loi précise que si un membre de la famille qui n’accompagne pas un résident permanent, cela emportera l’interdiction de territoire du demandeur étranger uniquement dans les cas réglementaires :

 Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants :

a) l’interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l’accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l’accompagne pas; […]

[13]            Ces « cas réglementaires » sont exposés à l’article 23 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement] :

 Pour l’application de l’alinéa 42(1)a) de la Loi, l’interdiction de territoire frappant le membre de la famille de l’étranger qui ne l’accompagne pas emporte interdiction de territoire de l’étranger pour inadmissibilité familiale si :

a) l’étranger est un résident temporaire ou a fait une demande de statut de résident temporaire, de visa de résident permanent ou de séjour au Canada à titre de résident temporaire ou de résident permanent;

ble membre de la famille en cause est, selon le cas :

[…]

(iii) l’enfant à charge de l’étranger, pourvu que celui-ci ou un membre de la famille qui accompagne celui-ci en ait la garde ou soit habilité à agir en son nom en vertu d’une ordonnance judiciaire ou d’un accord écrit ou par l’effet de la loi,

[…]

[Non souligné dans l’original.]

VI.             La norme de contrôle applicable

[14]           L’interprétation de l’exigence relative à la « garde » qui se trouve à l’article 23 du Règlement est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité. L’interprétation, par un tribunal administratif, de ses lois constitutives est présumée être susceptible de contrôle selon la raisonnabilité (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 30). Cette présomption n’est pas réfutée en l’espèce, parce que l’interprétation ne fait pas partie des catégories de questions à l’égard desquelles la norme de la décision correcte continue de s’appliquer (B010 c MCI, 2013 CAF 87, aux paragraphes 64 à 72; Skobodzinska c MCI, 2008 CF 887, aux paragraphes 9 à 13).

[15]           La décision de l’agent de ne pas accorder une dispense de l’exigence relative à l’examen médical est une question mixte de fait et de droit et elle est aussi susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 51). La Cour, lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la raisonnabilité, s’intéresse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

[16]           La demanderesse a prétendu que l’interprétation de la garde met en jeu des éléments de droit de la famille et qu’elle devrait donc être susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Je ne souscris pas à sa prétention.

[17]           La Cour fédérale a récemment énoncé que la décision de l’agent des visas à savoir s’il exerce ou non son pouvoir discrétionnaire en matière de considérations humanitaires, y compris en ce qui a trait aux questions relatives aux arguments fondés sur l’ISE, « nécessitait d’appliquer un principe juridique établi aux faits particuliers d’un cas, une situation classique de contrôle selon la norme de la décision raisonnable » (Habtenkiel c Canada (MCI), 2014 CAF 180, au paragraphe 43). Quoiqu’il en soit, je conclus que l’agent a raisonnablement interprété et appliqué les dispositions applicables en l’espèce.

VII.          Les observations des parties

[18]           La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur dans son interprétation de l’article 23 du Règlement en exigeant qu’elle démontre que quelqu’un d’autre avait la garde exclusive de l’enfant en vue de le soustraire à l’application de l’article 23. Selon la thèse de la demanderesse, l’article 23 s’applique uniquement lorsque le demandeur a la garde entière de la personne à charge qui ne l’accompagne pas, et l’exception s’appliquerait donc si elle avait la garde partagée avec son ex‑époux.

[19]           De plus, la demanderesse soutient qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure que l’article 23 du Règlement s’appliquait à elle, au motif qu’elle n’avait pas démontré que quelqu’un d’autre avait la garde exclusive de son fils. En démontrant qu’elle a la garde partagée de son fils avec son ancien époux, et que ce dernier ne consent pas à ce que leur fils se soumette à un examen médical, elle établissait qu’elle ne peut pas, d’un point de vue juridique ou autre, contraindre son fils à subir un tel examen. La demanderesse n’a pas vu son fils depuis qu’elle a quitté le Vietnam et elle ne s’est pas occupée de lui non plus, et il était donc déraisonnable de la part de l’agent d’omettre de tenir compte du fait que la demanderesse n’avait pas la garde de facto de son fils : Lee c MCI, 2007 CF 814, au paragraphe 15.

[20]           Le défendeur soutient que l’agent n’a pas commis une erreur dans son interprétation de l’article 23 du Règlement, parce que cette interprétation était compatible avec l’interprétation qui a été confirmée par la Cour. Selon la jurisprudence, ce n’est pas l’établissement de la « garde partagée » qui est pertinent pour les besoins de l’article 23 du Règlement, mais plutôt la question de savoir si une personne autre que le demandeur a la garde légale de l’enfant à charge, de sorte que le demandeur ne peut exercer ses droits juridiques à l’égard de l’enfant relativement à son examen médical : voir Ahumada Rojas c MCI, 2012 CF 1303 [Rojas], aux paragraphes 14-15, 17‑18; Rarama c MCI, 2014 CF 60, aux paragraphes 16, 18, 21‑22; Jankovic c MCI, 2003 CF 1482, aux paragraphes 40‑53, citant Adesina c MCI, [1999] ACF no 1063 (CFPI).

[21]           En outre, le défendeur soutient que la décision de l’agent de ne pas accorder de dispense à l’égard de l’exigence de se soumettre à un examen médical appartenait bel et bien aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit. La demanderesse n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau d’établir qu’elle avait fait tout en son pouvoir au sens de la jurisprudence, de sorte que la dispense de l’exigence relative à l’examen médical doive être accordée, parce qu’elle a produit des renseignements contradictoires en ce qui a trait aux arrangements de résidence et à la garde de son fils.

[22]           Malgré les renseignements flous et contradictoires que la demanderesse a fournis à CIC, la preuve dont l’agent disposait laissait tout de même croire que la demanderesse avait la garde légale de son fils à charge, puisqu’aucune modification au jugement de divorce n’avait été produite. De plus, il n’est pas expliqué pourquoi les parents de la demanderesse n’auraient pas pu amener son fils subir l’examen médical, puisqu’ils s’occupaient manifestement de lui lorsqu’ils l’ont amené chez l’avocat pour obtenir la lettre de confirmation de ce dernier.

VIII.       Analyse

[23]           Selon moi, l’agent n’a pas commis d’erreur dans son interprétation du Règlement, et sa conclusion appartient aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit.

[24]           Selon les articles 11 et 38 de la Loi et le sous‑alinéa 72(1)e)(i) du Règlement, pour qu’un étranger devienne un résident permanent du Canada au titre de la catégorie des époux au Canada, l’agent doit être convaincu que les membres de la famille de l’étranger, qu’ils l’accompagnent ou non, ne sont pas interdits de territoire pour des motifs liés à la santé. Comme l’a habilement fait valoir l’avocat du défendeur lors de l’audience, le contrôle est la pierre d’assise du système d’immigration. L’article 11 de la Loi et le paragraphe 72(1) du Règlement confèrent au contrôle un caractère essentiel dans le processus d’immigration. En absence de conformité à l’exigence relative au contrôle, l’agent des visas ne peut tout simplement pas savoir s’il y a des problèmes sous-jacents (en l’espèce, des problèmes de santé).

[25]           L’article 38 et l’alinéa 42a) de la Loi visent, en partie, à empêcher les étrangers d’entrer au Canada et d’ensuite parrainer des membres de la famille par ailleurs interdits de territoire dont les besoins occasionneraient un fardeau excessif sur les services de santé et les services sociaux canadiens : voir les décisions Lee, précitée, au paragraphe 3; Zhang c MCI, 2012 CF 1093, au paragraphe 16, conf. par. 2013 CAF 168; Rarama, précitée, aux paragraphes 22 et 29. Par conséquent, l’interdiction de territoire des membres de la famille d’un demandeur a pour effet de rendre le demandeur lui aussi interdit de territoire, sans égard à la question de savoir si le demandeur avait bel et bien prévu laisser ses enfants dans leur pays natal : voir l’alinéa 42a) de la Loi, et la décision Zhang, au paragraphe 14.

[26]           En l’espèce, la demanderesse a mentionné qu’elle voulait que son fils vienne au Canada à une date ultérieure (après avoir initialement mentionné que ce n’était pas le cas). Cela ne faisait aucun doute, autant dans le courriel qu’elle avait envoyé à son époux et dans lequel elle demandait que son fils se présente à un examen médical, que du fait que son consultant en immigration a demandé à ce que CIC ne déclare pas son fils être inadmissible à être parrainé pour venir au Canada à une date ultérieure.

[27]           Cependant, l’article 23 du Règlement tient compte du fait que les demandeurs n’ont pas tous la capacité d’amener leurs enfants à charge passer l’examen médical obligatoire : une de ses dispositions précise qu’un enfant à charge interdit de territoire d’un demandeur rendra uniquement le demandeur interdit de territoire lorsque celui‑ci a la garde de cet enfant ou qu’il est habilité à agir en son nom : voir article 23 du Règlement; et la décision Lee, précitée, au paragraphe 17.

[28]           Le défendeur se fonde sur le paragraphe 14 de la décision Rojas, précitée, à l’appui de la thèse selon laquelle l’article 23 du Règlement prévoit une exception à l’obligation que les enfants à charge subissent un examen médical, mais uniquement lorsque les enfants « sont sous la garde exclusive d’un conjoint séparé ou d’un ex-conjoint ». Selon mon interprétation, la décision Rojas ne définit pas de manière exhaustive l’exception prévue au sous‑alinéa 23b)(iii). Je juge plutôt que la cause dont est saisie la Cour en l’espèce porte sur la question de savoir si la demanderesse a fait tout en son pouvoir pour que son fils à charge passe un examen médical et qu’elle ne peut pas raisonnablement en faire davantage.

[29]           Dans la décision Rojas, le juge Zinn a conclu qu’en l’absence d’éléments de preuve attestant que le demandeur n’avait pas la garde de ses enfants, l’agent pouvait raisonnablement conclure que le demandeur n’avait pas épuisé toutes les voies de recours. Le juge Zinn a écrit ce qui suit :

14     Je souscris à l’observation du défendeur selon laquelle l’agent doit être convaincu que les membres de la famille du demandeur ne sont pas interdits de territoire. L’article 23 du Règlement prévoit une exception concernant les critères d’admissibilité des demandeurs lorsque leurs enfants sont sous la garde exclusive d’un conjoint séparé ou d’un ex-conjoint. Afin de tirer parti de cette exception, les demandeurs doivent fournir une preuve documentaire dans laquelle sont précisées les modalités de garde des enfants à charge qui ne les accompagnent pas. Le demandeur a omis de fournir une telle preuve, et ce, même après des demandes répétées.

15     L’alinéa 23(b)iii) du Règlement interdit de territoire un étranger si, en vertu d’une ordonnance judiciaire, d’un accord écrit, ou par l’effet de la loi, il ou elle a la garde des enfants à charge qui ne l’accompagnent pas et qu’il n’est pas confirmé que ceux-ci sont admissibles. En l’espèce, l’agent n’a pas conclu, en raison de l’omission de la part du demandeur de présenter la preuve nécessaire, qu’il n’avait pas la garde de ces trois enfants. C’est seulement quand et si l’agent tire une telle conclusion et détermine qu’il n’est pas nécessaire que les enfants fassent l’objet d’un contrôle, que le demandeur se voit demander de fournir les déclarations qu’il a présentées, visant à exclure ses enfants de la catégorie du regroupement familial.

[…]

17     Dans le Guide IP8 du défendeur, il est précisé que si les membres de la famille ne sont « véritablement pas disponibles », un agent peut faire signer au demandeur une déclaration solennelle. Il y est aussi indiqué que l’agent doit « envisager la possibilité qu’un client ne soit pas en mesure de faire en sorte qu’un membre de sa famille fasse l’objet d’un contrôle ». L’agent est invité à prendre ses décisions au cas par cas; le guide précise toutefois que l’agent ne doit aller de l’avant avec une demande sans que tous les membres de la famille aient fait l’objet d’un contrôle qu’« en dernier recours » et que le demandeur ne peut pas choisir de ne pas soumettre un membre de sa famille à un contrôle.

18     En l’absence d’éléments de preuve attestant que le demandeur n’avait pas la garde des enfants, je suis incapable de conclure que l’agent a commis une erreur ou a rendu une décision déraisonnable en concluant que le demandeur n’était pas arrivé au point de dernier recours. Vu la preuve à sa disposition, il était raisonnablement loisible à l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas épuisé toutes les voies de recours et de refuser d’aller de l’avant avec la demande ainsi qu’il est prévu dans le Guide IP8.

[30]           La présente affaire, comme celle dans la décision Rojas, ne dépend pas de la question de savoir si la demanderesse avait l’obligation ou non de produire des éléments de preuve selon lesquels sont ancien époux avait la « garde exclusive » de son enfant pour qu’elle puisse tirer profit de l’exception créée par l’article 23 du Règlement.

[31]           De plus, le guide opérationnel « IP 8 : Catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada » de CIC est clair quant au fait que l’exception, par laquelle l’article 23 ne s’applique pas à un enfant à charge, doit uniquement être invoquée en dernier recours :

Si les membres de la famille ne sont véritablement pas disponibles ou ne sont pas disposés à faire l’objet d’un contrôle, les conséquences de l’absence de contrôle de ces personnes devraient être clairement expliquées […]

L’agent doit envisager la possibilité qu’un client ne soit pas en mesure de faire en sorte qu’un membre de sa famille fasse l’objet d’un contrôle. Si le demandeur a fait tout en son pouvoir pour que le membre de sa famille fasse l’objet d’un contrôle, mais qu’il n’y est pas parvenu, et si l’agent est convaincu que le demandeur connaît les conséquences de cette situation (c.-à-d. aucun parrainage ultérieur possible), il n’est alors pas justifié de refuser sa demande pour non-conformité.

L’agent doit prendre sa décision au cas par cas, et faire preuve de bon sens et de jugement quand vient le temps de déterminer s’il ira de l’avant avec une demande, même si tous les membres de la famille du demandeur n’ont pas fait l’objet d’un contrôle. Cette situation est susceptible de se produire dans le cas où un ex-conjoint refuse qu’un enfant fasse l’objet d’un contrôle ou dans le cas où une personne à charge âgée de 18 ans ou plus refuse de se soumettre à un contrôle. L’agent ne devrait cependant procéder de la sorte qu’en dernier recours et uniquement s’il est convaincu que le demandeur n’est pas en mesure de faire en sorte que le membre de sa famille se soumette à un contrôle. Le demandeur ne peut pas choisir de ne pas soumettre un membre de sa famille à un contrôle.

[Non souligné dans l’original.] (Guide IP 8, page 20)

Même si les guides opérationnels de CIC ne sont pas contraignants, ils aident la Cour à apprécier la question de savoir si la décision visée par la demande de contrôle judiciaire était raisonnable : Rarama, précitée, au paragraphe 23.

[32]           En l’espèce, le fils de la demanderesse était clairement visé par l’article 23 et sa situation correspondait au libellé de cette disposition, puisque le jugement de divorce précisait que la demanderesse avait la garde de son fils et qu’elle était juridiquement habilitée à agir pour son compte : ce jugement de divorce, lequel n’a pas été modifié, attribue la garde principale à la demanderesse ainsi que des droits d’accès à son époux. La demanderesse a choisi de laisser son fils entre les mains de son ex‑époux lorsqu’elle est venue au Canada, et ce, malgré le fait qu’elle disposait toujours du droit de s’occuper de lui (au Vietnam) si elle le voulait. Aussi, selon certains éléments de preuve, elle permettait à ses parents de s’occuper de l’enfant à titre de « tuteurs » (DCT, p. 50).

[33]           L’intention de la Loi et les exigences prévues par celle‑ci sont de contraindre tous les membres de la famille à se soumettre à un contrôle médical, et l’élément central en l’espèce est de savoir si la demanderesse principale avait épuisé toutes les avenues de recours raisonnables pour que son fils à charge fasse l’objet du contrôle.

[34]           En l’espèce, la demanderesse n’a pas produit une preuve suffisante portant qu’elle ne pouvait pas faire en sorte que son fils soit disponible pour l’examen. Bien qu’elle ait prétendu que son fils vivait avec son père et que ce dernier refusait de l’amener passer un examen médical, elle a aussi produit en preuve un jugement de divorce qui lui donnait expressément la garde légale de son fils. Selon moi, il est révélateur qu’elle n’ait produit aucun des éléments suivants : une preuve selon laquelle le jugement de divorce avait fait l’objet d’une modification; un témoignage de son ex‑époux selon lequel il refusait de permettre que son fils se soumette au contrôle médical (ou tout affidavit portant sur ces questions en provenance du Vietnam); une preuve selon laquelle elle n’aurait pas pu se rendre au Vietnam en visite et amener son fils passer un examen médical; une preuve selon laquelle elle avait, d’un point de vue juridique, l’obligation d’obtenir le consentement de son ex‑époux pour que ses parents amènent son fils passer l’examen en question, ou une explication à savoir pourquoi ses parents n’ont pas mené son fils passer l’examen en question.

[35]           Selon moi, l’agent a agi de manière tout à fait raisonnable lorsqu’il a conclu que la Loi obligeait la demanderesse à faire passer un examen à son fils, en raison du fait qu’elle avait produit des renseignements contradictoires quant à la garde et à la résidence de son fils, et parce qu’elle avait initialement mentionné qu’elle voulait qu’il l’accompagne au Canada à une date ultérieure.

[36]           Bien que l’avocat de la demanderesse ait plaidé de manière admirable et convaincante la cause de sa cliente, les critères juridiques étaient tout simplement trop lourds pour que la demanderesse puisse se décharger de son fardeau en l’espèce. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

IX.             La question proposée à des fins de certification

[37]           La demanderesse a proposé la certification de la question suivante :

[traduction]

L’article 23 du Règlement s’applique‑t‑il à un demandeur qui a uniquement la garde partagée de son enfant à charge qui ne l’accompagne pas?

Le défendeur s’est opposé à la certification de cette question, en prétendant que la décision Rojas répondait clairement à toute incertitude dans l’interprétation du concept de garde dans le contexte de l’article 42 de la Loi et de l’article 23 du Règlement. Je souscris à la prétention du défendeur : la question ne répond pas au critère applicable en matière de certification. Aucune question ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par les présentes rejetée. Aucune question ne sera certifiée.

« Alan Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5843-13

 

INTITULÉ :

LE KIEU KHANH NGUYEN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 DÉCEMBRE 2014

 

MOTIFS ET JUGEMENT :

LE JUGE DINER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 9 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John Provart

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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