Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20141119


Dossier : T-1951-13

Référence : 2014 CF 1090

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2014

En présence de monsieur le juge O’Keefe

ENTRE :

LORENCE WILLIAM HUD

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Une protonotaire a radié la déclaration du demandeur sans autorisation de la modifier. Ce dernier interjette le présent appel pour obtenir, en vertu du paragraphe 51(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], une ordonnance infirmant cette décision.

I.                   Contexte

[2]               En 2010, un arbitre de drainage a interdit à Lorence Hud (le demandeur) d’entraver les tentatives de réparation, par la municipalité de Nipissing Ouest, d’un ponceau situé sur sa propriété (voir West Nipissing c Hud (27 août 2010), North Bay CV-10-4914 (ONSC)). Cette ordonnance s’est soldée par la fixation de dépens à l’encontre des biens du demandeur, et les tentatives du demandeur de contester ces décisions en Cour divisionnaire et en Cour supérieure de justice de l’Ontario ont échoué pour la plupart (voir West Nipissing c Hud, 2011 ONSC 2095; Hud c West Nipissing, 2011 ONSC 6294, 90 MPLR (4th) 336).

[3]               D’après la déclaration, qui concerne surtout des événements ultérieurs, le demandeur a tenté de convaincre le premier ministre du Canada et le ministre de la Justice d’intervenir et d’invalider ce qu’il appelle des tribunaux illégaux; toutefois, les deux politiciens ont refusé de le rencontrer malgré la demande écrite du député de sa circonscription.

[4]               Cela dit, le demandeur soutient que le gouvernement a ajouté à sa facture de taxes foncières des [traduction« factures illégales émanant de ce tribunal canadien illégal ». Par ailleurs, le Bureau du premier ministre aurait ordonné à l’Agence du revenu du Canada (ARC) de l’intimider pour qu’il renonce à sa poursuite en justice en menaçant de réexaminer ses déclarations de revenus. Le demandeur reproche aussi au premier ministre les appels téléphoniques qu’il a commencé à recevoir vers la même époque.

[5]               Le demandeur prétend que ces actions ont porté atteinte à ses droits constitutionnels, ont nui à la santé de sa mère, qu’elles l’ont empêché de recevoir un prix de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, et ont anéanti son désir de composer de la musique.

[6]               Par conséquent, il sollicite de la Cour un redressement qui permette les sept choses suivantes : 1) exiger du défendeur qu’il empêche les fonctionnaires du gouvernement de le harceler, de le menacer, de l’intimider et de faire preuve de discrimination à son endroit; 2) exiger du défendeur qu’il infirme les décisions rendues contre lui par les tribunaux ontariens; 3) le soustraire constitutionnellement à l’application de la Loi sur le drainage de l’Ontario, LO 1990, c D 17; 4) obliger le défendeur à empêcher les fonctionnaires du gouvernement d’exiger le paiement des factures émanant de la cour et de ses taxes foncières; 5) lui accorder 28 000 000 $ en dommages-intérêts pour diffamation, tourment, douleur et souffrance; 6) lui octroyer les intérêts sur cette somme conformément aux articles 127 à 130 de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, LO 1990, c C 43; 7) lui adjuger les dépens.

[7]               Se fondant sur le paragraphe 221(1) des Règles, le défendeur sollicite une ordonnance radiant la déclaration sans autorisation de la modifier.

II.                Décision visée par l’appel

[8]               Le 10 février 2014, la protonotaire a accueilli la requête du défendeur. Ayant jugé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience, elle a conclu que la déclaration était décousue, vague et souvent incohérente. Elle a cependant relevé les allégations essentielles et a jugé qu’aucune d’entre elles n’établissait de cause d’action pour les motifs suivants :

1.                  La Cour fédérale, pas plus que le premier ministre ou le ministre de la Justice, n’a pas le pouvoir d’infirmer les décisions rendues par des tribunaux ontariens;

2.                  Aucun représentant élu n’est tenu de rencontrer un citoyen à sa demande;

3.                  Quoique la Couronne fédérale puisse être déclarée responsable du fait d’autrui relativement à des délits commis par ses fonctionnaires ou mandataires, la déclaration ne contenait aucun fait pertinent à ce chapitre. Plus spécifiquement, les renseignements fournis ne permettaient pas d’identifier les personnes responsables des actes censés engager la responsabilité de la Couronne. De même, les allégations de fraude ou d’abus de confiance n’étaient pas suffisamment détaillées. En l’absence de tels détails, la protonotaire a conclu que la déclaration était frivole et vexatoire.

[9]               Par conséquent, la protonotaire a accueilli la requête du défendeur et lui a adjugé des dépens de 200 $.

III.             Questions à trancher

[10]           La présente affaire soulève les questions suivantes :

A.                Quelle est la norme de contrôle applicable?

B.                 La protonotaire a-t-elle agi de manière inéquitable?

C.                 La déclaration révèle-t-elle une cause d’action?

D.                Les dépens devraient-ils être adjugés?

IV.             Observations écrites du demandeur

[11]           Le demandeur est contrarié que la protonotaire ait soi-disant radié les arguments de sa demande fondés sur ses droits protégés par la Charte. Il soutient dans son avis de requête que la protonotaire lui a illégitimement refusé une audience et qu’elle ne lui a pas permis de répondre à deux pièces déposées par la Couronne après qu’il a présenté ses dernières observations. Il fait valoir que les tribunaux ontariens l’ont ignoré et empêché de s’exprimer pour sa défense, et que cela doit cesser maintenant qu’il s’est adressé aux tribunaux [traduction] « supérieurs ».

[12]           Le demandeur attaque d’autre part l’injonction initiale rendue par l’arbitre du drainage, et affirme qu’elle n’aurait pas dû être permanente puisque les travaux effectués ne devaient durer qu’une journée. Selon lui, cet incident s’est transformé en une guerre totale livrée contre lui par les plus hauts échelons du gouvernement, et les tentatives du défendeur d’escamoter tout l’incident du ponceau témoignent de sa complicité. Il affirme que la protonotaire devait être partiale pour ignorer totalement ces faits. Il compare ensuite les arguments du défendeur à une [traduction« acrobatie pseudo-juridique d’amateur » pleine de faux-fuyants et il supplie la Cour de ne pas se laisser prendre.

V.                Observations écrites du défendeur

[13]           Le défendeur reconnaît que la Cour n’est pas tenue de faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la protonotaire, mais ajoute que cette décision devrait être maintenue parce qu’elle est juste. Plus spécifiquement, il convient de radier une déclaration s’il est évident que l’action ne peut être accueillie, et ce critère lui paraît avoir été rempli.

[14]           Le défendeur fait remarquer que la compétence de la Cour fédérale est limitée et qu’elle ne s’étend pas à la plupart des allégations du demandeur. Les ordonnances rendues par un arbitre du drainage en Ontario ne peuvent d’ailleurs être portées en appel que devant la Cour divisionnaire de cette province, et tout appel subséquent doit être instruit par la Cour d’appel de l’Ontario. La Loi sur le drainage n’attribue nulle part le moindre rôle à la Cour fédérale, si bien que ni la demande d’infirmation de cette ordonnance ni la demande de dispense constitutionnelle de l’application de la Loi n’ont de fondement juridictionnel. Le défendeur affirme qu’il en va de même pour le premier ministre et le ministre de la Justice.

[15]           Il soutient, de la même façon, que les provinces sont constitutionnellement responsables des taxes foncières, et qu’aucune loi ontarienne en cette matière n’accorde compétence à la Cour fédérale.

[16]           Ainsi, la seule revendication restante est celle qui concerne les 28 000 000 $ en dommages-intérêts pour [traduction« diffamation, tourment, douleur et souffrance ». À cet égard, le défendeur affirme que la protonotaire a eu raison de faire observer que la demande n’était appuyée par aucun fait pertinent. En effet, la déclaration ne contient aucun détail concernant les événements allégués, tel que l’heure, la date et le lieu, l’identité des individus responsables ou la nature des obligations non respectées.

[17]           Le défendeur rappelle d’ailleurs que le [traduction] « tourment » n’est pas une cause d’action reconnue; quant à la diffamation, les termes exacts qui sont censés être diffamatoires doivent être invoqués. De plus, ni le premier ministre ni le ministre de la Justice ne sont obligés de rencontrer le demandeur, et leur refus en l’espèce ne crée aucune cause d’action. De surcroît, les lettres de l’ARC concernant les impôts du demandeur n’ont aucune pertinence au regard des actions alléguées.

[18]           Enfin, le défendeur note que les pièces A et B dont s’est plaint le demandeur étaient de simples reçus de FedEx attestant que l’avis de requête en radiation lui avait été signifié. Ces reçus, de portée strictement procédurale, ne concernaient en rien le bien-fondé de la requête.

[19]           Le défendeur demande que les dépens lui soient adjugés.

VI.             Analyse et décision

A.                Question 1 – Quelle est la norme de contrôle applicable?

[20]           L’ordonnance d’un protonotaire ne doit pas être modifiée, sauf si : a) la question soulevée dans la requête a une influence déterminante au regard de l’affaire; ou b) l’ordonnance est manifestement erronée (voir Sanofi-Aventis Canada Inc. c Teva Canada Ltd, 2014 CAF 65, au paragraphe 10, [2014] ACF no 254; ZI Pompey Industrie c ECU-Line NV, 2003 CSC 27, au paragraphe 18, [2003] 1 RCS 450). En l’espèce, l’ordonnance a totalement réfuté la thèse du demandeur, de sorte que la question soulevée dans la requête a certainement une influence déterminante sur l’issue du principal. C’est pourquoi je ne m’en remettrai pas aux conclusions de la protonotaire et j’examinerai l’affaire de novo.

B.                 Question 2 – La protonotaire a-t-elle agi de manière inéquitable?

[21]           Le demandeur fait valoir que la protonotaire lui a refusé une audience ainsi que la possibilité de répondre à un affidavit déposé par le défendeur. Quel que soit le bien-fondé de ces allégations, elles sont dépourvues de pertinence. Le demandeur a bénéficié cette fois-ci d’une audience et il a eu l’opportunité de contester les pièces. Puisque la Cour n’est tenue à aucune déférence à l’égard de la protonotaire, toute iniquité susceptible de lui être imputée est corrigée par la procédure maintenant en cours.

C.                 Question 3 – La déclaration révèle-t-elle une cause d’action?

[22]           Le paragraphe 221(1) des Règles autorise la Cour à radier tout acte de procédure pour un certain nombre de raisons Elle peut notamment radier une déclaration qui ne révèle aucune cause d’action valable (alinéa 221(1)a) des Règles) ou qui est scandaleuse, frivole ou vexatoire (alinéa 221(1)c) des Règles).

[23]           Pour ce qui est du premier motif, la déclaration révèle une cause d’action valable pour autant qu’il n’est ni clair ni évident que l’action sera rejetée. De ce point de vue, tous les faits allégués qui pourraient être prouvés doivent tenus pour avérés (voir R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, aux paragraphes 17 et 22, [2011] 3 RCS 45 [Imperial Tobacco]; Canada c O’Dwyer, 2013 CAF 200, au paragraphe 7, 449 NR 285).

[24]           Quant au deuxième motif, une déclaration peut être vexatoire ou frivole si elle est tellement déficiente au chapitre des faits que le défendeur ne peut pas savoir comment y répondre et que la Cour ne sera pas en mesure de gérer l’instance (voir Simon c Canada, 2011 CAF 6, au paragraphe 9, 410 NR 374 [Simon]; Kisikawpimootewin c Canada, 2004 CF 1426, au paragraphe 8, [2004] ACF no 1709).

[25]           En l’espèce, la protonotaire a conclu que la radiation de la déclaration était justifiée pour l’un et l’autre de ces motifs, et je suis d’accord.

[26]           Pour commencer, le demandeur a joint à sa déclaration un certain nombre de documents et a de plus déposé un affidavit à l’appui de son appel. En vertu de l’article 174 et du paragraphe 221(2) des Règles, ces documents ne peuvent pas être pris en compte pour évaluer la déclaration. Même si celle-ci n’était pas autrement déficiente, toutes les pièces doivent être radiées. Quant aux enregistrements sur bande invoqués par le demandeur, ils ne seraient pas admissibles puisqu’apparemment ils ne faisaient pas partie du dossier dont disposait la protonotaire.

[27]           La plupart des documents déposés par le demandeur témoignent d’une incompréhension fondamentale des tribunaux de ce pays. Tout d’abord, le demandeur qualifie à plusieurs reprises la Cour supérieure de justice de l’Ontario de tribunal illégal, ce qu’elle n’est pas. Cette cour jouit plutôt d’un statut constitutionnel que lui confère l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict, c 3, reproduite dans LRC 1985, app II, no 5 [la Constitution].

[28]           En somme, le demandeur semble vouloir dire que les ordonnances rendues contre lui ont été délivrées de manière illégale parce qu’il n’a pas reçu avis de la procédure initiale. Cependant, même si l’ordonnance ne devait pas être délivrée, le tribunal lui-même n’en est pas illégal pour autant.

[29]           Par ailleurs, l’appelant a tort de croire que la Cour fédérale est « supérieure » aux tribunaux ontariens et qu’elle peut contrôler leurs ordonnances. Techniquement, la Cour fédérale est plutôt un tribunal inférieur établi par le Parlement en vertu de l’article 101 de la Constitution, ce qui signifie qu’elle n’a le pouvoir de faire que ce qui lui est légalement permis par le Parlement (voir ITO-Int’l Terminal Operators c Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, 28 DLR (4th) 641). En l’espèce, le Parlement n’a adopté aucune loi visant à autoriser la Cour fédérale à contrôler les ordonnances rendues par le tribunal de l’arbitre de drainage, la Cour divisionnaire ou la Cour supérieure de justice de l’Ontario, et une telle mesure aurait probablement été inconstitutionnelle. Pour les mêmes motifs, la Cour ne peut entendre aucune contestation touchant la constitutionnalité de la Loi sur le drainage ou les taxes foncières du demandeur.

[30]           Par ailleurs, l’opinion du demandeur selon laquelle le premier ministre ou le ministre fédéral de la Justice a le pouvoir d’infirmer les décisions de ces tribunaux est infondée. Les tribunaux de ce pays sont indépendants et la branche exécutive du gouvernement ne peut tout simplement pas infirmer la décision d’un juge à laquelle elle ne souscrit pas.

[31]           Le demandeur affirme également que le premier ministre et le ministre de la Justice ont refusé de le rencontrer. La Cour aurait pu procéder au contrôle judiciaire de cette décision si l’un ou l’autre avait eu l’obligation de rencontrer le demandeur, mais il est clair et évident que ce n’est pas le cas. D’autre part, le demandeur soutient que ce refus viole le droit à une [traduction] « représentation égale » que lui confère l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 [la Charte], ce qui est tout à fait injustifié. L’article 3 accorde seulement le droit de voter et de se présenter aux élections législatives. La protonotaire a justement rejeté cette allégation.

[32]           En fait, toutes les allégations du demandeur portant que ses droits protégés par la Charte ont été violés ne sont que de simples affirmations ou sont des allégations sur lesquelles la Cour ne peut pas statuer. Aucune n’est fondée.

[33]           Ainsi, les seules allégations restantes concernent les délits imputés aux mandataires du premier ministre. Théoriquement, la Cour pourrait être compétente en telle matière (voir la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, paragraphe 17(1), alinéa 17(2)d); Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50, sous-alinéa 3b)(i)).

[34]           À cet égard, la déclaration est trop décousue pour déterminer avec certitude quels délits sont allégués, mais d’après ce que je comprends, le demandeur en invoque trois :

1.                  L’injonction rendue contre lui est diffamatoire et l’a empêché de recevoir un prix;

2.                  Le Bureau du premier ministre a ordonné à des mandataires de le harceler par des appels téléphoniques;

3.                  Le Bureau du premier ministre a ordonné à l’ARC de l’intimider en exigeant le paiement d’impôts et en menaçant de réexaminer ses déclarations fiscales.

[35]           Je conviens avec le défendeur que les faits nécessaires pour étayer ces allégations n’ont pas été invoqués.

[36]           Même en supposant qu’une ordonnance judiciaire puisse jamais être diffamatoire (ce qui est douteux), le gouvernement fédéral n’est en rien responsable de la délivrance de l’injonction et n’a donc pas à en répondre. Du reste, le demandeur n’a fait état d’aucune déclaration publique du défendeur qui puisse être tenue pour diffamatoire (voir Grant c Torstar Corp., 2009 CSC 61, au paragraphe 28, [2009] 3 RCS 640). À ce titre, la déclaration ne saurait étayer cette allégation (voir Djukic c Canada (Procureur général), 2001 CFPI 714, au paragraphe 9, [2001] ACF no 1037).

[37]           Quant aux appels téléphoniques inquiétants, il n’est pas certain qu’il existe même en droit canadien un délit de harcèlement (voir Brazeau c Canada (Procureur général), 2012 CF 648, au paragraphe 54, [2012] ACF no 1489). Cela dit, sa seule nouveauté ne justifie pas le rejet de l’argument.

[38]           Cependant, la protonotaire a rejeté les deuxième et troisième allégations au motif que tous les faits pertinents doivent être invoqués selon l’article 174 des Règles. Dans le cas d’allégations touchant la responsabilité du fait d’autrui, cela suppose de fournir des renseignements suffisants pour identifier précisément le fonctionnaire responsable, et même s’il n’est pas indispensable de le nommer, l’acte de procédure doit à tout le moins être assez détaillé pour permettre au défendeur d’enquêter adéquatement (voir Merchant Law Group c Canada (Agence du revenu), 2010 CAF 184, au paragraphe 38, 321 DLR (4th) 301). Je conviens avec la protonotaire qu’une simple imputation de responsabilité au Bureau du premier ministre ou à l’ARC est loin d’être assez précise. La déclaration est donc déficiente et contrevient aux articles 174 et 181 des Règles.

[39]           Enfin, je souscris à la décision de la protonotaire de refuser au demandeur l’autorisation de modifier sa déclaration. Le paragraphe 221(1) des Règles autorise un tel refus lorsqu’aucune modification n’est susceptible de corriger les défaillances de la déclaration (voir l’arrêt Simon, au paragraphe 8). C’est le cas en l’espèce. Le demandeur ne soupçonne le Bureau du premier ministre que parce qu’il a commencé à recevoir des appels téléphoniques et que la lettre de l’ARC lui est parvenue après qu’il a écrit au premier ministre en le menaçant de poursuites s’il ne le rencontrait pas dans les trente jours. C’est là une hypothèse totalement déraisonnable et il est clair que le demandeur ne saurait pas qui désigner même si l’autorisation de modifier la déclaration lui était accordée. À ce titre, la protonotaire a eu raison de la lui refuser.

[40]           Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, l’appel (requête) du demandeur doit être rejeté. L’ordonnance de la protonotaire était correcte et j’arriverais aux mêmes conclusions.

D.                Question 4 – Les dépens devraient-ils être adjugés?

[41]           Le défendeur réclame les dépens au montant fixé par la Cour conformément au paragraphe 400(1) des Règles. Il invoque également le sous-alinéa 400(3)k)(i) des Règles, qui m’invite à considérer si une mesure prise au cours de l’instance était inappropriée, vexatoire ou inutile.

[42]           La déclaration était sans doute vexatoire pour le défendeur, mais j’estime que le demandeur croit réellement qu’il a été lésé. Je ne pense pas qu’il cherche à abuser des procédures de la Cour. À ce titre, je n’augmenterais pas les dépens adjugés contre lui.

[43]           Par ailleurs, le défendeur a repris dans son mémoire les arguments qu’il avait fait valoir devant la protonotaire. Cette dernière lui avait déjà adjugé ses dépens pour sa peine. Le défendeur a cependant dû se préparer pour l’audience devant la Cour et y assister. Pour cette raison, j’estime qu’il convient de lui adjuger 300 $.

[44]           Par conséquent, je rejetterais l’appel (requête) et adjugerais au défendeur ses dépens à raison de 300 $.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE l’appel du demandeur et accorde au défendeur des dépens de 300 $.

« John A. O'Keefe »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


ANNEXE

Dispositions pertinentes

Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

2. Everyone has the following fundamental freedoms :

[…]

d) liberté d’association.

(d) freedom of association.

[…]

3. Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.

3. Every citizen of Canada has the right to vote in an election of members of the House of Commons or of a legislative assembly and to be qualified for membership therein.

[…]

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

8. Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

[…]

11. Tout inculpé a le droit :

11. Any person charged with an offence has the right

[…]

d) d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable;

(d) to be presumed innocent until proven guilty according to law in a fair and public hearing by an independent and impartial tribunal;

Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict, c 3, reproduite dans LRC 1985, app II, no 5

96. Le gouverneur-général nommera les juges des cours supérieures, de district et de comté dans chaque province, sauf ceux des cours de vérification dans la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

96. The Governor General shall appoint the Judges of the Superior, District, and County Courts in each Province, except those of the Courts of Probate in Nova Scotia and New Brunswick.

[…]

101. Le parlement du Canada pourra, nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi, lorsque l’occasion le requerra, adopter des mesures à l’effet de créer, maintenir et organiser une cour générale d’appel pour le Canada, et établir des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada.

101. The Parliament of Canada may, notwithstanding anything in this Act, from Time to Time provide for the Constitution, Maintenance, and Organization of a General Court of Appeal for Canada, and for the Establishment of any additional Courts for the better Administration of the Laws of Canada.

Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50

3. En matière de responsabilité, l’État est assimilé à une personne pour :

3. The Crown is liable for the damages for which, if it were a person, it would be liable

[…]

b) dans les autres provinces :

(b) in any other province, in respect of

(i) les délits civils commis par ses préposés,

(i) a tort committed by a servant of the Crown, or

(ii) les manquements aux obligations liées à la propriété, à l’occupation, à la possession ou à la garde de biens.

(ii) a breach of duty attaching to the ownership, occupation, possession or control of property.

[…]

10. L’État ne peut être poursuivi, sur le fondement des sous-alinéas 3a)(i) ou b)(i), pour les actes ou omissions de ses préposés que lorsqu’il y a lieu en l’occurrence, compte non tenu de la présente loi, à une action en responsabilité contre leur auteur, ses représentants personnels ou sa succession.

10. No proceedings lie against the Crown by virtue of subparagraph 3(a)(i) or (b)(i) in respect of any act or omission of a servant of the Crown unless the act or omission would, apart from the provisions of this Act, have given rise to a cause of action for liability against that servant or the servant’s personal representative or succession.

Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7

17. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, la Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne.

17. (1) Except as otherwise provided in this Act or any other Act of Parliament, the Federal Court has concurrent original jurisdiction in all cases in which relief is claimed against the Crown.

(2) Elle a notamment compétence concurrente en première instance, sauf disposition contraire, dans les cas de demande motivés par :

(2) Without restricting the generality of subsection (1), the Federal Court has concurrent original jurisdiction, except as otherwise provided, in all cases in which

[…]

d) une demande en dommages-intérêts formée au titre de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif.

(d) the claim is for damages under the Crown Liability and Proceedings Act.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106

51. (1) L’ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Cour fédérale.

51. (1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Federal Court.

[…]

174. Tout acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits.

174. Every pleading shall contain a concise statement of the material facts on which the party relies, but shall not include evidence by which those facts are to be proved.

[…]

181. (1) L’acte de procédure contient des précisions sur chaque allégation, notamment :

181. (1) A pleading shall contain particulars of every allegation contained therein, including

a) des précisions sur les fausses déclarations, fraudes, abus de confiance, manquements délibérés ou influences indues reprochés;

(a) particulars of any alleged misrepresentation, fraud, breach of trust, wilful default or undue influence; and

b) des précisions sur toute allégation portant sur l’état mental d’une personne, tel un déséquilibre mental, une incapacité mentale ou une intention malicieuse ou frauduleuse.

(b) particulars of any alleged state of mind of a person, including any alleged mental disorder or disability, malice or fraudulent intention.

[…]

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

(b) is immaterial or redundant,

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

(2) Aucune preuve n’est admissible dans le cadre d’une requête invoquant le motif visé à l’alinéa (1)a).

(2) No evidence shall be heard on a motion for an order under paragraph (1)(a).

[…]

400. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

400. (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

(2) Les dépens peuvent être adjugés à la Couronne ou contre elle.

(2) Costs may be awarded to or against the Crown.

(3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

[…]

k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance, selon le cas :

(k) whether any step in the proceeding was

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

(i) improper, vexatious or unnecessary, or

(ii) a été entreprise de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

(ii) taken through negligence, mistake or excessive caution;

[…]

401. (1) La Cour peut adjuger les dépens afférents à une requête selon le montant qu’elle fixe.

401. (1) The Court may award costs of a motion in an amount fixed by the Court.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1951-13

 

INTITULÉ :

LORENCE WILLIAM HUD c

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 20 mai 2014

 

motifs du jugement et jugement :

le juge o’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 NOVEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Lorence William Hud

 

POUR LE DEMANDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Kirk Shannon

 

POUR LE défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorence William Hud

North Bay (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

pour le défendeur

 

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