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Date : 20141218

Dossier : T‑2066‑13

Référence : 2014 CF 1237

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2014

En présence de madame la juge Bédard

ENTRE :

PHILIP MORRIS PRODUCTS S.A.

demanderesse

et

IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITED

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté conformément à l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi), d’une décision rendue par le registraire des marques de commerce (le registraire) au nom de la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission). Dans sa décision, la Commission a rejeté la demande présentée par Philip Morris Products S.A. (la demanderesse) en vue de faire enregistrer la marque proposée « FLIP‑TOP » (la marque) en liaison avec du tabac et divers produits du tabac. La Commission a conclu que la marque n’était pas distinctive parce qu’elle décrivait un type d’emballage couramment employé pour les produits du tabac. Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

I.                   Contexte

[2]               La demanderesse a produit le 18 septembre 2008 une demande d’enregistrement fondée sur un emploi projeté en liaison avec les marchandises suivantes : « tabac, brut ou manufacturé, y compris cigares, cigarettes, cigarillos, tabac pour rouler ses cigarettes, tabac à pipe, tabac à chiquer, tabac à priser et substituts de tabac (à usage autre que médical) ».

[3]               La demande a été annoncée dans l’édition du 29 juillet 2009 du Journal des marques de commerce. La défenderesse a produit une déclaration d’opposition le 23 décembre 2009 dans laquelle elle invoquait les trois motifs suivants :

[traduction]

a)   Suivant l’alinéa 38(2)a) de la Loi, la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30e), car la requérante n’a pas l’intention d’employer, elle‑même ou par l’entremise d’un licencié, ou elle‑même et par l’entreprise d’un licencié, la marque visée par cette demande comme marque de commerce.

b)   Suivant les alinéas 38(2)b) et 12(1)b) de la Loi, la marque visée par la demande n’est pas enregistrable, car qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse du fait que les marchandises de la requérante sont vendues dans un emballage à abattant.

c)   Suivant l’alinéa 38(2)d) de la Loi, la marque de commerce en cause n’est pas distinctive, à cause de la nature descriptive de la marque et du fait que la marque ne sera pas employée ni perçue comme une marque de commerce.

[4]               L’article 38 de la Loi énumère les divers motifs d’opposition :

Déclaration d’opposition

38. (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l’annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d’opposition.

Motifs

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

c) le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement;

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

Statement of opposition

38. (1) Within two months after the advertisement of an application for the registration of a trade‑mark, any person may, on payment of the prescribed fee, file a statement of opposition with the Registrar.

Grounds

(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

(a) that the application does not conform to the requirements of section 30;

(b) that the trade‑mark is not registrable;

(c) that the applicant is not the person entitled to registration of the trade‑mark; or

(d) that the trade‑mark is not distinctive.

 

[Non souligné dans l’original.]

[5]               Le mot « distinctif » est défini comme suit à l’article 2 de la Loi :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi. […]

« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

2. In this Act, […]

“distinctive”, in relation to a trade‑mark, means a trade‑mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

[6]               La preuve soumise par la défenderesse à la Commission consistait en l’affidavit de Mme Claire Gordon, technicienne juridique au cabinet d’avocats de la défenderesse. Sa preuve consistait en les éléments suivants :

▪  des extraits du Règlement sur l’information relative aux produits du tabac, DORS/2000 et du Règlement sur les rapports relatifs au tabac, DORS/2000‑273, (art. 1) « type d’emballage ». Ces deux règlements définissent l’expression « type d’emballage » en précisant qu’elle vise notamment les « paquets à abattant » et les « boîtes à couvercle à charnière », s’agissant respectivement des cigarettes et des cigares;

▪  les résultats de recherches effectuées sur Google à partir du terme « flip‑top » (à abattant) et de pages Web imprimées constituées principalement de publicités décrivant un type d’emballage ou de contenants et, dans bien des cas, pour des produits du tabac;

▪  des extraits des dictionnaires Oxford et Macmillan en ligne définissant comme suit le terme « FLIP‑TOP » : [traduction]« muni ou doté d’un couvercle rabattable facilement » et [traduction] « couvercle d’un contenant qui reste attaché à ce dernier lorsqu’il est ouvert ». Les deux recherches ont été effectuées le 13 septembre 2010;

▪  Sept dossiers de brevets canadiens dans lesquels l’expression « flip‑top » est associée à des emballages de produits du tabac. Les dates de dépôt de ces demandes de brevets vont d’avril 1989 à juillet 2008.

[7]               La preuve de la demanderesse était constituée des affidavits de Suzanna La Rose, bibliothécaire de référence principale au cabinet d’avocats de la demanderesse et de Mme Mary P. Noonan, commis à la recherche de marques de commerce au cabinet d’avocats de la demanderesse. Dans son affidavit, Mme Suzanna La Rose propose des définitions des termes « tobacco » (tabac), « cigars » (cigares), « cigarettes » (cigarettes), « cigarillos » (cigarillos) tirées de divers dictionnaires antérieurs à 2005 et de dictionnaires en ligne consultés le 15 avril 2011.

[8]               L’affidavit de Mme Mary P. Noonan faisait état des résultats des recherches suivantes effectuées le 14 avril 2011 dans la banque de données des marques de commerce canadiennes :

         Recherches portant sur des marques de commerce comprenant les éléments « flip » ou « top » associés à des emballages : FLIP‑PAC, associée à une aide antitabagique, FLIP‑A‑MINT, associée à des friandises, et « FLIP YOUR LID!! », associée à de la pizza.

         Recherches portant sur des marques de commerce dont un élément décrit l’emballage : TWO BY SIX, associée à la bière, CLEAR, associée à du tabac, 6 PAK, associée à des blocs réfrigérants, BIG PAK, associée à de la gomme à mâcher, SCREW, associée à du vin, STACK, associée à de la papeterie, RESEALABLE STORAGE PAK, associée à des piles, RESEALABLE ZIPPER, associée à des friandises, SLIM PACK, associée à de la gomme à mâcher, BLACK BOX, associée à du vin, CHILLER PACK, associée à de la bière, CLEAR, associée à de la bière, SIXPACK, associée à des pièces automobiles, POP THE TOP, associée à des boissons gazeuses, TWIN PACK, associée à de la bière, TWINPACK, associée à des médicaments pour l’asthme et TWINPAK, associée à du savon.

  • Recherches portant sur des marques de commerce pour lesquelles il y avait eu désistement à l’égard des renvois à l’emballage dans les marques de commerce : FRIDGE PACK et FRIDGE PAK, associées à de la bière, GRAB PACK, associée à des porte‑bouteilles pour la bière, CASE LOGIC, associée à des conteneurs, des sacs et des étuis de protection, THE VALUE CUBE, associée à des boissons gazeuses, UPS 10 KG BOX et UPS 25 KG BOX, associées à des matériaux d’expédition.

[9]               Le 15 octobre 2013, la Commission a rendu une décision dans laquelle elle rejetait la demande d’enregistrement de la marque.

[10]           Dans le cadre du présent appel devant notre Cour, les deux parties ont déposé des éléments de preuve complémentaires.

[11]           La demanderesse a déposé l’affidavit de Mme Nicole Zeit, étudiante en droit travaillant comme stagiaire au cabinet d’avocats de la demanderesse. Elle a soumis une photographie de la gomme à mâcher à la menthe verte Freedent de Wrigley arborant la marque de commerce MEGAPAK ainsi que des copies d’écran de pages Web indiquant que les mots MEGAPAK, DOUBLE PAK et SLIM PACK sont utilisés comme marques de commerce pour la gomme à mâcher Wrigley. Elle a également soumis des copies d’écran tirées de pages Web et des articles de journaux démontrant l’emploi de BLACK BOX comme marque de commerce pour des coffrets de vin. La demanderesse a également déposé des copies certifiées de dossiers de demande de marque de commerce portant sur les marques de commerce MEGAPAK, DOUBLE PAK, SLIM PACK et BLACK BOX.

[12]           Pour sa part, la défenderesse a déposé l’affidavit de Mme Kathleen Larone, auquel était joint comme contre‑preuve un affidavit qui avait déjà été déposé devant la Commission, mais qui avait été écarté à la suite d’une objection de la demanderesse. L’affidavit proposait d’autres définitions du terme « flip‑top » provenant d’extraits de divers dictionnaires ainsi que des copies d’écran du dictionnaire en ligne de l’Office québécois de la langue française.

II.                Décision à l’examen

[13]           La Commission a cité des extraits des observations écrites des parties qui donnent un bon résumé de leurs arguments respectifs. Voici l’extrait des observations de la défenderesse :

[traduction]

4. FLIP‑TOP est un terme défini dans le dictionnaire comme étant le couvercle d’un pot ou le pot doté d’un tel couvercle, car le couvercle reste attaché au pot lorsque le pot est ouvert. Ce type de couvercle est facilement rabattable. Rien n’indique dans la présente opposition que ce terme peut avoir une autre signification.

 5. FLIP‑TOP est un terme largement employé dans l’industrie du tabac pour décrire un emballage pour produits du tabac comportant un couvercle facilement rabattable.

 6. Tous les fabricants et distributeurs de produits du tabac devraient pouvoir utiliser le terme FLIP‑TOP en lien avec des produits du tabac vendus dans ce type d’emballage.

7. La marque de commerce FLIP‑TOP visée par l’opposition décrit clairement un type d’emballage pour produits du tabac, et ce, à la première impression, d’une manière facile à comprendre.

8. La marque de commerce FLIP‑TOP visée par l’opposition n’est pas distinctive en ce qui a trait aux produits du tabac. Elle ne possède pas de caractère distinctif inhérent, car elle est descriptive. Elle n’est pas « adaptée à distinguer » et ne distingue pas les marchandises de la requérante de celles d’autres, car d’autres commerçants emploient déjà le terme FLIP‑TOP en lien avec des produits du tabac.

[14]           Quant à la demanderesse, voici ce qu’elle alléguait :

[traduction]

La marque de commerce de la requérante est un mot servant de marque et devant être employé en lien avec des produits du tabac bruts et manufacturés […]. La description des marchandises n’inclut pas les emballages. La marque de commerce FLIP‑TOP est un terme arbitraire lorsqu’elle est employée avec les marchandises qui y sont associées. Elle ne fait pas référence à la composition des biens ni à une qualité intrinsèque évidente des biens, comme une fonction, un trait ou une caractéristique des marchandises spécifiées dans l’enregistrement. En outre, il n’existe aucune preuve que la marque de commerce ne sera pas ou ne peut pas être employée comme une marque de commerce, au sens de la Loi sur les marques de commerce.

[15]           La Commission a commencé son analyse en exposant le fardeau de preuve qui incombait à chacune des parties. Elle a fait observer qu’il incombait dans un premier temps à l’opposante de présenter une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. La Commission a également expliqué que la demanderesse avait le fardeau ultime de prouver que sa demande ne contrevenait pas à la Loi.

[16]           La Commission a fait observer que chacun des motifs d’opposition était fondé sur la même prémisse, à savoir que le terme « flip‑top » ne pouvait servir de marque de commerce, parce qu’il décrivait un type d’emballage pour produits du tabac. La Commission s’est également dite convaincue que la défenderesse avait soumis suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que le terme « flip‑top » décrivait effectivement un type d’emballage utilisé pour divers produits et, en particulier, pour des produits du tabac. La Commission a conclu que la preuve était suffisante pour conclure que la défenderesse s’était acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

[17]           Sur le motif tiré du caractère distinctif, la Commission a conclu que la marque ne distinguait pas les produits du tabac de la demanderesse. La Commission a conclu que la présente demande était analogue à celle présentée dans l’affaire Plastic Packaging Products Ltd c Universal Electric Products Co Ltd, (1964) 43 CPR 155, [1965] CCS no 209 (Blister‑Pak)). Dans cette affaire, la Commission avait refusé la demande d’enregistrement de la marque de commerce « Blister‑Pak » présentée en liaison avec des ampoules électriques pour arbres de Noël. La Commission avait conclu que la marque n’était pas apte à distinguer les marchandises de la demanderesse de celles d’autres fabricants parce que l’expression constituant la marque de commerce évoquait un type d’emballage bien connu dans le commerce. Se fondant donc sur la décision Blister‑Pak, la Commission a conclu que l’emploi de la marque projetée « flip‑top » apposée sur les emballages de produits du tabac serait également perçu comme une description de l’emballage et non comme une description des produits qu’il contient. La Commission s’est dite d’avis que la demanderesse devrait employer sa marque et démontrer le caractère distinctif acquis par cette marque avant de pouvoir établir que sa marque était distinctive. Elle a par conséquent conclu que la défenderesse avait obtenu gain de cause sur ce motif d’opposition.

[18]           La Commission a cité la décision John Labatt Ltd c Molson Cos, [1986] COMC no 104, 9 CPR (3d) 385 (John Labatt) sur laquelle la demanderesse se fondait. Dans cette affaire, la société Les Compagnies Molson Limitée avait déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce « TWO BY SIX » en liaison avec des « boissons alcoolisées brassées » sur le fondement d’un emploi projeté. L’opposition était fondée sur trois motifs, en l’occurrence que la marque donnait une description claire, qu’elle constituait le nom des marchandises et qu’elle n’était pas distinctive. Dans cette affaire, la Commission a rejeté l’opposition. S’agissant du caractère distinctif, la Commission a estimé que le motif d’opposition était formulé en termes généraux et qu’on devait le rattacher aux deux premiers motifs d’opposition. Pour ce qui était de la question de savoir si les marques donnaient une description claire, la Commission a conclu que, même si la preuve démontrait que l’expression « two by six » avait une signification reconnue dans l’industrie de l’emballage de la bière, la preuve ne permettait pas de penser que le consommateur moyen de bière connaissait le sens de cette expression. En l’espèce, la Commission a conclu que la décision John Labatt ne s’appliquait pas parce que le motif relatif à l’absence de caractère distinctif était invoqué de façon indépendante pour soutenir que l’expression « flip‑top » ne serait pas perçue comme une marque de commerce. En outre, selon la preuve présentée en l’espèce, l’emballage de type « flip‑top » ne se limitait pas à un produit en particulier.

[19]           La Commission a fait observer que, vu ses conclusions sur le caractère distinctif, elle n’était pas tenue de se prononcer sur le motif relatif à la description. Elle a néanmoins décidé d’examiner la question sans la trancher formellement, parce que les parties avaient porté des décisions à son attention à ce propos. La Commission a examiné les diverses décisions citées par les parties et expliqué qu’elle aurait conclu que la marque donnait une description claire des marchandises de la demanderesse selon le raisonnement suivi par la Commission dans les décisions Canada Dry Ltd c McCain Foods Ltd (1988), 21 CPR (3d) 99, [1988] COMC no 219 et Ralston Purina Canada Inc c Effem Foods Ltd (1989), 24 CPR (3d) 125, [1989] COMC no 62. La Commission a fait observer qu’elle doutait que les deux décisions en question avaient été correctement rendues au regard de l’alinéa 12(1)b) de la Loi, mais elle a ajouté que, comme elle n’était pas en mesure de les déclarer manifestement mal fondées, elle s’estimait liée par le raisonnement suivi dans ces deux décisions, selon le principe de courtoisie judiciaire.

[20]           Enfin, la Commission a écarté l’argument invoqué par la demanderesse sur le fondement des éléments de preuve concernant l’état du registre, lequel comprenait des marques de commerce qui donnaient une description de l’emballage. La demanderesse inférait de l’état du registre que les marques de commerce qui donnaient une description de l’emballage pouvaient être enregistrées si elle ne donnait pas une description des marchandises elle‑même. La Commission a déclaré qu’on ne pouvait tirer une telle conclusion de l’état du registre parce que les facteurs, le fardeau de la preuve et les éléments de preuve présentés et appréciés par le registraire à l’étape de l’examen sont différents de ceux qui s’appliquent dans le cadre d’une procédure d’opposition.

III.             Questions en litige

[21]           La présente demande soulève la question de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que la marque de commerce de la demanderesse ne pouvait pas être enregistrée parce qu’elle n’est pas distinctive. Compte tenu du fait que les deux parties ont déposé des éléments de preuve complémentaires dans le cadre du présent appel, la Cour doit également déterminer la norme de contrôle appropriée.

[22]           Dans sa décision, la Commission a refusé d’enregistrer la marque en raison de son manque de caractère distinctif. Comme nous l’avons déjà expliqué, la Commission s’est également penchée sur le motif d’opposition formulé par la défenderesse quant à la question de savoir si la marque donnait une description claire, mais s’est abstenue de tirer une conclusion formelle à ce sujet. Après avoir analysé la jurisprudence soumise par les parties, la Commission a fait observer, au paragraphe 35: « [j]e dois suivre le raisonnement appliqué dans les décisions susmentionnées et conclure que la marque FLIP‑TOP donne une description claire des marchandises de la requérante ».

[23]           La demanderesse avance que, comme la Commission a décidé de ne pas tirer de conclusion formelle sur la question de savoir si la marque donnait une description claire et comme la défenderesse n’a pas formé d’appel incident sur cet aspect de la décision de la Commission, l’absence de décision sur ce motif est définitive et ne peut être contestée dans le cadre du présent appel. Je suis du même avis. La Commission a exprimé son avis sur la question de savoir si la marque donnait une description claire, mais elle a expressément refusé de tirer de conclusion sur cette question. Par conséquent, la décision de la Commission ne renferme qu’une seule conclusion, en l’occurrence son refus d’enregistrer la marque de commerce de la demanderesse au motif que cette marque n’est pas distinctive.

[24]           Les observations formulées par la Commission au sujet du motif d’opposition soulevé par la défenderesse quant à la question de savoir si la marque donnait une description claire ne sont rien de plus que des observations incidentes. En conséquence, bien que les parties aient exprimé leur opinion au sujet du raisonnement de la Commission dans leur mémoire et qu’elles aient consacré du temps à faire valoir leur thèse respective à l’audience, j’estime qu’il n’appartient pas à la Cour de décider si le raisonnement suivi par la Commission sur cette question était raisonnable. Par conséquent, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de résumer et d’analyser les arguments des parties sur cette question.

IV.             Thèse des parties

A.                Arguments de la demanderesse

[25]           La demanderesse affirme que les éléments de preuve complémentaires qu’elle a déposés dans le cadre du présent appel auraient influencé sensiblement la conclusion tirée par la Commission au sujet de l’absence de caractère distinctif de la marque et que, par conséquent, la Cour devrait procéder à sa propre appréciation de la preuve. La demanderesse affirme qu’en tout état de cause, la décision de la Commission ne saurait être confirmée, peu importe que l’on applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ou celle de la décision correcte.

[26]           Sur le fond, la demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en concluant que la marque n’était pas distinctive parce que la marque projetée qui serait apposée sur des emballages de produits du tabac serait perçue comme une description de l’emballage lui‑même et non comme une description des produits qu’il contient. La demanderesse insiste pour dire que la défenderesse a formulé son opposition en alléguant que la marque ne serait ni employée ni perçue comme une marque de commerce. La demanderesse fait observer que, comme la défenderesse a plaidé le motif relatif à l’absence de caractère distinctif en des termes très précis, à savoir en alléguant que la marque ne serait ni employée ni perçue comme une marque de commerce, elle ne peut maintenant élargir son opposition en ajoutant à son motif d’absence de caractère distinctif l’allégation que la marque n’est pas « apte à distinguer » les marchandises de la demanderesse de celles d’autres fabricants (se fondant à cet égard sur la décision Procter & Gamble Inc c Colgate‑Palmolive Canada Inc, 2010 CF 231, au paragraphe 26, 364 FTR 288, et la décision RA Brands, LLC c Calsper Developments Inc, [2006] COMC no 155 (QL), au paragraphe 28, 2006 CanLII 80352).

[27]           En réponse aux allégations de la défenderesse, la demanderesse affirme qu’on ne trouve au dossier aucun élément de preuve démontrant de quelle manière elle a l’intention d’employer la marque ou comment les consommateurs percevraient la marque. Par conséquent, la demanderesse affirme que la défenderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial. De plus, il n’était pas loisible à la Commission de conclure que l’expression « flip‑top » ne pouvait être employée ou perçue comme une marque de commerce. Par conséquent, suivant la demanderesse, la conclusion de la Commission était purement hypothétique. La demanderesse ajoute que, tant que la marque ne sera pas employée, la question de savoir comment elle sera perçue lorsqu’elle sera employée en liaison avec ses produits du tabac sera purement hypothétique. Enfin, la demanderesse insiste pour dire que, comme la demande d’enregistrement de la marque concerne un emploi projeté, il est parfaitement juste que la demanderesse ne soit pas tenue de préciser ses intentions tant que la loi ne l’y oblige pas.

[28]           En ce qui concerne les éléments de preuve déposés par la défenderesse, la demanderesse soutient que la plus grande partie d’entre eux ne respectent pas la date à retenir pour évaluer le caractère distinctif (23 décembre 2009).

[29]           La demanderesse affirme également que l’affaire Blister‑Pak remonte à 1964 et qu’aucune jurisprudence ultérieure démontrant que cette décision a été suivie n’a été soumise à la Cour. De plus, la demanderesse soutient que cette affaire doit être distinguée de celle dont est saisie la Cour parce que la question de savoir si la marque de commerce serait employée ou perçue comme une marque de commerce n’avait pas été soulevée dans l’affaire Blister‑Pak. En outre, dans l’affaire Blister Pak, la Commission avait jugé, en se fondant sur la preuve versée au dossier, que la marque de commerce en litige n’était pas distinctive.

[30]           La demanderesse fait également valoir que l’existence de ventes antérieures de produits du tabac emballés dans des emballages flip‑top n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit d’évaluer le caractère distinctif. Elle invoque la décision Molson Canada 2005 c Labatt Breweries of Canada, [2011] COMC no 193, 97 CPR (4th) 160 (Molson Canada 2005), dans laquelle la demanderesse cherchait à faire enregistrer la marque de commerce « 24 du 24 » sur le fondement de son emploi projeté en liaison avec des boissons alcoolisées. La demanderesse soutient que cette affaire est plus récente et beaucoup plus pertinente que l’affaire Blister‑Pak. Dans la décision Molson Canada 2005, la Commission a conclu que le fait que l’opposante et d’autres avaient annoncé et vendu de la bière dans des caisses de 24 bouteilles ou cannettes avant la date pertinente n’enlevait pas pour autant automatiquement à la marque son caractère distinctif. La Commission avait ajouté qu’il était possible que la marque ne soit pas en soi une marque forte, mais que cela ne signifiait pas que l’expression ne permettait pas de distinguer les marchandises de la demanderesse des autres bières vendues dans des caisses de 24. La demanderesse affirme que le même raisonnement s’applique en l’espèce. Le fait que le terme « flip‑top » puisse évoquer un certain type d’emballage dans lequel des produits du tabac sont couramment vendus n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit d’évaluer le caractère distinctif d’une marque et il ne prive pas la marque de sa capacité de distinguer ses produits du tabac de ceux d’autres fabricants, peu importe qu’ils soient vendus dans des emballages à abattant ou non.

[31]           La demanderesse fait valoir qu’au contraire, la preuve qu’elle a déposée dans le cadre du présent appel démontre clairement que les marques de commerce désignant des types d’emballage sont susceptibles d’être enregistrées et peuvent être employées et perçues comme des marques de commerce. La demanderesse insiste pour dire que les éléments de preuve complémentaires qu’elle a déposés dans le cadre du présent appel complètent ceux qu’elle a produits devant la Commission, étant donné qu’ils ne se limitent pas à démontrer l’état du registre. Ils démontrent plutôt comment certaines marques de commerce donnent une description du type d’emballage qui peut être utilisé sur le marché et peuvent être perçues comme des marques de commerce lorsqu’elles sont associées à d’autres marchandises que des emballages. La demanderesse cite plus précisément les marques de commerce BLACK BOX, associée à du vin, et SLIM PACK, associée à de la gomme à mâcher, et fait valoir que ces exemples remettent en cause la conclusion de la Commission suivant laquelle la marque ne peut en l’espèce être utilisée ou être perçue comme une marque de commerce. La demanderesse insiste pour dire que le contexte entourant la marque de commerce « BLACK BOX » employée en liaison avec du vin vendu dans un coffret noir constituait un scénario comparable à celui de la présente affaire.

[32]           La demanderesse soutient de plus que, comme la conclusion de la Commission se limitait à l’emploi de la marque sur un emballage utilisé pour des produits du tabac, elle ne valait que pour des marchandises qui seraient vendues dans des emballages à abattant. La demanderesse fait valoir que sa demande d’enregistrement de la marque ne mentionne pas de matériaux d’emballage; elle vise plusieurs types de produits du tabac brut ou manufacturés et rien au dossier ne permet de penser que la totalité ou même l’un quelconque de ces produits serait vendu dans des emballages à abattant, compte tenu du fait qu’il existe différents types d’emballage pour les produits du tabac. La demanderesse affirme que la Commission n’a pas tenu compte des autres types d’emballage qui pouvaient être utilisés pour vendre les produits en question. Rien ne permettrait donc de conclure que l’emploi de la marque sur un emballage autre qu’un emballage à abattant serait interprété ou perçu comme une description de l’emballage et non comme une description des produits qu’il contient.

B.                 Arguments de la défenderesse

[33]           La défenderesse affirme que la décision de la Commission devrait être contrôlée selon la norme de contrôle de la décision raisonnable, à moins que les nouveaux éléments de preuve présentés auraient pu influencer sensiblement la décision de la Commission (Bridgestone Corp c Campagnolo SRL, 2014 CF 37, au paragraphe 20, 117 CPR (4th) 1 (Bridgestone Corp)). La défenderesse affirme que les nouveaux éléments de preuve déposés par la demanderesse ne font que reprendre ceux qui avaient déjà été soumis à la Commission et qu’ils n’auraient donc pas influencé sensiblement sa décision (Vivat Holding Ltd c Levi Strauss & Co, 2005 CF 707, au paragraphe 27, 41 CPR (4th) 8 (Vivat Holding)).

[34]           La défenderesse ajoute que les nouveaux éléments de preuve présentés par la demanderesse n’auraient pas influencé la décision de la Commission parce que celle‑ci a expressément refusé d’inférer de l’état du registre que les marques de commerce qui donnent une description de l’emballage peuvent être enregistrées si elles ne donnent pas une description des marchandises elles‑mêmes. La défenderesse a fait observer que la Commission a adopté ce point de vue pour les motifs exposés dans la décision Simmons IP Inc c Park Avenue Furniture Corp (1994), 56 CPR (3d) 284, [1994] COMC no 160, dans laquelle la Commission avait insisté sur la différence entre les éléments de preuve déposés et examinés par la section d’examen du Bureau des marques de commerce et ceux présentés dans le cadre d’une procédure d’opposition. Par conséquent, les éléments de preuve complémentaires visant à démontrer comment certaines de ces marques sont utilisées comme marques de commerce sur le marché n’auraient rien changé au raisonnement de la Commission.

[35]           La défenderesse soutient en outre que les éléments de preuve complémentaires présentés par la demanderesse se limitent à démontrer que les marques de commerce, qui n’ont pas un caractère distinctif inhérent parce qu’elles décrivent un type d’emballage courant dans le commerce, peuvent acquérir un caractère distinctif par suite de leur emploi. La défenderesse soutient que ces éléments de preuve n’auraient pas influencé la décision de la Commission parce que celle‑ci avait déjà reconnu que la marque de commerce pouvait acquérir un caractère distinctif par suite de son emploi. Par conséquent, les éléments de preuve portant sur le caractère distinctif acquis par suite d’un emploi n’ajoutent rien de pertinent quant à question de l’absence de caractère distinctif inhérent de la marque.

[36]           En conséquence, la décision de la Commission devrait être assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable. La défenderesse soutient également qu’en tout état de cause, la décision de la Commission devrait également être confirmée si c’était la norme de contrôle de la décision correcte qui s’appliquait.

[37]           Sur le fond, la défenderesse affirme que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que la marque n’était pas distinctive. La défenderesse soutient que, pour être distinctive, une marque de commerce doit être distinctive en fonction de son emploi ou avoir un caractère distinctif inhérent, c’est‑à‑dire être adapté à distinguer les marchandises de la demanderesse de celles d’autres fabricants, et ce, même si elle n’a pas encore été employée. La défenderesse ajoute que, comme il n’y a aucun élément de preuve démontrant que la marque a commencé à être employée, la demanderesse ne peut prétendre que sa marque permet effectivement de distinguer ses marchandises de celles d’autres fabricants et, par conséquent, elle ne peut en établir le caractère distinctif en fonction du second critère (« adapté à distinguer »). La défenderesse affirme que l’emploi éventuel de la marque n’est pas pertinent lorsqu’on applique ce volet du critère, qui porte sur le caractère distinctif inhérent de la marque. Sur cette question, la défenderesse se fonde sur l’arrêt AstraZeneca AB c Novopharm Ltd, 2003 CAF 57, 24 CPR (4th) 326 (AstraZeneca).

[38]           La défenderesse soutient en outre qu’une marque de commerce qui décrit la nature ou la qualité des marchandises auxquelles elle est associée ne peut avoir un caractère distinctif inhérent parce qu’elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises de la demanderesse de celles d’autres fabricants. La défenderesse insiste pour dire que, pour qu’une marque soit jugée non distinctive, il n’est pas nécessaire que la description soit aussi rigoureuse que celle qui est exigée pour qu’on puisse conclure qu’une marque donne « une description claire » au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Elle se fonde à cet égard sur la décision Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA ‑ Engineered Wood Assn., (2000), 7 CPR (4th) 239, au paragraphe 49, [2000] ACF no 1027. Elle signale par ailleurs que la Commission a elle‑même reconnu à quelques reprises que le fait qu’une marque de commerce est descriptive pouvait la rendre non distinctive même si elle n’était pas descriptive au point de répondre au critère relatif à la « description claire ». La défenderesse mentionne les décisions York Barbell Holdings Ltd c ICON Health & Fitness, Inc (2001), 13 CPR (4th) 156, aux pages 165 et 166, [2005] COMC no 55 et 674802 BC Ltd (faisant affaire sous la raison sociale d’Amanda Entreprises) c Encorp Pacific (Canada), 2011 COMC no 180, aux paragraphes 14, 15 et 16, [2011] COMC no 5180.

[39]           La défenderesse ajoute qu’une marque de commerce qui décrit le type d’emballage dans lequel les marchandises sont vendues peut également être jugée non distinctive en fonction de son caractère descriptif. Sur ce point, elle renvoie à la décision Blister Pak et affirme que la Commission a eu raison de citer cette décision parce qu’elle était analogue à l’affaire qui nous occupe.

[40]           Appliquant ces principes à la présente affaire, la défenderesse affirme que la marque ne possède pas de caractère distinctif inhérent, s’agissant des produits du tabac, parce qu’elle décrit une caractéristique de l’emballage d’un produit du tabac. Elle soutient que la preuve démontre clairement qu’à la date pertinente (le 23 décembre 2009), le terme « flip‑top » était une expression générique que l’on trouvait dans le dictionnaire et qui n’avait qu’une signification, soit un couvercle d’un contenant restant attaché à ce dernier lorsqu’il est ouvert. La preuve démontre également que l’expression « flip‑top » est couramment employée dans l’industrie du tabac pour désigner des emballages à cigarettes dotés de couvercles facilement rabattables. La défenderesse ajoute que la demanderesse a elle‑même admis à quel point les contenants rabattables et les boîtes à couvercle à charnière sont couramment utilisés et elle a cité des extraits de la demande de brevet de la demanderesse dans laquelle cette dernière mentionne elle‑même des [traduction] « boîtes à couvercle à charnière ».

[41]           La défenderesse insiste pour dire que les éléments de preuve qu’elle a produits étaient amplement suffisants pour démontrer qu’en raison de son sens courant, le terme « flip‑top » serait perçu par les consommateurs de produits du tabac comme un type d’emballage. Elle insiste également pour dire que les éléments de preuve tirés des recherches effectuées dans les dictionnaires et sur Internet au sujet du sens de ces mots et de leur emploi sont pertinents et suffisants pour répondre à la question du sens d’une marque de commerce composée d’un mot et de la façon dont le consommateur moyen l’interpréterait. La défenderesse fait valoir qu’il n’est pas nécessaire de présenter des éléments de preuve tirés de sondages portant sur la perception des consommateurs ou d’autres éléments de preuve du même type.

[42]           Répondant à l’argument de la demanderesse suivant lequel il n’y avait aucun élément de preuve sur la façon dont elle utiliserait la marque ou la perception qu’en auraient les consommateurs, la défenderesse insiste pour dire que les éléments de preuve qu’elle a présentés étaient suffisants pour tirer une inférence sur la façon dont la marque serait perçue. De plus, la défenderesse ajoute que c’est à la demanderesse qu’il incombait de démontrer que sa marque était distinctive. En ne déposant pas de preuves, la demanderesse a placé la Commission devant l’obligation de tirer une conclusion en se fondant sur des inférences tirées de la preuve versée au dossier. La défenderesse soulève un argument d’équité et reproche à la demanderesse de prétendre que la Commission se livre à des conjectures alors que c’est à cause de la demanderesse que la Commission est plongée dans l’incertitude parce que la demanderesse n’a pas présenté des éléments de preuve sur la façon dont elle entendait utiliser la marque.

[43]           La défenderesse ajoute que l’état du registre n’est pas utile pour savoir si une marque de commerce n’est pas distinctive parce qu’elle est descriptive. Sur ce point, elle cite la décision Toronto Dominion Bank c e‑Funds Ltd (2008), 71 CPR (4th) 22, [2008] COMC no 185, dans laquelle la Commission a jugé que la marque de commerce « EFUNDS » n’était pas distinctive parce qu’elle décrivait des marchandises et des services. La preuve démontrait qu’il y avait 268 marques de commerce inscrites au registre comprenant le préfixe « e » et un mot du dictionnaire, et la Commission a estimé qu’on ne pouvait en conclure que la marque ne donnait pas une description claire. Au contraire, la Commission a estimé que la preuve appuyait la conclusion opposée, c’est‑à‑dire que la marque de commerce donnait une description claire des services de fonds d’investissement de la requérante offerts par voie électronique ou sur Internet.

[44]           De plus, la défenderesse affirme que le fait que la marque pourrait éventuellement acquérir un caractère distinctif par son emploi, ce qui permettrait de l’identifier, n’est pas utile pour répondre à la question du caractère distinctif à la date pertinente. Par conséquent, les éléments de preuve démontrant l’existence de marques de commerce décrivant des emballages ayant acquis un caractère distinctif sur le marché ne sont pas pertinents.

[45]           La défenderesse soutient que la conclusion de la Commission suivant laquelle la marque n’était pas distinctive parce qu’elle serait perçue comme une description de l’emballage et non comme une description des produits qu’il contient était justifiée. Bien que la demanderesse affirme que la marque de commerce ne peut être considérée non distinctive que si elle décrit les marchandises elles‑mêmes plutôt que l’emballage, la défenderesse fait valoir que le terme a un sens très précis dans le cas des produits du tabac et qu’il vise donc les qualités inhérentes des produits. Comme le terme « flip‑top » désigne une caractéristique du produit dans son ensemble, il ne distingue pas de façon intrinsèque les produits du tabac d’un fabricant donné de ceux d’un autre fabricant qui emballe comme lui ses produits dans des emballages à abattant.

[46]           La défenderesse établit une distinction entre la présente espèce et l’affaire Molson Canada 2005 en affirmant que l’idée suggérée par l’expression qui comprenait la marque de commerce (24 du 24) était obscure, tandis que l’expression « flip‑top » n’a qu’un seul sens possible. Elle soutient également que l’affaire John Labatt était différente parce que la Commission avait conclu que le consommateur moyen de bière ne connaissait pas le sens de l’expression « two by six » associée à des boissons alcooliques brassées.

V.                Analyse

A.                Quelle est la norme de contrôle appropriée?

[47]           Il est bien établi que les décisions rendues par la Commission en matière d’opposition sont assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Mattel Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au paragraphe 40, [2006] 1 RCS 772 (Mattel)), à moins que ne soient présentés en appel de nouveaux éléments de preuve qui auraient influencé sensiblement la conclusion de fait de la Commission ou la façon dont elle a exercé son pouvoir discrétionnaire. En pareil cas, la Cour doit évaluer l’ensemble de la preuve et tirer ses propres conclusions. Dans l’arrêt Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145, au paragraphe 51, [2000] ACF no 159, la Cour d’appel fédérale a expliqué la démarche que la Cour doit suivre lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés en appel :

[51]      Je pense que l’approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald’s Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s’il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d’un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l’objet d’une certaine déférence. Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

[Voir également les décisions Rothmans, Benson & Hedges, Inc c Imperial Tobacco Products Ltd, 2014 CF 300, au paragraphe 30, [2014] ACF no 312; Bridgestone Corp, au paragraphe 20; Verger du Minot Inc c Clos Saint‑Denis Inc, 2014 CF 997, aux paragraphes 32 et 33, [2014] ACF no 1051 [Verger du Minot]]

[48]           Pour pouvoir avoir une incidence sur la décision de la Commission, les nouveaux éléments de preuve doivent ne pas être une simple répétition de ceux qui avaient déjà été soumis à la Commission. Dans la décision Vivat Holding, au paragraphe 27, la juge Layden‑Stevenson a expliqué la qualité des nouveaux éléments de preuve qui doivent être présentés pour avoir une incidence sur la norme de contrôle :

[27]      Pour avoir une incidence sur la norme de contrôle, la nouvelle preuve doit être suffisamment importante. Lorsque la preuve additionnelle ne va pas au‑delà de ce qui a déjà été établi devant la Commission et a peu de poids, mais ne consiste qu’à compléter ou tout simplement répéter des éléments déjà mis en preuve, alors l’application d’une norme comportant une moins grande déférence n’est pas justifiée. Le critère en est un de qualité et non de quantité : Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co. (1999), 3 C.P.R. (4th) 224 (C.F. 1re inst.); Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA ‑ Engineered Wood Assn. (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 (C.F. 1re inst.); Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2004), 30 C.P.R. (4th) 456 (C.F.).

[49]           Devant la Commission, la demanderesse a déposé l’affidavit de Mme Mary P. Noonan, qui a présenté des éléments de preuve au sujet de l’état du registre, et notamment des renseignements concernant les marques de commerce enregistrées dont un élément décrit l’emballage – par exemple des marques comme « SLIM PACK », associée à de la gomme à mâcher, et « BLACK BOX », associée à du vin. La Commission a refusé de tirer des conclusions de l’état du registre parce qu’elle s’est dite d’avis que la preuve présentée à l’étape de la demande et l’appréciation qui se fait à l’étape de la demande sont différentes de la preuve qui est présentée et de l’appréciation qui est faite dans le cadre d’une procédure d’opposition.

[50]           Je ne crois pas que la Commission ait commis une erreur en tirant cette conclusion. Il y a une différence importante entre une marque de commerce qui a été enregistrée sans avoir fait l’objet d’une opposition et une marque de commerce qui fait ou qui a fait l’objet d’une opposition surtout lorsque le motif d’opposition est l’absence de caractère distinctif.

[51]           À l’étape de la demande, le registraire ne peut refuser une demande d’enregistrement d’une marque de commerce uniquement parce qu’il estime qu’elle n’est pas distinctive. Le paragraphe 37(1) énumère les motifs précis que le registraire peut invoquer pour rejeter une demande d’enregistrement : (1) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi; (2) la marque de commerce n’est pas enregistrable (article 9 au paragraphe 12(1) de la Loi); (3) la marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l’enregistrement de laquelle une demande est pendante. Le caractère non distinctif d’une marque de commerce fait partie des raisons pour lesquelles le registraire a l’obligation de refuser une demande d’enregistrement à l’étape de la demande. Si le registraire n’est pas convaincu qu’une demande doit être rejetée pour l’une des raisons susmentionnées, il doit alors faire annoncer la demande.

[52]           Une fois qu’une demande a été annoncée, elle peut faire l’objet d’une opposition pour divers motifs. L’absence de caractère distinctif de la marque est l’un des motifs d’opposition énumérés à l’alinéa 38(1)d) de la Loi. Par conséquent, avant qu’une marque de commerce ne soit enregistrée, la question de son caractère distinctif ne sera examinée par le registraire qu’une fois que la demande a fait l’objet d’une opposition pour ce motif précis. Par conséquent, il peut exister des marques de commerce enregistrées pour lesquelles la question du caractère distinctif n’a jamais été tranchée parce qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une opposition ou parce qu’elles n’ont pas fait l’objet de procédure de radiation en vertu de l’article 57 de la Loi. L’état du registre a donc une pertinence limitée en ce qui concerne l’appréciation du caractère distinctif.

[53]           En appel, la demanderesse a déposé l’affidavit de Mme Nicole Zeit, qui montrait de quelle manière quatre marques de commerce employant divers types d’emballage étaient utilisées en liaison avec des marchandises, notamment les marques de commerce « SLIM PACK » et « BLACK BOX ». La demanderesse a également déposé des copies des dossiers de demande d’enregistrement de marques de commerce concernant l’emballage de marchandises, notamment celles relatives aux marques de commerce « BLACK BOX » et « SLIM PACK ». Ces éléments de preuve ont été présentés en plus de ceux concernant l’état du registre qui avaient déjà été présentés devant la Commission à l’appui de l’allégation suivant laquelle les marques de commerce décrivant l’emballage de marchandises pouvaient être enregistrées et pouvaient également servir de marques de commerce et être perçues comme telles. Il est curieux de constater que ces demandes de marques de commerce démontrent qu’à l’exception de la demande relative à la marque « BLACK BOX », les demandes n’ont pas fait l’objet d’opposition. Pour ce qui est de la marque « BLACK BOX », l’opposition formulée à l’égard de cette marque a par la suite été retirée. Par conséquent, le caractère distinctif de ces marques de commerce n’a pas été examiné avant qu’elles ne soient acceptées pour l’enregistrement. Ainsi, le fait que ces marques aient été enregistrées ne tire pas à conséquence.

[54]           À mon avis, la preuve présentée au sujet de l’emploi des marques de commerce donnant une description de l’emballage sur le marché n’aurait pas eu un effet important sur la décision de la Commission concernant l’absence de caractère distinctif inhérent de la marque. Comme nous le verrons plus loin, je suis d’accord avec la défenderesse pour dire que, comme la marque est une marque de commerce projetée qui n’a pas encore été employée, elle doit avoir un caractère distinctif inhérent pour pouvoir être protégée et être admissible à l’enregistrement. Par conséquent, le fait qu’il existe des marques de commerce au registre ou sur le marché qui, malgré le fait qu’elles n’aient pas de caractère distinctif inhérent, aient pu acquérir avec le temps un caractère distinctif, n’est pas important pour répondre à la question de savoir si la marque de commerce projetée a un caractère distinctif inhérent.

[55]           Je crois également que les éléments de preuve complémentaires déposés par la défenderesse n’auraient pas non plus eu une incidence importante sur la décision de la Commission. Les éléments de preuve soumis concernaient des définitions du terme « flip‑top » tirées de dictionnaires imprimés et du dictionnaire en ligne de l’Office québécois de la langue française antérieures au dépôt de l’opposition. Ces éléments de preuve reprenaient essentiellement ceux qui avaient déjà été soumis à la Commission. J’estime donc que ces éléments de preuve n’auraient eu aucune incidence sur la décision de la Commission.

[56]           Je vais donc contrôler la décision de la Commission selon la norme de contrôle de la décision raisonnable.

B.                 La conclusion de la Commission suivant laquelle la marque n’était pas distinctive était‑elle raisonnable?

[57]           Lorsqu’elle contrôle une décision selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit limiter son analyse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi qu’« à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 (Dunsmuir)).

[58]           Dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 49, la Cour a également insisté sur l’importance de respecter les connaissances spécifiques des tribunaux administratifs spécialisés :

[49]      La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur. Comme l’explique Mullan, le principe de la déférence [traduction] « reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause » : D. J. Mullan, « Establishing the Standard of Review : The Struggle for Complexity? » (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93. La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.

[59]           Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59, [2009] 1 RCS 339, la Cour suprême a répété qu’il pouvait exister plus d’une issue raisonnable en réponse à certaines questions et a mis le tribunal en garde contre la tentation de substituer sa propre appréciation de la preuve à celle du tribunal administratif :

[59]      La raisonnabilité constitue une norme unique qui s’adapte au contexte. L’arrêt Dunsmuir avait notamment pour objectif de libérer les cours saisies d’une demande de contrôle judiciaire de ce que l’on est venu à considérer comme une complexité et un formalisme excessifs. Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles‑mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle‑ci fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable.

[Voir également Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 17, [2011] 3 RCS 708]

[60]           Il est bien établi que, dans le cadre une procédure d’opposition, le fardeau de preuve initial repose sur l’opposant, qui doit présenter suffisamment d’éléments de preuve pour qu’on puisse raisonnablement conclure que les faits appuyant chacun des motifs d’opposition existent. Toutefois, il incombe en définitive à la demanderesse de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa marque de commerce satisfait aux exigences de la Loi (John Labatt Ltd c Compagnies Molson Ltée (1990), 30 CPR (3d) 293, à la page 299, [1990] ACF no 533, conf. par (1992), 42 CPR (3d) 495, 420 NR 124; Chypre (Industrie et Commerce) c International Cheese Council of Canada, 2011 CAF 201, aux paragraphes 25 à 28, 93 CPR (4th) 255, autorisation d’appel à la CSC refusée, 34430 (12 avril 2012)).

[61]           Le caractère distinctif d’une marque de commerce est un principe fondamental lié à l’objet d’une marque de commerce, qui vise à distinguer les marchandises ou les services d’un propriétaire de ceux des autres, c.‑à‑d. à identifier la source des marchandises ou des services. Discutant les différences entre les brevets et les marques de commerce, la Cour suprême du Canada a expliqué ce qui suit dans l’arrêt Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc, 2005 CSC 65, au paragraphe 39, [2005] 3 RCS 302 :

[39]      Dans le cas des marques de commerce, la perspective se déplace du produit lui‑même au caractère distinctif de sa mise en marché. En effet, les marques de commerce servent à indiquer, de façon distinctive, la source d’un produit, d’un procédé ou d’un service, afin qu’idéalement les consommateurs sachent ce qu’ils achètent et en connaissent la provenance. La définition de l’expression « marque de commerce », à l’art. 2  de la Loi sur les marques de commerce, confirme l’accent que le marché et le public mettent sur le caractère distinctif de la marque [...]

Dans le même ordre d’idée, dans l’arrêt Mattel, au paragraphe 75, la Cour suprême, qui citait la décision Western Clock Co c Oris Watch Co, [1931] Ex CR 64, [1931] 2 DLR 775, a insisté sur le fait que le caractère distinctif constituait l’essence même des marques de commerce.

[62]           La définition du terme « distinctive » à l’article 2 de la Loi précise qu’une marque de commerce peut être distinctive de deux manières : ou bien elle distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire des produits ou services d’autres propriétaires, ou bien elle est adaptée à les distinguer ainsi.

[63]           Dans l’arrêt AstraZeneca, au paragraphe 6, la Cour d’appel fédérale a souligné l’importance du caractère distinctif et la nécessité qu’une marque de commerce projetée qui n’a pas acquis de caractère distinctif par un emploi possède un caractère distinctif inhérent :

[15]      La nécessité qu’une marque soit « distinctive » est une caractéristique importante du droit canadien des marques de commerce depuis de nombreuses années et semble avoir été empruntée à la législation du Royaume‑Uni. La législation canadienne a été refondue en vertu de la Loi sur les marques de commerce, L.C. 1953, ch. 49 à la suite du dépôt auprès du Secrétaire d’État du Rapport de la Commission de révision de la Loi sur les marques de commerce, daté du 20 juin 1953, commission présidée par Harold G. Fox, c.r. Ce rapport est reproduit dans H.G. Fox, Canadian Law of Trade Marks, 2e éd. (Toronto: Carswell, 1956), aux pages 1142 et suivantes. Il recommandait un certain nombre de modifications de la législation canadienne, notamment une refonte des définitions des termes « marque de commerce » et « distinctive ».

[16]      La définition de « distinctive » qui figure maintenant à l’article 2 de la Loi remonte directement au rapport du professeur Fox. Selon cette définition, une marque est « distinctive » si elle « distingue véritablement » les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires ou si elle « est adaptée à les distinguer ainsi ». Une marque distingue véritablement en acquérant le caractère distinctif par l’emploi, ce qui lui confère un caractère distinctif en fait. Une marque qui est « adaptée à les distinguer ainsi » est une marque qui ne dépend pas de l’emploi pour son caractère distinctif, parce qu’elle possède un caractère distinctif inhérent. Un marque se composant d’un mot forgé ou inventé entre dans cette catégorie : Standard Coil Products (Canada) Ltd. c. Standard Radio Corp., [1971] C.F. 106 (1re inst.), à la page 115; The Molson Companies Limited c. Les Brasseries Carling O’Keefe du Canada Limitée, [1982] 1 C.F. 175 (1re inst.), aux pages 278 et 279.

[…]

[21]    Il semblerait que la preuve n’arrive pas à établir que la marque « est adaptée à les distinguer ainsi » dans le sens où, comme un mot inventé ou forgé, la marque posséderait un caractère distinctif inhérent et, de ce fait, par sa nature même, constitue un objet approprié d’enregistrement, abstraction faite de l’emploi. L’appelante a présenté au registraire une preuve que l’apparence du comprimé est « arbitraire », c’est‑à‑dire ne dépend pas de l’ingrédient actif, et qu’elle a été choisie « pour des raisons de marketing et pour qu’elle soit distinctive ». Toutefois, on ne démontre pas que l’arbitraire de la couleur et de la forme avait l’effet de distinguer les marchandises de l’appelante de celles d’autres fabricants. Ainsi qu’il a été relevé ci‑dessus, la couleur à elle seule ne possède normalement pas cette propriété. Et il ne semble pas non plus qu’en l’espèce la combinaison de couleur et de forme avait cet effet sur le marché des produits pharmaceutiques au Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[64]           Le même principe a été repris par la juge Dawson dans le jugement Novopharm Ltd c AstraZeneca AB, 2003 CF 1212, au paragraphe 10, 233 DLR (4th) 150, dans lequel la juge a fait observer que, comme la demande était fondée sur un emploi projeté, la réponse à la question dépendait du caractère distinctif inhérent de la marque de commerce.

[65]           Ce principe s’applique en l’espèce. La demanderesse cherchait à faire enregistrer la marque de commerce en rapport avec un emploi projeté en liaison avec ses divers produits du tabac. Par conséquent, la question qui était soumise à la Commission était celle de savoir si la preuve démontrait que la marque conférait aux produits du tabac de la demanderesse un caractère distinctif inhérent.

[66]           Dans l’arrêt Sportcam Co c Breck’s Sporting Goods Co, [1973] CF 360, à la page 364, (sub nom Magder c Breck’s Sporting Goods Co Ltd), 10 CPR (2d) 28 (CAF), conf. par [1976] 1 RCS 527, (1975) 17 CPR (2d) 201, le juge Jackett a fait observer que la question de savoir si une marque de commerce était distinctive devait être jugée en fonction du message qu’elle transmet au public consommateur. Dans la décision Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CF 291, au paragraphe 5, [2010] ACF no 326 (Apotex), le juge Barnes a affirmé, dans le même ordre d’idée, que « la question de savoir si une marque est distinctive est une question de fait, qui doit être tranchée par référence au message que la marque transmet aux consommateurs ordinaires », citant à l’appui la décision Novopharm Ltd c Bayer Inc (1999), [2000] 2 CF 553, au paragraphe 70, 3 CPR (4th) 305 (CF 1re inst), conf par (2000), 9 CPR (4th) 304, 264 NR 384 (CAF).

[67]           Dans l’arrêt Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CAF 313, aux paragraphes 6 et 7, [2010] ACF no 1461, confirmant l’arrêt Apotex précité, la Cour d’appel fédérale a formulé les observations suivantes :

6          Je ne suis pas convaincue non plus que le juge a appliqué le mauvais critère. Une marque de commerce est effectivement distinctive si la preuve montre qu’elle permet de distinguer un produit des autres produits sur le marché : Astrazeneca AB c. Novopharm Ltd., 2003 CAF 57, 24 C.P.R. (4th) 326, par. 16. Le message véhiculé au public est un facteur crucial : Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1985), 7 C.P.R. (3d) 254 (C.F. 1re inst.), conf. par (1987), 17 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.). Le caractère distinctif s’établit du point de vue de l’utilisateur régulier, et la marque de commerce doit être considérée de façon globale et sous l’angle de la première impression : Molson Breweries c. John Labatt Ltd., [2000] 3 C.F. 145, 5 C.P.R. (4th) 180, par. 83 (C.A.F.).

[Non souligné dans l’original.]

[68]           Compte tenu de la preuve présentée par la défenderesse, la conclusion de la Commission suivant laquelle la défenderesse s’était acquittée du fardeau initial de la preuve était raisonnable. De plus, vu l’ensemble de la preuve, il était également raisonnablement loisible à la Commission de conclure que la marque n’était pas distinctive.

[69]           La demanderesse invoque plusieurs arguments pour contester la décision de la Commission, mais le premier argument qu’elle soulève concerne la façon dont la défenderesse a formulé son opposition.

[70]           La demanderesse affirme que la défenderesse a formulé son opposition d’une façon précise et restreinte en expliquant que la marque ne serait ni employée ni perçue comme une marque de commerce. La demanderesse soutient que la défenderesse cherche maintenant à élargir la portée de son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. En toute déférence, je ne partage pas son avis.

[71]           Dans sa déclaration d’opposition, la défenderesse alléguait que la marque n’était pas distinctive, et ce, pour trois raisons : (1) en raison de son caractère descriptif; (2) parce qu’elle ne serait pas employée comme marque de commerce; (3) parce qu’elle ne serait pas perçue comme une marque de commerce. Dans les observations écrites qu’elle a déposées devant la Commission, la défenderesse a expliqué sa position plus en détail. Elle a essentiellement fait valoir que l’expression « flip‑top » était employée dans l’industrie du tabac pour décrire un type d’emballage et qu’elle serait perçue comme telle. Par conséquent, cette expression n’avait pas de caractère distinctif inhérent et n’était pas apte à distinguer les produits du tabac de la demanderesse de ceux d’autres fabricants. L’argument formulé par la défenderesse au sujet du caractère distinctif était axé sur l’absence de caractère distinctif inhérent de la marque en raison de son caractère descriptif. Devant la Cour, la défenderesse a repris les arguments qu’elle avait formulés devant la Commission et elle a expliqué le concept du caractère distinctif inhérent. À mon humble avis, la défenderesse n’a pas élargi la portée de ses allégations devant notre Cour.

[72]           Sur le fond, la demanderesse soutient aussi que la Commission ne pouvait raisonnablement conclure que l’emploi qu’elle se proposait de faire de l’emballage serait perçu comme une description de l’emballage plutôt que d’une description du produit parce qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté sur la façon dont elle entendait employer la marque ou dont le consommateur ordinaire la percevrait. La demanderesse affirme également que le terme « flip‑top » pourrait donner une description du type d’emballage, mais non des produits du tabac eux‑mêmes. On ne pouvait donc conclure que la marque ne possédait pas de caractère distinctif parce qu’elle était descriptive.

[73]           À mon avis, ces arguments ne sauraient être retenus. Pour décider si la marque est distinctive, la Commission devait évaluer le message que le consommateur normal de produits du tabac percevrait lorsqu’il verrait l’expression « flip‑top » associée à des produits du tabac. En d’autres termes, la Commission devait déterminer si le consommateur moyen percevrait la marque comme un moyen lui permettant d’associer les produits du tabac à la demanderesse. Les éléments de preuve présentés par la demanderesse sur la façon dont elle avait l’intention d’employer la marque auraient été pertinents, mais, à défaut de tels éléments de preuve, la Commission ne se retrouverait pas dans l’impossibilité de tirer une conclusion sur la façon dont la marque serait probablement perçue.

[74]           À mon avis, la partie de la preuve présentée par la défenderesse avant la date de l’opposition (23 décembre 2009) était pertinente et suffisante pour conclure qu’elle s’était acquittée de son fardeau initial de preuve. J’estime en outre que la preuve était également suffisante pour conclure que l’expression « flip‑top» est un terme défini couramment employé dans l’industrie du tabac et sur le marché pour désigner un type précis d’emballage. Par conséquent, la preuve était suffisante pour que la Commission puisse tirer une conclusion sur la façon dont, à défaut de preuve sur l’emploi projeté, la marque serait perçue par le consommateur moyen de produits du tabac en liaison avec du tabac et pour appuyer la conclusion de la Commission suivant la marque n’avait pas de caractère distinctif inhérent. Vu l’ensemble de la preuve, j’estime que cette conclusion n’était pas hypothétique.

[75]           Suivant la preuve, l’expression « flip‑top » est un terme défini qui désigne un contenant muni d’un couvercle facilement rabattable. La preuve démontre également que le terme « flip‑top » est couramment employé dans l’industrie du tabac pour désigner des contenants à cigarettes ou à cigares munis d’un couvercle qui restent attachés au contenant une fois le couvercle ouvert. De plus, le Règlement sur l’information relative aux produits du tabac, DORS/2000‑272 et le Règlement sur les rapports relatifs au tabac, DORS/2000‑273 définissent divers types d’emballage pour les produits du tabac spécialement pour les cigarettes et les cigares et notamment les « paquets à abattant » et des « boîtes à couvercle à charnière ».

[76]           La preuve comprend également les extraits de dossiers de brevet mentionnant divers emballages à abattant pour des produits du tabac. Il est curieux de constater qu’un des dossiers de brevet mentionnés par la défenderesse, le brevet canadien 2437925, appartient à la demanderesse et est intitulé « paquet à couvercle rabattable » (flip‑top box). Dans sa description de l’invention, la demanderesse explique que les paquets à couvercle rabattable ou à couvercle à charnière pour les cigarettes [traduction« sont les emballages de cigarettes les plus courants avec les emballages sous forme de paquets mous ».

[77]           La preuve renferme également plusieurs résultats obtenus à la suite de recherches sur Google pour les mots « flip‑top » et « cigarettes » effectuées après la date du dépôt de l’opposition. Compte tenu du fait qu’il est impossible de déterminer si ces recherches auraient permis d’obtenir les mêmes résultats avant ou après la date de l’opposition, je ne vais pas tenir compte de ces éléments de preuve. J’estime néanmoins que les éléments de preuve antérieurs à la date de l’opposition sont, dans l’ensemble, suffisants pour appuyer raisonnablement la conclusion de la Commission suivant laquelle le terme « flip‑top » désigne un type d’emballage utilisé pour divers produits et notamment un type d’emballage des produits du tabac, surtout les cigarettes et les cigares. J’estime également que la preuve était suffisante pour déduire comment le consommateur moyen de produits du tabac percevrait le terme « flip‑top » lorsqu’il est associé à des produits du tabac. J’estime donc qu’il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure que le consommateur ordinaire de produits du tabac associerait la marque à l’emballage plutôt que de la percevoir comme un moyen lui permettant d’identifier les produits de la demanderesse.

[78]           J’estime donc qu’il était loisible à la Commission de conclure que le terme « flip‑top » associé aux produits du tabac n’était pas intrinsèquement adapté à distinguer les produits du tabac d’un fabricant de ceux d’autres fabricants. À mon avis, il n’était pas nécessaire que la défenderesse produise en preuve des sondages sur la façon dont le consommateur moyen percevrait la marque, ou tout autre élément de preuve analogue visant à déterminer comment le consommateur interpréterait l’expression « flip‑top » en liaison avec des produits du tabac. La jurisprudence reconnaît l’utilité des définitions du dictionnaire et de tout autre élément de preuve du même genre pour établir le sens des mots employés dans les marques de commerce (Shell Canada Limitée c PT Sari Incofood Corp, 2008 CAF 279, aux paragraphes 21, 29 et 30, 68 CPR (4th) 390, autorisation d’appel à la CSC refusée, 32873(19 février 2009); Compagnies Molson Ltée c John Labatt Ltd, [1987] ACF no 1102, au paragraphe 2, 19 CPR (3d) 88 (CAF); Home Juice Co c Orange Maison Ltée, [1970] RCS 942, à la page 944, 946, 16 DLR (3d) 740; Verger du Minot, au paragraphe 70). Il peut être parfois utile de produire des résultats de sondages, mais, en l’espèce, la preuve est suffisante pour déduire le sens que le consommateur moyen de tabac donnerait à l’expression « flip‑top ».

[79]           La demanderesse allègue que, parce que le terme « flip‑top » ne donne pas une description des marchandises elles‑mêmes, mais plutôt de leur emballage, il s’agit d’un terme arbitraire lorsqu’on l’associe à des produits du tabac et qu’on ne peut le considérer comme ne possédant pas de caractère distinctif parce qu’il est descriptif. En toute déférence, je ne partage pas son opinion. À mon avis, comme le terme possède une définition et un sens bien connus dans l’industrie et le marché du tabac et que l’objet d’une marque de commerce est de distinguer ses marchandises de celles d’autres fabricants, il est raisonnable de conclure qu’une marque de commerce comprenant un mot décrivant un type d’emballage couramment utilisé pour les marchandises précises en cause n’est pas un terme arbitraire lorsqu’il est employé en liaison avec les marchandises précises en cause.

[80]           Dans la décision Compulife Software Inc c CompuOffice Software Inc, 2001 CFPI 559, au paragraphe 19, 13 CPR (4th) 117, le juge Muldoon a fait observer que « [u]ne marque possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n’aiguille le consommateur vers une multitude de sources ». Dans la présente affaire, compte tenu du fait que les emballages à abattant désignent un type d’emballage de produits du tabac courants, on pourrait également dire que la marque pourrait aiguiller le consommateur vers une multitude de sources. J’estime donc qu’il était loisible à la Commission de conclure que la marque projetée « serait perçue comme une description de l’emballage et non comme une description des produits qu’il contient » et qu’elle n’était donc pas distinctive.

[81]           Par conséquent, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de décider si le terme « flip‑top » donne une description d’une qualité intrinsèque des marchandises elles‑mêmes telles qu’un aspect, un trait ou une caractéristique. Dans le présent contexte, l’élément clé ne consiste pas à se demander si la marque décrit un aspect du produit qui est nécessairement « intrinsèque », mais bien de savoir si le terme permet d’identifier la provenance des marchandises, compte tenu du produit et du marché dans leur ensemble.

[82]           Le fait que certaines des marchandises de la demanderesse puissent être emballées dans d’autres types d’emballage ne rend pas déraisonnable la conclusion de la Commission. Il incombait à la demanderesse de démontrer que sa marque servirait à désigner sa provenance. Compte tenu du sens du terme « flip‑top » associé à des produits du tabac et à défaut d’élément de preuve sur la façon dont la demanderesse avait l’intention d’employer la marque, on ne voit pas très bien comment le terme « flip‑top » pourrait transmettre un message visant à désigner un fabricant de produits du tabac déterminé. J’estime donc que la conclusion de la Commission était raisonnable lorsqu’on l’applique à l’ensemble des marchandises de la demanderesse visées par la demande d’enregistrement de la marque.

[83]           Il ne faut pas croire pour autant que le terme « flip‑top » ne pourrait jamais acquérir un caractère distinctif avec le temps par l’emploi, mais, dans le cas qui nous occupe, il incombait à la demanderesse de démontrer que sa marque possédait un caractère distinctif inhérent, et la conclusion tirée par la demanderesse suivant laquelle la marque n’est pas distinctive appartient aux issues possibles compte tenu de l’ensemble de la preuve. Le fait que la marque décrive quelque chose qui se rapporte étroitement aux marchandises suffit pour justifier la conclusion que la marque n’a pas de caractère distinctif inhérent, s’agissant des marchandises de la demanderesse.

[84]           La preuve présentée par la demanderesse ne change rien au sujet de mon opinion en ce qui concerne le caractère raisonnable de la conclusion tirée par la Commission. Premièrement, j’ai déjà expliqué que, comme la question du caractère distinctif de la marque reposait sur son caractère distinctif inhérent, les éléments de preuve visant à démontrer que les marques de commerce décrivant le type d’emballage peuvent servir de marques de commerce et être perçues comme telles (comme par ex. la marque « Black Box », associée à du vin) sont d’une utilité limitée. Deuxièmement, et pour les motifs que j’ai déjà exposés, le fait que des marques de commerce décrivant divers types d’emballage aient déjà été enregistrées est d’un secours bien limité à défaut d’éléments de preuve démontrant si les marques de commerce mentionnées ont fait l’objet d’une opposition ou d’une procédure de radiation. Troisièmement, la plupart des éléments de preuve déposés par la demanderesse à cet égard sont postérieurs à la date de l’opposition.

[85]           J’estime également que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que la présente affaire était analogue à l’affaire Blister Pak. Le contexte de cette affaire était semblable à celui de la présente espèce parce qu’il portait sur une expression qui ne décrivait pas les marchandises elles‑mêmes, mais un type d’emballage courant dans le commerce des marchandises en question. La Commission a conclu que, comme la marque de commerce englobait une expression qui évoquait un certain mode d’emballage d’articles de divers types, la marque de commerce ne permettait pas de distinguer les marchandises de la demanderesse de celles d’autres fabricants. Ces principes s’appliquent au cas qui nous occupe.

[86]           L’affaire John Labatt citée par la demanderesse peut également être distinguée de la présente espèce sous plusieurs rapports. En premier lieu, l’opposition était fondée sur trois motifs, à savoir que la marque donnait une description claire de marchandises, qu’elle n’était pas enregistrable parce qu’elle correspondait au nom précis de chacune des marchandises en liaison avec lesquelles elle était employée et, enfin, que la marque de commerce n’était pas distinctive. La Commission a conclu le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif était formulé en termes généraux et qu’il découlait des deux autres motifs. La Commission a également conclu que la preuve ne permettait pas de penser que le consommateur moyen de bière connaissait le sens de l’expression employée en liaison avec des boissons alcoolisées brassées. Toutefois, dans le cas qui nous occupe, l’absence de caractère distinctif est un motif d’opposition invoqué de façon indépendante et l’on peut raisonnablement considérer que le consommateur moyen de produits du tabac qui verrait la marque songerait à un type courant d’emballage de produits du tabac, spécialement de cigarettes et de cigares.

[87]           L’affaire Molson Canada 2005 se distingue également de la présente espèce parce que, dans cette affaire, la Commission a conclu que l’idée suggérée par la marque de commerce « 24 du 24 » était assez obscure. En l’espèce, la preuve indique qu’il n’existe qu’une seule définition couramment admise, spécialement dans l’industrie et le marché des produits du tabac.

[88]           Pour tous les motifs qui ont été exposés, je conclus que le présent appel doit être rejeté.

[89]           En ce qui concerne les dépens, les parties se sont entendues sur un montant de 6 000 $ indépendamment de l’issue de la cause.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE l’appel et ADJUGE la somme de 6 000 $ à titre de dépens à la défenderesse.

« Marie‑Josée Bédard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2066‑13

 

INTITULÉ :

PHILIP MORRIS PRODUCTS S.A. c IMPERIAL TOBACCO CANADA LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 OCTOBRE 2014

 

motifs du jugement et jugement:

LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Simon Hitchens

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Mark L. Robbins

Brigitte Chan

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Bereskin & Parr LLP/

S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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