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Date : 20140404


Dossier : IMM‑5758‑13

Citation : 2014 CF 335

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 4 avril 2014

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

MUKHTIAR SINGH PUNIAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Lorsque M. Punian a quitté l’Inde avec sa femme et ses enfants pour émigrer au Canada, une de ses filles est demeurée sur place. Mariée à l’époque, elle avait également un enfant. Par la suite, son mariage a pris fin et elle a voulu rejoindre ses parents et ses sœurs.

[2]               Son père a tenté de les parrainer, elle et sa fille.

[3]               L’agent des visas a jugé qu’elle ne pouvait pas être parrainée au titre de la catégorie du regroupement familial au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [la Loi] et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés [le Règlement].

[4]               L’agent a ensuite examiné si des considérations d’ordre humanitaire justifiaient de délivrer un visa de résident permanent à la demanderesse. Il a décidé que ce n’était pas le cas.

[5]               Le parrain, M. Punian a appelé de la décision auprès de Section d’appel de l’immigration [SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Le tribunal a confirmé la décision de l’agent des visas selon laquelle sa fille et sa petite‑fille n’étaient pas visées par la définition de la catégorie du regroupement familial. Ainsi, le tribunal a jugé qu’il n’avait pas compétence en droit pour tenir compte de considérations d’ordre humanitaire. La décision de la SAI fait l’objet du présent contrôle, et non pas la décision de l’agent des visas. Il est important de garder cette distinction à l’esprit.

[6]               Conformément à l’article 117 du Règlement, la décision selon laquelle la fille de M. Punian, Kuljeet Kaur Punian, n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial ne peut simplement pas être contestée. Un étranger ne peut pas appartenir à cette catégorie si l’époux ou un enfant du parrain est un citoyen canadien ou un résident permanent, ce qui correspond exactement à la situation en l’espèce.

[7]               L’avocat a soutenu que, dans une affaire où l’agent des visas évalue à la fois l’appartenance d’un demandeur au regroupement familial et des considérations d’ordre humanitaire, il est à la discrétion de la SAI de tenir compte de ces considérations, indépendamment du libellé de la Loi. L’article 63 de la Loi accorde le droit à M. Punian, à titre de parrain, d’interjeter appel du refus d’accorder le visa. Cependant, l’article 65 précise que la SAI ne peut pas se pencher sur des considérations humanitaires à moins qu’il ne soit reconnu que l’étranger appartient à la catégorie du regroupement familial et que le parrain en est un au sens du Règlement.

[8]               Ayant confirmé la décision de l’agent des visas voulant que Mme Punian n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial, la SAI a refusé d’examiner les considérations d’ordre humanitaire.

[9]               Bien qu’il ait été juste pour l’avocat du demandeur de souligner que la SAI avait déjà, dans des circonstances similaires, choisi de tenir compte de considération d’ordre humanitaire, cette question a récemment été tranchée en définitive par le juge Phelan dans la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Chen, CF 262, [2014] ACF no 268 (QL). Il souligne au paragraphe 14 que, dans des circonstances similaires, la SAI n’a simplement pas compétence.

[10]           Notons toutefois que cela ne signifie pas qu’il n’existait plus de recours pour contester la décision de l’agent des visas selon laquelle les considérations d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisantes. Comme le juge Phelan l’a fait remarquer au paragraphe 21 de ses motifs, le moyen d’effectuer un contrôle était de se tourner vers la Cour au moyen d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. La décision qu’a rendue la juge Kane dans l’affaire Kobita c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1479, [2012] ACF no 1580 (QL), porte précisément sur cette question. Il y a des divergences d’opinions au sein de la Cour sur le moment où doit être déposée une demande de contrôle du refus d’un agent d’accorder une mesure spéciale pour des considérations d’ordre humanitaire. Dans les décisions Seshaw c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 396, et Habtenkiel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 397, la juge Heneghan a fondé sa décision sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Somodi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 288, [2010] 4 FCR 26, et a maintenu que le dispositif législatif promulgué par le législateur exige que le parrain du demandeur interjette appel de la décision défavorable devant la SAI et que cet appel soit tranché avant que quelqu’un, comme Mme Punian, ne puisse solliciter un contrôle judiciaire. Je n’ai donc pas à me pencher sur la question, car, dans l’affaire en l’espèce, Mme Punian n’a pas encore contesté la décision de l’agent des visas en matière de considérations d’ordre humanitaire.

[11]           M. Punian soulève également un manque d’équité procédurale résultant du fait que la SAI ne lui a pas permis de témoigner de vive voix. Même s’il y avait manquement à l’équité procédurale, la décision de la SAI ne saurait être autrement (Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, [1994] ACS no 14 (QL)).

[12]           L’avocat fait valoir que cette disjonction des recours est un affront à l’accessibilité de la justice. Si une disposition législative est sujette à interprétation, elle devrait l’être de façon à favoriser l’accès à la justice et à minimiser les frais et complexités inutiles (Canada (Procureur général) c TeleZone Inc, [2010] 3 RCS 585, [2010] ACS no 62 (QL)). Cependant, il n’y a aucune ambiguïté. Il ne s’agit pas ici de la seule loi où le législateur, dans sa sagesse, a scindé les recours.

[13]           Conformément à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, il faut interjeter appel par voie de procès d’une décision de culpabilité aux termes de cette loi, alors qu’il faut en appeler par contrôle judiciaire de la pénalité ou de la peine imposée. Autrement dit, il faut présenter une demande de contrôle judiciaire d’une peine infligée longtemps avant que le tribunal ne tranche sur la culpabilité au titre de cette loi (Tourki c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CAF 186, [2007] ACF no 685 (QL))!

[14]           L’agent des visas a rendu sa décision le 31 août 2012. Je ne suis pas saisi du caractère raisonnable de cette décision à l’égard de considérations d’ordre humanitaire. Même si Mme Punian a dépassé le délai à l’intérieur duquel elle peut présenter une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le paragraphe 72(2) de la Loi permet au juge de proroger ce délai pour des motifs valables, et ce conformément au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

[15]           Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.


ORDONNANCE

VU les motifs énoncés,

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

« Sean Harrington »

Juge

Traduction certifiée conforme

Daniel Bergeron


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm‑5758‑13

 

INTITULÉ :

MUKHTIAR SINGH PUNIAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (Colombie‑britanique)

DATE DE L’AUDIENCE :

2 avril 2014

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :

4 avril 2014

COMPARUTIONS :

Gerald G. Goldstein

POUR LE DEMANDEUR

R. Keith Reimer

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barbeau, Evans & Goldstein

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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