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Date : 20140923


Dossier : T-1952-13

Référence : 2014 CF 909

Montréal (Québec), le 23 septembre 2014

En présence de madame la juge Bédard

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

CÉLESTIN HALINDINTWALI

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande en confidentialité soumise par le demandeur dans le cadre de la présente instance qui a été instituée en vertu de l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, ch C-29 [la Loi]. L’instance vise à faire déclarer par la Cour que le défendeur a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la requête en confidentialité est accueillie.

I.                   Contexte

[3]               Le défendeur a obtenu sa résidence permanente le 22 juillet 1997 et sa citoyenneté canadienne le 21 juin 2001. Le demandeur soutient que le défendeur a fait de fausses déclarations lorsqu’il a demandé le statut de résident permanent, et ce, dans le but de cacher aux autorités canadiennes sa participation au génocide survenu au Rwanda en 1994, et qu’il s’est créé de toutes pièces une histoire fausse pour être admis au Canada en tant que réfugié.

[4]               La Loi (en vigueur au 6 juin 2013) prévoit une procédure qui permet au gouverneur en conseil d’adopter un décret révoquant la citoyenneté d’une personne s’il est convaincu que cette personne a acquis la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Le pouvoir du gouverneur en conseil à cet égard est prévu à l’article 10 de la Loi qui se lit comme suit :

Décret en cas de fraude

10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu’il est convaincu, sur rapport du ministre, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l’intéressé, à compter de la date qui y est fixée :

a) soit perd sa citoyenneté;

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

Présomption

(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l’a acquise à raison d’une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l’un de ces trois moyens.

1974-75-76, ch. 108, art. 9.

Order in cases of fraud

10. (1) Subject to section 18 but notwithstanding any other section of this Act, where the Governor in Council, on a report from the Minister, is satisfied that any person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship under this Act by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances,

(a) the person ceases to be a citizen, or

(b) the renunciation of citizenship by the person shall be deemed to have had no effect,

as of such date as may be fixed by order of the Governor in Council with respect thereto.

Presumption

(2) A person shall be deemed to have obtained citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person was lawfully admitted to Canada for permanent residence by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of that admission, the person subsequently obtained citizenship.

1974-75-76, c. 108, s. 9.

[5]               Tel qu’il appert du paragraphe 10(1), le gouverneur en conseil agit après avoir reçu un avis du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre). Or, au terme de l’article 18 de la Loi, lorsque le ministre a l’intention de soumettre un rapport au gouverneur en conseil recommandant la révocation de la citoyenneté d’une personne, il doit au préalable informer cette personne de son intention. La personne visée peut alors demander le renvoi de l’affaire devant la Cour fédérale qui déterminera s’il y a eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Lorsque la personne visée demande le renvoi de la question à la Cour, le ministre doit attendre la décision de la Cour avant de procéder à l’établissement de son rapport au gouverneur en conseil. Si la Cour décide que la citoyenneté de la personne en cause a été acquise par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels, il peut alors soumettre son rapport recommandant la révocation de la citoyenneté de la personne en cause au gouverneur en conseil.

[6]               L’article 18 qui régit ce processus se lit comme suit :

Avis préalable à l’annulation

18. (1) Le ministre ne peut procéder à l’établissement du rapport mentionné à l’article 10 sans avoir auparavant avisé l’intéressé de son intention en ce sens et sans que l’une ou l’autre des conditions suivantes ne se soit réalisée :

a) l’intéressé n’a pas, dans les trente jours suivant la date d’expédition de l’avis, demandé le renvoi de l’affaire devant la Cour;

b) la Cour, saisie de l’affaire, a décidé qu’il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

Nature de l’avis

(2) L’avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu’a l’intéressé, dans les trente jours suivant sa date d’expédition, de demander au ministre le renvoi de l’affaire devant la Cour. La communication de l’avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l’intéressé.

Caractère définitif de la décision

(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d’appel.

 

1974-75-76, ch. 108, art. 17

Notice to person in respect of revocation

18. (1) The Minister shall not make a report under section 10 unless the Minister has given notice of his intention to do so to the person in respect of whom the report is to be made and

(a) that person does not, within thirty days after the day on which the notice is sent, request that the Minister refer the case to the Court; or

(b) that person does so request and the Court decides that the person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.

Nature of notice

(2) The notice referred to in subsection (1) shall state that the person in respect of whom the report is to be made may, within thirty days after the day on which the notice is sent to him, request that the Minister refer the case to the Court, and such notice is sufficient if it is sent by registered mail to the person at his latest known address.

Decision final

(3) A decision of the Court made under subsection (1) is final and, notwithstanding any other Act of Parliament, no appeal lies therefrom.

1974-75-76, c. 108, s. 17.

[7]               Le 6 juin 2013, le demandeur a envoyé un avis au défendeur l’informant de son intention de recommander au gouverneur en conseil de révoquer sa citoyenneté conformément à l’article 18 de la Loi.

[8]               Le 21 juin 2013, le défendeur, par le biais de son avocat, a demandé que la question soit renvoyée devant la Cour.

II.                Historique de la présente instance et procédures par défaut

[9]               Le demandeur a déposé sa déclaration au greffe de la Cour le 27 novembre 2013. La déclaration a été signifiée au défendeur conformément à la règle 128(1)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles]. Conformément à la règle 128(2), la signification de la déclaration au défendeur a pris effet le 20 décembre 2013 et le défendeur avait 30 jours pour contester l’action en signifiant et déposant sa défense (règle 204). Le délai de 30 jours, en considérant la période des fêtes, venait à échéance le 5 février 2014 et le défendeur n’a pas signifié ni déposé de défense.

[10]           Le demandeur a fait plusieurs démarches pour s’assurer que ce n’était pas par inadvertance que le défendeur avait fait défaut de produire une défense. L’avocat du demandeur a notamment tenté sans succès de rejoindre l’avocat du défendeur par téléphone et lui a laissé des messages qui sont demeurés sans réponse. Le 28 février 2014, l’avocat du demandeur a envoyé une lettre par télécopieur à l’avocat du défendeur l’informant qu’à défaut de recevoir de ses nouvelles avant le 10 mars 2014, il entendait déposer une requête pour l’obtention d’un jugement par défaut. La règle 210 des Règles autorise et encadre les procédures par défaut lorsqu’un défendeur fait défaut de signifier et déposer sa défense dans le délai prévu à la règle 204.

[11]           Le 16 juin 2014, la Cour a envoyé aux parties un avis d’examen de l’état de l’instance. Le 27 juin 2014, le demandeur a soumis des représentations écrites en réponse à l’avis d’examen de l’instance.  Dans ses représentations, le demandeur informait la Cour qu’il entendait déposer une requête en confidentialité et une requête pour l’obtention d’un jugement par défaut.

[12]           Le 8 août 2014, le protonotaire Morneau a ordonné que l’instance se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale. De plus, vu l’importance de l’affaire et malgré que les règles ne l’exigent pas parce que le défendeur n’avait pas produit de défense, le protonotaire Morneau a ordonné au demandeur de signifier au défendeur copie de l’ordonnance de même que copie des requêtes pour l’obtention d’une ordonnance en confidentialité et l’obtention d’un jugement par défaut. Il s’agissait en l’espèce d’une mesure de prudence pour s’assurer que le défendeur avait bel et bien choisi de ne pas participer à la présente instance.

[13]           La preuve démontre que l’ordonnance de Me Morneau et les deux requêtes du demandeur ont été signifiées au défendeur, conformément à la règle 140 des Règles, le 12 août 2014. Je suis donc convaincue que la présente requête en confidentialité peut procéder par défaut.

III.             La requête en confidentialité

[14]           Dans le cadre de la présente instance, le demandeur allègue que le défendeur a fait plusieurs fausses déclarations dans sa demande de résidence permanente qu’il a soumise en 1995 et a dissimulé intentionnellement des faits essentiels. De façon plus particulière, le demandeur reproche au défendeur d’avoir faussement déclaré qu’il n’avait jamais participé à la commission d’un crime contre l’humanité, alors qu’il allègue que le défendeur a participé aux crimes contre l’humanité commis à l’endroit de la population tutsi à l’occasion du génocide au Rwanda. Le demandeur soutient également que le défendeur a menti sur son pays de nationalité, son lieu de naissance, l’endroit où il a fait ses études, son historique d’emploi, son mariage et sur les motifs qu’il a invoqués au soutien de sa crainte de persécution.

[15]           Au soutien de sa requête pour l’obtention d’un jugement par défaut, et pour mettre en preuve ses allégations de fraude et de dissimulation d’information, le demandeur a déposé l’affidavit de monsieur Rudy Exantus, policier au sein de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC). Monsieur Exantus est actuellement affecté à l’unité des enquêtes de nature délicate et internationales de la GRC, mais de juillet 2001 à 2012, il était affecté à l’unité des crimes de guerre de la GRC.

[16]           Dans le cadre de ses fonctions, monsieur Exantus a participé, à compter d’août 2008, à une enquête criminelle concernant l’implication potentielle du défendeur dans le génocide survenu en 1994 au Rwanda. Depuis 2011, il a également effectué des mandats de recherche et d’enquête, à la demande de la Section des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre du ministère de la Justice, relativement à la procédure visant la révocation de la citoyenneté du défendeur.

[17]           Dans son affidavit, monsieur Exantus déclare avoir personnellement mené plusieurs entrevues avec des témoins dans le cadre de l’enquête criminelle et de l’enquête menée aux fins de la procédure de révocation de la citoyenneté du défendeur. Il déclare également avoir pris connaissance des déclarations obtenues de collègues qui ont également participé aux enquêtes. Monsieur Exantus déclare que dans le cadre de ces enquêtes, plusieurs personnes (l’affidavit renvoie au témoignage de 20 témoins) ont été rencontrées au Canada, au Rwanda, en Belgique et en Hollande. Ces personnes auraient été témoins, à divers niveaux, de la participation du défendeur au génocide dans la préfecture de Butare entre avril et juillet 1994.

[18]           L’affidavit de monsieur Exantus fait état des déclarations qu’auraient faites les personnes rencontrées.

[19]           La version de l’affidavit de monsieur Exantus déposée au dossier de la Cour identifie les témoins rencontrés par des pseudonymes et contient certaines portions qui sont caviardées.

[20]           Le demandeur soutient que la sécurité des témoins rencontrés dans le cadre de l’enquête, et dont les déclarations sont rapportées dans l’affidavit de monsieur Exantus, pourrait être compromise si leur identité était dévoilée publiquement. C’est ce qui a motivé le demandeur et monsieur Exantus à identifier les témoins au moyen de pseudonymes. Le demandeur soutient également que les extraits de l’affidavit qui sont caviardés contiennent, et se limitent, à des informations susceptibles de permettre l’identification des personnes qui ont fait des déclarations.

[21]           Par le biais de sa requête en confidentialité, le demandeur cherche donc à préserver la confidentialité de l’identité des témoins qui ont été rencontrés et dont les déclarations sont rapportées ou résumées dans l’affidavit de monsieur Exantus. Le demandeur est disposé à déposer une copie non caviardée de l’affidavit mais demande que celle-ci soit déclarée confidentielle et que la copie caviardée soit la seule qui soit conservée au dossier public de la Cour.

IV.             Analyse

[22]           Il est bien reconnu que l’une des assises de notre système juridique consiste en la publicité des débats judiciaires. En principe, les débats devant la Cour sont publics et il en est de même des dossiers de la Cour, des procédures et des pièces déposées au dossier de la Cour. Ces principes sont clairement reflétés aux paragraphes 26(1) et 29(1) des Règles. Il y a toutefois des exceptions reconnues au principe de la publicité des débats.

[23]           La règle 151 des Règles encadre le traitement des requêtes en confidentialité et se lit comme suit :

Requête en confidentialité

151. (1) La Cour peut, sur requête, ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels.

Circonstances justifiant la confidentialité

(2) Avant de rendre une ordonnance en application du paragraphe (1), la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires

Motion for order of confidentiality

151. (1) On motion, the Court may order that material to be filed shall be treated as confidential.

Demonstrated need for confidentiality

(2) Before making an order under subsection (1), the Court must be satisfied that the material should be treated as confidential, notwithstanding the public interest in open and accessible court proceedings

 

[24]           En vertu de la règle 151, avant de rendre une ordonnance de confidentialité, la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer le ou les documents en cause comme étant confidentiels, compte tenu de l’intérêt du public à la publicité des débats. Il ressort clairement tant de la règle 151 que de la jurisprudence, que la confidentialité constitue une exception à la règle générale de la publicité des débats et qu’elle doit être appliquée avec circonspection et rigueur.

[25]           Dans Sierra Club du Canada c Canada (Ministre des finances), 2002 CSC 41, [2002] 2 RCS 522 [Sierra Club], la Cour suprême a énoncé les balises et les critères que la Cour saisie d’une requête en confidentialité doit appliquer. Ainsi, avant d’émettre une ordonnance de confidentialité, la Cour doit être convaincue que la nécessité de protéger la confidentialité d’un document l’emporte sur l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires. La Cour a repris et adapté au contexte de l’affaire dont elle était saisie, le test en deux volets qu’elle avait énoncé dans des arrêts précédents (Dagenais c Société Radio-Canada, [1994] 3 RCS 835, 1994 CanLII 39 (CSC) [Dagenais]; Société Radio-Canada c Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 RCS 480, 1996 CanLII /84 (CSC); R c Mentuck, 2001 CSC 76, [2001] 3 RCS 442) [Mentuck]). La Cour a énoncé, au paragraphe 53 (Sierra Club), qu’une ordonnance en confidentialité ne sera émise que si la Cour juge :

i.          qu’elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important dans le contexte d’un litige, et qu’il n’existe pas d’autres options raisonnables pour écarter ce risque; et

ii.         que les effets bénéfiques de l’ordonnance en confidentialité, y compris sur le droit des parties aux litiges à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris sur la liberté d’expression qui comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats.

[26]           La Cour a aussi réitéré que trois éléments doivent être considérés dans l’application du premier volet du test : (1) le risque invoqué doit être sérieux et bien étayé par la preuve; (2) la Cour doit veiller à ne pas empêcher la divulgation d’un nombre excessif de documents; et (3) la Cour doit déterminer s’il existe des mesures de rechange raisonnables et limiter l’ordonnance autant que possible (Sierra Club, para 53-56).

[27]           Dans Société Radio-Canada c La Reine, 2011 CSC 3, [2011] 1 RCS 65 au para 13, la Cour a rappelé que la grille d’analyse développée dans les arrêts Dagenais et Mentuck s’appliquait à toutes les décisions discrétionnaires touchant la publicité des débats.

[28]           Ces principes sont appliqués par notre Cour et par la Cour d’appel fédérale dans le cadre des requêtes en confidentialité déposées en vertu de la règle 151 (Grace Singer v Canada (Attorney General), 2011 FCA 3, 196 ACWS (3d) 717; Bah c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 693; British Columbia Lottery Corporation c Canada (Procureur général), 2013 CF 307, [2013] FCJ No 1425 [British Columbia]). Dans McCabe c Canada (Procureur général), 2000 CanLII 15987 (CF), [2000] ACF no 1262, la juge Dawson a traité des critères applicables et du fardeau qui appartient à la partie qui recherche une ordonnance en confidentialité:

[8] Le désir légitime de tout un chacun de garder privées ses affaires ne constitue pas en droit un motif suffisant pour solliciter une ordonnance de confidentialité. La Cour n'ordonne la mesure de protection prévue à la règle 151 que si elle est convaincue que la partie requérante satisfait au double critère subjectif et objectif à observer en la matière; cf. AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (A-289-98, A-315-98, A-316-98, 11 mai 1999, C.A.F.) confirmant la décision rapportée dans 1998 CanLII 7657 (FC), (1998), 81 C.P.R. (3d) 121. Sur le plan subjectif, la partie requérante doit prouver qu'elle est convaincue que la divulgation nuirait à ses intérêts. Objectivement, elle doit prouver, selon la norme de la probabilité la plus forte, que les renseignements en question sont en fait confidentiels.

(voir aussi British Columbia au para 36).

[29]           En l’espèce, le ministre m’a convaincue que l’identité des témoins dont les déclarations sont rapportées ou résumées dans l’affidavit de monsieur Exantus doit demeurer confidentielle.

[30]           Le motif invoqué pour justifier le caractère confidentiel de l’identité des témoins réside dans le risque que la sécurité de ces personnes soit compromise si leur identité est dévoilée publiquement.

[31]           La preuve non contredite démontre que certaines des personnes rencontrées dans le cadre des enquêtes de la GRC ont exprimé leur crainte de subir des représailles de la part de membres de leur communauté si leur identité était dévoilée. La preuve, et plus particulièrement l’affidavit de monsieur Alfred Kewnde, chef des enquêtes au bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda qui avait été déposé devant la Cour supérieure dans le cadre du procès de Jacques Mungwarere et qui a été déposé comme pièce au soutien de l’affidavit de monsieur Exantus, démontre que les craintes liées à la sécurité personnelle exprimées par les personnes rencontrées dans le cadre des enquêtes sont sérieuses et réelles.

[32]           Je suis donc satisfaite qu’il est justifié de préserver la confidentialité de l’identité des personnes rencontrées dans le cadre des enquêtes de la GRC concernant la participation alléguée du défendeur dans le génocide au Rwanda pour éviter que leur sécurité puisse être compromise. La menace à la sécurité des témoins constitue un risque sérieux qui doit être écarté pour préserver un intérêt important. Je considère également qu’il n’existe pas d’autres options raisonnables que celle consistant à ne pas permettre l’identification publique de l’identité des témoins pour écarter tout risque à leur sécurité.

[33]           Je suis également convaincue que les effets bénéfiques de l’ordonnance en confidentialité l’emportent sur les effets préjudiciables, y compris sur la liberté d’expression qui comprend l’intérêt public dans la publicité des débats. Je tiens à souligner que des mesures pour préserver la confidentialité des témoins avaient été également prises par les cours supérieures du Québec et de l’Ontario dans le cadre des procès criminels de Désiré Munyaneza (R c Munyaneza, 2001 QCCS 7113, [2007] JQ 25381) et de Jacques Mungwarere, (R c Mungwarere , 2011 CSON 1247, [2011] OJ No 2593) accusés d’avoir participé au génocide du Rwanda.

[34]           Je suis également d’avis que les conclusions recherchées par le demandeur constituent les mesures qui limitent au strict minimum les informations qui seront déclarées confidentielles dans le contexte de la présente instance.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                    La requête du demandeur soit accueillie et que l’identité de toutes les personnes rencontrées dans le cadre des enquêtes de la GRC et auxquelles renvoient monsieur Rudy Exantus soit déclarée confidentielle.

2.                  Dans les cinq (5) jours de la présente ordonnance, le demandeur doit déposer sous scellé à la Cour une copie non caviardée de l’affidavit de monsieur Rudy Exantus qui doit également mentionner le nom réel des témoins et la Cour considérera cette copie comme étant confidentielle.

3.                  La copie caviardée de l’affidavit de monsieur Rudy Exantus sera conservée au dossier public de la Cour.

4.                  L’audition de la requête du demandeur pour l’obtention d’un jugement par défaut est fixée pour le mardi 13 janvier 2015 à 9 h 30, à la Cour fédérale, au 30, rue McGill, dans la ville de Montréal, province de Québec.

5.                  L’intitulé de la cause soit traduit.

6.                  La soussignée demeurera saisie du dossier aux fins de régler toute difficulté qui pourrait découler de la mise en œuvre de la présente ordonnance.

7.                  Le tout sans frais.

« Marie-Josée Bédard »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1952-13

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c CÉLESTIN HALINDINTWALI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 septembre 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 septembre 2014

 

COMPARUTIONS :

Sébastien Dasylva

Dieudonné Detchou

 

pour le demandeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

pour le demandeur

 

 

 

 

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