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Date : 20140703


Dossiers : T-1151-13

T-1696-13

Référence : 2014 CF 646

Ottawa (Ontario), le 3 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Martineau

Dossier : T-1151-13

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DONALD W. CAMPBELL, PIERRE DESPARS ET SYLVAIN DUVAL,

EN QUALITÉ D’ADMINISTRATEURS D’EXELTECH AÉROSPATIAL INC.

défendeurs

(appelants devant l’arbitre)

et

SERGE BOURBONNAIS, RITA CHIASSON, DAVID B. DIGGLE, DIANE DRURY, STEPHEN HOPS, MICHELLE LAMARRE, CÉLINE LANGEVIN, EVAN LAROCQUE, GÉRARD MORETTI, GILLES OUIMET, ANDRÉ RACETTE, LAURENT SOUSTIEL ET DANY THERRIEN

défendeurs

(ex-employés/intimés devant l’arbitre)

 

Dossier : T-1696-13

ET ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

STÉPHANE DURAND ET TAIFUR RAHMAN

EN QUALITÉ D’ADMINISTRATEURS DE

CENTRE MONTRÉAL JET (2008) INC.

défendeurs

(appelants devant l’arbitre)

et

CHRISTINEL ASTEFANOAIEI, ALEXANDRE BOUCHARD, TREVOR BOWMAN, ALDO CANESSA, NICHOLAS CIAMBELLA, PIERRE COFSKY, ROBERT DAWSON, FRANCIS DEGRAAF, COREY FICE, LAURENT FOEZON, GUILLAUME GAUTHIER, ROZITA HAFEZI ZADEH, AMAL HAGE, SEAN HAND, NOEL HEGARTY, JOE IANNANTUONO, DAHLIA IORIO, JULIAN JONAS, STEVE KALMS, CHRISTOS KATSIMBRAS, PASCAL LABELLE, JACQUES LACASSE, DENIS LAVALLÉE, DANISH MAHBOOB, QUENTIN MATTHEWS, JULIEN MAUGIS, COLIN METCALF, TAZI MHAMED, MICHEL MONDOUX, DOUGLAS MORRISON, RÉAL PAYETTE,

MEIRION PHILLIPS, JANLOU PICARD, IAN BRUCE POLONCSAK, JOE RACANELLI, ROKO RAZOV, GUILLAUME ROBICHAUD, HERVÉ ROBICHAUD, JEAN-FRANÇOIS ROUTHIER, CARLOS SERES, IAN WARD, SPIRIDON YANNIS, SELMA ZOGHBY

défendeurs

(ex-employés/intimés devant l’arbitre)

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur, le Procureur général du Canada, conteste la légalité de deux sentences arbitrales modifiant des ordres de paiement émis par des inspecteurs de Travail Canada à l’encontre des administrateurs de deux entreprises fédérales en faillite, Centre Montréal Jet inc. [Centre Montréal Jet] et Exeltech Aérospatial inc. [Exeltech].

[2]               Les faits en cause ne sont pas contestés.

[3]               À la suite de la faillite des deux entreprises, les employés ont produit une preuve de réclamation aux syndics conformément à l’article 124 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, LRC 1985, ch B-3 [Loi sur la faillite]. En pareil cas, le paragraphe 81.3 de la Loi sur la faillite établit une « super priorité » en faveur des employés jusqu’à concurrence de 2 000 $ de leur créance salariale.

[4]               De façon parallèle, plusieurs employés, mais pas tous, ont également fait des demandes de prestation au Programme de protection des salariés [PPS], lequel est régi par la Loi sur le Programme de protection des salariés, LC 2005, ch 47, art 1 [Loi sur le PPS] et le Règlement sur le Programme de protection des salariés, DORS/2008-222. La prestation accordée à chaque employé est calculée en fonction de sa créance salariale dans la faillite (« salaire admissible ») jusqu’à concurrence d’un montant maximum de 3 000 $ (paragraphe 7(1) de la Loi sur le PPS).

[5]               Chaque employé ayant fait une demande au PPS a reçu une prestation n’excédant pas 3 096,45 $ (soit le montant maximum de 3 000 $ indexé), pour un total de 27 868,05 $ (Exeltech) et de 93 553,88 $ (Montréal Jet) respectivement. Par l’effet de l’article 36 de la Loi sur le PPS, Sa Majesté du chef du Canada [la Couronne] est devenue subrogée, jusqu’à concurrence du montant versé, dans la créance salariale de chaque employé contre son ancien employeur, voire contre les administrateurs eux-mêmes.

[6]               De fait, la Couronne a directement récupéré des syndics administrant les patrimoines des employeurs en faillite les montants de salaire garantis dans la faillite, c’est-à-dire la super priorité de 2 000 $ pour chaque employé ayant produit une preuve de réclamation. Comme elle n’a pas récupéré de la faillite le plein montant versé aux employés par le PPS, elle pouvait s’adresser directement aux administrateurs pour leur réclamer tout solde restant en vertu de l’alinéa 36(1)b) de la Loi sur le PPS, soit 1 000 $ ou moins [la différence].

[7]               Cependant, plutôt que d’adresser directement une mise en demeure aux administrateurs, et en cas de non-paiement de leur part, intenter une action en justice devant les tribunaux de la province de Québec, le ministre du Revenu national voudrait récupérer la différence des employés qui ont reçu des prestations. En vertu des articles 31 et 32 de la Loi sur le PPS, le ministre peut récupérer toute somme qui a été versée en trop par le PPS [le trop-perçu] à une personne ayant fait une demande de prestation.

[8]               L’avantage pour le ministre du Revenu national de procéder ainsi, c’est qu’il n’a pas à prendre une action en justice contre les administrateurs. En effet, le recouvrement de la différence pourrait être recouvré des employés eux-mêmes en leur adressant un avis, et en cas de non-remboursement de leur part, en enregistrant à la Cour fédérale un certificat de non-paiement, qui lui confère la valeur d’un jugement de cette juridiction (paragraphe 32(3) de la Loi sur la PPS). Mais encore faut-il que les employés en cause dans cette affaire aient reçu un trop-perçu.

[9]               C’est bien là où le bât blesse, car jusqu’à aujourd’hui, les ordres de paiement modifiés émis par les arbitres contre les administrateurs en vertu de l’article 251.18 du Code canadien du travail, LRC 1985, ch L-2 [CCT] ne comprennent pas les sommes versées par le PPS aux employés. Le demandeur voudrait que ce soient les ordres de paiement originaux émis par les inspecteurs à l’emploi de Travail Canada qui puissent être exécutés contre les administrateurs.

[10]           Au départ, les inspecteurs ont émis des ordres de paiement contre les administrateurs pour un total de 130 752,98 $ (Exeltech) et 158 498,44 $ (Centre Montréal Jet). Dans leurs calculs, ils ont cependant déduit les montants que le syndic a remboursés au PPS à titre de super priorité, soit 16 000 $ (Exeltech) et 34 910,26 $ (Centre Montréal Jet), mais pas le plein montant que chaque employé a reçu du PPS (3 096,45 $ ou moins), de sorte que la différence (environ 1 000 $ ou moins) a alors été incluse dans les ordres de paiement.

[11]           Les administrateurs ont fait appel (article 251.11 du CCT). Les arbitres Mes Mark Abramovitz et Guy Lafrance [les arbitres] ont été désignés par le ministre du Travail pour entendre les appels (article 251.12 du CCT). Soulignons que ces appels ne portaient pas seulement sur l’inclusion de la différence, mais soulevaient diverses autres erreurs des inspecteurs au niveau du calcul « du salaire et des autres indemnités » auxquels les employés avaient droit sous le régime de la partie III du CCT (articles 251.1 et 251.18 du CCT).

[12]           Ce type d’appel est entendu de novo par l’arbitre, qui a le pouvoir de confirmer, annuler ou modifier – en totalité ou en partie – un ordre de paiement émis par un inspecteur (alinéa 251.12(4)a) du CCT et jurisprudence arbitrale pour l’aspect de novo). Quant à la question de l’inclusion ou de l’exclusion de la différence dans les ordres de paiement originaux, les arbitres ont donné raison aux administrateurs en la déduisant des ordres de paiement modifiés, d’où la présente demande de contrôle judiciaire du demandeur, qui représente ici les intérêts de la Couronne et du ministre du Revenu national.

[13]           Plusieurs éléments militent en faveur de la norme de la raisonnabilité.

[14]           Mentionnons d’abord la présence d’une clause privative complète aux paragraphes 251.12(6) et (7) du CCT et la mise en place par le paragraphe 251.12(1) du CCT d’un régime administratif distinct dans le cadre duquel les arbitres détiennent une expertise spéciale.

[15]           Il faut également présumer que l’interprétation dont un tribunal d’arbitrage fait de sa propre loi habilitante (ici le CCT) ou d’une loi étroitement liée à son domaine d’expertise doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable : Johnstone v Canada (Border Services), 2014 FCA 110 au paragraphe 40, [2014] ACF no 455; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux paragraphes 34, 39 et 41, [2011] ACS no 61; McLean c Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67 aux paragraphes 21-22 et 33, [2013] ACS no 67.

[16]           D’autre part, le demandeur ne m’a pas convaincu qu’il se soulève en l’espèce une question de droit générale à la fois, d'une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d'expertise de l'arbitre. Voir Toronto (Ville) c Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 79, 2003 CSC 63; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190 au paragraphe 60, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]; Nor-Man Regional Health Authority Inc c Manitoba Association of Health Care Professionals, 2011 CSC 59, [2011] ACS no 59; King c Canada (Procureur général), 2012 CF 488, [2012] ACF no 537, confirmé par la Cour d’appel : 2013 FCA 131, [2013] ACF no 551.

[17]           Le demandeur prétend essentiellement que les arbitres ont erré en considérant que les prestations reçues sous le régime de la Loi sur le PPS constituaient du « salaire et d’autres indemnités » selon le CCT. De la même façon, il n’y a aucune disposition du CCT prévoyant qu’une créance salariale que détient un employé contre un employeur en faillite devrait être diminuée parce que ce salarié aurait reçu des prestations du PPS. Les seuls montants pouvant être déduits du salaire sont ceux énumérés au paragraphe 254.1(4) du CCT. À ce chapitre, le demandeur prétend que dans le cadre du CCT, le rôle de l’arbitre consiste uniquement à déterminer les sommes que l’employeur, et lui seul, n’a pas versées à son employé, et donc que toute somme que l’employé reçoit d’un tiers (ici le PPS) est non pertinente pour la détermination du montant de l’ordre de paiement.

[18]           Les administrateurs (appelants devant l’arbitre) et les employés (intimés devant l’arbitre) des employeurs en faillite ont été joints à titre de défendeurs dans les deux demandes de contrôle judiciaire qui ont été réunies pour fins d’audition. Devant cette Cour, les administrateurs ont soutenu la raisonnabilité des sentences arbitrales. Les employés ne sont pas intervenus dans le dossier et ils n’ont jamais attaqué la légalité des sentences arbitrales. La Cour a été informée par les procureurs que les employés ont déjà reçu ou devraient recevoir les montants visés dans les ordres de paiement modifiés, car il n’y a pas eu d’ordonnance de sursis d’exécution des sentences arbitrales.

[19]           La présente demande de contrôle judiciaire doit échouer et il n’y a pas lieu d’intervenir en l’espèce. La conclusion des arbitres selon laquelle les prestations versées aux employés d’Exeltech et de Centre Montréal Jet sous le régime de la Loi sur le PPS doivent, en totalité, être déduites des ordres de paiement faits en vertu du CCT constitue une issue acceptable défendable en regard du droit et elle s’appuie en outre sur la preuve au dossier. Les arbitres pouvaient fonder leur raisonnement général sur les motifs que l’on retrouve dans la sentence de l’arbitre Garden dans l’affaire Schneider v Anderson, [2011] CLAD no 2010 [Schneider]. Ils pouvaient également conclure que, sans ces retenues, les employés recevraient un montant supérieur à celui auquel ils avaient droit.

[20]           Sans reprendre ici tous les arguments qui ont été soumis par les administrateurs tant dans leurs mémoires écrits qu’à l’audition de ces demandes de contrôle judiciaire, j’accepte en substance leurs prétentions. Je note au passage que les employés n’ont pas comparu devant la Cour et qu’ils ne se sont pas objectés devant les arbitres à ce que les pleins montants reçus du PPS (prestations) et des syndics (dividendes) soient déduits des ordres de paiement émis en leur faveur. Par contre, le comptable d’Exeltech, M. Gérard Moretti, qui avait lui-même une créance salariale, a témoigné lors de l’appel devant l’arbitre Abramowitz en faveur de l’exclusion du montant total de 3 096,45 $, ne voulant pas être placé dans une situation où la Couronne viendrait plus tard lui réclamer toute somme reçue en trop.

[21]           Le paragraphe 251(1) du CCT énonce ce qui suit :

251. (1) S’il constate que l’employeur n’a pas versé à l’employé le salaire ou une autre indemnité auxquels celui-ci a droit sous le régime

de cette partie, l’inspecteur peut déterminer lui-même

la différence entre le montant exigible et celui qui a été effectivement versé.

251. (1) Where an inspector finds that an employer has failed to pay an employee any

wages or other amounts to which the employee

is entitled under this Part, the inspector may determine

the difference between the wages or other amounts actually paid to the employee

under this Part and the wages or other amounts to which the employee is entitled under this

Part.

[mes soulignés]

 

 

[22]           De plus, le paragraphe 251.1(1) du CCT prévoit que :

251.1 (1) L’inspecteur qui constate que l’employeur n’a pas versé à l’employé le salaire

ou une autre indemnité auxquels celui-ci a droit

sous le régime de la présente partie peut ordonner

par écrit à l’employeur ou, sous réserve de l’article 251.18, à un administrateur d’une personne

morale visé à cet article de verser le salaire ou l’indemnité en question; il est alors tenu

de faire parvenir une copie de l’ordre de paiement à l’employé à la dernière adresse

connue de celui-ci.

 

251.1 (1) Where an inspector finds that an employer has not paid an employee wages or

other amounts to which the employee is entitled under this Part, the inspector may issue a written payment order to the employer, or, subject to section 251.18, to a director of a corporation referred to in that section, ordering the employer

or director to pay the amount in question, and the inspector shall send a copy of any such

payment order to the employee at the employee’s latest known address.

[mes soulignés]

 

 

[23]           Enfin, l’article 251.18 du CCT prévoit que :

251.18 Les administrateurs d’une personne morale sont, jusqu’à concurrence d’une somme équivalant à six mois de salaire, solidairement responsables du salaire et des autres indemnités auxquels l’employé a droit sous le régime de la présente partie, dans la mesure où la créance de l’employé a pris naissance au cours de leur mandat et à la condition que le recouvrement de la créance auprès de la personne morale soit impossible ou peu probable.

 

251.18 Directors of a corporation are jointly and severally liable for wages and other amounts to which an employee is entitled under this Part, to a maximum amount equivalent to six months’ wages, to the extent that

 

 

(a) the entitlement arose during the particular director’s incumbency; and

 

 

(b) recovery of the amount from the corporation is impossible or unlikely.

[mes soulignés]

 

 

[24]           La seule définition du terme « salaire » figure à l’article 166 de la Partie III du CCT – Durée normale du travail, salaire, congés et jours fériés, et « [s]’entend notamment de toute forme de rémunération reçue pour prix d’un travail, à l’exclusion des pourboires et autres gratifications », tandis que le CCT ne contient aucune définition du terme « indemnité ». Contrairement à ce que prétend le demandeur, rien dans le CCT n’indique que le rôle de l’arbitre se limite à déterminer les sommes que l’employeur, et lui seul, n’a pas versé à son employé. La prétention du demandeur selon laquelle toute somme versée par un tiers (syndic ou PPS) à l’employé ayant une créance salariale ne doit pas être prise en compte par l’inspecteur ou l’arbitre, m’apparaît contraire à la lettre et à l’esprit du CCT.

[25]           Les administrateurs font valoir que la position du demandeur est illogique. Ils soulignent que les montants remboursés par le PPS et les montants dûs en vertu du CCT ont été calculés par les inspecteurs en prenant comme source les mêmes données que celles utilisées par les syndics. À preuve, les inspecteurs ont déjà déduit des ordres de paiement le montant de la super priorité (maximum 2 000 $) qui est inclus dans le montant de salaire admissible du PPS (maximum 3 000 $ plus un montant d’indexation). Un des inspecteurs a également déduit les dividendes reçus du syndic par certains employés et dans l’autre dossier, l’appel a été accueilli sur ce point. Cela montre bien que les inspecteurs eux-mêmes interprètent et appliquent les dispositions du CCT en déduisant du « salaire ou une autre indemnité » certaines sommes reçues par les employés en vertu de la Loi sur la faillite et de la Loi sur le PPS. C’est logique. Je suis d’accord avec les administrateurs que la différence devait également être déduite.

[26]           Bien que les arbitres Abramowitz et Lafrance n’étaient pas liés, ni obligés de suivre la décision d’un autre collègue, il leur était loisible de s’appuyer sur le raisonnement de l’arbitre Garden dans l’affaire Schneider, qui m’apparaît non seulement raisonnable mais convaincant en l’espèce :

The question I must firstly answer is whether s. 251(1) authorizes an inspector to offset a payment from WEPPA against the "wages or other amounts" which an employer has failed to pay. I note that in this case the Inspector did take the WEPPA payments into account in her preliminary calculations but not in her revised calculations which resulted in the payment orders. The wording of s. 251(1) does not appear restricted to payments made only by the employer but rather includes "wages or other amounts actually paid to the employee (emphasis added) under this Part" and arguably therefor may include payments made to employees by third parties such as WEPPA.

[27]           Je suis également d’accord avec les administrateurs que le paragraphe 254.1(4) du CCT vise uniquement les retenues que l’employeur peut faire. Cet article porte sur les sommes que peut déduire un employeur et non un inspecteur nommé en vertu de l’article 251 du CCT. Par conséquent, cette disposition n’est pas applicable en l’espèce. Spécifiquement, le paragraphe prévoit que :

254.1 (4) Le gouverneur en conseil peut, par règlement,

prévoir :

 

254.1 (4) The Governor in Council may make regulations

prescribing:

 

a) les autres retenues que l’employeur peut faire sur le salaire de l’employé ou sur les

autres sommes qui lui sont dues;

 

(a) deductions that an employer is permitted to make in addition to those permitted by this section; and

b) la façon dont l’employeur peut effectuer les retenues prévues au présent article.

(b) the manner in which the deductions permitted by this section may be made by the employer.

 

[28]           Il n’est pas non plus déraisonnable d’assimiler les prestations versées après une faillitte sous le régime de la Loi sur le PPS à du « salaire et des autres indemnités auxquels l’employé a droit sous le régime de la présente partie » du CCT. D’ailleurs, les dossiers des inspecteurs eux-mêmes et les tableaux qui ont été produits par les parties démontrent, comme l’arbitre Abramowitz l’a bien souligné, que les montants remboursés par le PPS et les montants dûs au titre du CCT sont calculés en fonction des mêmes données.

[29]           Les décisions arbitrales sont également compatibles avec l’esprit des dispositions législatives en cause. Le PPS et la partie III du CCT ont des objectifs différents: le PPS vise à aider et soutenir financièrement des salariés qui se retrouvent sans emploi en raison de la faillite de leur employeur, tandis que la partie III du CCT établit plutôt des normes minimales de travail ainsi que les mécanismes de règlement des différends relatifs à ces normes. En l’espèce, il serait contraire à l’esprit du CCT de placer les employés ayant reçu de prestations du PPS dans une situation où ils pourraient devenir eux-mêmes des débiteurs de la Couronne parce qu’ils auraient reçu des sommes en trop des administrateurs.

[30]           Faut-il le rappeler, les ordres de paiement en vertu des articles 251.1 et 251.18 du CCT sont des mécanismes établis en faveur des employés et non du ministre du Revenu national. Si ce dernier – qui est subrogé en vertu de l’article 36 de la Loi sur le PPS dans la créance salariale des employés, jusqu’à concurrence du montant des prestations – désire récupérer toute somme non reçue des syndics à la faillite, il lui faut prendre une action distincte en justice contre les administrateurs.

[31]           À ce chapitre, le demandeur fait valoir que la Loi sur le PPS ne devrait pas être utilisée pour permettre à des administrateurs solidairement responsables aux termes de l’article 251.18 du CCT de se soustraire des obligations qui leur sont dévolues aux termes de la Partie III du CCT. Dans son mémoire écrit, le demandeur prétend que le raisonnement des arbitres a « pour conséquence de permettre aux administrateurs de s’enrichir aux dépens des salariés visés par ce programme », mais à l’audition devant la Cour, son procureur a tempéré quelque peu cette dernière affirmation.

[32]           En fait, si l’on veut parler d’enrichissement sans cause ou de répétition de l’indu, c’est plutôt les employés qui se retrouveraient dans une position où ils devraient rembourser la différence au ministre du Revenu national, à titre de trop-perçu, si celle-ci n’était pas déduite des ordres de paiement.

[33]           En l’espèce, les deux sentences arbitrales reposent sur les preuves au dossier et le raisonnement des deux arbitres n’est certainement pas capricieux ou arbitraire. Les motifs fournis par les arbitres sont transparents, intelligibles et leur conclusion appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir au paragraphe 47).

[34]           Les demandes de contrôle judiciaire sont en conséquence rejetées par la Cour. Vu le résultat, les administrateurs (appelants devant les arbitres) ont droit à leurs dépens contre le demandeur.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que les demandes de contrôle judiciaire dans les deux dossiers sont rejetées. Les administrateurs (appelants devant les arbitres) ont droit à leurs dépens contre le demandeur.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1151-13

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c DONALD W. CAMPBELL, PIERRE DESPARS ET LVAIN DUVAL EN QUALITÉ D’ADMINISTRATEURS D’EXELTECH AÉROSPATIAL INC. ET SERGE BOURBONNAIS, RITA CHIASSON, DAVID B. DIGGLE, DIANE DRURY, STEPHEN HOPS, MICHELLE LAMARRE, CÉLINE LANGEVIN, EVAN LAROCQUE, GÉRARD MORETTI, GILLES OUIMET, ANDRÉ RACETTE, LAURENT SOUSTIEL ET DANY THERRIEN

 

ET DOSSIER :

T-1696-13

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c STÉPHANE DURAND ET TAIFUR RAHMAN, EN QUALITÉ D’ADMINISTRATEURS DE, CENTRE MONTRÉAL JET (2008) INC. ET CHRISTINEL ASTEFANOAIEI, ALEXANDRE BOUCHARD, TREVOR BOWMAN, ALDO CANESSA, NICHOLAS CIAMBELLA, PIERRE COFSKY, ROBERT DAWSON, FRANCIS DEGRAAF, COREY FICE, LAURENT FOEZON, GUILLAUME GAUTHIER, ROZITA HAFEZI ZADEH, AMAL HAGE, SEAN HAND, NOEL HEGARTY, JOE IANNANTUONO, DAHLIA IORIO, JULIAN JONAS, STEVE KALMS, CHRISTOS KATSIMBRAS, PASCAL LABELLE, JACQUES LACASSE, DENIS LAVALLÉE, DANISH MAHBOOB, QUENTIN MATTHEWS, JULIEN MAUGIS, COLIN METCALF, TAZI MHAMED, MICHEL MONDOUX, DOUGLAS MORRISON, RÉAL PAYETTE,, MEIRION PHILLIPS, JANLOU PICARD, IAN BRUCE POLONCSAK, JOE RACANELLI, ROKO RAZOV, GUILLAUME ROBICHAUD, HERVÉ ROBICHAUD, JEAN-FRANÇOIS ROUTHIER, CARLOS SERES, IAN WARD, SPIRIDON YANNIS, SELMA ZOGHBY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 JUIN 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 JUILLET 2014

COMPARUTIONS :

Me Nadine Perron

Me Nadia Hudon

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Daniel Leduc

Me Geneviève Lay

POUR LES DÉFENDEURS

(APPELANT DEVANT L’ARBITRE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Norton Rose Fulbright

S.E.N.C.R L., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

(APPELANT DEVANT L’ARBITRE)

 

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