Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20141128


Dossier : IMM-1654-14

Référence : 2014 CF 1145

Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2014

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

VAN SON BUI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], à l’encontre d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié selon laquelle le demandeur n’a pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention », ni celle de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

II.                Faits

[2]               Le demandeur est un citoyen vietnamien qui est arrivé au Canada le 28 avril 2010 à titre d’étudiant.

[3]               Le demandeur prétend être persécuté par un colonel de l’armée vietnamienne [le colonel]. Le demandeur soutient qu’en février 2013, son père aurait été accusé d’actes d’espionnage en faveur de la Chine par les autorités vietnamiennes, actes desquels le colonel aurait été complice. Suite à l’arrestation du père du demandeur, par crainte d’être dénoncé auprès des autorités vietnamiennes, le colonel aurait proféré des menaces de mort à l’encontre du demandeur et de la mère du demandeur.

[4]               Craignant pour sa vie, le demandeur a réclamé le statut de réfugié au Canada le 2 avril 2013 et une audience devant la Section de la protection des réfugiés [SPR] a eu lieu le 29 octobre 2013.

[5]               Dans une décision datée du 4 décembre 2013, la SPR rejette la demande de statut de réfugié du demandeur, en se fondant sur son manque de crédibilité. Notamment, la SPR souligne « l’absence complète de preuve corroborative afin de soutenir [la] demande d’asile ». Notamment, la SPR considère la demande d’asile du demandeur comme étant une manœuvre pour rester au Canada (Dossier du Tribunal, aux pp 35 et 39; Décision de la SPR, aux para 9, 10 et 23).

[6]               Le 17 décembre 2013, le demandeur a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR. Dans le cadre de l’appel, le demandeur a déposé deux nouveaux éléments de preuve, à savoir deux articles relatifs à la situation politique actuelle au Vietnam.

[7]               La SAR a rejeté l’appel du demandeur le 24 février 2014.

III.             Décision contestée

[8]               D’abord, dans ses motifs, la SAR conclut que le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer le caractère admissible des nouveaux éléments de preuve, en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR. La SAR considère que ces éléments de preuve ne concernent pas directement ou explicitement le demandeur.

[9]               De plus, la SAR détermine qu’il n’y a pas lieu de tenir une audience puisque les critères énoncés au paragraphe 110(6) de la LIPR n’ont pas été rencontrés.

[10]           En outre, la SAR énonce son rôle en tant que tribunal d’appel dans le contexte administratif. La SAR indique que bien qu’elle ne soit pas une cour de révision judiciaire, elle doit faire preuve de déférence envers les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit de la SPR en appliquant la norme de la décision raisonnable.

[11]           Finalement, eu égard au manque d’éléments de preuve corroborant le récit du demandeur, aux incohérences et aux contradictions qui se dégagent du dossier, la SAR estime que la SPR n’a commis aucune erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur.

IV.             Points en litige

[12]           La Cour considère que la demande soulève les points en litige suivants :

a)                  La SAR a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de l’admissibilité de la nouvelle preuve déposée en appel et en ce qui concerne la tenue d’audience?

b)                  La SAR a-t-elle commis une erreur en confirmant les conclusions de la SPR quant au manque de crédibilité du demandeur?

V.                Dispositions législatives

[13]           Les articles suivants de la LIPR sont pertinents à la détermination du statut de réfugié du demandeur :

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a)   soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a)   is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b)   soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b)   not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a)   soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a)   to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b)   soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b)   to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i)    elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i)    the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii)   elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii)   the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii)  la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii)  the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv)  la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv)  the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

      (2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

      (2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

[14]           Les articles suivants de la LIPR énoncent les critères applicables quant au rôle de la SAR, à l’admissibilité de la preuve en appel et à la tenue d’audience :

Appel

Appeal

110. (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (2), la personne en cause et le ministre peuvent, conformément aux règles de la Commission, porter en appel — relativement à une question de droit, de fait ou mixte — auprès de la Section d’appel des réfugiés la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande d’asile.

110. (1) Subject to subsections (1.1) and (2), a person or the Minister may appeal, in accordance with the rules of the Board, on a question of law, of fact or of mixed law and fact, to the Refugee Appeal Division against a decision of the Refugee Protection Division to allow or reject the person’s claim for refugee protection.

Fonctionnement

Procedure

         (3) Sous réserve des paragraphes (3.1), (4) et (6), la section procède sans tenir d’audience en se fondant sur le dossier de la Section de la protection des réfugiés, mais peut recevoir des éléments de preuve documentaire et des observations écrites du ministre et de la personne en cause ainsi que, s’agissant d’une affaire tenue devant un tribunal constitué de trois commissaires, des observations écrites du représentant ou mandataire du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de toute autre personne visée par les règles de la Commission.

        (3) Subject to subsections (3.1), (4) and (6), the Refugee Appeal Division must proceed without a hearing, on the basis of the record of the proceedings of the Refugee Protection Division, and may accept documentary evidence and written submissions from the Minister and the person who is the subject of the appeal and, in the case of a matter that is conducted before a panel of three members, written submissions from a representative or agent of the United Nations High Commissioner for Refugees and any other person described in the rules of the Board.

Éléments de preuve admissibles

Evidence that may be presented

         (4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

        (4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

Audience

Hearing

         (6) La section peut tenir une audience si elle estime qu’il existe des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe (3) qui, à la fois :

        (6) The Refugee Appeal Division may hold a hearing if, in its opinion, there is documentary evidence referred to in subsection (3)

a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause;

(a) that raises a serious issue with respect to the credibility of the person who is the subject of the appeal;

b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile;

(b) that is central to the decision with respect to the refugee protection claim; and

c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

(c) that, if accepted, would justify allowing or rejecting the refugee protection claim.

Décision

Decision

111. (1) La Section d’appel des réfugiés confirme la décision attaquée, casse la décision et y substitue la décision qui aurait dû être rendue ou renvoie, conformément à ses instructions, l’affaire à la Section de la protection des réfugiés.

111. (1) After considering the appeal, the Refugee Appeal Division shall make one of the following decisions:

(a) confirm the determination of the Refugee Protection Division;

(b) set aside the determination and substitute a determination that, in its opinion, should have been made; or

(c) refer the matter to the Refugee Protection Division for re-determination, giving the directions to the Refugee Protection Division that it considers appropriate.

VI.             Position du demandeur

[15]           Au soutien de sa demande, le demandeur prétend que la SAR a erré dans sa détermination du caractère non admissible des éléments de preuve déposés en appel. Selon le demandeur, ces éléments n’auraient pas raisonnablement pu être présentés en temps opportun et leur contenu démontre que la situation du demandeur a évolué depuis l’audience devant la SPR, notamment en ce qui concerne les pratiques de détention arbitraire au Vietnam.

[16]           Selon le demandeur, la SAR aurait dû appliquer la norme de la décision correcte et n’aurait pas dû faire preuve de déférence envers les conclusions de crédibilité de la SPR (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B472, 2013 CF 151). De plus, le demandeur plaide que la SPR et la SAR ont commis des erreurs en ce qui concerne leur appréciation de la preuve et en ont tiré des conclusions déraisonnables à l’égard de la crédibilité du demandeur.

VII.          Norme de contrôle

[17]           Le contrôle judiciaire de l’interprétation de la SAR de sa propre loi constitutive et des questions mixtes de fait et de droit attire la norme de la décision raisonnable (Akuffo v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2014 FC 1063 aux para 26 et 27 [Akuffo]). En adoptant une approche pragmatique à une demande de contrôle d’une décision de la SAR, le juge Luc Martineau indique que, selon les circonstances, la Cour doit faire preuve de déférence envers la SAR :

[33]      Il est donc apparent que la SAR a compétence sur toute question de droit qui lui est présentée, incluant sur le choix de la norme qu'elle doit appliquer. La spécialisation de la SAR, et l'expertise de ses membres, comme démontrées par sa fonction d'uniformisation du droit et la valeur de précédent des décisions à trois commissaires en vertu de l'article 171c) de la LIPR, indiquent que la Cour fédérale doit faire preuve de déférence envers la SAR.

(Djossou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1080 au para 33).


VIII.       Analyse

a)                  L’admissibilité des nouveaux éléments de preuve et la tenue d’audience

[18]           D’abord, l’alinéa 3(3)g) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 [les Règles], ci-dessous, énonce qu’un dossier d’appel devant la SAR doit inclure des observations complètes et détaillées concernant la pertinence et la conformité de nouveaux éléments de preuve invoqués en appel, selon les exigences du paragraphe 110(4) de la LIPR.

[19]           Ensuite, la SAR procède généralement à l’examen d’un appel sans la tenue d’une audience. Cependant, la SAR peut tenir une audience dans des circonstances limitées, conformément aux paragraphes 110(3) et 110(6) de la LIPR. De plus, il incombe au demandeur de justifier la tenue d’une audience en soumettant à la SAR des observations complètes et détaillées, selon les exigences de l’alinéa 3(3)g) des Règles.

Contenu du dossier de l’appelant

Content of appellant’s record

(3) Le dossier de l’appelant comporte les documents ci-après, sur des pages numérotées consécutivement, dans l’ordre qui suit:

(3) The appellant’s record must contain the following documents, on consecutively numbered pages, in the following order:

[…]

[…]

       g) un mémoire qui inclut des observations complètes et détaillées concernant:

       (g) a memorandum that includes full and detailed submissions regarding

            (i) les erreurs commises qui constituent les motifs d’appel,

(i) the errors that are the grounds of the appeal,

[…]

[…]

            (iii) la façon dont les éléments de preuve documentaire visés à l’alinéa e) sont conformes aux exigences du paragraphe 110(4) de la Loi et la façon dont ils sont liés à l’appelant,

(iii) how any documentary evidence referred to in paragraph (e) meets the requirements of subsection 110(4) of the Act and how that evidence relates to the appellant,

[…]

[…]

            (v) les motifs pour lesquels la Section devrait tenir l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi, si l’appelant en fait la demande.

(v) why the Division should hold a hearing under subsection 110(6) of the Act if the appellant is requesting that a hearing be held.

[20]           Or, dans ses motifs, la SAR rejette les nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur, en se fondant sur le motif que le demandeur n’a pas établi les critères exigés par la LIPR et les Règles. De plus, la SAR indique que les éléments de preuve déposés en appel sont datés du 7 et du 25 novembre 2013 et étaient donc disponibles avant que la SPR ait rendu sa décision le 4 décembre 2013. De plus, la SAR indique que le manque de pertinence de ces éléments de preuve appuie davantage leur caractère inadmissible. En outre, la SAR énonce que le demandeur n’a pas démontré que la tenue d’audience était justifiée en vertu des paragraphes 110(3) et 110(6) de la LIPR.

[21]           À la lumière de son analyse de la preuve et du cadre législatif, il était raisonnable pour la SAR de conclure à l’inadmissibilité des éléments de preuve présentés en appel par le demandeur, en raison de leur manque de conformité avec les exigences prévues par la LIPR et les Règles. Il était également loisible et raisonnable pour la SAR de conclure que les circonstances ne justifiaient pas la tenue d’audience.

b)                 Le caractère raisonnable de l’analyse de la SAR des conclusions de crédibilité de la SPR

[22]           Il est de jurisprudence constante que le régime de contrôle judiciaire ne s’applique pas lors d’un appel devant la SAR (Akuffo, ci-dessus au para 33; Huruglica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 799 au para 34 [Huruglica]; Alyafi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 952 au para 10 [Alyafi]).

[23]           Il incombe toutefois à l’appelant de démontrer qu’une erreur a été commise par la SPR afin que la SAR puisse substituer sa décision pour celle qui aurait dû être rendue ou renvoyer, conformément à ses instructions, l’affaire à la SPR, en vertu du paragraphe 111(1) de la LIPR. Il est à noter que la SPR possède l’avantage considérable d’entendre les témoignages de vive voix et de soupeser la valeur probante des témoignages et de la preuve au dossier (Alvarez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 702 au para 33; Spasoja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 913 au para 40; Alyafi, ci-dessus au para 12). Cela n’empêche que la SAR, en tant qu’instance d’appel, exerce une compétence spécialisée égale ou supérieure à celle de la SPR en première instance (Alyafi, ci-dessus au para 12; Yetna c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 858 au para 17).

[24]           Contrairement aux prétentions du demandeur, la Cour estime que l’interprétation retenue par la SAR quant à la norme de contrôle applicable à la décision de la SPR, en elle-même, n’est pas déterminante. Plutôt, la crédibilité du demandeur est centrale à sa demande de statut de réfugié (G.L.N.N. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 859 au para 18; Huruglica, ci-dessus au para 37; Sajad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1107 au para 23).

[25]           Il se dégage de la jurisprudence récente de la Cour que la centralité de la crédibilité d’un demandeur dans le cadre d’un appel logé devant la SAR peut engager un certain niveau de déférence de la SAR envers les conclusions de la SPR. Le juge George R. Locke énonce à cet égard :

[16]      Considérant encore une fois la décision du juge Phelan dans Huruglica, ci-haut, je suis de l'avis que la SAR a erré en concluant que la norme de contrôle de la décision de la SPR est celle de la décision raisonnable.

[17]      Sauf dans les cas où la crédibilité d'un témoin est critique ou déterminante, ou lorsque la SPR jouit d'un avantage particulier vis-à-vis la SAR afin de tirer une conclusion spécifique, la SAR ne doit faire preuve d'aucune déférence à l'endroit de l'analyse de la preuve faite par la SPR : voir Huruglica, aux paras 37 et 55. La SAR a autant d'expertise que la SPR, et peut-être plus relativement à l'analyse des documents pertinents et des représentations des parties.

[Je souligne.]

(Yetna c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 858).

[26]           Dans la décision récente Akuffo, ci-dessus au para 39, la juge Jocelyne Gagné énonce qu’un certain niveau de déférence est dû par la SAR envers les conclusions de crédibilité de la SPR et où la SPR jouit d’un avantage particulier afin de tirer ses conclusions. Cette approche est notamment appuyée dans Huruglica, ci-dessus, où le juge Michael L. Phelan indique :

[54]      Après avoir conclu que la SAR avait commis une erreur en examinant la décision de la SPR selon la norme de la raisonnabilité, j'ai conclu en outre que, pour les motifs qui précèdent, la SAR doit instruire l'affaire comme une procédure d'appel hybride. Elle doit examiner tous les aspects de la décision de la SPR et en arriver à sa propre conclusion quant à savoir si le demandeur d'asile a qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger. Lorsque ses conclusions diffèrent de celles de la SPR, la SAR doit y substituer sa propre décision.

[55]      Lorsque la SAR effectue son examen, elle peut reconnaître et respecter la conclusion de la SPR sur des questions comme la crédibilité et/ou lorsque la SPR jouit d'un avantage particulier pour tirer une conclusion, mais elle ne doit pas se borner, comme doit le faire une cour d'appel, à intervenir sur les faits uniquement lorsqu'il y a une "erreur manifeste et dominante".

[Je souligne.]

[27]           La Cour constate que bien que la SAR ait déclaré appliquer la norme de la raisonnabilité dans son examen de la décision de la SPR, elle entreprend, en pratique, une analyse des contradictions et des incohérences soulevées par la SPR, à la lumière des faits et de la preuve au dossier. Notamment, à l’appui de sa décision, la SAR invoque les points suivants quant au manque de crédibilité du demandeur :

         L’absence de preuve corroborative au soutien des éléments essentiels de la demande de protection du demandeur. Les explications du demandeur adressant les contradictions découlant de son témoignage ne sont pas crédibles et ne sont pas soutenues par la preuve;

         Ce n’est qu’après avoir été confronté à une contradiction dans son récit concernant l’arrestation de son père que le demandeur a modifié son témoignage. Le demandeur a d’abord déclaré que le document relatif à l’arrestation de son père avait été remis à sa mère et que cette dernière n’avait pu l’envoyer, pour ensuite déclarer que le document avait été dérobé à sa mère par le colonel, minant ainsi la crédibilité du demandeur;

         Le demandeur a d’abord décrit le colonel comme étant un personnage puissant, pour ensuite le décrire comme étant une personne vulnérable craignant d’être dénoncée, affectant ainsi la crédibilité du demandeur;

         Le comportement du demandeur n’est pas compatible avec celui d’une personne voulant se protéger ou protéger sa famille. La preuve documentaire démontre que les personnes accusées d’atteinte à la sécurité nationale étaient traitées avec sévérité au Vietnam, alors que le demandeur n’a entamé aucune démarche au Canada pour dénoncer le colonel, affectant ainsi sa crédibilité;

         Le demandeur a attendu deux mois après avoir pris connaissance des événements ayant fondé sa crainte avant de présenter sa demande de réfugié. De plus, la SAR constate que suite à l’expiration de son permis d’étudiant, le demandeur est resté au Canada illégalement pendant dix mois avant de réclamer la protection du Canada.

IX.             Conclusion

[28]           La Cour estime que les conclusions de la SAR quant au manque de crédibilité du demandeur sont raisonnables et ancrées dans la preuve au dossier. Pour les motifs énoncés ci-dessus, il y a lieu de rejeter la présente demande de contrôle judicaire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.             La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.             Il n’y a aucune question à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1654-14

 

INTITULÉ :

VAN SON BUI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 novembre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 novembre 2014

 

COMPARUTIONS :

Cecilia Ageorges

 

Pour le demandeur

 

Anne-Renée Touchette

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Cecilia Ageorges

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.