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Date : 20141112


Dossier : T‑2792‑96

Référence : 2014 CF 1058

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 12 novembre 2014

En présence de monsieur le juge Hughes

ENTRE :

MERCK & CO.,

MERCK FROSST CANADA & CO.,

MERCK FROSST CANADA LTD.,

SYNGENTA LIMITED,

ASTRAZENECA UK LIMITED ET ASTRAZENECA CANADA INC.

demanderesses

et

APOTEX INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie de l’appel à l’encontre de l’ordonnance du 16 septembre 2014, répertoriée sous la référence 2014 CF 883, par laquelle le protonotaire Lafrenière a rejeté la requête de l’intimée Apotex en autorisation pour déposer un énoncé des questions en litige modifié quant au renvoi relatif aux dommages‑intérêts dont l’audition a été fixée en janvier 2015.

[2]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord avec le protonotaire Lafrenière au sujet de ce que l’on peut qualifier des questions relatives à l’arrêt Teva ou à la validité du brevet et je modifierai sa décision quant aux questions relatives à la Loi sur la concurrence, compte tenu des observations formulées par l’avocat d’Apotex. Par conséquent, l’appel sera accueilli en partie.

[3]               La présente action a été intentée il y a dix‑huit ans par les demanderesses qui alléguaient la contrefaçon, par l’intimée Apotex, de certaines revendications du brevet canadien no 1,275,350 (« le brevet 350 »). L’intimée a présenté une demande reconventionnelle en vue d’obtenir une déclaration d’invalidité à l’égard de ce brevet. Par un jugement en date du 26 avril 2006, qui a été prononcé en même temps que les motifs, répertorié sous la référence 2006 CF 524, j’ai déclaré le brevet valide et contrefait. Par un jugement en date du 10 octobre 2006 prononcé en même temps que les motifs, répertorié sous la référence 2006 CAF 323, la Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision. La Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation de pourvoi. Le brevet a expiré le 16 octobre 2007.

[4]               Le 24 juillet 2000, bien avant que je sois saisi de la présente affaire, la protonotaire Aronovitch a prononcé l’ordonnance de disjonction suivante :

[traduction]

LA COUR ORDONNE :

1.         La présente affaire peut être instruite sans que les parties soient tenues de produire des éléments de preuve au procès ou de tenir des interrogatoires préalables relativement à toute question de fait qui ne concerne que les points suivants :

a)         le montant des dommages issus d’une quelconque contrefaçon du brevet canadien no 1,275,350 commise par la défenderesse;

b)         les bénéfices réalisés par la défenderesse par suite d’une quelconque contrefaçon du brevet canadien no 1,275,350 commise par la défenderesse;

2.         Sous réserve du paragraphe 3, s’il s’avère, à la suite de l’instruction, que les questions en litige énoncées au paragraphe 1 doivent être tranchées, une audience aura lieu en application de l’article 107 des Règles des Cours fédérales, y compris la communication préalable et les interrogatoires préalables nécessaires.

3.         La question de savoir si les demanderesses ont le droit de choisir d’obtenir la restitution des bénéfices de la défenderesse sera tranchée par le juge du procès;

[5]               Puisque les demanderesses se sont vu refuser la restitution des bénéfices, l’audience en application de l’article 107 se rapporte uniquement aux dommages‑intérêts. C’est moi qui instruirai la présente affaire en janvier prochain, dans environ deux mois.

[6]               Plus tôt cette année, la défenderesse avait présenté une requête en autorisation pour déposer un énoncé des questions en litige modifié à deux égards. Premièrement, elle demandait la permission d’ajouter plusieurs paragraphes à l’énoncé pour plaider, en fait, que ma décision relative à la validité du brevet 350 prononcée en 2006 aurait été différente si la Cour suprême du Canada avait rendu antérieurement l’arrêt Teva Canada Ltd. c Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60 (Teva). Je désignerai ces modifications comme étant les modifications relatives à l’arrêt Teva. Deuxièmement, la défenderesse demandait la permission de modifier le paragraphe 26 afin d’ajouter quelques détails, dont un renvoi à certaines dispositions de la Loi sur la concurrence. Je désignerai ces modifications comme étant les modifications relatives à la Loi sur la concurrence. Toutes ces modifications proposées sont énoncées au paragraphe 28 des motifs du protonotaire Lafrenière.

[7]               Je tiens à souligner la façon dont le protonotaire Lafrenière a énoncé les faits pertinents à la présente affaire ainsi que son raisonnement expliquant pourquoi il n’y avait pas lieu d’autoriser les modifications relatives à l’arrêt Teva. Je conviens que ces modifications peuvent être déterminantes quant à l’issue du renvoi et qu’elles devraient être examinées de novo, mais je souscris pour l’essentiel à l’analyse du protonotaire et à son raisonnement concernant les modifications en question.

[8]               Je tiens à signaler un aspect concernant les modifications relatives à l’arrêt Teva qui porte sur une nuance de la thèse que la défenderesse a fait valoir devant moi. Le protonotaire Lafrenière affirme ce qui suit, au paragraphe 2 de ses motifs :

Apotex désire faire valoir devant un arbitre nommé en vertu de l’article 153 des Règles de la Cour fédérale que les demanderesses n’ont pas droit à des dommages‑intérêts pour contrefaçon de leur brevet []

[9]               Selon l’avocat de la défenderesse, ce n’était pas le cas en l’espèce. L’avocat a fait valoir qu’il voulait que l’arbitre, en l’occurrence moi‑même, tienne compte de la probabilité que le brevet eût été déclaré invalide, pour déterminer le montant des dommages‑intérêts. L’avocat a admis qu’il n’existait aucun précédent à cet égard.

[10]           Aussi nuancé soit‑il, cet argument est rejeté. Le brevet 350 a été déclaré valide par un jugement définitif de la Cour et tous les recours d’appel ont été épuisés. Contrairement à l’arrêt Virgin Atlantic Airways Limited c Zodiak Seats UK Limited, [2013] UKSC 46, invoqué par la défenderesse et examiné en détail par le protonotaire Lafrenière, le brevet visé dans la présente affaire n’a pas été déclaré invalide ni en l’espèce ni dans toute autre instance. Le brevet a été déclaré valide de manière exhaustive et définitive. Je souscris entièrement à la conclusion du protonotaire Lafrenière selon laquelle la défenderesse cherche, en fait, à contester indirectement la décision de notre Cour ainsi que les décisions des cours d’appel confirmant la validité du brevet.

[11]           En outre, je suis d’accord avec la conclusion du protonotaire Lafrenière quant à l’argumentation de la défenderesse au sujet des nouvelles revendications, dont il est question aux paragraphes 32 à 39 de ses motifs.

[12]           J’examinerai maintenant les modifications mentionnées au paragraphe 26 de l’énoncé des questions en litige de la défenderesse, à savoir la défense relative à la Loi sur la concurrence. Je reproduis les modifications recherchées, consistant à ajouter les passages soulignés de l’acte de procédure :

[traduction]

26.       Apotex affirme que les demanderesses ont convenu, tacitement ou explicitement, de ne pas livrer concurrence au marché du Lisinopril au Canada de façon à maintenir un prix artificiel pour leur Lisinopril, en contravention des articles 45, 47 et 61 de la Loi sur la concurrence en vigueur à toutes les époques pertinentes. Par conséquent, en raison de leur comportement anticoncurrentiel, ils sont tous inadmissibles à réclamer des dommages‑intérêts ou, subsidiairement, à réclamer des dommages‑intérêts à la marge bénéficiaire calculée en fonction des prix de vente maintenus par les demanderesses.

[13]           L’avocat de la défenderesse souligne que la version non modifiée de ce paragraphe existe depuis le début de l’instance, il y a plusieurs années. Les demanderesses ont achevé la phase de la communication préalable ou des interrogatoires préalables qu’elles ont choisis à cet égard, tout comme la défenderesse.

[14]           À l’audience tenue devant moi, l’avocat de la défenderesse a fait les concessions suivantes :

                     Le renvoi à l’article 41 de la Loi sur la concurrence devrait se limiter à l’alinéa 41(1)a).

                     Les modifications recherchées auront pour effet de circonscrire et non d’élargir la portée de la défense existante.

                     Quels que soient les faits et les documents que la défenderesse peut invoquer à l’appui de cette défense au procès, ceux‑ci ont déjà été communiqués aux demanderesses par la défenderesse.

[15]           J’autoriserai les modifications et je formulerai mon ordonnance de manière à englober ces concessions. De plus, j’autoriserai les demanderesses à déposer une réponse, si elles décident, par exemple, d’invoquer un délai de prescription ou une autre question pertinente. J’autorise également les demanderesses, mais non la défenderesse, à procéder à un nouvel interrogatoire préalable si elles le veulent.


ORDONNANCE

POUR LES MOTIFS qui précèdent :

1.         L’appel est accueilli, mais uniquement pour permettre à la défenderesse de déposer un énoncé des questions en litige modifié contenant le paragraphe 26 tel qu’il a été présenté, sous réserve de ce qui suit :

         L’article 41 de la Loi sur la concurrence est remplacé par l’alinéa 41(1)a).

         Les modifications doivent avoir pour effet de circonscrire et non d’élargir la portée de l’acte de procédure formulé antérieurement au paragraphe 26.

         La défenderesse ne peut invoquer à l’appui aucun fait ni aucun document qu’elle n’a pas communiqué aux demanderesses lors d’un interrogatoire préalable tenu avant la date de la présente ordonnance.

         Les demanderesses peuvent répondre à l’énoncé modifié.

         Les demanderesses peuvent, si elles choisissent de le faire, de procéder à un nouvel interrogatoire préalable de la défenderesse à l’égard du paragraphe 26 modifié.

2.         L’appel est par ailleurs rejeté.

3.         Les dépens sont accordés aux demanderesses dans l’affaire.

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T‑2792‑96

 

INTITULÉ :

MERCK & CO., MERCK FROSST CANADA & CO., MERCK FROSST CANADA LTD., SYNGENTA LIMITED, ASTRAZENECA UK LIMITED AND ASTRAZENECA CANADA INC. c APOTEX INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 NOVEMBRE 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE HUGHES

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

 

LE 12 NOVEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Brian Daley

Daniel Daniele

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Andrew Brodkin

Mark Dunn

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright

Avocats et conseillers juridiques

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Goodmans s.r.l.

Avocats et conseillers juridiques

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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