Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20141205


Dossier : IMM‑963‑14

Référence : 2014 CF 1172

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 5 décembre 2014

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

ANGE HABONIMANA

IONA MAIWENN KAMPEMANA

DIERK KAMPEMANA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Mme Habonimana et ses deux enfants mineurs nous arrivent du Burundi. Ils demandent l’asile tant en vertu de l’article 96 que de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Leur crainte découle d’un conflit à connotation ethnique portant sur un bien‑fonds. Un haut gradé dont l’identité n’a pas été révélée veut mettre la main sur le terrain de Mme Habonimana. Mme Habonimana est Tutsie et les tensions persistent entre les Tutsies et les Hutus.

[2]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande de Mme Habonimana. Le commissaire n’était pas convaincu qu’il s’agissait d’un conflit ethnique. D’ailleurs, Mme Habonimana n’a pas été en mesure de dire si le persécuteur allégué était un Hutu. Le tribunal disposait d’une abondante documentation sur la situation au Burundi indiquant que des conflits relatifs à des réinstallations faisant suite au retour au pays de citoyens du Burundi étaient susceptibles d’opposer des Hutus à d’autres Hutus.

[3]               De plus, Mme Habonimana a été jugée non crédible. Elle a déclaré qu’elle et son mari avaient été battus et qu’un gardien qu’ils avaient engagé pour protéger le terrain en question avait été assassiné. Toutefois, les dossiers d’hospitalisation étaient suspects, et elle et son mari ont continué à habiter au même endroit sans protection adéquate compte tenu de la menace perçue. De plus, il était permis de douter de l’existence d’une crainte subjective en raison du temps que la demanderesse a mis à quitter le Burundi.

[4]               Le commissaire a néanmoins examiné la question de savoir s’il existait une possibilité de refuge intérieur et il a conclu à l’existence de deux endroits convenables au Burundi.

[5]               Dans le cadre du présent contrôle judiciaire, il est acquis aux débats que la demande doit être examinée en fonction de la norme de contrôle de la décision raisonnable.

[6]               Je conclus que la décision est raisonnable à tous égards.

[7]               S’il s’agissait effectivement d’une demande fondée sur les origines ethniques des demandeurs présentée en vertu de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et de l’article 96 de la LIPR, les demandeurs auraient pu se voir accorder l’asile si eux‑mêmes ou des personnes se trouvant dans une situation semblable à la leur étaient exposés à un risque sérieux de persécution advenant leur retour au Burundi (B135 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 871, au paragraphe 31). Toutefois, il était parfaitement raisonnable de la part du commissaire de conclure que les origines ethniques n’étaient pas en jeu. Une demande mettant en cause des droits immobiliers ne relève pas de l’article 96 de la LIPR (Ramirez c Canada (Solliciteur général), 88 FTR 208, au paragraphe 12, [1994] ACF no 1888 (QL); et Kenguruka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 895).

[8]               Par conséquent, les demandeurs d’asile ne peuvent obtenir gain de cause que s’ils tombent sous le coup de l’article 97 de la LIPR. Ils doivent être personnellement exposés soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumis à la torture, soit à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, et ils doivent en faire la preuve selon la norme de la prépondérance des probabilités (Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1).

[9]               L’analyse de la crédibilité effectuée par le commissaire est raisonnable. Ou bien les faits relatés par Mme Habonimana ne se sont jamais produits ou bien ils ne donnent pas lieu à une crainte suggestive compte tenu de la longue période de temps où elle est demeurée chez elle. Son mari, qui n’a accompagné ni la demanderesse ni ses enfants, est demeuré au Burundi, et il aurait été attaqué, mais rien ne permet de conclure que cette agression concernait le conflit au sujet du terrain. Selon ce qui est allégué, il se cacherait en ce moment.

[10]           En ce qui concerne la possibilité de refuge intérieur, la partie demanderesse a insisté sur le fait que l’officier haut‑gradé serait en mesure de les retrouver. Cela peut ou non être le cas, mais il n’en demeure pas moins que la question de savoir pourquoi cet officier voudrait les retrouver alors que la demanderesse a renoncé à la possession du terrain en litige se pose.

I.                   Question certifiée

[11]           La présente affaire est à la fois semblable et différente de l’affaire Kenguruka, précitée. Dans cette affaire, j’ai certifié une question grave de portée générale découlant d’un conflit portant sur un terrain, soit celle de savoir si un demandeur d’asile doit d’abord renoncer à faire valoir ses droits pour éviter d’être exposé à un risque de torture ou de voir sa vie menacée. Mme Habonimana demande que la même question soit certifiée en l’espèce. Le ministre souligne que la présente affaire est quelque peu différente, en ce sens que ni la crédibilité ni la possibilité de refuge intérieur n’étaient en cause dans l’affaire Kenguruka.

[12]           Comme la décision rendue par le commissaire en l’espèce repose aussi sur la crédibilité, il n’y a pas de question de portée générale à certifier en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que :

1.                                          La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                                          Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Sean Harrington »

Juge

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑963‑14

 

INTITULÉ :

ANGE HABONIMANA ET AUTRES c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 DÉCEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Jessica Lipes

 

PoUR LES DEMANDEURS

 

Charles Junior Jean

 

PoUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jessica Lipes

Montréal (Québec)

 

PoUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

PoUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.