Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20141031


Dossier : A‑273‑13

Référence : 2014 CAF 245

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

FOREST ETHICS ADVOCACY ASSOCIATION et

DONNA SINCLAIR

demanderesses

et

L’OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET ENBRIDGE PIPELINES INC.

défendeurs

et

LE CONSEIL DES CANADIENS – SECTION DE THUNDER BAY

intervenant

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 27 octobre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 31 octobre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE NEAR


Date : 20141031


Dossier : A‑273‑13

Référence : 2014 CAF 245

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

 

FOREST ETHICS ADVOCACY ASSOCIATION

 

ET DONNA SINCLAIR

 

demanderesses

 

et

 

L’OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET ENBRIDGE PIPELINES INC.

 

défendeurs

 

et

 

LE CONSEIL DES CANADIENS – SECTION DE THUNDER BAY

 

intervenant

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1]               Les demanderesses, Forest Ethics Advocacy Association et Mme Sinclair, sollicitent le contrôle judiciaire de trois décisions interlocutoires de l’Office national de l’énergie, qui a rendu ces décisions dans le cadre d’une instance générale.

[2]               Dans ces décisions interlocutoires, l’Office a élaboré un processus pour déterminer qui pourrait participer à l’instance générale, a jugé que certaines questions étaient non pertinentes et ne seraient pas examinées dans le cadre de l’instance générale, et a refusé à la demanderesse, Mme Sinclair, le droit de participer à l’instance générale.

[3]               Devant la Cour, Forest Ethics et Mme Sinclair attaquent les décisions interlocutoires sur deux fondements : la garantie constitutionnelle de la liberté d’expression prévue à l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés (partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11) et le caractère déraisonnable en droit administratif.

[4]               Pour les motifs exposés ci-après, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens. Les demanderesses ne peuvent pas invoquer le moyen tiré de la Charte pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Par ailleurs, les trois décisions interlocutoires sont raisonnables.

A.                Les faits

(1)               L’instance générale devant l’Office

[5]               Dans l’instance générale, la défenderesse, Enbridge Pipelines Inc., demande à l’Office d’approuver un projet de pipeline connu sous le nom de Projet d’inversion de la canalisation 9B et d’accroissement de la capacité de la canalisation 9 et de lui accorder certaines mesures de réparation en rapport avec ce projet.

[6]               L’instance générale est maintenant terminée et l’Office a publié sa décision sous la référence no OH‑002‑2013. L’Office a approuvé le projet de pipeline sous réserve de certaines conditions.

(2)               Les décisions interlocutoires de l’Office

[7]               Comme nous l’avons indiqué précédemment, les demanderesses attaquent devant la Cour trois décisions interlocutoires rendues par l’Office. Ce qui suit est un exposé des décisions et de la position des demanderesses devant la Cour au sujet de chacune de ces décisions.

– I –

[8]               La non‑pertinence de certaines questions. L’Office a statué qu’il n’examinerait pas, dans l’instance générale, les effets environnementaux et socioéconomiques liés à des activités en amont, le développement des sables bitumineux de l’Alberta et l’utilisation en aval du pétrole transporté par le pipeline. Selon l’Office, ces questions étaient non pertinentes.

[9]               Le paragraphe 52(2) de la Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C. 1985, ch. N‑7, sous‑tend la décision de l’Office. Cette disposition oblige entre autres l’Office à « [tenir] compte de tous les facteurs qu’il estime directement liés au pipeline et pertinents. » Le paragraphe 52(2) est ainsi rédigé :

52. (2) En faisant sa recommandation, l’Office tient compte de tous les facteurs qu’il estime directement liés au pipeline et pertinents, et peut tenir compte de ce qui suit :

52. (2) In making its recommendation, the Board shall have regard to all considerations that appear to it to be directly related to the pipeline and to be relevant, and may have regard to the following:

a) l’approvisionnement du pipeline en pétrole, gaz ou autre produit;

(a) the availability of oil, gas or any other commodity to the pipeline;

b) l’existence de marchés, réels ou potentiels;

(b) the existence of markets, actual or potential;

c) la faisabilité économique du pipeline;

(c) the economic feasibility of the pipeline;

d) la responsabilité et la structure financières du demandeur et les méthodes de financement du pipeline ainsi que la mesure dans laquelle les Canadiens auront la possibilité de participer au financement, à l’ingénierie ainsi qu’à la construction du pipeline;

(d) the financial responsibility and financial structure of the applicant, the methods of financing the pipeline and the extent to which Canadians will have an opportunity to participate in the financing, engineering and construction of the pipeline; and

e) les conséquences sur l’intérêt public que peut, à son avis, avoir la délivrance du certificat ou le rejet de la demande.

(e) any public interest that in the Board’s opinion may be affected by the issuance of the certificate or the dismissal of the application.

[10]           Devant la Cour, les demanderesses soutiennent que la décision de l’Office de retirer certaines questions de l’ordre du jour était déraisonnable. À leur avis, la Loi sur l’Office national de l’énergie et, en particulier, le paragraphe 52(2) de la Loi, exigent que l’Office tienne compte des effets environnementaux généraux du projet, lesquels comprennent la contribution aux changements climatiques des sables bitumineux de l’Alberta et des établissements et activités en amont et en aval du projet de pipeline.

[11]           En outre, selon les demanderesses, la décision de l’Office a empêché les parties de s’exprimer devant l’Office sur cette question, violant ainsi leur liberté d’expression protégée par l’alinéa 2b) de la Charte.

– II –

[12]           Le processus visant à déterminer les droits de participation. L’Office a exigé que les parties qui souhaitaient participer à l’instance générale fournissent certains renseignements sur un formulaire de demande de participation. L’Office estimait que ces renseignements étaient pertinents et nécessaires pour l’exercice de son pouvoir discrétionnaire concernant les droits de participation en vertu de l’article 55.2 de la Loi sur l’Office national de l’énergie, précitée.

[13]           L’article 55.2 comporte une partie obligatoire et une partie discrétionnaire. Ainsi, l’Office doit étudier les observations des parties directement touchées par la demande dont il est saisi, mais peut permettre à d’autres personnes possédant des renseignements pertinents ou une expertise appropriée de présenter des observations. L’article 55.2 est rédigé comme suit :

55.2 Si une demande de certificat est présentée, l’Office étudie les observations de toute personne qu’il estime directement touchée par la délivrance du certificat ou le rejet de la demande et peut étudier les observations de toute personne qui, selon lui, possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée. La décision de l’Office d’étudier ou non une observation est définitive.

 

55.2 On an application for a certificate, the Board shall consider the representations of any person who, in the Board’s opinion, is directly affected by the granting or refusing of the application, and it may consider the representations of any person who, in its opinion, has relevant information or expertise. A decision of the Board as to whether it will consider the representations of any person is conclusive.

[14]           Devant la Cour, les demanderesses soutiennent que l’article 55.2 porte atteinte à la garantie de liberté d’expression prévue par la Charte. Ils demandent une déclaration portant que l’article 55.2 est inopérant en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

– III –

[15]           La participation de la demanderesse Mme Sinclair. Sur le fondement des faits dont il disposait, l’Office a refusé à la demanderesse Mme Sinclair le droit de participer à l’instance générale.

[16]           Devant la Cour, les demanderesses soutiennent que l’Office a omis de tenir compte de la valeur constitutionnelle de la liberté d’expression et a empêché Mme Sinclair de s’exprimer, en violation de la Constitution.

[17]           Indépendamment des questions constitutionnelles soulevées, les demanderesses soutiennent que la décision de l’Office était déraisonnable sur le fond parce que Mme Sinclair possédait des renseignements pertinents et une expertise appropriée au regard des questions que l’Office devait examiner. Mme Sinclair a expliqué qu’elle avait précisé en détail son intérêt dans l’affaire dont l’Office était saisi, lequel intérêt reposait sur sa foi religieuse. À son avis, un déversement d’un pipeline, même loin de chez elle, est [traduction« une insulte à son sens du sacré ». Pour ce qui est des renseignements et de l’expertise que possède Mme Sinclair, celle-ci a invoqué son expérience acquise auprès des peuples autochtones, sa participation aux excuses présentées à ces derniers et son étude de la relation entre les peuples autochtones et la terre. Elle comptait également discuter des antécédents du promoteur du projet de pipeline en matière environnementale, de la façon dont la relation entre les Autochtones et la terre avait influé sur sa foi et de l’importance de consulter les peuples autochtones.

[18]           En tout, l’Office a reçu 177 formulaires de demande de participation et a accordé à 158 demandeurs les droits de participation qu’ils demandaient. Il a accordé à 11 autres la possibilité de présenter une lettre de commentaires. Mme Sinclair était une des huit personnes seulement à qui l’Office a refusé la possibilité de participer de quelque manière que ce soit.

(3)               La nature interlocutoire des décisions

[19]           Dans la présente demande de contrôle judiciaire, l’Office est intervenu. Il lui était loisible de s’opposer à la demande au motif qu’elle était prématurée et de soutenir que la Cour ne devrait pas examiner les trois décisions interlocutoires avant qu’il ait rendu une décision définitive dans le cadre de l’instance générale. Il n’a toutefois pas formé d’opposition.

[20]           La défenderesse Enbridge et le procureur général s’opposent quant à eux uniquement à l’audition des moyens constitutionnels, en partie au motif qu’il est prématuré de les soulever à ce stade‑ci. Ils ne s’opposent pas de manière générale à la demande au motif qu’elle est prématurée.

[21]           Les parties ne s’opposent peut‑être pas à la demande parce que l’Office a maintenant statué sur l’affaire dans le cadre de l’instance générale. Les préoccupations habituelles relatives à la division de l’instance générale et aux retards n’existent peut‑être pas en l’espèce.

[22]           Je note qu’il existe à bon droit une jurisprudence abondante qui interdit à la Cour d’entendre certaines questions de façon prématurée dans le cadre d’un contrôle judiciaire : voir, p. ex., Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, [2011] 2 R.C.F. 332, aux paragraphes 30 à 33. Comme cette affaire le démontre, la Cour peut et doit, de son propre chef, toujours refuser d’entendre un contrôle judiciaire prématuré lorsque l’intérêt public le dicte, plus précisément lorsqu’un tel refus serait dans l’intérêt d’une saine administration et assurerait le respect de la compétence du décideur administratif.

[23]           Or, comme je l’ai déjà indiqué, l’Office – principal gardien de l’intérêt public dans ce domaine réglementaire –, qui a choisi d’intervenir, ne forme pas d’opposition sur le fondement de la prématurité. La Cour ne conclura pas à la prématurité en l’espèce à cause de la position que l’Office a adoptée et de la nécessité pour la Cour de faire preuve de retenue à l’égard de l’évaluation implicite de l’Office selon laquelle le contrôle des décisions interlocutoires en l’espèce n’est pas contraire à l’intérêt public.

(4)               La demande d’ajournement des demanderesses

[24]           Avant d’entendre la présente demande de contrôle judiciaire, la Cour a noté que les demanderesses n’avaient pas soulevé la question relative à la Charte devant l’Office. La Cour a donné pour directive aux parties d’examiner certains précédents judiciaires susceptibles de nous orienter quant à savoir si les demanderesses pouvaient soulever cette question pour la première fois devant la Cour.

[25]           Peu après, les demanderesses ont porté à l’attention de la Cour une décision récente de l’Office, Re : Projet d’expansion de Trans Mountain (2 octobre 2014), ordonnance d’audience OH‑001‑2014, no OF‑Fac‑Oil‑T260‑2013‑03 02, dans laquelle ce dernier a rejeté une contestation de l’article 55.2 fondée sur la liberté d’expression garantie par la Charte. Les demanderesses ont demandé que les présentes demandes soient ajournées et entendues en même temps que la contestation de l’article 55.2 dans l’affaire Trans Mountain.

[26]           En réponse, la Cour a donné une autre directive aux parties dans laquelle elle les informait qu’elle les entendrait sur deux questions :

(a)                Est-il interdit aux demanderesses de demander une réparation en vertu de la Charte dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elles n’ont pas invoqué la Charte devant l’Office national de l’énergie?

(b)               La décision de l’Office national de l’énergie devrait-elle être annulée au motif qu’elle est déraisonnable (ce qui correspond aux observations formulées dans le mémoire des demanderesses aux paragraphes 89 à 95)?

Dans sa directive, la Cour a avisé les parties que, si elle tranchait ces questions dans un sens défavorable aux demanderesses, le contrôle judiciaire serait rejeté.

[27]           La Cour a entendu les parties sur ces deux questions. Mon analyse à cet égard est exposée ci‑après.

B.        Analyse

(1)               Est-il interdit aux demanderesses de demander une réparation en vertu de la Charte au motif qu’elles n’ont pas invoqué la Charte devant l’Office national de l’énergie?

[28]           À mon avis, il est effectivement interdit aux demanderesses de demander une réparation en vertu de la Charte dans les présentes demandes dont est saisie la Cour. L’interdiction à l’égard de Forest Ethics repose sur deux motifs, alors que celle visant Mme Sinclair, un seul.

(a)               Forest Ethics n’a pas qualité pour agir

[29]           En vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, seuls ceux qui sont « directement touché[s] » peuvent demander à la Cour de contrôler une décision.

[30]           Forest Ethics n’est pas « directement touchée » par les décisions de l’Office. Les décisions de l’Office n’ont aucune incidence sur ses droits, elles ne lui imposent aucune obligation en droit, et elles ne lui causent aucun préjudice : Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada c. Odynsky, 2010 CAF 307, 409 N.R. 298; Rothmans of Pall Mall Canada Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1976] 2 CF 500 (C.A.); Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (P.G.), 2009 CAF 116, [2010] 2 R.C.F. 488. Par conséquent, Forest Ethics n’a pas d’intérêt direct à déposer une demande de contrôle judiciaire et à invoquer la Charte contre les décisions de l’Office.

[31]           Dans sa plaidoirie, Forest Ethics a soutenu qu’elle avait qualité pour agir devant la Cour à titre de plaideur ayant qualité pour agir dans l’intérêt public.

[32]           Forest Ethics n’a toutefois pas réussi à démontrer qu’elle satisfaisait aux critères de la qualité pour agir dans l’intérêt public : Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45, [2012] 2 R.C.S. 524, au paragraphe 37, et l’analyse plus détaillée aux paragraphes 39 à 51.

[33]           En effet, dans le cadre de la présente demande et du présent dossier, Forest Ethics est une « trouble-fête » classique, au sens de la jurisprudence. Elle demande à la Cour d’examiner une décision administrative qui ne la concerne en rien. Elle n’a demandé à l’Office aucune mesure de réparation ni réclamé une quelconque qualité pour agir. Elle n’a présenté aucune observation sur aucun sujet devant l’Office. En particulier, elle n’a présenté aucune observation à l’Office concernant les trois décisions interlocutoires.

[34]           Le dossier déposé par Forest Ethics ne démontre pas que l’affaire représente un véritable enjeu pour elle ni qu’elle a un intérêt véritable dans des questions de liberté d’expression semblables à celle qui est soulevée en l’espèce. En outre, il n’est pas raisonnable et efficace de la part de Forest Ethics de soumettre la question à la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. La présence de Forest Ethics n’est pas nécessaire – Mme Sinclair, représentée par l’avocat de Forest Ethics, est présente, et elle est directement touchée par la décision de l’Office de lui refuser toute possibilité de participer à son instance.

[35]           Par ailleurs, comme on peut le constater à la lecture de la demande d’ajournement dont il a été question précédemment, la question dont la Cour est saisie n’est pas une question susceptible de ne jamais être soumise aux tribunaux – l’on peut s’attendre à ce que d’autres la soulèvent, et c’est d’ailleurs ce que d’autres font en ce moment même.

[36]           Si Forest Ethics était autorisée à présenter une demande de contrôle judiciaire dans les présentes circonstances, elle et d’autres organismes similaires pourraient déposer à tout moment une demande de contrôle judiciaire contre toutes sortes de décisions, damant ainsi le pion à ceux qui pourraient avoir plus tard un intérêt direct et vital dans l’affaire. Or, ce n’est pas ce que prévoit notre droit.

(b)       Pour pouvoir soulever la question relative à la Charte devant la Cour, Forest Ethics et Mme Sinclair auraient dû l’avoir déjà soulevée devant l’Office

[37]           Forest Ethics et Mme Sinclair auraient pu soulever la question relative à la Charte devant l’Office, mais elles ne l’ont pas fait. Dans les circonstances de la présente espèce, cette omission de le faire les empêche de soulever maintenant pour la première fois la question dans le cadre d’un contrôle judiciaire devant la Cour.

[38]            Après avoir reçu la décision de l’Office rendue en vertu de l’article 55.2 de la Loi refusant sa participation à l’instance générale, Mme Sinclair aurait pu présenter une requête demandant à l’Office d’annuler ou de modifier sa décision sur le fondement de considérations liées à la Charte ou autres : Loi sur l’Office national de l’énergie, précitée, au paragraphe 21(1); Règles de pratique et de procédure de l’Office national de l’énergie (1995), DORS/95‑208, article 35. Les décisions de l’Office rendues en vertu de l’article 55.2 de la Loi sont des « décisions » qui peuvent être révisées en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi. À titre d’exceptions, le paragraphe 21(3) de la Loi énumère certaines décisions qui ne peuvent pas être révisées. Les décisions rendues en vertu de l’article 55.2 n’en font pas partie.

[39]           De même, Forest Ethics et Mme Sinclair auraient toutes deux pu, sur le fondement de la Charte ou d’autres motifs, présenter une requête à l’encontre de la décision de l’Office selon laquelle certaines questions étaient non pertinentes ou de la décision de l’Office d’utiliser un formulaire de demande de participation. Or, elles ne l’ont pas fait.

[40]           Dans une telle requête, Forest Ethics et Mme Sinclair auraient pu invoquer la liberté d’expression garantie par la Charte. L’Office peut entendre et trancher des questions de droit, y compris des questions liées à la Charte : Loi sur l’Office national de l’énergie, précitée, au paragraphe 12(2); Nova Scotia (Workers’ Compensation Board) c. Martin; Nova Scotia (Workers’ Compensation Board) c. Laseur, 2003 CSC 54, [2003] 2 R.C.S. 504, au paragraphe 48. L’Office était une instance habilitée à entendre et trancher les questions liées à la Charte, mais Forest Ethics et Mme Sinclair ont choisi de ne pas la saisir d’une telle question.

[41]           En conséquence, l’Office n’a jamais eu la possibilité d’examiner les questions constitutionnelles que les demanderesses soumettent maintenant à la Cour.

[42]           Cela n’est pas sans importance. Si la question constitutionnelle avait été soulevée devant l’Office, ce dernier aurait pu recevoir des éléments de preuve pertinents à cet égard, notamment une preuve de justification en vertu de l’article premier de la Charte. L’Office aurait également bénéficié de contre-interrogatoires et d’observations sur le sujet, ainsi que de la possibilité d’interroger toutes les parties sur les questions soulevées. Ensuite, fort de ces avantages, l’Office aurait réfléchi à l’affaire, procédé à son évaluation et exprimé son point de vue dans ses motifs. Dans ceux‑ci, il aurait pu énoncer des appréciations factuelles, des éclairages attribuables à sa spécialisation, résultant de nombreuses années à statuer sur une myriade d’affaires complexes, et toute considération pertinente sur le plan des politiques. Munie d’un dossier riche et pleinement développé, une partie aurait alors pu soumettre l’affaire à la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[43]           La démarche consistant à saisir l’Office des questions constitutionnelles en première instance respecte la différence fondamentale entre un décideur administratif et une cour de révision, soit en l’espèce l’Office et la Cour. Le Parlement a confié à l’Office, et non à la Cour, la responsabilité de statuer sur le fond de questions factuelles et juridiques – y compris le fond de questions constitutionnelles. Les dossiers de preuve sont constitués devant l’Office, et non devant la Cour. En règle générale, la Cour se limite à contrôler les décisions de l’Office à travers la lentille de la norme de contrôle appropriée en utilisant le dossier de preuve constitué devant l’Office et transmis à la Cour. Voir, à titre général, Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, 428 N.R. 297.

[44]           S’il en allait autrement, si les décideurs administratifs pouvaient être court‑circuités sur des questions pareilles, ils ne pourraient jamais examiner de telles questions. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, les décideurs administratifs n’ont pas de pleins droits de participation en qualité de parties ou d’intervenants. Ils ne peuvent pas présenter des observations à la cour de révision en vue d’étayer ou de compléter leurs motifs. Ils sont assujettis à de véritables restrictions quant aux observations qu’ils peuvent formuler. Voir, à titre général, Canada (Procureur général) c. Quadrini, 2010 CAF 246, [2012] 2 R.C.F. 3 aux paragraphes 16 et 17. En conséquence, bien souvent, c’est dans leurs motifs qu’ils ont la seule occasion de fournir des renseignements pertinents au regard de la question – comme des appréciations factuelles, des éclairages attribuables à leur spécialisation et des considérations au plan des politiques.

[45]           Si les décideurs administratifs pouvaient être court‑circuités relativement à des questions pareilles, ces appréciations, éclairages et considérations ne parviendraient jamais à la connaissance de la cour de révision, ce qui est très grave en matière constitutionnelle. Les questions constitutionnelles devraient uniquement être tranchées sur le fondement d’un dossier factuel riche et complet : Mackay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357 aux pages 361 à 363. Dans un secteur réglementaire important comme celui en cause en l’espèce, un dossier n’est ni complet ni riche s’il y manque les éclairages de l’organisme de réglementation.

[46]           La Cour suprême a fortement souligné le fait que les questions constitutionnelles devaient être d’abord soumises à un décideur administratif habilité à les entendre : Okwuobi c. Commission scolaire Lester‑B.‑Pearson School Board; Casimir c. Québec (Procureur général); Zorrilla c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 16, [2005] 1 R.C.S. 257 aux paragraphes 38 à 40. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, un décideur administratif peut entendre et trancher des questions constitutionnelles, les parties ne devraient pas contourner cette compétence en soulevant les questions constitutionnelles pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Il faut respecter la décision du législateur de conférer compétence à l’Office pour trancher de telles questions.

[47]           Cette règle peut être assouplie en cas d’urgence : arrêt Okwuobi, précité, aux paragraphes 51 à 53. Par ailleurs, une contestation directe en Cour de la constitutionnalité d’une loi est possible dans la mesure où la contestation « [ne] contourn[e] [pas] le processus administratif » ou n’équivaut pas à une attaque indirecte du pouvoir d’un administrateur de trancher la question (en dehors des circonstances où une interdiction est permise) : arrêt Okwuobi, précité, au paragraphe 54.

[48]           Les avocats des demanderesses s’opposent à l’application de l’arrêt Okwuobi à la présente espèce.

[49]           Premièrement, les avocats des demanderesses ont noté que, dans l’affaire Okwuobi, le tribunal administratif jouissait d’une compétence exclusive pour trancher des questions en vertu de sa loi constitutive. Or, il en va de même en l’espèce. L’Office a compétence exclusive pour entendre toutes les questions de fait et de droit, y compris les questions constitutionnelles, qui surgissent au cours de ses instances : Loi sur l’Office national de l’énergie, précitée, au paragraphe 12(2), et l’arrêt Martin, précité. Pour faire bonne mesure, les décisions de l’Office sur ces questions sont « définitives et sans appel » : Loi sur l’Office national de l’énergie, précitée, au paragraphe 23(1).

[50]           Deuxièmement, les avocats des demanderesses ont soutenu que l’Office n’avait pas le pouvoir de déclarer l’article 55.2 invalide, ce qui est vrai. Toutefois, dans l’arrêt Okwuobi, la Cour suprême a fourni une réponse complète à cet argument et l’a rejeté (aux paragraphes 44 et 45) :

Sur la question des réparations, les appelants soulignent à bon droit que le [Tribunal] ne peut prononcer une déclaration formelle d’invalidité. À notre avis, ce motif ne suffit pas pour passer outre à la compétence exclusive du Tribunal. Ainsi que notre Cour l’a décidé dans l’arrêt Martin, les réparations constitutionnelles relevant des tribunaux administratifs demeurent effectivement limitées et n’incluent pas les déclarations générales d’invalidité (par. 31). La décision d’un tribunal administratif concluant à l’invalidité d’une disposition législative au regard de la Charte canadienne ne lie pas non plus les décideurs qui se prononceront ultérieurement. Comme l’a fait observer le juge Gonthier au par. 31 : « [c]e n’est qu’en obtenant d’une cour de justice une déclaration formelle d’invalidité qu’une partie peut établir, pour l’avenir, l’invalidité générale d’une disposition législative. »

Cela dit, un demandeur jouit du droit de soumettre au [Tribunal] une affaire qui soulève la constitutionnalité d’une disposition. Si ce tribunal conclut qu’il y a violation de la Charte canadienne et que la disposition en question n’est pas sauvegardée au regard de l’article premier, il peut refuser d’appliquer la disposition pour des motifs constitutionnels et statuer sur la demande comme si elle n’était pas en vigueur (Martin, par. 33). Une telle décision resterait cependant susceptible d’un contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte. Dans ce contexte, la Cour supérieure pourrait examiner intégralement toute erreur commise dans l’interprétation et l’application de la Charte canadienne. De plus, le demandeur aurait droit de demander une déclaration formelle d’invalidité à cette étape de l’instance.

[51]           Enfin, les avocats des demanderesses ont affirmé que c’est l’arrêt de la Cour suprême Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, plus récent et quelque peu plus souple, et non l’arrêt Okwuobi, qui régit la présente affaire.

[52]           Dans l’arrêt Alberta Teachers, précité, la Cour suprême a donné des orientations quant aux circonstances dans lesquelles une cour de révision peut examiner des questions nouvelles dans le cadre d’un contrôle judiciaire, c’est-à-dire des questions qui n’ont pas été soulevées devant le décideur administratif. Au paragraphe 22, le juge Rothstein, s’exprimant au nom de la majorité de la Cour, a affirmé que « [t]out comme elle jouit du pouvoir discrétionnaire de refuser d’entreprendre un contrôle judiciaire lorsque, par exemple, il existe un autre recours approprié, une cour de justice peut également, à son gré, ne pas se saisir d’une question soulevée pour la première fois dans le cadre du contrôle judiciaire lorsqu’il lui paraît inopportun de le faire. »

[53]           S’appuyant sur l’arrêt Alberta Teachers, précité, les avocats des demanderesses nous invitent à exercer notre pouvoir discrétionnaire pour entendre les questions constitutionnelles pour la première fois dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire dont est saisie la Cour.

[54]           Je doute que l’arrêt Alberta Teachers, précité, s’applique aux questions constitutionnelles qui n’ont pas été soulevées devant un décideur administratif qui était habilité à les examiner. L’arrêt Alberta Teachers ne mentionne pas l’arrêt Okwuobi du tout, ni n’évoque, ne serait‑ce qu’une seule fois, des questions constitutionnelles. L’arrêt Okwuobi demeure applicable; l’arrêt Alberta Teachers n’a eu aucune incidence sur lui.

[55]           Cette interprétation est logique. Dans des arrêts comme MacKay, précité, la Cour suprême a insisté à de nombreuses reprises sur le fait que les tribunaux ont l’avantage de disposer d’un dossier factuel complet dans les affaires constitutionnelles, notamment des appréciations factuelles du décideur, des éclairages attribuables à sa spécialisation et des considérations au plan des politiques. Comme je l’ai expliqué précédemment, ce genre de dossier peut seulement être élaboré devant un décideur administratif.

[56]           Toutefois, même si l’arrêt Alberta Teachers s’appliquait à la présente espèce, j’exercerais mon pouvoir discrétionnaire pour refuser d’entendre les questions constitutionnelles pour la première fois dans le cadre du contrôle judiciaire.

[57]           L’arrêt Alberta Teachers indique qu’en règle générale, « ce pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé au bénéfice du demandeur lorsque la question en litige aurait pu être soulevée devant le tribunal administratif mais qu’elle ne l’a pas été » (au paragraphe 23). Au soutien de cette affirmation, la Cour suprême a mentionné bon nombre des motifs que j’ai exposés, notamment le rôle de juge des faits et du fond du décideur administratif, son appréciation des considérations sur le plan des politiques et les préjudices éventuellement causés aux autres parties (aux paragraphes 23 à 26). Dans la présente affaire, la contribution de l’Office aux questions constitutionnelles en jeu – qui soulèvent en l’espèce des questions liées à la gestion par l’Office des instances complexes dont il est saisi et à son appréciation de son mandat législatif et des considérations de politique – aurait été importante.

[58]           Pour les motifs qui précèdent, Forest Ethics et Mme Sinclair ne peuvent pas invoquer la Charte pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[59]           Compte tenu de ma conclusion concernant la qualité de Forest Ethics pour agir, je renverrai exclusivement à la demanderesse Mme Sinclair dans le reste de mes motifs.

(2)              Les décisions sont-elles déraisonnables?

[60]           Les parties conviennent que la norme de contrôle des trois décisions en cause est celle du caractère raisonnable. Malgré l’entente entre les parties, la Cour doit appliquer la bonne norme de contrôle, et il est donc nécessaire que nous procédions à notre propre analyse. Voir l’arrêt Monsanto Canada Inc. c. Ontario (Surintendant des services financiers), 2004 CSC 54, [2004] 3 R.C.S. 152, au paragraphe 6. 

[61]           J’examinerai les décisions de l’Office séparément, comme l’ont fait les parties. Cette façon de procéder présente une certaine clarté analytique, mais est par ailleurs artificielle. Les décisions sont interreliées et interdépendantes. Comme je l’ai indiqué précédemment, Mme Sinclair voulait soulever devant l’Office des questions de fond générales comme les changements climatiques. Dans sa décision concernant la pertinence de certaines questions, l’Office a statué qu’il n’examinerait pas cette question générale. Comme les défendeurs l’ont concédé à juste titre, cela a eu une incidence sur la demande de participation de Mme Sinclair, bien que, comme nous le verrons, l’Office ait invoqué d’autres raisons fondées sur d’autres considérations liées à la pertinence pour lui refuser le droit de participer. En outre, Mme Sinclair soutient que le formulaire de demande de participation, conçu en partie en réponse à la décision de l’Office sur la pertinence, a indûment limité la décision de l’Office concernant les droits de participation et, en raison de sa longueur et de sa complexité, le formulaire a frustré Mme Sinclair et découragé d’autres participants éventuels, empêchant ainsi certaines questions de fond d’être exposées et examinées. En réalité, la Cour est saisie d’une trilogie, soit trois décisions indissociables portant sur des questions de procédure et de fond inextricablement liées.

[62]           Compte tenu de ce qui précède, le caractère raisonnable ou déraisonnable d’une des décisions peut influer sur le caractère raisonnable ou déraisonnable des autres. Il s’ensuit que, dans des cas comme celui qui nous occupe, il est particulièrement judicieux d’adopter la méthode préconisée récemment par la Cour suprême : ne pas subdiviser artificiellement une affaire et la segmenter en décisions distinctes, mais plutôt se concentrer sur le résultat auquel est parvenu le décideur administratif, en tenant dûment compte de tout problème important dans son raisonnement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 53; Lemus c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 114, aux paragraphes 27 à 38. Comme nous le verrons, cela est d’autant plus important que nous examinons les décisions de fond et les décisions procédurales en cause en l’espèce de la même manière. Néanmoins, au risque de certains dédoublements dans l’analyse, j’analyserai les décisions séparément, comme les parties nous ont invités à le faire.

(a)        La décision de l’Office selon laquelle certaines questions étaient non pertinentes

[63]           La décision de l’Office selon laquelle certaines questions étaient non pertinentes au regard de l’instance générale est une décision de fond. Par conséquent, l’on doit recourir à l’analyse traditionnelle relative au contrôle de décisions de fond décrite dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.

[64]           Pour décider que certaines questions, comme les changements climatiques, étaient non pertinentes, l’Office a dû interpréter le paragraphe 52(2) de la Loi sur l’Office national de l’énergie, précitée, disposition qui indique ce dont l’Office doit tenir compte dans les affaires dont il est saisi. L’Office a ensuite dû appliquer cette interprétation aux faits dont il disposait. Tel qu’il est indiqué dans l’arrêt Dunsmuir, précité, et plus récemment dans l’arrêt Alberta Teachers, précité, et l’arrêt Agraira, précité, la norme de contrôle dans ce genre d’affaires est celle de la décision raisonnable. Nous devons évaluer si le résultat est acceptable et justifiable au regard des faits et du droit, en gardant à l’esprit que l’éventail de résultats acceptables et justifiables est souple et peut être large ou étroit au vu des différentes circonstances : arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5. Autrement dit, l’Office a droit à une certaine marge de manœuvre qui peut être large ou étroite selon les circonstances : Canada (Transports, Infrastructures et Collectivités) c. Farwaha, 2014 CAF 56, aux paragraphes 91 à 95.

[65]           Mme Sinclair a soutenu que la question du caractère raisonnable devrait être abordée d’une manière différente. Elle a affirmé que le défaut de l’Office de tenir compte de questions générales comme les changements climatiques rendait son processus décisionnel automatiquement invalide.

[66]           L’observation de Mme Sinclair rappelle l’ancienne catégorie de contrôle communément appelée « l’omission de tenir compte d’une considération pertinente ». Jadis, si un décideur administratif omettait de tenir compte d’une considération que la Cour estimait pertinente, la Cour annulait automatiquement la décision. En réalité, il s’agissait d’une forme de contrôle selon la norme de la décision correcte – la Cour créait son propre critère de la pertinence, puis l’appliquait à la décision de l’administrateur pour voir si celle‑ci cadrait avec la façon dont la Cour voyait l’affaire.

[67]           La Cour a maintenant rejeté cette approche – celle‑là même que Mme Sinclair nous exhortait à adopter – en faveur de l’approche moderne dont font état les arrêts Dunsmuir et Alberta Teachers et que nous avons décrite au paragraphe 64 des présents motifs :

À une certaine époque, le fait de prendre en compte des considérations non pertinentes et celui de ne pas prendre en compte des considérations pertinentes étaient des motifs de contrôle prévus – dans ces cas, un abus du pouvoir discrétionnaire était automatiquement présent. Avec le temps, cependant, on a réclamé pour les décideurs une certaine latitude pour rechercher si une considération est pertinente : voir l’arrêt Baker, précité, au paragraphe 55; Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 24. Aujourd’hui, l’évolution est complète : le juge doit s’en remettre aux interprétations que font les décideurs des lois qu’ils utilisent habituellement, notamment à leurs analyses de ce qui est pertinent ou non sous le régime de ces lois : Dunsmuir, précité, au paragraphe 54; Alberta Teachers’ Association, précité, au paragraphe 34. Il est donc actuellement admis que ces interprétations et analyses ne sont pas des catégories de contrôle prévues, mais plutôt des questions à examiner selon le critère du caractère raisonnable établi par la jurisprudence Dunsmuir : voir l’arrêt Antrim Truck Centre Ltd. c. Ontario (Transports), 2013 CSC 13, aux paragraphes 53 et 54.

(Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, au paragraphe 74.)

[68]           Avant d’examiner la décision au regard du caractère raisonnable conformément à l’arrêt Dunsmuir, rappelons que l’Office a décidé que, dans l’instance générale dont il était saisi, il n’examinerait pas les effets environnementaux et socioéconomiques liés à des activités en amont, le développement des sables bitumineux de l’Alberta ni l’utilisation en aval du pétrole transporté par le pipeline.

[69]           À mon avis, cette décision est raisonnable en ce qu’elle parvient à un résultat qui appartient à la gamme des issues acceptables et justifiables au regard des faits et du droit ou, autrement dit, qu’elle se situe à l’intérieur de la marge de manœuvre que la Cour doit laisser à l’Office. Voici les motifs qui sous‑tendent ma conclusion :

                     Les principales responsabilités de l’Office en vertu de la Loi sur l’Office national de l’énergie, précitée, comprennent la réglementation de la construction et de l’exploitation de pipelines interprovinciaux acheminant du pétrole et du gaz (voir la partie III de la Loi).

                     La Loi ne comporte aucune disposition exigeant expressément que l’Office examine des questions générales comme les changements climatiques.

                     L’Office a à juste titre affirmé que, dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 58 comme celle dont il est question en l’espèce, l’Office doit tenir compte de questions similaires à celles dont il doit être tenu compte en vertu du paragraphe 52(2) de la Loi.

                     Le paragraphe 52(2) de la Loi habilite l’Office à tenir compte de facteurs « qu’il estime » être « directement liés » au pipeline et être « pertinents ». Les mots « qu’il estime », le sens imprécis des mots « directement », « liés » et « pertinent », la clause privative à l’article 23 de la Loi, et la nature hautement factuelle et stratégique des décisions concernant la pertinence, pris ensemble, font en sorte que la Cour devrait laisser à l’Office une grande marge d’appréciation lorsque celui‑ci statue sur la pertinence : arrêt Farwaha, précité, aux paragraphes 91 à 95.

                     En outre, lorsqu’il a appliqué le paragraphe 52(2) de la Loi, l’Office pouvait raisonnablement adopter comme position que les questions générales comme les changements climatiques sont plus vraisemblablement « directement liées » aux effets environnementaux d’établissements et d’activités en amont et en aval du pipeline, et non au pipeline lui‑même.

                     L’Office ne réglemente pas les établissements et les activités en amont et en aval. Ces établissements et activités nécessitent les approbations d’autres organismes de réglementation. Si ces établissements et activités ont des incidences sur les changements climatiques, et ce, d’une manière qui appelle une intervention, c’est à ces organismes d’intervenir ou, de manière plus générale, au Parlement d’agir.

                     Le paragraphe 52(2) de la Loi comporte une liste de facteurs que le Parlement a estimés pertinents : voir les alinéas 52(2)a) à 52(2)d). Chacun de ces facteurs est relativement étroit en ce qu’il est centré sur le pipeline, et non sur des établissements et activités en amont ou en aval. L’alinéa 52(2)e) mentionne « l’intérêt public ». Il appartenait à l’Office d’interpréter cette expression générale. Il était loisible à l’Office de considérer que « l’intérêt public » tire en quelque sorte son sens des alinéas précédant le paragraphe 52(2) et du mandat général de l’Office à la partie III de la Loi. Ainsi, il était loisible à l’Office de considérer que « l’intérêt public » se rapporte principalement au projet de pipeline lui-même, et non aux établissements et activités en amont et en aval. (À cet égard, c’est avec prudence qu’il faut tenir compte des décisions antérieures à l’arrêt Dunsmuir dans lesquelles étaient contrôlées, selon la norme de la décision correcte, des décisions sur le sens de « l’intérêt public » ou qui annulaient des décisions de l’Office au motif qu’il avait omis de tenir compte d’un facteur que la Cour estimait pertinent : voir, p. ex., Nakina (Township) c. Canadian National Railway Co. (1986), 69 N.R. 124 (CAF) et Sumas Energy 2, Inc. c. Canada (Office national de l’énergie), 2005 CAF 377, [2006] 1 R.C.F. 456.)

                     Le législateur a récemment ajouté le paragraphe 52(2) et l’article 55.2 à la Loi afin d’habiliter l’Office à réglementer de manière plus stricte et rigoureuse la portée des instances dont il est saisi et les parties qui comparaissent devant lui : Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, L.C. 2012, ch. 19, art. 83. La décision de l’Office respecte cet objectif. La concordance entre une décision et des objectifs législatifs est un gage ou un indicateur du caractère raisonnable de la décision : Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193, [2011] 4 R.C.F. 203, au paragraphe 21; Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14, [2010] 1 R.C.S. 427, aux paragraphes 42 à 47.

                     La tâche de l’Office était une tâche éminemment factuelle fondée sur les éléments de preuve dont il disposait, ce qui milite en faveur d’une grande marge d’appréciation à l’Office que la Cour devrait respecter : arrêt Farwaha, précité. À mon avis, la décision de l’Office se situe à l’intérieur de cette marge.

(b)               La décision de l’Office au sujet de son processus, notamment le formulaire de demande de participation

[70]           La présente décision est de nature procédurale. Selon la jurisprudence actuelle de la Cour, la norme de contrôle est celle de la décision correcte avec un certain degré de retenue à l’égard du choix de procédure de l’Office (voir Ré:Sonne c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48, aux paragraphes 34 à 42), bien que, comme je l’ai noté dans mes motifs dans l’arrêt Maritime Broadcasting System Limited c. Guilde canadienne des médias, 2014 CAF 59, aux paragraphes 50 à 56, certains précédents judiciaires de la Cour indiquent que la retenue est de mise. L’arrêt Ré:Sonne nous exhorte à nous montrer « respectueux [des] choix [procéduraux de l’organisme] » et à exercer un certain « degré de retenue » lors de l’appréciation de la décision procédurale de l’Office.

[71]           Au paragraphe 61 de l’arrêt Maritime Broadcasting, précité, j’ai expliqué l’arrêt Ré:Sonne comme suit :

Je préfère interpréter les mots du juge Evans dans l’arrêt Ré:Sonne d’une manière fidèle à l’arrêt Dunsmuir, aux arrêts ultérieurs de la Cour suprême et aux arrêts de notre Cour […], qui nous lient tous. Ces arrêts nous disent qu’un contrôle effectué d’une manière « respectueuse des choix de l’organisme » ou avec un certain « degré de retenue » à l’égard de ces choix constitue en réalité une espèce de contrôle empreint de retenue – c’est‑à‑dire qu’il correspond à la norme de la décision raisonnable, norme que la Cour suprême a décrite dans l’arrêt Dunsmuir, précité (aux paragraphes 47 et 48) comme la seule norme « respectueuse » ou « commandant la déférence ».

[72]           En l’espèce, dans le contexte de sa décision, l’Office a droit à une marge d’appréciation importante dans les circonstances de la présente espèce. Plusieurs facteurs militent en ce sens :

                     L’Office est maître de sa propre procédure : Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la page 685.

                     L’Office a une expérience et une expertise considérables dans la tenue de ses propres audiences et quant à savoir qui devrait y participer, de quelle manière et dans quelle mesure. Il a également une expérience et une expertise considérables pour ce qui est de veiller à ce que ses audiences traitent des questions prescrites par la Loi en temps opportun et de manière efficace.

                     Les choix procéduraux de l’Office – en particulier, dans la présente affaire, le choix de concevoir un formulaire et d’exiger qu’il soit rempli – appellent la retenue : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 27.

                     L’Office doit se conformer aux critères énoncés à l’article 55.2 de la Loi – s’« il estime » qu’une personne est « directement touchée » par l’accueil ou le rejet de la demande et si une personne « possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée ». Mais il s’agit là de termes ayant un sens large et qui laissent à l’Office un certain degré de latitude, de sorte que, lorsque l’Office obtient des renseignements de parties intéressées suivant ces critères, un certain degré de latitude devrait là aussi lui être accordé.

                     Enfin, comme nous l’avons vu, les décisions de l’Office sont protégées par une clause privative.

[73]           J’ajoute que le formulaire de demande de participation est fondé dans une certaine mesure sur l’avis de l’Office lui-même quant à savoir quelles questions sont pertinentes, question à l’égard de laquelle, comme je l’ai indiqué précédemment, la Cour devrait laisser une marge de manœuvre à l’Office.

[74]           Compte tenu de la marge de manœuvre que la Cour doit laisser à l’Office, je ne puis conclure que le formulaire de demande de participation déborde le cadre de cette marge de manœuvre.

[75]           Mme Sinclair soutient que le formulaire de demande de participation est trop compliqué, qu’il prend trop de temps et qu’il effraie les personnes intéressées au point de les dissuader de participer à l’instance. Je ne suis pas d’accord. Le formulaire n’est pas pire que d’autres formulaires de demande dans d’autres tribunes, comme les requêtes pour intervenir auprès de la Cour. L’Office a le droit d’adopter la position selon laquelle, en accord avec la teneur de l’article 55.2 de la Loi sur l’Office national de l’énergie, précité, il veut uniquement entendre des parties qui sont prêtes à faire certains efforts.

[76]           Les audiences de l’Office ne sont pas une tribune téléphonique à la radio à laquelle n’importe qui peut participer tout simplement en composant le numéro. Elles ne sont pas non plus un centre de consultation où n’importe qui peut soulever n’importe quoi, peu importe à quel point le sujet est éloigné de la tâche de l’Office consistant à réglementer la construction et l’exploitation de pipelines acheminant du pétrole et du gaz.

[77]           Le législateur a récemment adopté l’article 55.2 afin de rendre les audiences de l’Office plus équitables mais aussi plus efficaces et recentrées : Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, précitée, à l’article 83. Cette disposition exige que les personnes qui ne sont pas directement touchées démontrent qu’elles possèdent « des renseignements pertinents ou une expertise appropriée », ce qui exige une démonstration rigoureuse. Le formulaire de demande de participation est à la mesure de cette exigence.

(c)                La décision de l’Office de refuser à Mme Sinclair le droit de participer

[78]           D’entrée de jeu, nous devons nous demander si la décision de l’Office de refuser à Mme Sinclair le droit de participer est une décision de fond ou une décision procédurale. Tel qu’il ressort de l’analyse qui précède, historiquement, la norme de contrôle judiciaire a varié selon que le contrôle avait pour objet une décision de fond ou une décision procédurale.

[79]            À mon avis, la décision de refuser à Mme Sinclair le droit de participer est un mélange de fond et de procédure.

[80]           Une partie de la décision concerne le fond. À sa racine, elle concerne la pertinence et l’importance de ce que Mme Sinclair avait à offrir à l’Office. Selon l’Office, Mme Sinclair n’avait aucune contribution pertinente ou importante ni aucune contribution pertinente et importante à apporter à la décision. Ainsi, nous devons contrôler la décision au regard du critère énoncé dans l’arrêt Dunsmuir, précité : le résultat concret auquel est parvenu l’Office appartient-il à la gamme des issues qui sont acceptables et justifiables au regard des faits et du droit?

[81]           Par ailleurs, la décision de l’Office peut être considérée comme étant de nature procédurale. Admettre une partie à une instance et décider quel devrait être son degré de participation a souvent été considéré comme une décision de nature procédurale : voir, p. ex., Bibeault c. McCaffrey, [1984] 1 R.C.S. 176. Si nous considérons que la décision de l’Office est de nature procédurale, la norme de contrôle est, comme nous l’avons vu, celle de la décision correcte avec une certaine retenue à l’égard du choix de procédure de l’Office :arrêt Ré:Sonne, précité, aux paragraphes 36 à 42. Suivant la méthode préconisée par l’arrêt Ré:Sonne, nous devons nous montrer « respectueux [des] choix [procéduraux de l’organisme] » et exercer « un degré de retenue ». Voir également les explications relatives à la retenue dans l’arrêt Maritime Broadcasting, précité, au paragraphe 61.

[82]           Peu importe comment nous qualifions la décision de l’Office, celui‑ci mérite qu’on lui laisse une marge de manœuvre importante : arrêt Dunsmuir, précité, aux paragraphes 53 et 54; arrêt Farwaha, précité, aux paragraphes 88 à 92. L’Office a procédé à une évaluation factuelle, en puisant dans son expérience en matière de conduite d’audiences de ce genre et dans son appréciation du genre de parties qui font et qui ne font pas des contributions utiles à ses décisions. Des questions comme celles‑là sont du ressort de l’Office, et non de la Cour.

[83]           Compte tenu de la marge de manœuvre qui doit être laissée à l’Office, la décision de l’Office de refuser à Mme Sinclair le droit de participer à l’instance générale était raisonnable, et ce, pour les motifs suivants :

                     L’Office a interprété l’article 55.2, tâche qui lui incombait dans le cadre de sa décision. L’Office a estimé que l’article traduisait des préoccupations [traduction] d’« équité et d’efficacité » en [traduction« centrant la consultation sur les individus directement touchés par la demande et les personnes qui possèdent des renseignements pertinents ou une expertise appropriée ». L’interprétation de l’Office est acceptable et justifiable, en ce qu’elle s’aligne de près sur le libellé et l’objet de cet article.

                     En outre, la mention de l’« équité » dénote une sensibilité aux intérêts, notamment aux intérêts en matière de liberté d’expression, de chaque demandeur devant l’Office. L’Office était bien conscient que ceux qui demandaient de participer voulaient s’exprimer. Dans la mesure où il incombait à l’Office de tenir compte de la valeur de la liberté d’expression garantie par la Charte, même si celle‑ci n’a jamais été invoquée devant lui, j’estime qu’il l’a essentiellement fait en tenant compte de l’« équité » et en évaluant si la nécessité que les observations soient pertinentes et utiles en conformité avec l’article 55.2 l’emportait sur les messages que les demandeurs qui se sont adressés à lui voulaient communiquer dans l’instance générale : Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12 [2012] 1 R.C.S. 395, au paragraphe 24. Le résultat auquel l’Office est parvenu était raisonnable.

                     L’Office a expliqué pourquoi il avait recouru aux formulaires de demande de participation – pour obtenir des renseignements précis de manière à ce qu’il puisse évaluer chaque demande [traduction« au cas par cas » au regard des [traduction] « circonstances et faits particuliers » de la demande de projet dont il était saisi. Il s’agissait d’une façon acceptable et justifiable de composer avec le problème qu’il devait résoudre.

                     L’Office a expliqué qu’il avait refusé le droit de participer à certaines personnes parce qu’il estimait qu’elles ne satisfaisaient pas au critère énoncé à l’article 55.2. Autrement dit, l’Office a tenu compte de la nécessité d’appliquer la norme législative à chaque demande de participation dont il était saisi, comme il en avait l’obligation.

                     L’Office est allé plus loin et a discuté de la demande de Mme Sinclair précisément. Il a relaté correctement son argument – que son intérêt résidait dans ses convictions religieuses et sa citoyenneté canadienne en général. L’Office a statué qu’il s’agissait [traduction« seulement d’un intérêt public général dans le projet. » Il a ajouté que Mme Sinclair vit à Thunder Bay, en Ontario, soit une collectivité [traduction« qui n’est pas à proximité du projet. » Au regard des faits et du droit, et compte tenu de l’expérience de l’Office en matière de détermination de ce qui est utile et de ce qui ne l’est pas dans les instances dont il est saisi et de son intérêt dans une instance efficace conduite en temps opportun, cela constituait un résultat acceptable et justifiable.

[84]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que les trois décisions de l’Office sont raisonnables.

C.        Dispositif proposé

[85]           En conséquence, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. À l’exception de l’Office, les demanderesses et les défendeurs ont tous demandé des dépens s’ils obtenaient gain de cause. Par conséquent, compte tenu du résultat de la demande, j’adjugerais les dépens au procureur général du Canada et à Enbridge Pipelines Inc.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Trudel, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑273‑13

 

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE DE TROIS DÉCISIONS INTERLOCUTOIRES DE L’OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE.

INTITULÉ :

FOREST ETHICS ADVOCACY ASSOCIATION ET DONNA SINCLAIR c. L’OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et ENBRIDGE PIPELINES INC.

 

 

lieu de l’audience :

Toronto (ontario)

 

DATE de l’audience :

le 27 octobre 2014

 

motifs du jugement :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 OCTOBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Clayton Ruby

Nader Hasan

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Michael H. Morris

Jacqueline Wilson

POUR LE DÉFENDEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU canada

 

Andrew Hudson

POUR LE DÉFENDEUR L’oFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE

Joshua Jantzi

Doug Crowther

POUR LA DÉFENDERESSE ENBRIDGE PIPELINES INC.

Jason MacLean

 

POUR L’iNTERVENANT

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ruby Shiller Chan Hasan

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur le procureur général du canada

 

Office national de l’énergie

Calgary (Alberta)

pour le défendeur l’office national de l’énergie

Dentons Canada LLP

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE ENBRIDGE PIPELINES INC.

Lakehead University Faculty of Law

Thunder Bay (Ontario)

POUR L’INTERVENANT

 

 

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