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Date : 20170127


Dossier : A‑93‑16

Référence : 2017 CAF 16

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE DAWSON

LA JUGE GAUTHIER

 

 

ENTRE :

LA CANADIAN COPYRIGHT LICENSING AGENCY, FAISANT AFFAIRE SOUS L’APPELLATION ACCESS COPYRIGHT

demanderesse

et

LE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE ET TOUTES LES ENTITÉS NOMMÉES À L’ANNEXE « A » DU PRÉSENT JUGEMENT

défendeurs

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE NUGE NADON

LA JUGE DAWSON

 


Date : 20170127


Dossier : A‑93‑16

Référence : 2017 CAF 16

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE DAWSON

LA JUGE GAUTHIER

 

 

ENTRE :

LA CANADIAN COPYRIGHT LICENSING AGENCY, FAISANT AFFAIRE SOUS L’APPELLATION D’ACCESS COPYRIGHT

demanderesse

et

LE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE ET TOUTES LES ENTITÉS NOMMÉES À L’ANNEXE « A » DE LA PRÉSENTE

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1]  La Canadian Copyright Licensing Agency, exerçant ses activités sous l’appellation Access Copyright (Access), sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission du droit d’auteur du Canada (la Commission) a homologué les taux de redevance que devait percevoir Access pour la reproduction d’œuvres de son répertoire par des établissements d’enseignement primaire et secondaire (écoles de la maternelle à la 12e année) représentés par 12 ministères de l’Éducation provinciaux et territoriaux (à l’exclusion du Québec) et par tous les conseils scolaires de l’Ontario (ensemble, le Consortium) durant les périodes de 2010‑2012 (premier tarif) et 2013‑2015 (second tarif) visées par les tarifs.

I.  Contexte

[2]  Dans sa décision, la Commission a approuvé un taux de redevance annuel de 2,46 $ par étudiant équivalent temps plein (ETP) pour le premier tarif et de 2,41 $ par ETP pour le second tarif, et appliqué une méthodologie du « volume multiplié par la valeur », suivant laquelle le volume de copies donnant droit à rémunération est multiplié par la valeur estimée de chaque page de l’œuvre reproduite relativement à l’un des quatre genres compris dans le répertoire d’Access : livres, périodiques, journaux et « documents consommables ».

[3]  Cette méthodologie avait été proposée par les parties et adoptée par la Commission dans une décision précédente rendue en juin 2009 et concernant un tarif antérieur à verser à Access par des écoles de la maternelle à la 12e année (Access Copyright (Établissements d’enseignement) 2005‑2009 (26 juin 2009) [Maternelle‑12e année (2009)]). Cette décision a été contestée devant la Cour et infirmée en fin de compte par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licencing Agency (Access Copyright), 2012 CSC 37, [2012] 2 R.C.S. 345 [Alberta]. La Cour suprême ayant relevé plusieurs problèmes qui rendaient déraisonnable la conclusion de la Commission en ce qui a trait à l’exception de l’utilisation équitable, la décision visée par le contrôle en l’espèce était censée  se conformer aux enseignements de l’arrêt Alberta. La Commission a tenu audience pendant neuf jours en avril, mai et septembre 2014. Elle a entendu les plaidoiries en septembre 2014. En juin 2014 et après l’audience de septembre, elle a soumis plusieurs questions techniques aux parties, et le dossier de preuve n’a été achevé que le 19 décembre 2014, après que les parties eurent répondu aux questions additionnelles de la Commission. La décision a été rendue en février 2016.

[4]  Compte tenu du coût élevé de la preuve requise par la méthodologie évoquée au paragraphe 2 ci-dessus, les parties ont convenu de s’appuyer sur les résultats de l’enquête de volume qu’elles avaient menée en 2005‑2006 comme approximation raisonnable des reproductions effectuées durant les deux périodes de tarifs en cause en l’espèce.

[5]  Comme je l’ai indiqué, la Commission devait, en appliquant la méthodologie convenue, déterminer le volume de copies donnant droit à rémunération. Pour ce faire, elle devait d’abord établir lesquelles des œuvres reproduites provenaient du répertoire d’Access, puis évaluer lesquels parmi ces cas de copie reproduisaient une « partie importante » des œuvres en cause pour l’application de l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C ‑42 (la Loi).

[6]  La Commission devait ensuite soustraire de ces copies donnant droit à rémunération celles qui devaient être exclues au titre d’une disposition applicable de la Loi. La seule exclusion pertinente en l’espèce se rapportant aux copies qui relèvent du droit de l’utilisateur énoncé à l’article 29 de la Loi, lequel prévoit que l’utilisation équitable à des fins d’éducation et d’étude privée ne constitue pas une violation du droit d’auteur. La Commission a également soustrait les copies effectuées à des fins d’examens ou de contrôles (paragraphe 29.4(2) de la Loi) ainsi que les reproductions visant à présenter l’œuvre visuellement à des fins pédagogiques (paragraphe 29.4(1) de la Loi). Ces conclusions ne sont pas contestées.

[7]  Access accepte la plupart des conclusions formulées par la Commission dans sa longue et minutieuse décision. En ce qui concerne la question de savoir quelles œuvres relèvent de son répertoire, Access conteste uniquement la décision de la Commission d’écarter les erreurs de codage commises durant l’enquête de volume relativement à l’identité du titulaire du droit d’auteur, ainsi que la décision d’exclure du volume donnant droit à rémunération les reproductions d’un livre comprenant moins d’une ou deux pages par cas de copie au motif que ces cas n’engageaient pas la reproduction d’« une partie importante » de l’œuvre au sens de la Loi (voir article 3 de la Loi en annexe).

[8]  Les six autres questions soulevées par Access concernent les déductions opérées sur le nombre total de copies donnant droit à rémunération pour cause d’utilisation équitable à l’égard de livres, de journaux ou de périodiques, et notamment la méthodologie dont la Commission s’est servie pour quantifier ces déductions, méthodologie dont Access estime qu’elle est inéquitable sur le plan procédural et fondamentalement viciée.

[9]  Plutôt que de résumer la longue décision de la Commission sous une rubrique distincte, je citerai les conclusions les plus pertinentes pour chaque question dont je traiterai. J’aborderai également la norme de contrôle applicable sous chaque rubrique distincte.

II.  Analyse

[10]  J’ai regroupé les questions soulevées par Access sous les rubriques suivantes :

  1. Répertoire

  • (1) La Commission a-t-elle commis une erreur en ignorant la preuve d’expert fournie par Access pour corriger et préciser l’étendue de son répertoire tel qu’il est décrit dans l’enquête de volume?

(2)  La Commission a-t-elle commis une erreur en limitant ce qui comporte un [traduction] « caractère important » (expression utilisée par les parties) des copies donnant droit à rémunération aux termes de l’article 3 de la Loi?

  1. Utilisation équitable

  • (1) La Commission a-t-elle commis une erreur dans son application du fardeau de preuve?

  • (2) La Commission a-t-elle enfreint son obligation d’agir équitablement?

(3)  La méthodologie adoptée par la Commission était-elle déraisonnable et son évaluation des facteurs pertinents était-elle erronée?

A.  Répertoire

(1)  La Commission a-t-elle commis une erreur en ignorant la preuve d’expert fournie par Access pour corriger et préciser l’étendue de son répertoire tel qu’il est décrit dans l’enquête de volume?

[11]  Dans la décision Maternelle‑12e année (2009), la Commission a conclu que les œuvres visées par l’enquête de volume et publiées par des titulaires non affiliés (TNA) devaient faire partie du répertoire d’Access pour les besoins du calcul du tarif en raison d’un mandat tacite au titre duquel les TNA ont ratifié l’administration de leurs droits par Access en acceptant le versement de redevances (Maternelle‑12e année (2009), au paragraphe 133).

[12]  Dans l’instance en cause, le Consortium s’est opposé à une telle inclusion à l’égard du premier et du second tarif, faisant valoir que cette catégorie de titulaires de droits ne devait pas être prise en compte. Dans ses motifs (les motifs), la Commission a rejeté l’argument d’Access d’après lequel la préclusion découlant d’une question déjà tranchée était applicable, étant donné que la Cour suprême n’avait infirmé la décision qu’à l’égard des exclusions liées à l’utilisation équitable. En refusant d’appliquer la « préclusion découlant d’une question déjà tranchée », la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire afin de garantir le caractère équitable du premier et du second tarif. De plus, la Commission a noté qu’Access cherchait elle-même à revenir sur d’autres conclusions issues de l’affaire Maternelle‑12e année (2009) (motifs, aux paragraphes 125 et 126). Access ne conteste pas en l’espèce la conclusion de la Commission en ce qui a trait à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée.

[13]  Comme elle avançait que la préclusion découlant d’une question déjà tranchée était applicable, Access affirme qu’il n’était pas nécessaire de corriger les erreurs de codage contenues dans l’enquête de volume et à la suite desquelles certaines œuvres ont été attribuées à tort aux TNA ou d’autres n’ont pas été codées (0). La Commission avait d’ailleurs inclus toutes ces œuvres dans le répertoire d’Access dans sa décision Maternelle‑12e année (2009).

[14]  Cependant, ces renseignements sont devenus plus pertinents lorsque la Commission a posé à Access des questions techniques spécifiques visant à confirmer et préciser le sens de certains domaines relativement aux données utilisées, notamment au sujet de l’identité des entités qui avaient conclu des accords avec elle et la question de savoir si elles étaient titulaires du droit d’auteur (voir la lettre d’Access adressée à la Commission et datée du 14 octobre 2014).

[15]  Dans sa lettre datée du 14 octobre 2014, Access soulevait la question des erreurs de codage en réponse aux questions techniques de la Commission. Elle expliquait en outre que si la Commission rejetait son argument fondé sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, elle allait devoir effectuer une analyse plus détaillée des données afin de modifier l’étendue de son répertoire, attendu que les erreurs de codage avaient amené à sous-estimer considérablement le nombre d’œuvres reproduites issues de son répertoire.

[16]  Après que le Consortium eut soumis son propre rapport d’expert daté du 14 octobre 2014 (également déposé en réponse à ces questions de la Commission), Access a fourni un rapport de ce type détaillé et a quantifié l’impact de la sous-estimation. Le rapport d’expert préparé par Circum Network Inc. (Circum), daté du 28 novembre 2014 et joint à une lettre datée du 5 décembre, indique clairement que les calculs fournis par les experts du Consortium devaient être rejetés, car celui‑ci est parti du principe selon lequel seules les œuvres expressément attribuées (c.-à-d. codées comme telles) à un titulaire affilié ou à des organisations relevant d’autres ressorts (désignées comme des « Organisations du droit de reproduction » (les RRO) dans les motifs de la Commission) devaient être prises en compte dans le répertoire d’Access, ce qui a entraîné une sous‑estimation.

[17]  Les observations et le rapport d’expert d’Access, respectivement datés du 5 décembre et du 28 novembre 2014, ont été acceptés par la Commission et versés en preuve sous la cote AC ‑114 et AC ‑114A, respectivement.

[18]  Le Consortium ne s’est pas opposé au dépôt de cette preuve et n’a pas soumis de commentaires quant à sa validité. En fait, le Consortium a lui‑même déposé, le 5 décembre 2014, un autre rapport d’expert en réponse à la lettre d’Access datée du 14 octobre 2014. La lettre du 5 décembre 2014 ne contenait aucun commentaire en réponse à l’observation d’Access suivant laquelle son répertoire avait été sous-estimé dans les documents du Consortium en raison d’erreurs de codage. Comme je l’ai indiqué plus haut, le dossier a été complété le 19 décembre 2014.

[19]  Il n’est pas contesté que si les calculs de Circum avaient été acceptés, les redevances à verser à Access auraient été bien supérieures, soit environ 500 000 $ par année, ou 3 millions de dollars sur les deux périodes des tarifs, d’après ses estimations. Le Consortium ne nous a pas soumis d’autres estimations des possibles conséquences de ces erreurs de codage; il a déclaré qu’il allait devoir étudier la validité des calculs d’Access, si la Commission devait réexaminer l’affaire, car ses experts n’avaient pas encore eu l’occasion de se prononcer sur ces calculs.

[20]  Dans ses motifs, la Commission aborde la question en ces termes au paragraphe 405 :

[405]  Dans un document déposé en réponse aux questions techniques de la Commission, Access a expliqué que ces variables posaient certains problèmes.261 Plus particulièrement, Access a affirmé que l’utilisation de ces variables pour mesurer le volume de copies d’œuvres de ses affiliés ou autorisées en vertu [sic] ses ententes bilatérales avec les RRO sous-estime grandement ce volume. Nous rejetons cette prétention pour trois raisons. Premièrement, Access n’a fourni aucun élément de preuve précisant l’ampleur de la sous-estimation. Deuxièmement, Access a eu un bon nombre d’années pour corriger la sous-estimation, mais a choisi de ne pas le faire. Troisièmement, si la sous-estimation est attribuable à des œuvres qui ne faisaient pas partie du répertoire d’Access en 2005-2006 lorsque les copies ont été faites, mais qui en font désormais partie, nous ne voulons pas procéder à la correction. (Non souligné dans l’original.)

[21]  La note de bas de page 261 mentionnée dans l’extrait reproduit ci-dessus renvoie à la lettre du 14 octobre 2014 dans laquelle, comme nous l’avons vu, Access ne fait que soulever la question des erreurs de codage et de leurs éventuelles graves conséquences sur le calcul des copies donnant droit à rémunération effectué par la Commission.

[22]  Bien que le Consortium ait soutenu que cette conclusion découlait du poids que la Commission avait accordé à la preuve, question à l’égard de laquelle la Cour ne devrait pas intervenir à la légère, il est difficile de ne pas conclure que la Commission a ignoré, par omission, la preuve d’expert et les observations qu’elle avait acceptées en preuve à titre de pièce AC ‑114 et AC‑114A, respectivement, le 5 décembre 2014.

[23]  Le fait que la Commission ait clairement affirmé qu’Access n’avait pas fourni de preuve vient réfuter la présomption voulant que le décideur ait examiné tous les éléments de preuve dont il disposait.

[24]  Les motifs de la Commission formulés au paragraphe 405 reproduit plus haut sont sans ambiguïté. La Commission n’a pas tenu compte du fait que la preuve d’expert avait été déposée afin d’évaluer l’ampleur de la sous-estimation, ni qu’Access avait décidé de corriger celle-ci en expliquant en détail pourquoi elle ne l’avait pas fait plus tôt. La déclaration d’Access portant que les corrections proposées par son expert ne découlaient pas d’une expansion de son répertoire dans les années qui ont suivi la collecte des données relatives à l’enquête de volume de 2005‑2006, n’a pas été contestée devant nous. Par conséquent, le refus de la Commission d’examiner la question de savoir si le répertoire a été sous-estimé est déraisonnable.

[25]  La Cour n’est pas en position d’évaluer le poids à accorder, le cas échéant, au rapport de Circum daté du 28 novembre 2014. Cette question est si manifestement importante qu’à mon avis, la Cour devrait intervenir et obliger la Commission à évaluer les éventuelles conséquences quant au volume des copies donnant droit à rémunération. Je note toutefois que cette question est à ce point distincte que les parties peuvent très bien faciliter l’exercice en proposant conjointement les corrections nécessaires susceptibles d’être ensuite approuvées par la Commission.

(2)  La Commission a-t-elle commis une erreur en limitant le [traduction] « caractère important » (expression utilisée par les parties) des copies donnant droit à rémunération aux termes de l’article 3 de la Loi?

[26]  Comme je l’ai indiqué plus haut, la première question que devait trancher la Commission concernait le volume des copies donnant droit à rémunération. Pour ce faire, elle devait établir si toutes les copies signalées dans l’enquête de volume reproduisaient « la totalité ou une partie importante de l’œuvre » au sens de l’article 3 de la Loi.

[27]  Aux paragraphes 212 à 217 de ses motifs, la Commission a examiné les principes applicables à cet exercice. Access convient que, même si elle a initialement présenté la question qui nous intéresse comme une question de droit, la Commission a correctement formulé les principes juridiques. Cette dernière a pris en compte les enseignements de la Cour suprême du Canada qui, dans l’arrêt Cinar Corporation c. Robinson, 2013 CSC 73, [2013] 3 R.C.S. 1168 [Cinar], indiquait qu’une évaluation qualitative est nécessaire pour déterminer si « une part importante du talent et du jugement de l’auteur » a été copiée (Cinar, au paragraphe 26). La question de savoir si la Commission a mal appliqué ces principes aux faits de la présente affaire est donc une question de fait et de droit, qu’il faut examiner selon la norme de la décision raisonnable.

[28]  Pour s’acquitter de son fardeau d’établir que les copies visées par l’enquête de volume doivent toutes être considérées comme relevant de l’article 3 de la Loi, Access a proposé deux approches : premièrement, elle a proposé que la Commission devait présumer que, si des enseignants d’écoles de la maternelle à la 12e année apprécient de pouvoir reproduire certaines parties, voire de très brefs extraits, d’une œuvre faisant partie du répertoire d’Access, ce doit être parce que les extraits en question sont pertinents d’un point de vue qualitatif et, à ce titre, les copies ne peuvent jamais être considérées sans importance ou négligeables. Deuxièmement, Access a présenté des éléments de preuve étayant sa position suivant laquelle même une ou deux pages peuvent constituer une partie importante du livre dont elles sont extraites. La preuve pertinente quant au [traduction] « caractère important » se trouve dans les notes de bas de page 42 à 44 du mémoire des faits et du droit et dans le recueil d’Access, les éléments les plus pertinents ayant été reproduits aux onglets 20 à 22 du recueil.

[29]  Access fait valoir que la Commission n’a pas dûment tenu compte de ces éléments de preuve, et notamment d’échantillons de pages de livres reproduites, lesquels auraient dû lui permettre de confirmer la valeur qualitative du contenu, même d’aussi peu que deux pages.

[30]  Enfin, Access soutient que la Commission n’a pas dûment tenu compte de la preuve concernant la reproduction cumulative et ne l’a pas incluse dans ses calculs. D’après Access, la Commission ne pouvait pas établir de règle claire basée sur le nombre de pages reproduites. Même si dans certains cas, une ou deux pages du même livre ont été reproduites plus d’une fois, cela ne signifiait pas nécessairement que les mêmes pages avaient été reproduites.

[31]  Il n’y a pas grand-chose à dire concernant l’argument d’Access suivant lequel la Commission n’a pas pris en compte la reproduction cumulative. Il est clair qu’elle y a réfléchi puisqu’elle y a consacré plusieurs paragraphes (voir motifs, aux paragraphes 188 à 202). Questionnée à l’audience au sujet du type de preuve qui aurait permis à la Commission d’estimer les corrections qui devaient être apportées à cet égard, Access a reconnu qu’il n’y en avait pas. Je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant, eu égard aux considérations décrites au paragraphe 202 de ses motifs, qu’elle n’apporterait aucune modification tenant compte de la reproduction cumulative. Ceci est d’autant plus vrai au regard de ses commentaires au paragraphe 195 selon lesquels Access avait reconnu qu’il était impossible d’évaluer de manière empirique l’incidence ou le volume des reproductions cumulatives visées par l’enquête de volume. Ainsi, même si elle a convenu que les reproductions cumulatives étaient en théorie pertinentes, la Commission ne pouvait tout simplement pas mesurer ce phénomène sur le plan pratique.

[32]  Comme Access soulève une question concernant le fardeau de preuve dont devait s’acquitter le Consortium pour établir le caractère équitable de ses utilisations, il est utile de mentionner qu’Access était légalement tenue de prouver que toutes les copies signalées dans l’enquête de volume portaient potentiellement atteinte au droit d’auteur des œuvres de son répertoire. Cela signifie, en théorie, qu’elle devait convaincre la Commission que chaque cas de copie concernait une partie importante d’une œuvre protégée de son répertoire. Comme nous parlons de milliers de cas de copies, Access ne pouvait évidemment pas produire une évaluation qualitative au cas par cas.

[33]  La Commission a analysé le témoignage de Mme Gerrish, le principal (si ce n’est le seul) témoin d’Access sur cette question (motifs, aux paragraphes 218 à 220), et a conclu que cette dernière avait fourni une preuve anecdotique ne constituant pas un fondement raisonnable lui permettant d’apprécier les caractéristiques qualitatives des extraits de livres du répertoire d’Access ayant effectivement été reproduits (motifs, au paragraphe 220). La Commission a refusé de se ranger à l’avis d’Access voulant que, comme une ou deux pages de l’un ou des deux livres identifiés par Mme Gerrish pouvaient représenter une partie importante des compétences, du travail et du jugement dans certains livres (seule une illustration d’un livre a été fournie), elle devait inférer qu’il en allait de même pour tous les livres cités dans l’enquête de volume (motifs, aux paragraphes 217, 220). Cependant, la Commission a tiré une telle inférence à l’égard des articles de journaux et de magazines au motif qu’il s’agissait d’œuvres beaucoup plus courtes, dont la nature peut justifier un traitement différent (motifs, au paragraphe 225).

[34]  La Commission a expressément rejeté l’idée selon laquelle ce qui mérite d’être copié mérite à première vue d’être protégé, car ce critère avait été écarté il y a longtemps (voir la note de bas de page 136 des motifs). À l’audience qui s’est déroulée devant nous, il est apparu assez clairement qu’Access ne pouvait expliquer en quoi les choix de copie faits par un enseignant dans la préparation d’une leçon intéressent l’évaluation du [traduction] « caractère important ». La Commission est parvenue à la même conclusion lorsqu’elle a estimé que les copies effectuées pour répondre aux besoins éducatifs des étudiants ne sont pas un bon point de référence pour déterminer le caractère important (motifs, au paragraphe 217). Tout cela me semble raisonnable dans le contexte d’une instance visant à établir les tarifs.

[35]  La Commission a également estimé que le sous-échantillon produit par Access, à savoir des copies réelles des extraits visés par les cas de copie, était trop infime pour fonder l’évaluation qualitative de tous les livres du répertoire.

[36]  La Commission n’a pas affirmé expressément qu’il n’y avait pas grand-chose à tirer d’un examen de ces pages sans l’assistance d’un expert ou même d’un non-spécialiste qui effectuerait une analyse raisonnée. Je crois que les motifs indiquent implicitement qu’un simple examen de ces éléments de preuve limités ne suffirait pas normalement à tirer une conclusion valable quant au caractère important. C’est ce que confirment les commentaires de la Commission concernant les modalités des évaluations quantitatives et le renvoi à l’arrêt Cinar, dans lequel de nombreux témoins experts, des témoignages contradictoires et une abondante preuve corroborante ont été produits pour évaluer la partie qualitative de l’œuvre prélevée (voir motifs, au paragraphe 222).

[37]  Access ne m’a pas convaincue que la Commission a ignoré les éléments de preuve qu’elle avait produits. En fait, la Commission a examiné sa preuve et estimé qu’elle ne constituait pas un fondement raisonnable lui permettant d’évaluer la nature qualitative des milliers d’extraits reproduits en cause.

[38]  Cela étant dit, la Commission avait quelques options. Premièrement, si elle avait appliqué l’approche proposée par Access relativement au fardeau de preuve incombant au Consortium aux fins de l’analyse concernant l’utilisation équitable (voir le paragraphe 81 ci‑après), la Commission aurait pu conclure qu’Access n’a pas établi que les copies signalées dans l’enquête de volume constituaient une reproduction d’« une partie importante des livres » de son répertoire (c’est le seul type d’ouvrage à l’égard duquel la conclusion de la Commission est contestée), étant donné qu’Access n’a pas produit d’éléments probants à cet égard. Deuxièmement, et c’est ce qu’elle a choisi de faire, la Commission pouvait décider que, comme elle ne disposait pas d’une analyse qualitative applicable à la majorité des cas, il était raisonnable dans les circonstances particulières de l’affaire dont elle était saisie (conformément à son mandat prévu par la loi de fixer un tarif lorsque les parties ne présentent qu’une preuve sous forme globale) d’inférer que la reproduction d’une ou deux pages d’un livre n’était pas importante d’un point de vue qualitatif. Du fait de cette approche, moins de copies ont été considérées comme des reproductions d’une partie non importante d’œuvres que si un seuil d’un pour cent du volume de chaque œuvre avait été adopté (motifs, aux paragraphes 226 et 227).

[39]  Les tribunaux administratifs ou les cours de justice doivent remplir leur mandat, sans égard à la pauvreté ou à la qualité de la preuve dont ils disposent. Ces décideurs doivent déterminer s’ils sont convaincus qu’une certaine question de fait a été établie. Cette tâche est au cœur même de l’expertise des tribunaux administratifs comme la Commission. Les inférences, comme les conclusions de faits, appellent une retenue considérable.

[40]  À mon avis, dans les circonstances particulières de la présente affaire, et compte tenu du mandat de la Commission défini par la Loi, il n’était pas déraisonnable de sa part d’inférer que la reproduction d’une ou deux pages d’un livre ne concernait pas une « partie importante de l’œuvre » au sens de l’article 3 de la Loi. Cependant, il faut bien préciser qu’à mon avis, une telle inférence relèvera rarement des issues acceptables lorsque des éléments de preuve sont produits à l’égard de chaque œuvre en cause, et constituera normalement une erreur manifeste et dominante dans le cadre de litiges civils où la contrefaçon est en cause.

[41]  Enfin, compte tenu de l’application de l’utilisation équitable et de l’article 29.4 de la Loi aux reproductions, je note que la plupart des copies censées viser « une partie non importante » de livres auraient été soustraites de toute façon aux copies donnant droit à rémunération (voir tableaux 24 et 25 de l’annexe A des motifs).

B.  Utilisation équitable

[42]  Avant d’examiner les arguments des parties à ce chapitre, quelques commentaires généraux sont de mise.

[43]  Dans l’arrêt Alberta, la juge Abella, s’exprimant pour la majorité, a décrit en ces termes le concept d’utilisation équitable et le critère à appliquer :

[12] Comme il est expliqué dans le pourvoi connexe Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Bell Canada, [2012] 2 R.C.S. 326 (SOCAN c. Bell), l’utilisation équitable s’entend de certaines activités qui, sans cette exception, pourraient violer le droit d’auteur. Énoncé dans l’arrêt CCH, le critère qui permet de déterminer si une utilisation est équitable ou non comporte deux volets. Premièrement, l’utilisation a‑t‑elle pour objet l’« étude privée ou [la] recherche », la « critique ou [le] compte rendu », ou encore, la « communication des nouvelles », soit l’une ou l’autre des fins permises aux art. 29, 29.1 et 29.2 de la Loi? Deuxièmement, l’utilisation est‑elle « équitable »? Il incombe à la personne qui invoque l’« utilisation équitable » de satisfaire aux deux volets. Selon la Cour, un certain nombre d’éléments permettent de déterminer si une utilisation est « équitable » : le but, la nature et l’ampleur de l’utilisation, l’existence de solutions de rechange à l’utilisation, la nature de l’œuvre et l’effet de l’utilisation sur l’œuvre.

[44]  Le juge Rothstein, dissident, a formulé des commentaires utiles et incontestables en écrivant ce qui suit :

[39] Le présent pourvoi porte sur l’utilisation équitable prévue à l’art. 29  de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42  (« Loi »).  Ce qu’il faut entendre par équitable est une question de fait (CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut‑Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339, par. 52 (« CCH »)).  En outre, qu’une utilisation soit équitable ou non est « une question d’impression » (CCH, par. 52, citant Hubbard c. Vosper, [1972] 1 All E.R. 1023 (C.A.), p. 1027).  De l’avis de notre Cour dans CCH, les éléments proposés par le juge Linden de la Cour d’appel fédérale (2002 CAF 187, [2002] 4 C.F. 213, par. 150) offrent « un cadre d’analyse utile pour statuer sur le caractère équitable d’une utilisation dans des affaires ultérieures » (par. 53). Bien que la prise en compte de ces éléments soit utile à l’analyse, il ne s’agit pas d’une exigence de la loi. (Non souligné dans l’original.)

[45]  Dans l’arrêt Alberta, la Cour suprême s’est principalement intéressée à l’utilisation équitable à des fins d’étude privée. La Cour devait examiner le point de vue à partir duquel il fallait évaluer une utilisation équitable à pareille fin – celui de l’enseignant ou de l’élève, en particulier lorsque des copies multiples sont faites pour plus d’une classe. Peu après, la Loi a été modifiée de manière à prévoir l’« éducation » comme autre fin à l’égard de laquelle l’article 29 de la Loi peut être invoqué par les utilisateurs. À mon avis, cet ajout a supprimé la dichotomie entre le point de vue des enseignants et celui des élèves dans l’analyse fondée sur l’article 29, lorsque l’éducation est la fin concernée.

[46]  Il est également bien établi, et réitéré dans l’arrêt Alberta, que les facteurs énoncés dans l’arrêt CCH sont issus de la décision de lord Denning dans Hubbard c. Vosper, [1972] 1 All E.R. 1023 (C.A.), à la page 1027. Un examen de ces deux dernières décisions indique très clairement que tous les facteurs liés au caractère équitable ne seront pas pertinents dans tous les cas et qu’en règle générale, un seul facteur ne sera pas déterminant.

[47]  Pour remplir son mandat, la Commission devait pondérer l’intérêt public à rémunérer les titulaires de droit d’auteur pour la reproduction de parties importantes de leurs œuvres, et l’intérêt public à ce que certains utilisateurs aient le droit de reproduire de telles parties à certaines fins, y compris l’éducation et l’étude privée.

[48]  Telle est la visée du second volet du critère établi dans l’arrêt CCH et appliqué dans l’arrêt Alberta.

[49]  La Commission a examiné la question de l’utilisation équitable à la section XIII de ses motifs (voir les paragraphes 229 à 351). Elle décrit son approche statistique des utilisations équitables aux paragraphes 418 à 457. Enfin, son calcul relatif aux utilisations en question se trouve à l’annexe B des motifs, qui commence à la page 168 de la décision.

[50]  J’aborderai à présent la première question soulevée par Access à l’égard de l’analyse de la Commission concernant l’utilisation équitable. Mais, pour plus de clarté, je commencerai par énumérer à nouveau les six facteurs reconnus de l’utilisation équitable : le but, la nature et l’ampleur de l’utilisation; l’existence de solutions de rechange à l’utilisation; la nature de l’œuvre; et l’effet de l’utilisation sur l’œuvre.

(1)  La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son application du fardeau de preuve?

[51]  Access affirme que, contrairement à ce que la Commission a fait dans d’autres décisions, cette dernière n’a pas expressément fait mention du fardeau de preuve dans ses motifs, sinon pour reconnaître les principes généraux énoncés dans les arrêts CCH et Alberta. D’après Access, les motifs de la Commission et la méthodologie qu’elle a utilisée fournissent assez d’indices pour conclure que celle-ci n’a pas correctement appliqué le fardeau de preuve imposé par la loi au Consortium.

[52]  Selon Access, il incombait au Consortium d’établir que les cinq premiers facteurs tendaient à rendre équitables ses activités de reproduction. Access reconnaît que, parce qu’elle possédait plus de renseignements que le Consortium sur le sixième facteur (effet sur l’utilisation), elle devait fournir des éléments de preuve le concernant. Elle estime s’être acquittée de ce fardeau. Nous reviendrons sur cette question plus loin dans les présents motifs.

[53]  Access soutient, en se fondant sur l’énoncé que la Commission a formulé au paragraphe 350 des motifs selon lequel « les parties n’ont pas traité adéquatement de la question de l’utilisation équitable », que cette dernière aurait dû conclure que le Consortium ne s’était pas acquitté de son fardeau que lui impose le second volet du critère relatif à l’application du principe de l’utilisation équitable, et refuser de soustraire la moindre reproduction au volume des reproductions donnant droit à rémunération et contestées.

[54]  Enfin, Access soutient qu’en créant une catégorie neutre dans sa méthodologie statistique, la Commission n’a pas tenu compte du fardeau de preuve applicable (voir exposé des plaidoiries, au paragraphe 41). Selon elle, toute utilisation relevant de cette catégorie neutre devait être considérée comme inéquitable (c.‑à‑d. dans la catégorie des utilisations inéquitables). Access fait valoir que la Commission, même en tant que tribunal administratif non assujetti à des règles de preuve formelles, devait tout de même appliquer le fardeau de preuve décrit par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Alberta (voir Alberta, au paragraphe 12).

[55]  Je conviens qu’au regard du droit, la Commission ne peut pas ignorer qu’il incombait au Consortium d’établir qu’il pouvait se prévaloir de l’application de l’article 29 de la Loi. Cette question est soumise à la norme de la décision correcte. Cependant, les arguments d’Access ne m’ont pas convaincue que la Commission n’a pas tenu compte du fardeau de preuve en l’espèce.

[56]  La question de savoir à qui incombe le fardeau de preuve est rarement pertinente lorsqu’il s’agit de tirer une conclusion fondée sur la preuve. Cette question n’est généralement déterminante qu’en cas d’absence de preuve ou d’éléments de preuve susceptibles d’établir un fait, ou lorsque le poids accordé à la preuve est tellement similaire que le décideur tranchera une question sur la base de ce facteur.

[57]  Dans la présente affaire, pour remettre les commentaires et les conclusions de la Commission dans leur contexte, il est utile d’examiner dans les grandes lignes comment les parties ont entrepris de s’acquitter de leur fardeau respectif à l’égard du second volet du critère de l’utilisation équitable.

[58]  Le Consortium a choisi de présenter ses arguments suivant deux démarches distinctes. D’une part, il a présenté une preuve concernant les Lignes directrices publiées en 2012 (voir Le droit d’auteur […] ça compte! Quelques questions et réponses à l’intention du personnel enseignant, 3e édition, dossier du défendeur [DD], volume 1 à l’onglet 4 des Lignes directrices), et le fait que celles-ci ont été largement distribuées aux enseignants de la maternelle à la 12e année. Cette preuve visait à établir une pratique générale du type dont il est question au paragraphe 63 de l’arrêt CCH. Le Consortium a fait valoir que toute copie effectuée après la publication de ces Lignes directrices était nécessairement équitable (ces copies ne concerneraient vraisemblablement que la période visée par le second tarif). La Commission a estimé en fin de compte qu’elle ne pouvait s’appuyer sur les Lignes directrices pour établir les taux de redevance (motifs, aux paragraphes 233 et 234).

[59]  Même si les deux parties étaient manifestement déçues que la Commission n’ait pas fourni de commentaires détaillés au sujet des éléments de preuve qu’elles avaient présentés concernant ces Lignes directrices, Access n’a pas contesté cette conclusion qui reposait sur l’évaluation du poids de la preuve par la Commission. C’était là une sage décision, car il était certainement loisible à la Commission de tirer cette conclusion à partir du dossier de preuve dont elle disposait.

[60]  Access a longuement soutenu dans son mémoire (sans le faire à l’audience ou dans l’exposé de ses plaidoiries) que la Commission avait eu tort d’écarter les Lignes directrices, puisqu’il s’agissait de la meilleure preuve concernant le comportement à évaluer pour trancher la question du caractère équitable. D’après Access, cela a entraîné le rejet de ce qu’elle considérait comme le meilleur argument du Consortium. Cependant, j’estime qu’Access n’explique pas en quoi les démarches de la Commission sur ce point rendent son analyse déraisonnable.

[61]  Cela étant dit, contrairement à ce qu’a fait valoir Access, les Lignes directrices ne constituaient pas le seul élément de preuve produit par le Consortium en vue de satisfaire au second volet du critère de l’arrêt CCH (c.‑à‑d. la pondération des facteurs liés au caractère équitable).

[62]  Il ressort d’un examen du rapport d’expert déposé par le Consortium (DD, volume 2 à l’onglet 17) que ce dernier a proposé une seconde démarche fondée sur une évaluation des facteurs dégagés dans l’arrêt CCH. Je note que les experts du Consortium ont même fourni d’autres calculs, par exemple quant au facteur relatif à « l’ampleur de l’utilisation », même s’ils ont présumé, sur la foi des instructions reçues, que la reproduction de 10 % ou moins d’un livre serait jugée équitable; les experts en question ont également calculé les incidences de la conclusion de la Commission portant que seules les reproductions de 7 %, 5 %, 3 % ou 1 % de chaque œuvre seraient équitables (DD, volume 2, onglet 17, à la page 438).

[63]  Comme nous l’avons vu, Access a rassemblé pour sa part des éléments de preuve concernant le sixième facteur, car, d’après elle, ce facteur militait en faveur de la conclusion selon laquelle l’utilisation n’était pas équitable en raison de l’effet considérable des reproductions sur le marché de ces œuvres. Son expert a également estimé ce qui serait équitable en se servant des précédents calculs effectués par la Commission en 2009 et en les corrigeant pour tenir compte de ce qui lui semblait équitable au regard de l’arrêt Alberta (dossier du demandeur [DDr], volume 1, onglet I, aux pages 887 à 889). Access a fait valoir par ailleurs que les Lignes directrices comportaient des lacunes et qu’elles encourageaient les utilisations inéquitables (motifs, au paragraphe 231). D’après elle, la Commission ne pouvait que soustraire les copies dont Access avait reconnu qu’elles remplissaient le critère du caractère équitable.

[64]  Il convient à présenter de remettre dans son contexte le paragraphe 350 des motifs sur lequel s’appuie Access en reproduisant les paragraphes 340 à 350 :

[340] À moins que nous acceptions sans réserve les prétentions d’une partie ou de l’autre concernant l’utilisation équitable, ce qui n’est pas le cas, nous ne pouvons accepter tels quels les calculs des parties. En outre, la désagrégation des données ne semble pas être possible; cela présente certaines difficultés quant à l’estimation de l’ampleur de l’utilisation équitable pour la période de 2010 à 2015.

[341] Étant donné que le caractère équitable est une question d’impression, une solution consisterait à considérer les copies comme formant un seul groupe, ou plusieurs groupes, comme l’a fait la Commission dans la décision Maternelle-12e année (2009) ainsi que dans son réexamen effectué dans la décision Maternelle-12e année (2013).

[342] Dans la décision Maternelle-12e année (2009), la Commission a identifié quatre catégories de copies respectant le premier volet du test relatif à l’utilisation équitable (fin de l’utilisation). Elle a ensuite déterminé si ces copies étaient équitables. À la suite du réexamen de la Commission, dans la décision Maternelle-12e année (2013), les copies des quatre catégories ont été jugées équitables. En d’autres termes, toutes les copies ayant été effectuées pour une fin autorisée au titre de l’utilisation équitable étaient, de fait, équitables.

[343] En ce qui a trait aux genres d’œuvres donnant droit à rémunération dans Maternelle-12e année (2009) (nommément les livres, journaux et magazines), la preuve n’établit pas que les copies appartenant aux catégories 1 à 4, dans Maternelle-12e année (2009), ont des caractéristiques différentes par rapport aux copies n’ayant pas été attribuées à une catégorie. La seule différence possible entre les copies appartenant aux catégories 1 à 4 et les autres réside dans la fin de l’utilisation et dans le but de l’utilisation.

[344] Comme il est souligné précédemment dans notre examen de la fin de l’utilisation, à la partie XIII.C, environ 75 pour cent des copies de livres, journaux et magazines ont été en l’espèce faites à une fin « [d’]enseignement, [de] devoirs et [de] travaux en classe » et peuvent donc être soumises à l’examen du caractère équitable de l’utilisation, ce qui n’a pas été fait dans la décision Maternelle-12e année (2009), ni dans le réexamen effectué dans la décision Maternelle-12e année (2013). Conformément à ce que nous avons déjà exposé plus haut, lors de notre examen du but de l’utilisation,230 le but d’une telle utilisation tend à être équitable.

[345] Étant donné qu’il a été conclu que les copies faisant partie des catégories 1 à 4 étaient toutes équitables, et étant donné que les copies effectuées à une fin « [d’]enseignement, [de] devoirs et [de] travaux en classe » ont les mêmes caractéristiques que les copies appartenant à ces catégories, alors si l’on considérait que les livres, journaux et magazines forment un groupe, ou plusieurs groupes, il est probable que nous parviendrions à la conclusion qu’au regard des copies effectuées à une fin énumérée, l’utilisation était équitable.

[346] Cela dit, il est peu probable que parmi les copies examinées ayant été effectuées à une fin énumérée, aucune ne constitue véritablement une violation du droit d’auteur. Faute de preuve permettant de conclure à une pratique suffisamment répandue, qui plus est parmi un si grand nombre d’établissements très divers, l’estimation qu’on obtiendrait au moyen d’une approche fondée sur une telle agrégation serait vraisemblablement trop approximative.

[347] Nous devons donc trouver des façons d’obtenir une mesure réelle des copies constituant une utilisation équitable. En l’espèce, comme les données présentées par les parties sont agrégées, nous nous appuierons sur ces données pour faire une estimation du nombre de copies constituant une utilisation équitable.

[348] Règle générale, nous procédons aux calculs de la même manière que les parties, en établissant le nombre de copies effectuées à une fin énumérée, et le nombre de copies qui, parmi celles-ci, constituent une utilisation équitable. Toutefois, pour utiliser les données agrégées déposées en preuve, nous devons présumer que les caractéristiques des copies (comme le but de l’utilisation, l’ampleur de l’utilisation ou la nature de l’œuvre) sont indépendantes les unes des autres. Par exemple, il convient de tenir pour acquis que l’ampleur de la reproduction d’une œuvre n’est pas fonction de la fin de l’utilisation, quelle qu’elle soit. Cette hypothèse est nécessaire, puisque les données présentées par les parties, qui sont tirées de l’enquête de volume, ne nous permettent pas d’établir avec certitude la corrélation entre ces différentes caractéristiques.

[349] Puisque les données liées aux documents consommables, qui ne donnaient pas droit à rémunération dans la décision Maternelle-12e année (2013), sont également tirées de l’enquête de volume de 2006, et ont également été présentées à la Commission sous forme agrégée, nous avons recours à la même méthode d’estimation de l’ampleur de l’utilisation équitable dans le cas des documents consommables.

[350] La méthode utilisée et les calculs sont présentés en détail à la partie XVI.E et à l’annexe B. Nous avons conçu nous-mêmes la méthodologie, en s’inspirant toutefois des prétentions des parties, et plus particulièrement celles des opposants. Les calculs utilisent les données contenues dans le dossier en preuve. Nos hypothèses et inférences sont également fondées sur les éléments du dossier. Parce que nous croyons que les parties n’ont pas traité adéquatement de la question de l’utilisation équitable, nous n’avions d’autre choix que de concevoir notre propre méthodologie.

[65]  Une lecture objective du paragraphe 350 des motifs de la Commission montre bien qu’elle n’a pas commis l’erreur alléguée par Access. À mon avis, la Commission n’a pas conclu que le Consortium n’avait pas déposé d’éléments de preuve susceptibles de satisfaire au fardeau qui lui incombait. En fait, elle n’était pas disposée à accepter les calculs et présomptions de l’une ou l’autre des parties. Elle devait donc se servir des données produites en preuve pour tirer ses propres inférences et calculs quant à ce qui serait équitable en l’espèce. La Commission voulait se faire sa propre « impression » de ce qui était équitable, en procédant de la meilleure manière possible compte tenu du fait que les deux parties avaient convenu d’utiliser des données agrégées pour établir le volume des reproductions effectuées durant la période pertinente.

[66]  En ce qui concerne la colonne neutre que la Commission a incluse dans sa méthodologie, je crois comprendre qu’elle a classé dans cette catégorie les reproductions à l’égard desquelles la preuve produite ne lui a pas permis de se faire une quelconque « impression » quant au caractère équitable de l’utilisation. Même si le fait de qualifier une reproduction de neutre peut avoir affecté l’« impression » globale de la Commission quant à l’utilisation équitable des livres, je ne souscris pas à la position selon laquelle une reproduction qui n’est pas considérée comme revêtant un caractère équitable puisse uniquement tendre à une utilisation inéquitable. Cela ferait de chaque facteur une exigence à remplir au titre de la loi et signifierait que chacun d’eux doit nécessairement s’appliquer de la même manière à tous les cas de copie. Comme je l’ai déjà noté, ce n’est tout simplement pas ce que prescrit la loi. Le simple fait que la méthodologie comprenait une catégorie neutre ne m’autorise pas à conclure que la Commission a commis une erreur de droit en ne tenant pas dûment compte de la question de savoir à qui incombait le fardeau de preuve.

[67]  J’examinerai à présent l’argument d’Access suivant lequel la Commission a enfreint son obligation d’agir équitablement en ne sollicitant pas de commentaires quant à la méthodologie qu’elle a appliquée pour se faire une « impression » à l’égard des livres.

(2)  La Commission a‑t‑elle enfreint à son obligation d’agir équitablement?

[68]  Au paragraphe 351 de ses motifs, la Commission a déclaré :

[351] L’utilisation de notre propre méthodologie soulève la question de savoir s’il faut consulter les parties pour obtenir leurs commentaires. Nous ne le faisons pas, pour trois raisons. Premièrement, permettre aux parties de commenter à l’égard de la méthodologie ajouterait des délais, non nécessaires, de plusieurs mois. Nous croyons que le dossier de la preuve est suffisamment complet dans son état actuel. Deuxièmement, la méthodologie repose fondamentalement sur le cadre juridique des six facteurs de CCH. Il s’agit d’un cadre bien connu, à l’égard duquel les parties ont déjà fourni beaucoup de commentaires. Finalement, la méthodologie utilise des données qui se retrouvent dans la preuve. Cette dernière a déjà fait l’objet d’un examen et d’un contre-interrogatoire intensifs par les parties.

[69]  Access soutient qu’en adoptant cette méthodologie, la Commission a totalement modifié les arguments qu’elle avait à réfuter, du fait qu’elle éliminait le fondement principal sur lequel le Consortium avait avancé ses arguments, à savoir les Lignes directrices. Pour l’établir, elle s’est référée aux paragraphes 34 à 36 de l’énoncé de cause du Consortium (voir DD, volume 1, onglet 1, à la page 191). Access fait valoir qu’elle était en droit de s’attendre à ce que la Commission lui donne la possibilité de formuler des commentaires quant à sa méthodologie, puisque celle-ci avait entraîné l’exclusion d’une très grande partie des copies donnant droit à rémunération, et que si elle avait su que la Commission l’adopterait, elle aurait présenté des éléments de preuve à ce chapitre. Cependant, questionnée sur le type d’éléments de preuve qu’elle aurait présentés, Access n’a pas pu fournir de détails et s’est contentée d’affirmer que son expert aurait pu émettre des commentaires sur la validité de cette démarche.

[70]  Après avoir attentivement examiné les observations, le mémoire, l’exposé des plaidoiries et le recueil d’Access, il semble que cette dernière veut avoir la possibilité d’expliquer en quoi la prise en compte de chaque facteur indépendamment les uns des autres aboutit à un résultat absurde. Elle peut le faire devant nous, puisqu’elle conteste également le caractère raisonnable de l’évaluation de la Commission.

[71]  Quant à la gravité des incidences de l’emploi de cette méthodologie par la Commission, je constate que celle-ci a effectivement fait baisser le nombre de copies donnant droit à rémunération que le Consortium et ses experts avaient présenté comme équitable. Même si je conviens que le premier motif fourni par la Commission (délai additionnel) n’est pas une bonne réponse ni même un facteur approprié au vu des faits de la présente affaire, Access ne m’a pas convaincue que la Commission a commis une erreur en estimant que : i) le dossier était assez complet pour déterminer si sa méthodologie était satisfaisante; et ii) qu’elle a utilisé les facteurs et les données issus de l’arrêt CCH, au sujet desquels les deux parties ont eu l’occasion de commenter en long et en large et d’examiner en profondeur, notamment au moyen des contre‑interrogatoires.

[72]  Comme nous l’avons vu, le Consortium n’a pas fondé ses arguments que sur le caractère équitable des copies effectuées conformément aux Lignes directrices (voir DD, volume 1, onglet 1, à la page 193). L’avocat du Consortium a confirmé lors de l’audience qui s’est déroulée devant nous que leurs experts avaient en effet analysé, suivant les critères indiqués par les avocats, des milliers de cas de copie dans l’enquête de volume afin de déterminer si chaque transaction était équitable, en tenant compte de la liste non exhaustive des facteurs énoncés dans l’arrêt CCH (DD, volume 2, à l’onglet 17). Il est clair qu’Access a eu la pleine possibilité de formuler des commentaires au sujet de la validité des instructions formulées par les avocats. De plus, je constate que les experts du Consortium ont considéré comme équitable toute reproduction qui ne satisfaisait qu’à trois des facteurs pertinents de l’arrêt CCH. Access pouvait certainement saisir cette occasion de faire valoir que les facteurs devaient être pris examinés dans l’ensemble plutôt qu’individuellement. Enfin, Access reste muette quant à la question de savoir si la Commission s’est trompée dans ses calculs statistiques.

[73]  Par conséquent, bien que la Cour examine toute prétendue atteinte à l’équité procédurale selon la norme de la décision correcte, je ne peux conclure que la Commission a enfreint son obligation en cette matière dans la présente affaire. Elle n’a pas introduit de nouveaux principes de droit et elle s’est servie des facteurs au sujet desquels les parties avaient formulé des commentaires. La méthodologie est simplement un moyen pratique et mathématique de rendre compte du poids relatif qu’elle a accordé aux différents facteurs dont elle s’est servie pour se faire une « impression ».

[74]  J’examinerai à présent l’argument d’Access concernant le caractère raisonnable de la méthodologie de la Commission. J’aborderai ensuite ses prétentions en ce qui a trait à quatre des six facteurs de l’arrêt CCH qui justifieraient, selon elle, d’infirmer la décision, même si l’on tient pour acquis que la méthodologie de la Commission était raisonnablement valable. Comme l’indiquait l’arrêt Alberta, l’évaluation de l’utilisation équitable est une question de fait devant être examinée selon la norme de la décision raisonnable.

(3)  La méthodologie adoptée par la Commission était‑elle déraisonnable et son évaluation des facteurs pertinents était‑elle erronée?

a)  Démarche générale

[75]  Access n’a pas dit grand-chose pour étayer sa déclaration selon laquelle la méthodologie de la Commission est fondamentalement viciée. Elle a prétendu une fois de plus que l’inclusion d’une colonne neutre était une erreur, parce que cela revenait à ignorer le fardeau de preuve du Consortium, dont il a été question plus haut.

[76]  L’autre argument d’Access sur ce point est celui selon lequel la méthodologie de la Commission, qui examine les facteurs indépendamment les uns des autres, aboutisse à des résultats absurdes. Access affirme que la Commission aurait dû suivre les directives formulées dans l’arrêt CCH et évaluer la preuve se rapportant à tous les facteurs pertinents et interdépendants comme un tout, puisque l’utilisation équitable est « une question d’impression ».

[77]  À l’audience, l’avocat d’Access a déclaré que le fait de considérer chaque facteur indépendamment a notamment pour effet d’envisager la reproduction d’un livre entier comme une utilisation équitable, puisque le facteur de l’« ampleur de l’utilisation » n’est aucunement lié à l’évaluation par la Commission de celui des « solutions de rechange à l’utilisation ». Access soutient que si la Commission avait évalué les facteurs dans leur ensemble, elle aurait conclu que la reproduction d’un livre entier est inéquitable, puisque l’achat du livre est une solution de rechange réaliste.

[78]  L’avocat du Consortium a relevé qu’il s’agissait là d’une pure supposition, puisque les données ne révèlent aucun cas de reproduction intégrale d’un livre entier. De plus, la Commission a adopté une échelle tenant compte des différents pourcentages de reproduction de chaque œuvre. Comme la Commission a jugé inéquitable (plutôt que neutre) toute reproduction dépassant 10 % d’un livre, que l’achat d’un livre a été considéré comme une solution de rechange irréaliste pour les enseignants qui en reproduisent de courts extraits pour compléter les manuels scolaires, et que la même enquête de volume (et donc les mêmes extraits de livres copiés) invoquée dans l’arrêt Alberta est ici en cause (Alberta, au paragraphe 32), la méthodologie de la Commission peut difficilement être qualifiée d’absurde.

[79]  Il se peut très bien que la méthodologie de la Commission ne soit pas parfaite, mais là encore, compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, on ne m’a pas convaincu que sa conclusion générale, suivant laquelle une grande partie des reproductions étaient équitables (encore une fois, ce nombre était de loin inférieur à celui proposé le Consortium en se servant d’une approche statistique analogue), était déraisonnable en raison de la méthode qu’elle a choisie pour pondérer la preuve et se faire une impression globale des facteurs liés à l’utilisation équitable.

[80]  J’examinerai à présent les questions spécifiques en ce qui concerne l’évaluation des quatre facteurs par la Commission, à savoir l’ampleur, la nature et l’effet de l’utilisation ainsi que les solutions de rechange possibles à l’époque pertinente.

a)  Facteurs liés à l’utilisation équitable contestés

(i)  Ampleur de l’utilisation

[81]  Access soutient que la Commission n’a pas tenu compte de l’importance qualitative des extraits reproduits. Elle affirme que, parce que le Consortium n’a pas présenté des milliers d’analyses au cas par cas pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce facteur (motifs, au paragraphe 280), la Commission a dû recourir à une approximation uniquement quantitative (motifs, au paragraphe 288) et arbitraire, ce qui encore une fois revenait à écarter déraisonnablement tous ses éléments de preuve concernant la « reproduction cumulative » (motifs, aux paragraphes 286 à 289).

[82]  En fait, la Commission a fait ce qu’elle a estimé que la Cour suprême lui imposait de faire dans l’arrêt Alberta et ce que notre tribunal de plus haute instance a effectivement pris en compte dans les arrêts CCH, Alberta et Bell, à savoir uniquement la dimension quantitative des œuvres (motifs, aux paragraphes 279 à 282). Je ne vois aucune erreur dans le raisonnement de la Commission à cet égard.

[83]  Attendu que l’invocation du droit à l’utilisation équitable d’une œuvre à des fins d’éducation au titre de l’article 29 de la Loi n’est nécessaire que lorsqu’une telle utilisation constituerait autrement une contrefaçon du droit d’auteur relatif à cette œuvre, il serait illogique de se demander une fois de plus si « une partie importante de l’œuvre » a été reproduite au sens qualitatif dans le cadre du second volet du critère. En effet, si la reproduction ne se rapportait pas à une partie importante de l’œuvre, Access n’aurait pas le droit de réclamer une redevance sur celle-ci. Par conséquent, en mettant l’accent sur le rapport de proportion entre l’extrait reproduit et l’ensemble de l’œuvre, il est entendu que tout ce qui a été reproduit était pertinent d’un point de vue qualitatif.

[84]  Quant à l’importance générale des œuvres reproduites, Access semble établir une équivalence avec [traduction] « l’évaluation qualitative » de la reproduction. Je ne peux voir les choses ainsi. Dans l’arrêt CCH, la Cour suprême parle de « l’importance de l’œuvre » et non de la reproduction. Access n’a cité aucune preuve me permettant de conclure que cet aspect particulier était pertinent en l’espèce. Comme je l’ai déjà indiqué, tous les éléments énoncés par la Cour suprême ne s’appliquent pas à tous les cas.

[85]  Access ne m’a pas convaincue que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle dans son évaluation de ce facteur.

(ii)  Nature de l’utilisation

[86]  D’après Access, la Commission n’a pas tenu compte en l’espèce de la quantité globale des reproductions d’œuvres de son répertoire, comme le veut l’arrêt Alberta (au paragraphe 29). De son point de vue, le fait que soient effectuées près de 300 millions de copies par année, ou environ 90 copies par étudiant par an, était particulièrement révélateur et tendait à établir que l’utilisation n’était pas équitable.

[87]  D’après l’arrêt CCH, au moment d’évaluer la nature de l’utilisation, « le tribunal doit examiner la manière dont l’œuvre a été utilisée. Lorsque de multiples copies sont diffusées largement, l’utilisation tend à être inéquitable. Toutefois, lorsqu’une seule copie est utilisée à une fin légitime en particulier, on peut conclure plus aisément que l’utilisation était équitable » (CCH, au paragraphe 55).

[88]  La Commission a estimé que le facteur lié à la « nature de l’utilisation » concerne « l’ampleur d’une transaction particulière ou d’un ensemble de transactions concernant la même œuvre », plutôt que le volume global du nombre total de pages reproduites (motifs, au paragraphe 269). Elle a tiré cette conclusion en se fondant notamment sur sa décision antérieure dans Access Copyright (Gouvernements provinciaux et territoriaux) 2005‑2014 (22 mai 2015), [Gouvernements], dans laquelle elle avait statué que le fait que le nombre total de copies effectuées « par tous les utilisateurs bénéficiant du tarif se soient retrouvées entre les mains d’un grand nombre de personnes ne signifie pas automatiquement que, dans chacune de ces utilisations, il y a eu une large diffusion » (motifs, au paragraphe 289, fondés sur la décision rendue par la Commission dans Gouvernements, au paragraphe 289). La Commission a également estimé que la personne ou le groupe de personnes à qui la copie était destinée était un élément pertinent au titre de ce facteur, car il « illustre l’ampleur de la diffusion » (motifs, au paragraphe 428).

[89]  Par ailleurs, après avoir examiné l’ensemble de la preuve et des arguments, la Commission a tiré la conclusion suivante au paragraphe 272 de ses motifs :

[272]  Étant donné ce qui précède, et compte tenu de l’absence d’éléments de preuve qui nous donneraient une appréciation plus nuancée du nombre de copies qui ont été faites d’une œuvre particulière, que ce soit dans le cadre d’une transaction, par un enseignant ou dans une école, nous concluons que pour les copies faites pour diffusion à l’intérieur de l’école, ce facteur ne tend à rendre l’utilisation ni équitable ni inéquitable.

[90]  À mon avis, cela signifie que la Commission a estimé que ce facteur n’était pas particulièrement utile pour déterminer le caractère équitable dans ce cas particulier.

[91]  Comme nous l’avons indiqué, Access prétend que la Commission aurait dû suivre les enseignements de la Cour suprême dans les arrêts CCH et Alberta, et tenir compte de la preuve concernant le volume global des pages totales reproduites; ce n’est pas ce que ces arrêts enseignent.

[92]  Comme nous l’avons vu plus haut, l’arrêt CCH établit simplement que ce qu’il faut examiner au titre de ce facteur est la manière dont les œuvres sont utilisées, comme la question de savoir si les copies sont largement diffusées. De plus, dans l’arrêt Alberta, bien que la Cour suprême affirme que « le nombre total de pages reproduites » relève de « la nature de l’utilisation » (Alberta, au paragraphe 29), elle ajoute que la Commission avait considéré en l’occurrence le nombre de pages totales reproduites en se demandant si « de multiples copies ont été distribuées à des classes entières » (Alberta, au paragraphe 30). La Cour suprême n’a pas estimé que la Commission avait commis une erreur sur ce point.

[93]  D’après mon interprétation de ces arrêts, la Cour suprême n’a pas décrété que la Commission ne peut évaluer ce facteur qu’en examinant le volume global de pages reproduites ou autres. Lorsqu’elle a expliqué pourquoi le volume global des copies ne lui était d’aucune aide pour déterminer si celles-ci avaient été largement diffusées, la Commission a raisonnablement appliqué les enseignements de la Cour suprême dans les arrêts CCH et Alberta. Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle de la part de la Commission à cet égard. En fait, cette conclusion est raisonnable, même en admettant que le nombre global de copies représente environ 90 pages par étudiant par année. Je conviens avec le Consortium que ce nombre ne confirme pas que ce facteur ne peut que tendre à établir que l’utilisation n’était pas équitable. Je ne peux donc pas conclure que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a estimé, eu égard aux faits de la présente affaire, que ce facteur n’était pas particulièrement utile pour statuer une fois pour toutes sur le caractère équitable. C’est la raison pour laquelle presque toutes les copies ont été classées dans la colonne neutre relativement à ce facteur (voir également les motifs, au paragraphe 428).

(iii)  Effet de l’utilisation

[94]  Access conteste la conclusion de la Commission portant que ce facteur ne tendrait à établir « le caractère inéquitable » que pour 20 % des copies. Elle soutient que cette erreur est attribuable à une mauvaise compréhension du paragraphe 72 de l’arrêt CCH. Elle ajoute que, par suite de cette mauvaise compréhension, la Commission a limité son analyse de ce facteur aux effets de l’utilisation sur les œuvres particulières reproduites dans l’enquête de volume (motifs, aux paragraphes 316 à 318), et écarté la preuve produite par les deux parties qui établissait que les habitudes de copie des écoles de la maternelle à la 12e année découlant des Lignes directrices ont eu et risquent d’avoir de graves incidences sur le marché.

[95]  Encore une fois, j’estime que la Commission n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle, et qu’elle a simplement appliqué l’arrêt CCH, qui indique que « [l]a concurrence que la reproduction est susceptible d’exercer sur le marché de l’œuvre originale peut laisser croire que l’utilisation n’est pas équitable » (CCH, au paragraphe 59; Alberta, au paragraphe 33; voir aussi les motifs, aux paragraphes 316 et 317). Au paragraphe 72 de l’arrêt CCH, la mention par la Cour suprême des « marchés des œuvres des éditeurs » ne change rien au sens qu’elle a donné à ce facteur au paragraphe 59.

[96]  Dans la partie des motifs concernant ce facteur (motifs, aux paragraphes 315 à 338), la Commission a expressément expliqué pourquoi la preuve présentée par Access fondée sur les Lignes directrices n’est pas pertinente pour ce qui est de l’évaluation du caractère équitable de l’utilisation. Elle a répété que l’enquête de volume constituait une bien meilleure preuve des habitudes de copie des écoles de la maternelle à la 12e année (motifs, aux paragraphes 319 et 235). Il convient de rappeler que la Commission avait conclu qu’elle ne pouvait s’appuyer sur les Lignes directrices pour diverses raisons (voir paragraphes 59 à 61 précités et motifs, aux paragraphes 231 à 234). C’est pourquoi elle indiquait au paragraphe 319 de ses motifs que les arguments d’Access fondés sur les Lignes directrices n’étaient pas pertinents.

[97]  La Commission a ensuite analysé d’autres éléments de preuve produits par Access (motifs, aux paragraphes 319 à 322), et estimé que même si ceux-ci étaient « en grande partie de nature générale […] il y [avait] en l’espèce une preuve circonstancielle suffisante pour conclure que certaines copies non autorisées d’œuvres auront un effet négatif direct sur le marché des œuvres reproduites » (motifs, au paragraphe 337).

[98]  Elle est parvenue à cette conclusion après avoir examiné le témoignage de M. McIntyre qui, lorsqu’il a été contre-interrogé par l’avocat du Consortium, a admis que l’avènement des ressources éducatives ouvertes, le partage numérique et l’apparition de nouvelles technologies en général pouvaient expliquer le déclin de la vente de livres (motifs, au paragraphe 322).

[99]  À mon avis, il était loisible à la Commission de conclure que si l’enquête de volume était représentative des habitudes des écoles de la maternelle à la 12e année, les arguments et la preuve fondés sur les Lignes directrices étaient sans pertinence. Je conclus en outre que la Commission n’a commis aucune erreur, puisqu’elle a effectivement tenu compte de l’effet de l’utilisation sur le marché des œuvres reproduites, comme l’exige la Cour suprême. La Commission n’a pas omis de tenir compte de la preuve soumise par les parties. Elle a simplement estimé qu’Access avait seulement démontré que les reproductions n’étaient que l’une des nombreuses causes auxquelles la diminution des ventes de livre (c.‑à‑d. le marché des œuvres originales) était attribuée.

(iv)  Solutions de rechange réalistes

[100]  Access soutient qu’il était déraisonnable de la part de la Commission d’ignorer ses éléments de preuve concernant la disponibilité de solutions de rechange entre 2010 et 2015 (comme la base de données numérique iLit de McGraw Hill Ryerson qui permet aux enseignants de sélectionner des œuvres dans la base de données en ligne de l’éditeur afin de créer leur propre « livre d’extraits » personnalisé, plutôt que d’acheter plusieurs livres (voir recueil d’Access à l’onglet 47)) au motif que ces solutions de rechange n’existaient pas en 2006 lorsque l’enquête de volume était réalisée. Elle ajoute que la Commission n’a pas compris la nature de l’entente entre les parties pour ce qui est de la pertinence de l’enquête de volume. La Commission a estimé que :

[305]  La preuve en l’espèce n’établit pas que des solutions de rechange réalistes existaient au moment où les copies ont été faites (c’est la question qui nous intéresse ici). Les rares éléments de preuve ayant été présentés démontrent seulement que pour certaines ressources, certaines solutions de rechange existent depuis peu.

[101]  Je conviens que la conclusion de la Commission serait déraisonnable si elle avait rejeté la preuve uniquement en s’appuyant sur le fait que ces solutions de rechange n’étaient pas disponibles à l’époque de la réalisation de l’enquête de volume. Cependant, une lecture juste du paragraphe 305 de la décision de la Commission, de même que mon examen de tous les éléments de preuve invoqués par Access et cités dans l’exposé de ses plaidoiries (voir recueil d’Access à l’onglet 47), m’amènent à conclure que ce facteur ne permet pas d’établir le caractère inéquitable, étant donné que la preuve d’Access sur ce point est pauvre en détails et très limitée dans sa portée. C’est pour cette raison que la Commission a conclu que ce facteur tendait à établir le caractère équitable à l’égard de toutes les copies d’œuvres non consommables (motifs, aux paragraphes 305 et 306).

[102]  Access n’a pas cherché à quantifier le nombre d’œuvres non consommables qui peuvent être achetées de façon morcelée (c.‑à‑d. en courts extraits ou chapitres d’œuvres). Sa preuve concernant le moment à partir duquel certaines solutions de rechange (autres que l’achat d’un livre entier) étaient disponibles était très vague.

[103]  Bien qu’Access ait produit certains éléments de preuve établissant que quelques membres du Consortium ont expressément demandé à pouvoir acquérir des documents additionnels de façon morcelée, demande que McGraw Hill a satisfaite en créant sa base de données iLit, et que d’autres œuvres sont disponibles sur Internet, cela ne suffit pas à démontrer que la conclusion de la Commission était déraisonnable. En l’absence de la moindre preuve concernant la disponibilité de cette solution de rechange relativement à la majorité des œuvres en cause durant les périodes pertinentes (2010‑2015), je ne peux conclure que la décision de la Commission n’appartient pas aux issues acceptables.

[104]  Je conclus qu’Access n’a pas établi que l’évaluation par la Commission de la quantité des copies ne donnant pas droit à rémunération pour cause d’utilisation équitable au titre de l’article 29 de la Loi était déraisonnable.

III.  CONCLUSION

[105]  Compte tenu de ce qui précède, la seule erreur susceptible de contrôle et justifiant un réexamen de la part de la Commission concerne l’incidence des erreurs de codage sur le répertoire d’Access. Par conséquent, je n’accueillerais qu’en partie la demande d’Access et renverrais l’affaire à la Commission pour qu’elle réexamine cette question.

[106]  Comme le Consortium a largement eu gain de cause, je lui adjugerais les dépens calculés sur la base du nombre inférieur d’unités de la colonne III du tarif B.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord

M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »


ANNEXE

Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C‑42

Droit d’auteur sur l’œuvre

Copyright in works

3 (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

3 (1) For the purposes of this Act, copyright, in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

a) de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de l’œuvre;

(a) to produce, reproduce, perform or publish any translation of the work,

b) s’il s’agit d’une œuvre dramatique, de la transformer en un roman ou en une autre œuvre non dramatique;

(b) in the case of a dramatic work, to convert it into a novel or other non-dramatic work,

c) s’il s’agit d’un roman ou d’une autre œuvre non dramatique, ou d’une œuvre artistique, de transformer cette œuvre en une œuvre dramatique, par voie de représentation publique ou autrement;

(c) in the case of a novel or other non-dramatic work, or of an artistic work, to convert it into a dramatic work, by way of performance in public or otherwise,

d) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique ou musicale, d’en faire un enregistrement sonore, film cinématographique ou autre support, à l’aide desquels l’œuvre peut être reproduite, représentée ou exécutée mécaniquement;

(d) in the case of a literary, dramatic or musical work, to make any sound recording, cinematograph film or other contrivance by means of which the work may be mechanically reproduced or performed,

e) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique, de reproduire, d’adapter et de présenter publiquement l’œuvre en tant qu’œuvre cinématographique;

(e) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to reproduce, adapt and publicly present the work as a cinematographic work,

f) de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

(f) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to communicate the work to the public by telecommunication,

g) de présenter au public lors d’une exposition, à des fins autres que la vente ou la location, une œuvre artistique — autre qu’une carte géographique ou marine, un plan ou un graphique — créée après le 7 juin 1988;

(g) to present at a public exhibition, for a purpose other than sale or hire, an artistic work created after June 7, 1988, other than a map, chart or plan,

h) de louer un programme d’ordinateur qui peut être reproduit dans le cadre normal de son utilisation, sauf la reproduction effectuée pendant son exécution avec un ordinateur ou autre machine ou appareil;

(h) in the case of a computer program that can be reproduced in the ordinary course of its use, other than by a reproduction during its execution in conjunction with a machine, device or computer, to rent out the computer program,

i) s’il s’agit d’une œuvre musicale, d’en louer tout enregistrement sonore;

(i) in the case of a musical work, to rent out a sound recording in which the work is embodied, and

j) s’il s’agit d’une œuvre sous forme d’un objet tangible, d’effectuer le transfert de propriété, notamment par vente, de l’objet, dans la mesure où la propriété de celui-ci n’a jamais été transférée au Canada ou à l’étranger avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur.

(j) in the case of a work that is in the form of a tangible object, to sell or otherwise transfer ownership of the tangible object, as long as that ownership has never previously been transferred in or outside Canada with the authorization of the copyright owner,

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.

and to authorize any such acts.

Exceptions

Exceptions

Utilisation équitable

Fair Dealing

Étude privée, recherche, etc.

Research, private study, etc.

29 L’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur aux fins d’étude privée, de recherche, d’éducation, de parodie ou de satire ne constitue pas une violation du droit d’auteur.

29 Fair dealing for the purpose of research, private study, education, parody or satire does not infringe copyright.

L.R. (1985), ch. C-42, art. 29; L.R. (1985), ch. 10 (4e suppl.), art. 7; 1994, ch. 47, art. 61; 1997, ch. 24, art. 18; 2012, ch. 20, art. 21.

R.S., 1985, c. C-42, s. 29; R.S., 1985, c. 10 (4th Supp.), s. 7; 1994, c. 47, s. 61; 1997, c. 24, s. 18; 2012, c. 20, s. 21.

Établissements d’enseignement

Educational Institutions

Reproduction à des fins pédagogiques

Reproduction for instruction

29.4 (1) Ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait, pour un établissement d’enseignement ou une personne agissant sous l’autorité de celui-ci, de reproduire une œuvre pour la présenter visuellement à des fins pédagogiques et dans les locaux de l’établissement et d’accomplir tout autre acte nécessaire pour la présenter à ces fins.

29.4 (1) It is not an infringement of copyright for an educational institution or a person acting under its authority for the purposes of education or training on its premises to reproduce a work, or do any other necessary act, in order to display it.

Questions d’examen

Reproduction for examinations, etc.

(2) Ne constituent pas des violations du droit d’auteur, si elles sont faites par un établissement d’enseignement ou une personne agissant sous l’autorité de celui-ci dans le cadre d’un examen ou d’un contrôle :

(2) It is not an infringement of copyright for an educational institution or a person acting under its authority to

a) la reproduction, la traduction ou l’exécution en public d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur dans les locaux de l’établissement;

(a) reproduce, translate or perform in public on the premises of the educational institution, or

b) la communication par télécommunication d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur au public se trouvant dans les locaux de l’établissement.

(b) communicate by telecommunication to the public situated on the premises of the educational institution

[Blank/En blanc]

a work or other subject-matter as required for a test or examination.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A‑93‑16

APPEL DE LA DÉCISION DE LA COMMISSION DU DROIT D’AUTEUR DU CANADA DATÉE DU 19 FÉVRIER 2016

DOSSIER :

A‑93‑16

 

 

INTITULÉ :

THE CANADIAN COPYRIGHT LICENSING AGENCY, EXERÇANT SES ACTIVITÉS SOUS L’APPELLATION D’ACCESS COPYRIGHT c. LE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE ET TOUTES LES ENTITÉS NOMMÉES À L’ANNEXE A DE LA PRÉSENTE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 NOVEMBRE 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 JANVIER 2017

COMPARUTIONS :

Arthur Renaud

Erin Finlay

Jessica Zagar

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

J. Aiden O’Neill

Ariel Thomas

Wanda Noel

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

The Canadian Copyright Licensing Agency

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Fasken Martineau DuMoulin s.r.l.

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 


Annexe A

Ministère de l’Éducation de l’Alberta

Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Manitoba

Ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance du Nouveau-Brunswick

Ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de Terre-Neuve‑et‑Labrador

Ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de la Nouvelle-Écosse

Ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation des Territoires du Nord-Ouest

Ministère de l’Éducation du Nunavut

Ministère de l’Éducation de l’Ontario

Ministère de l’Éducation, du Développement préscolaire et de la Culture de l’Île‑du‑Prince‑Édouard

Ministère de l’Éducation de la Saskatchewan

Ministère de l’Éducation du Yukon

Algoma District School Board

Algonquin and Lakeshore Catholic District School Board

Avon Maitland District School Board

Bloorview School Authority

Bluewater District School Board

Brant Haldimand Norfolk Catholic District School Board

Bruce-Grey Catholic District School Board

Campbell Children’s School Authority

Catholic District School Board of Eastern Ontario

Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario

Conseil scolaire de district catholique Centre‑Sud

Conseil scolaire de district catholique de l’Est de l’Ontario

Conseil scolaire de district catholique des Aurores boréales

Conseil scolaire de district catholique des Grandes Rivières

Conseil scolaire de district catholique du Centre‑Est de l’Ontario

Conseil scolaire de district catholique du Nouvel-Ontario

Conseil scolaire de district catholique Franco-Nord

Conseil scolaire de district des écoles catholiques du Sud‑Ouest

Conseil scolaire Viamonde

Conseil scolaire de district du Grand Nord de l’Ontario

Conseil scolaire de district du Nord‑Est de l’Ontario

District School Board of Niagara

Conseil scolaire de district du Nord‑Est de l’Ontario

Dufferin-Peel Catholic District School Board

Durham Catholic District School Board

Durham District School Board

Grand Erie District School Board

Greater Essex County District School Board

Halton Catholic District School Board

Halton District School Board

Hamilton-Wentworth Catholic District School Board

Hamilton-Wentworth District School Board

Hastings and Prince Edward District School Board

Huron Perth Catholic District School Board

Huron-Superior Catholic District School Board

James Bay Lowlands Secondary School Board

John McGivney Children’s Centre School Authority

Kawartha Pine Ridge District School Board

Keewatin-Patricia District School Board

Kenora Catholic District School Board

KidsAbility School Authority

Lakehead District School Board

Lambton Kent District School Board

Limestone District School Board

Conseil scolaire catholique du district de London

Moose Factory Island District School Area Board

Moosonee District School Area Board

Near North District School Board

Niagara Catholic District School Board

Niagara Peninsula Children’s Centre School Authority

Nipissing-Parry Sound Catholic District School Board

Northeastern Catholic District School Board

Northwest Catholic District School Board

Ottawa Catholic District School Board

Ottawa Children’s Treatment Centre School Authority

Ottawa-Carleton District School Board

Peel District School Board

Protestant Separate School Board of the Town of Penetanguishene

Peterborough Victoria Northumberland and Clarington Catholic District School Board

Rainbow District School Board

Rainy River District School Board

Renfrew County Catholic District School Board

Renfrew County District School Board

Simcoe County District School Board

Simcoe Muskoka Catholic District School Board

St. Clair Catholic District School Board

Sudbury Catholic District School Board

Superior North Catholic District School Board

Superior-Greenstone District 3 School Board

Thames Valley District School Board

Thunder Bay Catholic District School Board

Toronto Catholic District School Board

Toronto District School Board

Trillium Lakelands District School Board

Upper Canada District School Board

Upper Grand District School Board

Waterloo Catholic District School Board

Waterloo Region District School Board

Wellington Catholic District School Board

Windsor-Essex Catholic District School Board

York Catholic District School Board

York Region District School Board

 

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