Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20141029


Dossier : T-1393-13

Référence : 2014 CF 1026

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 octobre 2014

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

SAFWAN ALBATAL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               Monsieur Safwan Albatal (le demandeur) demande le contrôle judiciaire, en vertu de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 (la Loi), d’une décision rendue par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada (le ministre ou le défendeur). Dans cette décision, rendue le 26 avril 2013, le défendeur a révélé certains renseignements en réponse à une demande d’accès à l’information présentée par le demandeur.

II.                HISTORIQUE

[2]               Les renseignements qui suivent sont tirés des affidavits des parties déposés dans le cadre de la présente demande ainsi que des pièces jointes à ces affidavits. Le demandeur est un ingénieur en TI qui vit à Ottawa. Il est né en Syrie en 1971. Pendant qu’il vivait en Allemagne, il a présenté une demande d’immigration au Canada. Il a reçu l’aide d’un consultant en immigration. Dans le cadre de sa demande, le demandeur a autorisé le gouvernement allemand à divulguer des renseignements aux autorités canadiennes de l’immigration.

[3]               Dans le cadre du processus de sa demande de résidence permanente, le demandeur a été prié de se présenter à une entrevue à l’ambassade du Canada à Berlin. Il s’est présenté à l’entrevue le 1er mars 2004. L’entrevue a été menée par un homme habillé en civil; un homme en uniforme était également présent. Selon le demandeur, les questions portaient surtout sur les services de renseignements syriens et sur ses liens avec eux, le cas échéant.

[4]               Le demandeur a déclaré que son consultant en immigration lui avait dit que l’entrevue avait été menée comme une entrevue de sécurité et non pas comme une entrevue d’immigration « habituelle ». Selon le consultant, l’homme en uniforme était un agent de sécurité. Le demandeur croit maintenant que de faux renseignements l’associant aux services de renseignements syriens ont été transmis aux autorités canadiennes au cours du traitement de sa demande de résidence permanente. Selon lui, il a été soumis à une entrevue de sécurité par suite de la transmission de ces renseignements.

[5]               La demande de résidence permanente du demandeur a été acceptée et il est arrivé au Canada en avril 2005.

[6]               Le 10 décembre 2012, le demandeur a soumis au défendeur sa demande d’accès à propos de renseignements précis concernant sa demande d’immigration.

[7]               Le 14 décembre 2012, le demandeur a soumis une deuxième demande d’accès. Il a demandé que cette demande supplante sa première demande. La deuxième demande contenait une liste de questions remaniées semblables à celles formulées dans la première demande.

[8]               Le 11 janvier 2013, le défendeur a informé le demandeur par lettre qu’on avait besoin de 30 jours additionnels pour pouvoir répondre à sa demande de renseignements. Cette prorogation de délai était autorisée par l’alinéa 9(1)a) de la Loi.

[9]               Par lettre datée du 11 février 2013, le demandeur a déposé une plainte auprès du Commissariat à l’information (le CI) concernant le retard dans la divulgation des renseignements demandés.

[10]           Dans une lettre datée du 19 février 2013, le défendeur a divulgué des renseignements en réponse à la demande d’accès du demandeur. Toutefois, certaines parties des renseignements demandés n’ont été divulguées ou ont été supprimées par le défendeur conformément au paragraphe 15(1) de la loi, qui accorde aux institutions fédérales le pouvoir discrétionnaire de refuser la communication de renseignements de documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives.

[11]           Par la suite, le demandeur a déposé une autre plainte auprès du CI dans laquelle il contestait la décision du défendeur de ne pas divulguer des renseignements. Cette plainte a été consignée par le CI le 13 mars 2013.

[12]           Le 21 mars 2013, le CI a répondu à la première plainte du demandeur, qui portait sur le retard. Le CI a décidé que la demande de prorogation de délai du défendeur n’était pas justifiée. Il a conclu que la plainte du demandeur concernant le retard était fondée. Toutefois, étant donné que les renseignements demandés avaient en fin de compte été communiqués, la plainte a été consignée comme réglée sans recommandation de la part du CI au chef du ministère défendeur.

[13]           Dans une lettre datée du 19 février 2013, le défendeur a informé le demandeur que les documents demandés étaient communiqués dans leur intégralité et lui a transmis des renseignements supplémentaires. Cette divulgation contenait, semble-t-il, tous les documents concernant le dossier d’immigration du demandeur que le défendeur avait en sa possession.

[14]           Cette lettre était erronément datée du 19 février 2013. Selon une lettre datée du 17 juillet 2013, la lettre aurait dû être datée du 26 avril 2013.

[15]           Dans la lettre du 17 juillet 2013, le CI a communiqué les résultats de son enquête sur la deuxième plainte du demandeur concernant l’application par le défendeur du paragraphe 15(1) de la Loi pour justifier son refus de divulguer les renseignements demandés. Il a jugé que la plainte était fondée, mais étant donné que le défendeur n’invoquait plus le paragraphe 15(1) de la Loi, le CI a conclu que la plainte était terminée et qu’il n’était pas nécessaire de faire des recommandations.

[16]           La décision du 26 avril 2013 consiste en une lettre communiquant des renseignements supplémentaires au demandeur. La lettre mentionnait que les documents qui étaient transmis étaient tous les documents ayant trait au demandeur qui se trouvaient en la possession du défendeur. Ils ne contenaient plus de suppressions et aucun renseignement n’a été retenu.

III.             OBSERVATIONS

A.                Les observations du demandeur

[17]           Le demandeur prétend que les documents communiqués ne répondent pas à sa demande. Il prétend qu’ils comportent de nombreux champs vides et qu’il ne peut pas dire si son dossier a vraiment été communiqué au complet.

[18]           Le demandeur prétend qu’il a le droit de demander des renseignements même s’ils ne le visent pas directement. Il prétend qu’il a le droit de connaître les noms des personnes qui étaient présentes à son entrevue d’immigration ainsi que les noms de leurs employeurs.

[19]           Dans la mesure où le défendeur a dit qu’un certain nombre de documents avaient été détruits et ne pouvaient pas être communiqués, le demandeur prétend que le défendeur pouvait obtenir des copies des documents. Il prétend que les documents communiqués montrent que le défendeur avait reçu des renseignements de la part d’autres organisations le concernant, c’est‑à‑dire les documents portant les mentions « HQOTT » et « FRG-NRT », ainsi que de la part du gouvernement allemand. Aucun de ces renseignements n’a été divulgué au demandeur.

[20]           De plus, le demandeur se plaint que les documents communiqués par le défendeur contiennent de nombreuses abréviations codées qui ne sont pas expliquées. Il prétend qu’il ne peut pas comprendre les renseignements divulgués s’il ne connaît pas la signification de ces abréviations et, par conséquent, le défendeur a effectivement refusé l’accès aux renseignements.

B.                 Les observations du défendeur

[21]           Le défendeur affirme qu’il a maintenant divulgué tous les renseignements demandés par le demandeur. Il a d’abord refusé de divulguer certains renseignements, mais il a mis fin au refus durant l’enquête du CI.

[22]           Le défendeur prétend que les documents demandés par le demandeur ont été communiqués. Il affirme que les observations du demandeur à propos de la communication incomplète sont fondées sur des hypothèses.

[23]           De plus, dans la mesure où le demandeur sollicite la communication de documents à des gouvernements provinciaux, ces demandes ne relèvent pas du champ d’application de la Loi.

[24]           Le défendeur affirme de plus qu’il était seulement tenu de relever les documents assujettis à son contrôle et de décider si ceux-ci devaient être communiqués. Il affirme qu’il n’est pas tenu de se renseigner au sujet de l’existence de documents détenus par d’autres institutions fédérales et il invoque à cet égard Leahy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2012), 47 Admin. L.R. (5th) 1.

IV.             ANALYSE ET DISPOSITIF

[25]           La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle qui consiste à savoir si le défendeur a refusé de donner au demandeur accès aux renseignements conformément à la Loi.

[26]           Le paragraphe 4(1) de la Loi autorise une personne à demander la communication de tout document relevant d’une institution fédérale. Si l’accès est refusé, l’institution doit justifier ce refus, conformément à l’article 48 de la Loi.

[27]           Le paragraphe 4(1) et l’article 48 de la Loi sont pertinents et prévoient ce qui suit :

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

4. (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person who is

(a) a Canadian citizen, or

(b) a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act,

has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution.

48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d’établir le bien-fondé du refus de communication totale ou partielle d’un document incombe à l’institution fédérale concernée. 

48. In any proceedings before the Court arising from an application under section 41 or 42, the burden of establishing that the head of a government institution is authorized to refuse to disclose a record requested under this Act or a part thereof shall be on the government institution concerned.

[28]           En l’espèce, le défendeur a d’abord refusé de divulguer certains renseignements au demandeur au motif que ceux-ci ne pouvaient pas être divulgués, et ce, en application du paragraphe 15(1) de la Loi. Toutefois, par la suite, le défendeur a retiré son objection et a divulgué tous les renseignements concernant la demande d’immigration du demandeur qui se trouvaient en sa possession.

[29]           Il ressort du dossier que le défendeur a divulgué tous les renseignements ayant trait au demandeur qu’il avait en sa possession. Le défendeur n’exerce aucun contrôle sur les renseignements qui sont en la possession et sous le contrôle d’autorités provinciales, et si le demandeur souhaite avoir accès aux renseignements en question, il peut soumettre une demande à ces autorités provinciales en conformité avec les lois provinciales pertinentes.

[30]           Le défendeur a donné une réponse positive au demandeur. Ces soupçons de sa part à propos de l’existence d’autres renseignements ne justifient pas que l’on ordonne au défendeur de faire autre chose; voir la décision rendue dans Creighton c Canada (Surintendant des institutions financières), [1990] ACF no 353. La destruction de documents à l’ambassade du Canada à Berlin, effectuée selon ce qui est prévu dans une politique de conservation des documents, n’est pas en soi inappropriée.

[31]           Selon l’article 41 de la Loi, un recours en révision ne peut être exercé que lorsqu’il y a eu refus de divulguer des renseignements. Étant donné que le défendeur a maintenant communiqué au demandeur tous les documents qui se trouvaient en sa possession, rien ne justifie la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur. Le fait qu’il y ait d’abord eu refus n’a plus d’importance maintenant, car le défendeur a divulgué tous les renseignements qu’il détenait. La demande est donc théorique, car il n’existe plus de litige entre les parties, et toute décision que la Cour pourrait rendre n’aurait aucun effet pratique; voir l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, au paragraphe 15.

[32]           Par conséquent, il n’y a aucun refus de divulguer des renseignements, et rien ne justifie d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. La demande sera rejetée.

[33]           En vertu du pouvoir discrétionnaire que me confèrent les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, je n’adjuge aucuns dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. En vertu du pouvoir discrétionnaire que me confèrent les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, je n’adjuge aucuns dépens.

« E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1393-13

 

INTITULÉ :

SAFWAN ALBATAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 AVRIL 2014

 

JUDGMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS:

 

LE 29 OCTOBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Safwan Albatal

LE DEMANDEUR

 

Patrick Bendin

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Safwan Albatal

Ottawa (Ontario)

LE DEMANDEUR

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.