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Date : 20141028


Dossier : T-441-14

Référence : 2014 CF 1023

Montréal (Québec), le 28 octobre 2014

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

ROBERT GRAVEL

demandeur

et

DIRECTION DES NORMES DU TRAVAIL PROGRAMME DU TRAVAIL

EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA (EDSC)

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               M. Robert Gravel, le demandeur, occupe le poste de « Sales Specialist NAS (S.S) » pour la compagnie Telus Communications Inc. [l’employeur], du 23 janvier 2006 au 12 novembre 2007, date à laquelle l’employeur met fin à son emploi.

[2]               Monsieur Gravel est alors convaincu que l’employeur l’a congédié de façon injuste, tandis que l’employeur soutient qu’il s’agit d’un licenciement résultant d’une abolition de poste. M. Gravel fait valoir ses droits devant plusieurs instances, sans obtenir gain de cause sur cet aspect.

[3]               Le 5 décembre 2013, alléguant détenir de nouveaux éléments de preuve, M. Gravel demande la réouverture de ses deux dossiers initiaux de plainte, demande qui lui est refusée.

[4]               M. Gravel demande donc à la Cour de réviser cette décision refusant la réouverture de son dossier.

[5]               Il est utile de revoir succinctement les étapes du litige entre M. Gravel et l’employeur suite à la cessation de son emploi, le 12 novembre 2007.

[6]               Ainsi, le 21 décembre 2007, M. Gravel dépose deux plaintes auprès du Ministère des Ressources humaines et Développement des compétences Canada [RHSDC], maintenant désigné comme le Ministère de l’Emploi et du Développement social, soit une plainte de congédiement injuste en vertu des articles 240 et ss du Code canadien du travail, LRC 1985 c L-2 [CCT] et une plainte en recouvrement de salaire au sens des articles 188 et 247 du CCT.

[7]               Le 20 mai 2008, l’inspectrice Johanne Blanchette ordonne à l’employeur de payer à M. Gravel la somme de 34 079,55$. Le 23 mai 2008, les deux parties interjettent appel de cet ordre de paiement, et le dossier est référé à l’arbitrage.

[8]               Le 6 novembre 2009, l’arbitre Léonce-E. Roy rend une décision quant à la plainte de congédiement injuste. Après un examen exhaustif de la situation de l’employeur, il conclut qu’il ne peut intervenir puisque M. Gravel a fait l’objet d’un licenciement, et non pas d’un congédiement, ceci conformément aux dispositions prévues à l’alinéa 242 (3.1)(a) du CCT. Le 12 novembre 2009, l’arbitre Roy rend une décision sur la plainte en recouvrement de salaire et il accueille l’appel de l’employeur.

[9]               Le 7 juin 2011, la présente Cour rejette les demandes de contrôle judiciaire des deux décisions arbitrales présentées par M. Gravel.

[10]           Le 8 février 2012, la Cour d’appel fédérale rejette les appels de M. Gravel des décisions de la présente Cour, tandis que le 27 septembre 2012, la Cour suprême du Canada rejette la demande d’autorisation présentée par M. Gravel.

[11]           Le 15 octobre 2010, M. Gravel initie un recours en Cour supérieure du Québec pour le paiement d’un « délai-congé ». M. le juge Moulin revoit notamment les décisions de l’arbitre, de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale sur la question du licenciement de M. Gravel, et il conclut, au paragraphe 27 de sa décision, qu’il y a chose jugée à cet égard.

[12]           Le 5 décembre 2013, M. Gravel demande la réouverture de ses deux dossiers de plainte à RHSDC-Programme du travail, alléguant avoir obtenu de nouveaux éléments de preuve dans le cadre du litige devant la Cour supérieure et alléguant que ces éléments démontrent qu’il a été congédié et non licencié.

[13]           Le 14 janvier 2014, madame Nathalie Johnson, directrice des Normes du travail du Programme du travail du Ministère de l’Emploi et du Développement social, [la directrice], refuse de rouvrir les dossiers de plainte de M. Gravel sur la base que sa cause a la qualité de chose jugée.

[14]           M. Gravel soutient que la directrice a erré en ne considérant pas les éléments contenus dans sa lettre de demande, en ne lui demandant pas la copie des documents auxquels il faisait référence, en ne lui demandant pas d’autres documents nouvellement disponibles et en ne lui accordant pas la possibilité d’être entendu. M. Gravel admet qu’il y a chose jugée dans son dossier, mais il soumet que les éléments nouveaux révèlent des faits jusqu’alors inconnus qui démontrent que l’employeur a caché la vraie nature de sa cessation d’emploi.

[15]           M. Gravel demande à la Cour d’accueillir sa demande, d’annuler la décision de madame la directrice, de permettre la réouverture du dossier d’arbitrage et d’ordonner la nomination d’un arbitre pour entendre la réouverture d’enquête et les plaintes.

[16]           Le défendeur soutient quant à lui que la décision de la directrice est raisonnable, qu’il y a chose jugée de la question de licenciement, que M. Gravel avait le fardeau de prouver ses allégations à la directrice et de soumettre un dossier complet, que cette dernière n’avait pas d’obligation de compléter le dossier et que la demande de réouverture aurait due être transmise plutôt à l’arbitre.

[17]           La Cour est d’accord avec le défendeur qu’il s’agit d’une question mixte de faits et de droit, et que la décision de la directrice doit être revue selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 53, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).

[18]           La Cour doit donc évaluer si la décision de la directrice fait partie des issues possibles eu égard aux faits et au droit.

[19]           La Cour souscrit à la position du défendeur selon laquelle M. Gravel avait le fardeau de prouver ses allégations à la directrice, qui n’avait pas à compléter le dossier. De plus, les parties s’entendent pour confirmer qu’aucune disposition statutaire n’encadre la demande de réouverture de M. Gravel et qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle. Ainsi, il convient d’examiner brièvement les éléments soulevés par M. Gravel dans sa demande du 5 décembre 2013 pour déterminer s’ils sont nouveaux et d’une nature à justifier la réouverture de ses dossiers.

[20]           Or, il appert que ces éléments réfèrent soit à des faits postérieurs à la cessation d’emploi, soit à des informations disponibles au moment de l’examen des plaintes. Les documents ou éléments énoncés par M. Gravel au soutien de sa demande de réouverture n’apportent en fait aucun élément nouveau justifiant la réouverture des dossiers.

[21]           En somme, la décision de la directrice fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir au para 47);


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens contre le demandeur au montant de 500$.

« Martine St-Louis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-441-14

 

INTITULÉ :

ROBERT GRAVEL c DIRECTION DES NORMES DU TRAVAIL PROGRAMME DU TRAVAIL EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA (EDSC)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

QUÉBEC (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 OCTOBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE ST-LOUIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 OCTOBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Robert Gravel

 

Pour le demandeur

(se représentant lui-même)

 

Me Nadia Hudon

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert Gravel

Québec (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Me Nadia Hudon

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

 

 

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