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Date : 20140916


Dossier : IMM-3511-13

Référence : 2014 CF 885

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 septembre 2014

En présence de monsieur le juge O'Reilly

ENTRE :

LOBSANG WANCHUK

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               M. Lobsang Wanchuk a demandé l’asile au Canada, au motif qu’il était exposé à un risque en Chine en raison de son origine ethnique tibétaine. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile de M. Wanchuk, au motif qu’il pouvait vivre en sécurité en Inde, son pays de naissance, dans lequel il pourrait obtenir la citoyenneté, selon la Commission.

[2]               M. Wanchuk prétend que la décision de la Commission était déraisonnable, compte tenu de la preuve qui démontrait que l’obtention de la citoyenneté en Inde ne relevait pas de sa volonté; il s’agissait d’une décision discrétionnaire laissée entre les mains des fonctionnaires indiens, lesquels sont généralement peu enclins à octroyer la citoyenneté aux personnes d’origine tibétaine.

[3]               Je conviens avec M. Wanchuk que la preuve démontre qu’il pourrait avoir de la difficulté à convaincre les fonctionnaires indiens quant à son admissibilité à la citoyenneté indienne. Son statut dépend de la manière dont des tiers exerceront leur pouvoir discrétionnaire; il ne dépend pas du tout de sa volonté. Par conséquent, la Commission aurait dû examiner la demande d’asile de M. Wanchuk au regard de la Chine, et non de l’Inde.

[4]               La seule question en litige est celle de savoir si la décision de la Commission, qui se rapporte à une question mixte de fait et de droit, était déraisonnable.

II.                La décision de la Commission

[5]               La Commission s’est fondée sur une décision de la haute cour indienne dans laquelle l’admissibilité à la citoyenneté indienne des Tibétains nés en Inde a été confirmée (Namgyal Dolkar c Government of India, Ministry of External Affairs, 12179/2009). M. Wanchuk croyait qu’il n’avait pas droit à la citoyenneté indienne, parce que les autorités indiennes lui avaient délivré un certificat d’identité, un document qui, selon lui, était donné aux personnes qui n’étaient pas admissibles à la citoyenneté.

[6]               La Commission a reconnu que M. Wanchuk pourrait devoir obtenir une lettre de [traduction] « non-opposition » de la part de l’autorité centrale tibétaine (l’ACT) avant de présenter une demande d’obtention de la citoyenneté indienne. Cependant, elle a conclu que l’ACT lui délivrerait vraisemblablement une telle lettre.

[7]               La Commission a aussi relevé que M. Wanchuk n’avait pas démontré qu’il avait demandé la citoyenneté indienne et qu’on la lui avait refusée. Par conséquent, il n’avait pas démontré qu’il y avait des obstacles l’empêchant d’obtenir la citoyenneté indienne. Pour ce motif, la Commission a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’analyser la crainte de M. Wanchuk de retourner en Chine.

III.             La décision de la Commission était-elle déraisonnable?

[8]               Le ministre souligne que, sous le régime de l’article 3.1 du Indian Citizenship Act, une personne née en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987 est citoyen de l’Inde. Cela a été reconnu par la haute cour de l’Inde dans l’arrêt Dolkar. Il s’ensuit que le ministre prétend que M. Wanchuk avait la capacité d’obtenir la citoyenneté indienne et que, par conséquent, la décision de la Commission n’était pas déraisonnable (citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Williams, 2005 CAF 126). En outre, même si M. Wanchuk avait à obtenir une lettre de [traduction] « non-opposition » de la part de l’ACT avant de présenter une demande de citoyenneté indienne, la preuve démontrait que l’ACT donnerait son approbation.

[9]               Selon moi, la preuve documentaire démontre que M. Wanchuk n’avait aucun contrôle en ce qui concerne son obtention de la citoyenneté indienne :

                     L’arrêt Dolkar s’applique uniquement à New Delhi; il a une certaine autorité persuasive dans les autres régions de l’Inde, mais il ne s’y applique pas.

                     Aucun Tibétain ne s’est vu accorder la citoyenneté indienne dans les trois années suivant l’arrêt Dolkar.

                     La position officielle de l’ACT est qu’elle ne s’opposera pas aux Tibétains qui demandent la citoyenneté indienne. Cependant, en réalité, l’ACT est hésitante à donner son approbation, car elle croit que les Tibétains en Inde devraient y rester des réfugiés, de manière à s’assurer qu’ils reviennent un jour dans un Tibet indépendant.

[10]           Selon moi, la preuve ne démontre qu’une simple possibilité que M. Wanchuk puisse obtenir la citoyenneté indienne. Cela nécessiterait, à tout le moins, que l’ACT exerce son pouvoir discrétionnaire de donner son approbation et que les autorités indiennes reconnaissent l’arrêt Dolkar comme étant un précédent contraignant. En fait, M. Wanchuk pourrait bien devoir porter sa cause devant les tribunaux. Je remarque que Mme Dolkar a consacré plusieurs années à des luttes administratives et juridiques en vue d’obtenir la citoyenneté indienne.

[11]           Dans les circonstances, je juge que la conclusion de la Commission selon laquelle M. Wanchuk avait le contrôle quant à l’obtention de la citoyenneté indienne était déraisonnable.

IV.             Conclusion et décision

[12]           La Commission n’a pas tenu compte de certains des obstacles réels à ce que M. Wanchuk obtienne la citoyenneté indienne. Par conséquent, sa conclusion ne constitue pas une issue justifiable au regard des faits et du droit. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner à un tribunal différemment constitué de la Commission de réexaminer la demande d’asile de M. Wanchuk. Aucune des deux parties n’a proposé de question de portée générale à des fins de certification, et je n’en énoncerai aucune.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.                  L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour nouvel examen;

3.                  Aucune question n’est certifiée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3511-13

 

INTITULÉ :

LOBSANG WANCHUK c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 JUILLET 2014

 

jugement et motifs :

lE JUGE O'REILLY

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 16 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

D. Clifford Luyt

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rachel Hepburn Craig

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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