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Date : 20140821


Dossier : IMM-7173-13

Référence : 2014 CF 812

Ottawa (Ontario), le 21 août 2014

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

SAMATAR HARBI DJILAL

SAMALEH HARBI DJILAL

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c. 27, à l'encontre de la décision rendue le 23 octobre 2013 par la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada [la Commission ou CISR], par laquelle elle rejette la demande introduite par les demandeurs, Samatar Harbi Djilal et Samaleh Harbi Djilal, afin d'obtenir la réouverture de leurs demandes d'asile.

[2]               Les demandes d’asile des demandeurs ont été prononcées désistées au motif de leur omission de soumettre leurs formulaires de fondement de la demande d’asile (FFDA). Suivant la Règle 62(6) des Règles de la section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 [Règles], les demandes de réouvertures ne peuvent être accueillies « que si un manquement à un principe de justice naturelle est établi ».

[3]               Compte tenu de ce qui suit, je conclus que la demande de contrôle judiciaire doit être accordée.

I.                   Questions en litige et norme de contrôle

[4]               La question en litige est celle de savoir si la SPR a erré en rejetant la demande des demandeurs de rouvrir leurs demandes d’asile.

[5]               Les demandeurs avancent que, puisque la présente demande porte sur une question de justice naturelle, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Les demandeurs se basent sur la décision en Emani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 520 au para 14.

[6]               Cependant, le défendeur soutient que, dans le cas d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la SPR sur une demande de réouverture d’une demande d’asile, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, puisqu’il s’agit d’une question mixte de faits et de droit. Ceci est le cas malgré que la demande de contrôle judiciaire porte sur une question de justice naturelle. Le défendeur fait référence aux décisions suivantes : Orozco c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 270 aux paras 24 à 26; et Gurgus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 9 au para 19.

[7]               Je suis de l’avis que le défendeur ait raison. Plusieurs autres décisions sur ce sujet sont en accord avec la position du défendeur. Alors, j’applique la norme de contrôle de la décision raisonnable.

II.                Faits

[8]               Les demandeurs sont des frères, citoyens du Djibouti. Ils sont arrivés au Canada le 9 septembre 2013 et ont demandé l’asile à la frontière de Lacolle. Leur mère habite au Canada depuis qu’elle a été reconnue comme réfugiée en 2004.

[9]               Les demandes d’asile des demandeurs ont été référées à la Commission le 10 septembre 2013. Selon l’avis de convocation fourni aux demandeurs à leur entrée au Canada, ils devaient déposer leurs FFDAs à la Commission dans les quinze (15) jours après cette date. Aussi, selon l’avis de convocation, les demandeurs devaient se présenter le 1er octobre 2013 à une audience spéciale prévue dans l’éventualité où les FFDAs ne seraient pas transmis dans le délai prescrit.

[10]           Le 17 septembre 2013, les demandeurs ont communiqué avec le Bureau de l’aide juridique en droit de l’immigration pour prendre un rendez-vous avec un avocat. Ce rendez-vous était fixé pour le 30 septembre 2013. La préposée à l’accueil au bureau a pris note de la date à laquelle les demandeurs ont déposé leurs demandes d’asile, et était donc capable de déterminer le délai pour soumettre les FFDAs, mais elle était tellement débordée qu’elle n’a pas réalisé que ce délai était avant le 30 septembre.

[11]           C’est à la rencontre du 30 septembre 2013 que l’avocat de l’aide juridique a réalisé que les demandeurs avaient omis de transmettre leurs FFDAs remplis dans le délai prescrit. L’avocat a alors demandé aux demandeurs de remplir leurs FFDAs et de se rencontrer de nouveau le lendemain, le 1er octobre 2013. Cependant, l’avocat n’a pas remarqué, ce 30 septembre 2013, que l’audience spéciale en cas d’absence des FFDAs était prévue pour ce lendemain.

[12]           C’est seulement le matin du 1er octobre 2013 que l’avocat s’est rendu compte que l’audience spéciale était prévue pour ce jour-là. Il s’est immédiatement présenté au greffe de la Commission pour déposer les FFDAs (à 11 h 31), mais l’audience spéciale avait déjà eu lieu plus tôt cette journée-là (à 8 h 58), et le tribunal avait déjà prononcé le désistement des demandes d’asile des demandeurs en raison de leur défaut de transmettre les FFDAs et de leurs absences à l’audience.

[13]           Le 3 octobre 2013, l’avis de décision a été signifié aux demandeurs et leur avocat. Le jour même, l’avocat des demandeurs a déposé une demande de réouverture au greffe de la Commission.


III.             Décision de la SPR

[14]           La SPR a rejeté la demande de réouverture des demandes d’asile des demandeurs. Elle a pris en considération les arguments des demandeurs, qui se résument comme suit :

a)                  Même s’ils sont majeurs depuis peu, ils ont grandi dans un contexte culturel contrôlé par leur père et ne laissant place à aucune autonomie;

b)                  Ils se sont fiés à la bonne foi de leur mère, qui a obtenu son statut de réfugié en 2004, pour les guider dans le processus de leurs demandes. Cependant, leur mère était erronément convaincue que tous les documents nécessaires à la demande d’asile de ses fils avaient été remplis avec l’agent d’immigration. Cela dit, elle a pourtant agi avec diligence en se rendant à la Commission le 12 septembre 2013 pour demander que les dates d’audiences de ses fils soient prévues au même moment. Elle a aussi communiqué avec le Bureau d’aide juridique le 17 septembre 2013 pour retenir les services d’un avocat;

c)                  Ils n’ont pas porté attention aux formulaires à remplir, car selon eux les audiences avaient déjà été fixées;

d)                 L’agent d’immigration à la frontière ne les a pas avisés verbalement que des formulaires devaient être remplis et soumis à la Commission dans un délai précis;

e)                  La préposée à l’accueil au Bureau de l’aide juridique en droit de l’immigration ne s’est pas rendu compte que leur rendez-vous avec l’avocat fixé pour le 30 septembre 2013 était hors du délai pour soumettre les FFDAs; elle aurait dû les référer à un avocat en pratique privée, disponible pour compléter les FFDAs et les déposer à temps, donc dans le délai permis de 15 jours;

f)                   Lors de la rencontre avec l’avocat de l’aide juridique le 30 septembre 2013, ce dernier a omis de les aviser de l’audience spéciale du 1er octobre 2013;

g)                  Ils ne connaissaient pas les Règles;

h)                  Ils ont pris les mesures nécessaires pour corriger la situation dès qu’ils furent informés de l’erreur.

[15]           La décision de la SPR précise que pour décider si une demande de réouverture doit être accueillie, elle doit évaluer s’il y a eu manquement à un principe de justice naturelle. La décision indique également que la compétence de la SPR en matière de réouverture est limitée et que celle-ci ne sera en mesure de ré-exercer sa fonction dans le même dossier une seconde fois que lorsqu’il y a violation des règles de justice naturelle.

[16]           Dans sa décision, la SPR analyse les éléments soulevés par les demandeurs et est d’avis qu’aucun élément n’est suffisant pour conclure à un manquement à un principe de justice naturelle.

[17]           En ce qui concerne par exemple la négligence de l’avocat, la décision de la SPR avance que dans la décision Kilave c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 564 [Kilave], le juge Kelen a conclu que l’omission d’un avocat de déposer le formulaire de renseignements personnels dans le délai prescrit, d’obtenir une prorogation de délai ou de se présenter à l’audience sur le désistement n’est pas un motif valable justifiant l’annulation de la décision de ne pas rouvrir une demande d’asile. Le juge Kelen a résumé la jurisprudence applicable aux questions de réouverture des demandes jugées désistées comme suit :

a)                  Les demandes de réouverture sont accordées uniquement lorsqu’il y a un manquement à la justice naturelle de la part de la Commission durant l’audience sur le désistement; et

b)                  La négligence ou le manque de diligence de l’avocat sont pertinents lors de l’audience sur le désistement ou à l’étape du contrôle judiciaire de la décision sur le désistement. Ils ne sont pas pertinents lorsqu’il s’agit de savoir si la Commission devrait rouvrir la demande d’asile.

[18]           Les demandeurs prétendent aussi qu’ils se sont fiés à leur mère et à leur avocat et que ces derniers ont commis des erreurs qui ont mené au désistement de leurs demandes d’asile. Dans sa décision, la SPR précise cependant que dans la décision Taher c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2002 CFPI 991 [Taher], le demandeur, qui ne parlait aucune de nos langues officielles, avait retenu les services d’un avocat qui avait omis de lui dire de produire son formulaire de renseignements personnels et de se présenter à une audience spéciale sur le désistement. La Cour avait alors conclu que le demandeur n’avait pas été négligent, qu’il devrait bénéficier des règles de justice naturelle et qu’il avait été privé, sans qu’il n’ait commis aucune faute, de la possibilité de se faire entendre avant que la Commission ne rende sa décision de désistement.

[19]           Aussi, dans la décision Khan c Canada (Ministre de Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 833 [Khan], la Cour a conclu que les demandeurs qui s’étaient fiés complètement à leur avocat, car ce dernier leur avait promis de s’occuper de leurs dossiers, n’étaient pas responsables des omissions que leur avocat avait faites. La Cour avait conclu dans Khan que la Commission avait commis une erreur, car elle avait privé les demandeurs de l’opportunité de présenter leur cause à l’audience sur le désistement.

[20]           La SPR conclut, suite à cette jurisprudence citée, que la négligence d’un avocat peut uniquement, dans des cas exceptionnels, suffire pour conclure à un manquement à un principe de justice naturelle et ceci, dans les cas où il n’y a eu aucune négligence ou faute contributive de la part du demandeur.

[21]           La SPR stipule que dans le présent cas, les demandeurs n’ont porté aucune attention à la documentation remise par l’agent d’immigration, qui contenait de l’information importante sur leurs obligations de remplir les FFDAs et de se présenter à une audience spéciale. La SPR indique aussi que le document intitulé Instructions importantes à l’intention des demandeurs d’asile fourni aux demandeurs était aussi disponible en somalien.

[22]           La SPR conclut que la négligence des demandeurs ne peut justifier la réouverture de la demande; les demandeurs étaient majeurs, éduqués, pouvaient lire et comprendre le français et le somalien, et n’ont jamais allégué le fait qu’ils ne comprenaient pas la nature des procédures devant la SPR. La SPR n’était pas convaincue que les demandeurs étaient dépourvus au point d’être incapables de gérer leurs affaires ou de dépendre entièrement de leur mère ou de leur avocat. La SPR trouve que les demandeurs ont quand même voyagé seuls et ont séjourné pendant trois jours aux États-Unis. Se fier entièrement à leur mère est un comportement que la SPR caractérise de négligeant et fautif. Selon la SPR, c’est ce comportement qui a contribué de manière importante au désistement des demandes d’asile des demandeurs. Les erreurs de la mère n’écartent pas la contribution fautive des demandeurs qui ont été négligents en ne consultant pas la documentation fournie par l’agent d’immigration.

[23]           La SPR considère aussi que l’agent d’immigration n’avait aucune obligation de communiquer verbalement aux demandeurs les obligations relatives aux FFDAs et à l’existence de l’audience spéciale. L’article 3(4) des Règles prévoit que l’agent doit transmettre les renseignements par écrit, ce qu’il a fait en l’espèce.

[24]           Quant à l’absence de la mention explicite d’une date pour le dépôt des FFDAs sur les formulaires même, la SPR reconnait ce fait; cependant, la date prévue pour l’audience spéciale, dans l’éventualité où la SPR n’a pas reçu les FFDAs à temps, était indiquée. La SPR conclut qu’en général, l’absence de la mention explicite d’une date pour le dépôt d’un FFDA ne constitue pas un manquement à un principe de justice naturelle d’autant plus qu’en l’espèce, étant donné que les demandeurs n’ont pas pris connaissance des documents fournis par l’agent d’immigration, cette absence est sans conséquence.

[25]           La SPR note aussi que la déclaration faite à l’audience de désistement, quant au fait que les demandeurs avaient aussi été avisés par téléphone, n’a pas été confirmée. Cependant, la SPR indique que même si le membre prononçant le désistement avait su que les demandeurs n’avaient probablement pas été avisés, compte tenu de la preuve au dossier, ce membre aurait tout de même prononcé le désistement.

[26]           La SPR conclut que le droit de se faire entendre a été respecté en l’espèce et qu’il n’y a pas eu un manquement à un principe de justice naturelle. En conséquence, la demande de réouverture a été rejetée.

[27]           À mon avis, les conclusions suivantes de la SPR sont déraisonnables :

i.   qu’il n’était pas pertinent de considérer la négligence de l’avocat des demandeurs; et

ii.  que la faute contributive des demandeurs empêchait la SPR de conclure qu’il y avait un manquement à un principe de justice naturelle.

Je présente mon raisonnement en support de cette opinion dans la prochaine section.

IV.             Analyse

A.                Aspects légaux

[28]           La Règle 62(6) des Règles prévoit la réouverture d’une demande d’asile seulement si le demandeur établit un manquement à un principe de justice naturelle. Le demandeur a le fardeau de preuve.

[29]           Un manquement à un principe de justice naturelle peut être présent même si la SPR n’a pas commis une faute : Osagie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1368.

[30]           Le défendeur note qu’une demande de contrôle judiciaire concernant un refus de rouvrir une demande d’asile est distincte d’une demande de contrôle judiciaire concernant un désistement d’une demande d’asile : Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 512 au para 12. Le défendeur note que la présente demande s’agit de la première, et m’avertit que beaucoup des décisions dans ce domaine mélangent les principes applicables aux deux procédures distinctes. Par exemple, le défendeur maintient que l’intention de poursuivre une demande d’asile est pertinente à un désistement d’une demande d’asile, mais pas à une réouverture d’une demande d’asile.

[31]           Dans la décision Emani, qui concernait une demande de réouverture, la Cour a dit ce qui suit au para 20 :

La jurisprudence établit clairement que la considération principale au regard de la procédure de désistement est de savoir si la conduite du demandeur constitue une expression de son intention de poursuivre sa demande avec diligence.

Elle s’est basé alors sur la décision Ahamad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 CF 109, qui concernait un désistement.

[32]           Le défendeur a raison que l’intention de poursuivre les demandes d’asile n’est pas directement pertinente à la présente demande, et que la présente demande doit être décidée uniquement sur la question de la justice naturelle. Mais il faut rappeler que l’argument des demandeurs d’un manquement à un principe de justice naturelle est basé sur l’absence des demandeurs (ou leur avocat) lors de l’audition de désistement. Nous pouvons présumer que, s’ils avaient été présents lors de cette audition, ils se seraient basés sur leur intention de poursuivre les demandes d’asile. Alors, l’intention de poursuivre les demandes n’est pas entièrement sans pertinence.

[33]           Une autre façon par laquelle le désistement d’une demande d’asile et une demande de réouverture d’une demande d’asile se distinguent est en ce qui concerne la négligence ou l’absence de diligence de l’avocat. Bien que la négligence peut être normalement une considération pour le désistement, il est pertinent à une demande de réouverture seulement dans des cas exceptionnels : Drummond c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 112 FTR 33 aux paras 5 et 6, [1996] ACF no 477 (QL), Osagie, ci-dessus, aux paras 17 et 18.

[34]           Un autre argument du défendeur est que l’omission des demandeurs d’avoir soumis leurs FFDAs, et d’avoir assisté à l’audition spéciale concernant le désistement était à cause de leur négligence, et que leurs arguments de manquement d’un principe de la justesse naturelle ne peuvent donc pas avoir gain de cause. Il est vrai que plusieurs décisions concernant la réouverture d’une demande d’asile font mention de l’absence de faute du demandeur, mais la décision en Khan reconnait le principe qu’il peut y avoir un manquement d’un principe de la justesse naturelle suffisant pour accorder une demande de réouverture, même si le demandeur partage une partie de la faute (aux paras 28 à 30). En Khan, la faute du demandeur était de se fier complètement à son avocat et de ne pas avoir fait ses propres suivis raisonnables.

[35]           Je note aussi la décision en Karagoz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1479, dans laquelle le juge Rennie a accordé une demande de contrôle judiciaire concernant un rejet d’une demande de réouverture. Là, la faute du demandeur était d’avoir envoyé un avis de changement d’adresse à l’Agence des services frontaliers du Canada au lieu d’à la SPR.

[36]           Un autre principe important ici se trouve dans la décision Emani au para 21, qui cite Andreoli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1111, [2004] A.C.F. no 1349 au para 16 :

Afin d'apprécier un cas comme le présent, il est absolument primordial d'opter pour une approche contextuelle et d'éviter de sombrer dans du dogmatisme procédural. Je tiens à reprendre les propos de l'honorable juge Pigeon dans l'affaire Hamel c. Brunelle, [1977] 1 R.C.S. 147, 156, où il écrivait fort justement que « la procédure doit être non la maîtresse mais la servante de la justice ».

B.                 Applications des aspects légaux aux faits

[37]           Je suis de l’avis qu’il n’y a pas de faute dans cette cause de la part de la SPR ni de la part de la CISR. Le délai pour soumettre les FFDAs, ainsi que la date de l’audience spéciale étaient communiqués aux demandeurs d’une façon raisonnable : Samuels c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 272. À mon avis, la CISR n’est pas obligée d’indiquer la date spécifique du délai pour soumettre une FFDA, à condition que les demandeurs soient raisonnablement capables de le calculer, ce qui est le cas. Aussi, la CISR n’est pas obligée d’indiquer verbalement aux demandeurs d’asile les étapes à venir et les dates critiques, ou de leur rappeler plus tard de la date de l’audience spéciale. Il suffit de fournir les documents qui ont été fournis aux demandeurs.

[38]           Ceci étant dit, il est clair que certains problèmes de la sorte qui sont arrivés ici auraient pu être évités si un processus plus robuste était employé pour s’assurer que les demandeurs d’asile étaient mieux avisés des exigences.

[39]           Prenant la perspective des demandeurs, je suis de l’avis que, même s’ils n’ont pas révisé soigneusement tous les documents qui leurs ont été fournis par la CISR, ils ont agit d’une façon raisonnablement diligente pour répondre aux exigences de la CISR. Ils ont arrangé, le 17 septembre 2013, pour rencontrer un avocat. Cet appel avec le bureau de l’avocat était confortablement en avance du délai pour soumettre les FFDAs, même si les demandeurs n’en étaient pas au courant. Lors de cet appel les demandeurs ont communiqué l’information nécessaire pour permettre le bureau de l’avocat de déterminer le délai pertinent. Les demandeurs avaient raison d’être confiants que, ayant communiqué cette information au bureau de leur avocat, tout délai critique dans leurs dossiers était en règle. Les demandeurs n’ont pas agi d’une façon parfaite, mais ils ont pris les mesures raisonnables dans les circonstances. Le fait que c’est leur mère qui a arrangé la rencontre avec l’avocat ne change pas ce caractère raisonnable.

[40]           Bien que la rencontre avec l’avocat a eu lieu après le délai pour soumettre les FFDAs, le désistement des demandes d’asile des demandeurs n’avait pas encore été prononcé. Si l’avocat avait remarqué à cette rencontre du 30 septembre 2013 qu’il y avait prévu une audition spéciale la prochaine journée, il aurait pu prendre les mesures nécessaires pour assurer la soumission des FFDAs avant l’audition spéciale et argumenter contre le désistement. Il aurait pu noter que les demandeurs avaient toujours eu l’intention de poursuivre leurs demandes d’asile, qui semble être le cas. Il est raisonnable de conclure que le désistement n’aurait jamais été prononcé.

[41]           Donc, je suis de l’avis que les erreurs de l’avocat et de son bureau sont les causes les plus immédiates et importantes du désistement des demandes d’asile.

[42]           De plus, je suis de l’avis que les présentes circonstances sont assez exceptionnelles pour que la négligence de l’avocat et de son bureau puisse être pertinente à la demande de réouverture. Premièrement, les demandeurs ont manqué l’audition spéciale par seulement deux heures et demie. Deuxièmement, dès qu’ils ont découvert le problème, ils ont réagi avec une rapidité impressive.

[43]           Toute faute qui pourrait être attribuée aux demandeurs n’est pas plus grave que les fautes présentes en Khan et Karagoz qui ont été pardonnées.

[44]           Il serait injuste et déraisonnable de permettre le désistement des demandes d’asile des demandeurs dans les présentes circonstances. Il semble assez clair que les demandeurs ont toujours eu l’intention de poursuivre leurs demandes d’asile, et que ces demandes sont très importantes pour eux. Les demandeurs ont droit à une considération des mérites de leurs demandes d’asile. J’invoque la déclaration que la procédure doit être non la maîtresse mais la servante de la justice.

[45]           Pour ces motifs. je suis de l’avis que la décision de la SPR, rejetant la demande de réouverture des demandes d’asile des demandeurs est déraisonnable.

[46]           Aucune question grave de portée générale n’est soulevée par les avocats et aucune ne sera certifiée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  La décision de la SPR, en date du 23 octobre 2013, est annulée et l’affaire est renvoyée à la SPR pour réexamen par un tribunal différemment constitué.

3.                  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

«George R. Locke»

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-7173-13

 

INTITULÉ :

DJILAL ET AL c MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 JUILLET 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 AOÛT 2014

 

COMPARUTIONS :

Stéphanie Valois

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Patricia Nobl

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stéphanie Valois

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

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