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Date : 20140730


Dossier : IMM-4080-13

Référence : 2014 CF 762

Ottawa (Ontario), le 30 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

EDGARD PHILISTIN

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par la Ministre de la Sécurité publique et de la protection civile [le Ministre] à l’encontre d’une décision de la Section d’appel de l’immigration [SAI] de rouvrir une affaire déjà entendue et décidée. De fait, ladite affaire a déjà fait l’objet d’un contrôle judiciaire. La demande de contrôle judiciaire est présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la Loi].

[2]               C’est l’article 71 de la Loi qui permet la réouverture d’un appel à une condition spécifique. Il est rédigé de la façon suivante :

Réouverture de l’appel

Reopening appeal

71. L’étranger qui n’a pas quitté le Canada à la suite de la mesure de renvoi peut demander la réouverture de l’appel sur preuve de manquement à un principe de justice naturelle.

71. The Immigration Appeal Division, on application by a foreign national who has not left Canada under a removal order, may reopen an appeal if it is satisfied that it failed to observe a principle of natural justice.

I.                   Faits

[3]               M. Philistin est un citoyen d’Haïti qui est un résident permanent depuis 1994.

[4]               À la suite d’une condamnation pour harcèlement criminel, une infraction punissable par un emprisonnement pour 10 ans, il a été interdit de territoire par application de l’alinéa 36(1)a) de la Loi. Une mesure d’expulsion a été émise le 10 mars 2010.

[5]               Un appel de la mesure de renvoi a été entendu le 29 novembre 2010 par la SAI. Une demande d’ajournement a alors été refusée. L’avocate de M. Philistin voulait que soit effectuée une évaluation psychologique du défendeur et la demande a été refusée parce que tardive et aussi parce que cette preuve n’était pas pertinente. L’appel a été rejeté le 14 janvier 2011.

[6]               Une demande de contrôle judiciaire a été rejetée le 22 novembre 2011 (2011 CF 1333). Deux arguments étaient soumis à la Cour : la décision de la SAI était-elle déraisonnable et le refus d’accorder un ajournement constituait-il une atteinte à l’équité procédurale? M. Philistin échouait sur les deux arguments, mais seul celui relatif au refus d’accorder l’ajournement est pertinent en l’espèce.

[7]               À l’audience devant la SAI, la mère du défendeur a rendu témoignage à l’effet que M. Philistin présentait des symptômes comportementaux semblables à son fils, le petit-fils du témoin, qui avait été diagnostiqué comme souffrant de dysphasie. L’ajournement aurait permis l’évaluation psychologique. Il semble que la SAI n’ait noté aucun trouble de langage chez M. Philistin.

[8]               Qui plus est, l’avocate de M. Philistin, qui a signé le mémoire du défendeur en notre espèce mais n’a pas plaidé l’affaire devant cette Cour, aurait indiqué ne s’être « jamais doutée des difficultés mises en lumière par la mère dans son témoignage. » (Philistin c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 1333 [Philistin], au para 11)

[9]               Cette absence d’évaluation psychologique n’aura pas permis au défendeur de faire valoir le recours à l’assistance d’un représentant désigné. Après l’audience devant la SAI, mais avant l’audience devant notre Cour lors du premier contrôle judiciaire en novembre 2011, un rapport a été préparé par un psychologue qui aura conclu à une faible capacité de compréhension chez le défendeur qui s’apparente à une déficience intellectuelle.

[10]           Le besoin d’assistance d’un représentant désigné a constitué devant la Cour en novembre 2011 un nouvel argument. La Couronne s’est objectée au motif qu’il s’agissait d’un nouvel argument et la Cour lui a donné raison. La Cour a noté que l’avocate de M. Philistin n’avait pas demandé la constitution d’un représentant désigné devant la SAI. Aucune allégation n’avait été faite qu’il était atteint d’une déficience intellectuelle l’ayant empêché de comprendre la nature des actes criminels posés. Alors que l’avocate prétendait maintenant avoir noté la confusion du défendeur lors de son audience devant la SAI, aucune telle mention n’en avait été faite devant la SAI, alors qu’on ne parlait à ce moment que du même trouble de langage dont était affecté le fils de M. Philistin. C’est donc dire que la règle bien connue voulant qu’un contrôle judiciaire ne puisse porter que sur le dossier devant le tribunal administratif faisait en sorte que le nouvel argument ne pouvait être reçu.

[11]           C’est ainsi que l’argument relatif au refus d’accorder un ajournement a été rejeté. La Cour a conclu que M. Philistin a pu se faire entendre sur son appel reposant sur des motifs d’ordre humanitaires. La Cour concluait sur cet argument par la phrase suivante à la fin du paragraphe 15 : « Au demeurant, le témoignage du demandeur à l’audition était clair et il ne m’a pas été démontré que sa capacité de communication était compromise. »

[12]           Un an plus tard, soit le 14 décembre 2012, une demande de réouverture de l’appel était présentée. Il semble que le délai d’une année puisse s’expliquer du fait que M. Philistin n’ait pu obtenir une nouvelle évaluation psychologique qu’en décembre 2012 par manque de ressources financières. Quoiqu’il en soit, un tel rapport fut obtenu le 12 décembre et il a été invoqué pour obtenir la réouverture de l’appel.

II.                Décision

[13]           La demande de réouverture de l’appel faisait l’objet d’une courte décision le 31 mai 2013. La décision sous étude est très brève. Elle réfère au rapport d’évaluation psychologique du 12 décembre qui conclut à une déficience intellectuelle légère que la SAI décrit comme « apportant des difficultés à comprendre la nature des procédures, le langage utilisé et les concepts pertinents. » La SAI note aussi ce qui ne peut être que le « témoignage » de son avocate qui admet que la qualité de la condition mentale de M. Philistin était ignorée lors de l’audition devant la SAI et que la SAI n’avait non plus aucune raison de douter de la capacité à comprendre. Finalement, la SAI voit dans le rapport d’évaluation un fait nouveau qui justifierait la présence d’un représentant désigné lors de l’audience de son appel, sans jamais expliquer en quoi la présence de l’avocate de M. Philistin ne pouvait suffire à cette fin.

[14]           L’analyse faite par la SAI est aussi brève. Elle constate que sa capacité pour rouvrir un appel est très limitée puisqu’une fois une décision rendue, elle est functus officio et ne pourrait rendre une seconde décision que s’il y a eu violation des règles de justice naturelle. Sans grande explication, elle conclut que la justice naturelle commande réouverture parce qu’un représentant désigné aurait dû lui être commis étant donné « que l’appelant n’était pas en mesure de comprendre la nature des procédures lors de l’audience de son appel ».

III.             Arguments et norme de contrôle

[15]           Le Ministre offre deux arguments au soutien de sa demande de contrôle judiciaire :

1.                  les principes de la chose jugée et du stare decisis auraient dû empêcher la SAI de rouvrir cette affaire qui avait été entendue et décidée par la SAI et confirmée par la Cour fédérale;

2.                  aucun principe de justice naturelle n’a été violé.

[16]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable aux deux questions soulevées est celle de la décision correcte. La décision de la Cour d’appel fédérale dans Hillary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 51 [Hillary] me semble disposer de la question comme le proposent les parties.

[17]           Il en résulte évidemment que la décision de la SAI ne bénéficie pas de la déférence à laquelle d’autres décisions ont droit lorsque la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. Comme on peut le lire dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], au paragraphe 50 :

[50]      […] La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

IV.             Analyse

[18]           Le Ministre prétend que la SAI est dans l’erreur parce que la question en litige dans cette demande de réouverture a déjà été réglée par la Cour fédérale dans sa décision de 2011. Ainsi, la Cour aurait déjà décidé que la SAI n’a pas violé les principes de justice naturelle : il y aurait chose jugée ou stare decisis.

[19]           La différence entre la chose jugée et le stare decisis semble être que, dans le cas de la chose jugée, les parties doivent être les mêmes alors que ce n’est pas le cas pour la doctrine du stare decisis. Ce qui est important est que les questions soulevées soient les mêmes et qu’elles « aient déjà été réglées par une juridiction supérieure dont le jugement possède l’autorité de la chose jugée » (Canada (Procureur général) c Confédération des syndicats nationaux, 2014 CSC 49, para 25). Ici, le demandeur prétend qu’il peut se reposer sur la chose jugée puisque nous sommes en face des mêmes parties, en plus bien sûr de prétendre que la même question décidée judiciairement de façon finale fait à nouveau l’objet d’un litige (Danyluk c Ainsworth Technologies Inc, 2001 CSC 44, [2001] 2 RCS 460).

[20]           Il n’est pas nécessaire pour disposer de cette question d’examiner les trois volets du principe de la chose jugée (ou de la perclusion). À mon avis, la question est réglée lorsque l’on examine de plus près la question qui a été décidée. Le Ministre se contente de dire que la Cour fédérale, en 2011, avait conclu qu’il n’y avait pas eu, alors, de violation aux principes de justice naturelle et qu’il est donc interdit de soulever une question relative à la justice naturelle maintenant.

[21]           Avec égards, je ne crois pas que la décision de la Cour fédérale ait traité de la même question. L’atteinte à la justice naturelle alléguée était autre que celle dont il est ici question. La Cour a refusé en 2011 de considérer l’argument qu’un représentant désigné aurait dû être constitué. De fait, le refus de la Cour était à la demande expresse de la Couronne. La question étroite à laquelle la Cour a répondu par ailleurs était de déterminer si le refus d’accorder un ajournement constituait une atteinte aux principes de justice naturelle. Il n’a pas été réglé la question de la capacité de comprendre la nature de la procédure. Comme le dit la Cour à la fin du paragraphe 14 des motifs du jugement : « On doit donc aujourd’hui se limiter aux motifs qui ont été spécifiquement plaidés par le demandeur pour obtenir une remise de l’audition devant la SAI. »

[22]           Il me semble que le demandeur est mal venu d’invoquer la chose jugée alors qu’il s’est objecté, avec succès, au nouvel argument soumis en contrôle judiciaire qu’un représentant désigné aurait dû être constitué à cause de sa supposée confusion. C’est ce dont il est question lors de la demande de réouverture de l’appel, une question qui est différente de celle dont a finalement disposé la Cour lors du contrôle judiciaire précédent.

[23]           La question de savoir s’il y a eu atteinte à la justice naturelle, comme le requiert l’article 71 de la Loi pour permettre une réouverture d’appel, me semble plus difficile.

[24]           Il n’est pas particulièrement clair des motifs de la SAI en quoi consiste le principe de justice naturelle dont il y aurait eu manquement. Dans sa demande de réouverture, M. Philistin soumet « qu’un manquement à la justice naturelle a découlé du fait que le demandeur n’ait pas bénéficié de la désignation d’un représentant dans le cadre des procédures instruites devant la SAI » (para 43). Le même genre d’argumentation est soumis dans le présent contrôle judiciaire. Ce qui fait défaut est une articulation par la SAI du principe de justice naturelle en cause. La seule indication que j’ai pu trouver est au paragraphe 24 du mémoire du défendeur où il indique que « [a]voir l’opportunité de « faire valoir ses doits et ses arguments » est une composante essentielle du droit à être entendu. »

[25]           Ce doit être, à mon sens, ce que la SAI avait à l’esprit lorsqu’elle a conclu à violation d’un principe de justice naturelle. La Cour d’appel fédérale a articulé la notion élégamment dans Hillary (précité) :

[34]      […] Le principe de justice naturelle pertinent en l’espèce est le droit d’être représenté lors d’une audience devant un tribunal administratif. Si elle n’est pas représentée, la personne peut ne pas être en mesure de participer efficacement au processus décisionnel, en particulier lorsqu’elle affronte un adversaire plus puissant, comme un ministère.

[26]           Mais le défendeur était représenté devant la SAI. Le juge de cette Cour, lors du premier contrôle judiciaire, avait bien noté qu’« [i]l est également manifeste que le demandeur a bel et bien eu l’occasion de se faire entendre et de faire valoir ses arguments. […] Au demeurant, le témoignage du demandeur à l’audition était clair et il ne m’a pas été démontré que sa capacité de communication était compromise. » (Philistin, précité, para 15) En aucune manière ne trouve-t-on des raisons pouvant faire même soupçonner que M. Philistin ne bénéficiait pas d’une représentation adéquate. Ainsi, on ne peut voir en quoi la représentation dont il est question à l’article 167 de la Loi n’était pas assurée. Cet article se lit :

Conseil

Right to counsel

167. (1) L’intéressé qui fait l’objet de procédures devant une section de la Commission ainsi que le ministre peuvent se faire représenter, à leurs frais, par un conseiller juridique ou un autre conseil.

167. (1) A person who is the subject of proceedings before any Division of the Board and the Minister may, at their own expense, be represented by legal or other counsel.

Représentation

Representation

(2) Est commis d’office un représentant à l’intéressé qui n’a pas dix-huit ans ou n’est pas, selon la section, en mesure de comprendre la nature de la procédure.

(2) If a person who is the subject of proceedings is under 18 years of age or unable, in the opinion of the applicable Division, to appreciate the nature of the proceedings, the Division shall designate a person to represent the person.

[27]           Je ne prétends pas qu’une représentation additionnelle, outre celle d’un avocat, ne pourrait pas être appropriée dans certains cas. Mais encore faudrait-il en établir la nécessité pour cette participation efficace au processus décisionnel que requiert la justice naturelle.

[28]           Mais il y a plus. Le test prévu au paragraphe 167(2) de la Loi prévoit la commission d’office d’un représentant seulement lorsque la personne n’est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure. Tel que noté, la SAI n’a pas articulé comment le test était rencontré. Au mieux on déclare que « l’appelant souffre d’une déficience intellectuelle légère, lui apportant des difficultés à comprendre la nature des procédures, le langage utilisé et les concepts pertinents. »

[29]           Or, je n’ai pu retrouver dans aucune des deux évaluations psychologiques, et en particulier la seconde sur laquelle la SAI s’est reposée, la source de ces constatations. Le défendeur est considéré comme affecté d’une déficience intellectuelle légère. Ainsi, on peut lire qu’« [o]n comprendra assez facilement que pour une personne atteinte de déficience, avec faiblesse marquée du vocabulaire et de la compréhension du langage abstrait, la parfaite compréhension des procédures juridiques demeure obscure. C’est déjà difficile chez une personne qui serait mieux nantie qu’il ne l’est vraiment. » En conclusion du rapport on voit « Les mesures d’intelligence et des comportements adaptifs permettent de ranger Monsieur au niveau de la déficience intellectuelle légère avec une faiblesse plus marquée encore en sphère linguistique, alors que la sphère perceptive est légèrement meilleure. » Je n’ai pu trouver nulle part aux deux rapports la suggestion que le défendeur ne pouvait pas comprendre la nature des procédures, un standard élevé. Au mieux, il n’aurait pas une parfaite compréhension des procédures juridiques. Et qui pourrait l’en blâmer. De fait, s’il ne pouvait comprendre la nature de la procédure, ni le commissaire de la SAI, ni le juge de la Cour fédérale, ni même son avocate n’ont su le déceler.

[30]           Le défendeur est aussi confronté à une jurisprudence de cette Cour qui veut que la violation d’un principe de justice naturelle provienne de la SAI elle-même. Ainsi, non seulement une nouvelle preuve ne donne pas ouverture au recours en vertu de l’article 71 de la Loi (Nazifpour c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CAF 35, [2007] 4 RCF 515 [Nazifpour]), mais la violation d’un principe de justice naturelle doit provenir de la SAI elle-même, qui voudra alors corriger l’impair (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Ishmael, 2007 CF 212; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Kang, 2009 CF 941; Wilks c Canada Commission de l'immigration et du statut de réfugié, 2009 CF 306). Cette façon de voir semble découler naturellement de la version anglaise de l’article 71 qui parle en termes de « may reopen an appeal if it is satisfied that it failed to observe a principle of natural justice ». La violation doit être celle de la SAI.

[31]           Cette lecture de l’article, par ailleurs évidente en anglais, est de fait conforme à la règle voulant qu’un tribunal administratif puisse entendre de nouveau une affaire lorsqu’il y avait constatation que la décision initiale comportait une erreur la rendant nulle, comme dans un cas où les principes de justice naturelle ont été violés (Chandler c Alberta association of architects, [1989] 2 RCS 848).

[32]           Comme il est maintenant établi, il faut rechercher le sens commun entre les versions de textes qui sont adoptés dans les deux langues officielles. À mon avis, la version anglaise est sans équivoque et c’est le sens commun qui s’y retrouve. C’est cette version qui prévaut (Schreiber c Canada (Procureur général), 2002 CSC 62, [2002] 3 RCS 269). Si on concluait plutôt qu’aucune des deux versions n’est ambigüe, on favorisera alors la version la plus restrictive de façon générale (R c Daoust, 2004 CSC 6, [2004] 1 RCS 217). Encore là, la version anglaise prévaudra puisque c’est elle qui est la plus restrictive.

[33]           Ainsi, dans cette affaire, la décision de la SAI est déficiente à deux égards. D’abord, il eut fallu que la SAI ait trouvé un manquement à un principe de justice naturelle commis par elle pour trouver ouverture à l’application de l’article 71 de la Loi. Cela n’a pas été fait. La SAI a même conclu nommément ne pas avoir « commis aucune violation aux principes de justice naturelle » dans la décision où elle déclare réouverture de l’appel au cours duquel aucune violation n’aurait été commise. L’autre difficulté est l’application du paragraphe 167(2) de la Loi que la SAI invoque dans sa décision. On ne peut voir que ce paragraphe peut être invoqué à la lumière de la preuve disponible.

[34]           Quand on y regarde de plus près, l’argument du défendeur se présente comme une tentative de contourner la portée de l’article 71 de la Loi. Cet article 71 éliminait la compétence de la SAI de rouvrir un appel pour cause de nouveaux éléments de preuve (Nazifpour, précité). Ici on introduit une nouvelle preuve et on prétend à violation d’un principe de justice naturelle. Si le principe de justice naturelle est que la SAI n’a pas commis d’office un représentant parce que la personne n’est pas en mesure de comprendre la nature des procédures, j’ai tenté de démontrer que ce ne pouvait être le cas en l’espèce tout simplement parce que la nouvelle preuve n’établit pas l’absence de compréhension de la nature de la procédure. De toute manière, l’on ne saurait comprendre à la seule lecture de la décision de la SAI sous étude de quelle représentation il pouvait bien s’agir puisque le défendeur était déjà représenté par un avocat dont le rôle est, entre autres, d’exposer la nature des procédures à son client.

[35]           Si on exclut de l’équation cet article 167 de la Loi, la situation du défendeur n’est pas bonifiée. On ne trouve au dossier aucune indication de la violation à une règle de justice naturelle par la SAI. Comme indiqué plus haut, la seule tentative d’articulation parlait en termes qu’un manquement à la justice naturelle, sans le nommer ou même le décrire, aurait découlé du fait qu’aucune désignation d’un représentant n’avait eu lieu, même si cela n’avait pas été demandé par quiconque. Aucune autorité n’a été offerte, et la Cour n’en connaît aucune, qui supporte la proposition qu’une absence de désignation d’un représentant, alors que la personne est représentée par un avocat, pourrait constituer une violation d’un principe de justice naturelle. La simple déclaration qu’il y a atteinte à un principe de justice naturelle ne suffit pas. Encore faudrait-il l’identifier et la démontrer. Rien de tel n’a été fait en l’espèce.

V.                Conclusion

[36]           Puisque la décision de la SAI doit être révisée selon la norme de la décision correcte, aucune déférence n’est due. La Cour conclut que la décision de la SAI rendue le 31 mai 2013 doit être cassée. Aucune atteinte à un principe de justice naturelle n’a été démontrée, ce qui est requis aux termes de l’article 71 de la Loi qui était invoqué pour rouvrir l’appel. De plus, le texte de l’article 71 requiert que la violation d’un principe de justice naturelle donnant ouverture à l’application de l’article 71 doive être commise par la SAI. Or, la décision sous étude nie nommément qu’il y ait eu telle violation. Si, comme l’a fait la SAI, on doit se réclamer du paragraphe 167(2) de la Loi dans l’espoir de définir une atteinte aux principes de justice naturelle, cette démonstration ne pouvait être supportée par la preuve au dossier puisque celle-ci ne saurait établir que le défendeur ne comprenait pas la nature de la procédure sur la seule base du rapport d’évaluation psychologique.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section d’appel de l’immigration de rouvrir l’appel est annulée. L’affaire fait l’objet d’un renvoi pour jugement en conformité avec la présente décision par une formation différente de la Section d’appel de l’immigration. Il n’y a pas de question grave de portée générale.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4080-13

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c EDGARD PHILISTIN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 mars 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 juillet 2014

 

COMPARUTIONS :

Me Michel Pépin

 

Pour le demandeur

 

Me Stéphanie Valois

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Avocat(e)

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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