Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140724


Dossier : T-518-13

Référence : 2014 CF 741

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

MURRAY WILKINSON, JERRY JESSO, CHRISTOPHER ARGUE, JAMES BASTARACHE, CATHERINE BLACK, CYNTHIA BURNS, LAURA CLARKE, RICHARD CUZZETTO, ANGELO DE RIGGI, JEFF DUNK, GEORGE DURSTON, JACQUES FRECHETTE, LILY-CLAUDE FORTIN, FRANK GONCLAVES, NELSON GUAY, CLAUDE HARVEY, MARK HASTIE, MARK HAYES, FANNY HO, ALANA HUNTLEY, MARK KAPICZOWSKI, KEVIN KELLY, ROSE-ANN JANG, ALAN JOHNS, ANGELIA JOHNSON, CAMERON JUNG, BOB LEDOUX, ROBERT LOHNES, INA MCRAE, DEBBIE MAIN, GREGORY MCKENNA, SHANE MCKINNON, KAREN MCMAHON, MICHAEL MCPHALEN, MAUREEN MILLER, MANJIT SINGH MOORE, RON NAULT, FIONA NORTHCOTE, HENRY PETERS, LINDA ROBERTSON, RALPH SCHOENIG, PATRICK SCOTT, DARLENE STAMP, RICHARD STEFANIUK, DOUG TISDALE, KEITH WATKINS, HARALD WUIGK

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs sollicitent, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales LRC 1985, c F-7, le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le président de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’administrateur général] a, le 25 février 2013, rejeté la recommandation du comité de règlement des griefs de classification [le Comité] convoqué aux fins d’examiner les griefs de classification des demandeurs. Pour les motifs exposés ci-après, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

Les faits

[2]               Les demandeurs sont tous des employés de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] qui ont présenté un grief contestant la classification de leur poste en application de l’alinéa 208(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LRC 2003, c 22. Il s’agit dans tous les cas de postes de « gestionnaire, Programmes régionaux » du groupe et niveau FB-06 (groupe des services frontaliers). Tous les demandeurs ont la même description de travail et l’examen de la classification a pris fin le 21 février 2007.

[3]               Cependant, en 2010, les demandeurs ont contesté la classification. Un comité de règlement des griefs de classification a été convoqué et tant l’employeur que les demandeurs ont pu soumettre de nombreux arguments oralement et par écrit. Ce comité a siégé à au moins trois reprises entre avril et juin 2012 afin de procéder à un examen approfondi du grief, ce qu’il a de toute évidence fait.

[4]               Le 18 juillet 2012, le Comité a décidé que le facteur appelé « Prise de décision », l’un des facteurs dont il faut tenir compte dans l’établissement de la classification, devait passer du degré 5 au degré 6. Comme tel, le changement a eu pour effet d’augmenter le nombre de points accordés de sorte que le niveau de classification approprié devenait le niveau FB‑07.

[5]               Par suite d’un grand nombre de délais et de requêtes en prolongation de la haute direction, pendant plusieurs mois, l’administrateur général a mis fin aux discussions et, le 25 février 2013, dans une lettre de deux pages, il a rejeté la recommandation du Comité. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]               Un bref examen de l’historique des postes FB-06 pourrait s’avérer utile. Ce poste, créé en 2006, dans la foulée d’un remaniement gouvernemental qui a mené à la création de l’Agence des services frontaliers du Canada (Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada, LC 2005, c 38), a été classifié au groupe et niveau FB-06, la date de prise d’effet étant le 21 février 2007. Tant la nature du travail que la classification ont été contestées peu après, dans le cadre da la procédure de règlement des griefs. Comme le grief de classification dépend bien évidemment de la nature du travail, il est demeuré en suspens jusqu’au règlement du grief sur la nature du travail. Celui-ci a été accueilli à l’automne 2010. Malgré les changements apportés à la nature du travail, le groupe et le niveau du poste, soit FB-06, étaient inchangés en décembre 2010. Il a donc été donné suite au grief de classification puisque la nouvelle description de travail avait mené à une classification au même niveau qu’en février 2007.

[7]               Le Comité de règlement des griefs de classification a examiné un certain nombre de facteurs qui sont pris en compte lors de la classification des postes de « gestionnaire, Programmes régionaux ». Le Comité a conclu que tous ces facteurs devaient demeurer inchangés sauf le facteur Prise de décision. Le tableau ci‑dessous résume la situation telle qu’elle existait avant le grief. Bien entendu, il présente également la situation telle qu’elle existait après la décision de l’administrateur général, ce dernier ayant rejeté la recommandation du Comité :

Facteurs

Degré

Points

Connaissances

5

135

Aptitude à l’analyse

5

115

Aptitude à communiquer

4

070

Interactions

4

110

Gestion du personnel et des opérations

3

080

Prise de décision

5

140

Efforts physiques

C2

010

Efforts sensoriels

2

004

Risque pour la santé

3

020

Environnement de travail

 

 

Psychologique

A3

010

Physique

B2

010

 

TOTAL

704 (621-730)

[8]               La recommandation et la décision de l’administrateur général ne diffèrent que sur le degré qui doit être attribué au facteur Prise de décision. Le Comité recommandait de porter le degré au niveau 6 alors que l’administrateur général l’a laissé au niveau 5. Conformément à la norme de classification, une évaluation portant le facteur Prise de décision au degré 6 aurait pour effet d’ajouter 35 points, ce qui amènerait le total à plus de 730 points. Les autres facteurs qui ont été contestés sont les connaissances, l’aptitude à communiquer et la gestion du personnel et des opérations. Le Comité les a évalué comme il l’avait fait pour la « prise de décision », mais aucun d’entre eux n’a retenu son attention. La décision du Comité au sujet de ces autres facteurs n’a pas été contestée.

[9]               L’examen des éléments se déroule de la manière suivante. Fondamentalement, le processus de classification exige l’évaluation d’une description du travail par rapport à la norme de classification appropriée. L’exercice est fondé principalement sur la valeur du travail, plutôt que sur son exécution. Le facteur ou élément Prise de décision est expliqué dans la norme de classification qui décrit ensuite chaque degré. En examinant un grief de classification, le Comité doit évaluer la description du travail en tenant compte de ces définitions. Il est aidé, dans cet exercice, par des lignes directrices d’application sous forme d’exemples d’activités professionnelles pour les divers degrés.

[10]           Dans la présente affaire, l’élément Prise de décision et les degrés 5, 6 et 7 sont ainsi définis dans la norme de classification :

                     Prise de décision :

Cet élément mesure les différents niveaux de responsabilité, en matière de prise de décisions, qui découlent du degré de discernement ou de latitude appliquée à la prise de décisions, ainsi que l’impact des décisions prises. Les décisions peuvent porter sur des politiques, l’élaboration ou l’exécution de programmes, la prestation de services ou la conformité à des exigences ainsi que sur les ressources humaines, financières ou matérielles. Aux fins de cet élément, il faut interpréter le mot décision dans son sens le plus large, de façon à englober les recommandations ou les conseils donnés en qualité d’expert.

                     Degré 5 :

Les décisions prises influent sur la mise en œuvre et l’exécution des programmes, ainsi que sur la prestation des services. Pour prendre des décisions, il faut être autonome et indépendant, et, règle générale, les décisions ont trait à l’organisation et à la coordination des objectifs des programmes en matière de service.

                     Degré 6 :

Les décisions prises portent sur le choix global des façons d’élaborer ou d’exécuter les programmes, en fonction de divers programmes, projets ou opérations intégrés. Les décisions sont fondées sur l’expertise considérable accumulée en gestion ou dans un domaine particulier.

                     Degré 7 :

Les décisions prises influent sur l’établissement et la réalisation des grands objectifs opérationnels. Règle générale, les décisions prises à ce niveau influent sur la façon dont le secteur opérationnel ou le secteur de programme visé contribuera à l’atteinte des objectifs généraux de l’Agence.

La décision faisant l’objet du contrôle

[11]           La décision de l’administrateur général se trouve dans une lettre signée par la vice‑présidente des Ressources humaines de l’ASFC. Les deux paragraphes ci‑dessous présentent l’essentiel de la décision :

[traduction] 

Dans son rapport, le Comité mentionne que « dans les postes en cause, aucune décision exigeant un examen approfondi des liens qui existent entre les programmes ou les priorités nationales ne doit être prise; ces questions relèvent des cadres supérieurs ». Le Comité reconnaît plutôt que « les titulaires des postes doivent prendre des décisions sur le choix des façons d’exécuter les programmes en fonction de divers projets ou programmes, et ces décisions sont fondées sur une expertise éprouvée dans le domaine en cause ». Le Comité ajoute que les décisions requises dans les postes en question visent principalement la mise en œuvre des objectifs politiques et l’exécution de leur programme et opérations.

L’objectif de la création du poste de gestionnaire, Programmes régionaux, était de confier au titulaire de ce poste les décisions qui influent sur la capacité de mettre en œuvre et d’exécuter les programmes dans la région ainsi que la prise de décisions et la formulation de recommandations sur les cas individuels qui exigent une expertise dans un domaine précis du programme. Cela ressort clairement des observations des représentants de l’administration qui ont précisé le contexte organisationnel des tâches effectuées par les gestionnaires, Programmes régionaux, au soutien de l’argument selon lequel le poste n’influe pas directement sur les politiques nationales ou sur l’élaboration de programmes multidisciplinaires. Dans le rapport, rien n’indique que la Comité ait tenu compte du contexte organisationnel en préparant sa recommandation comme l’exigent les lignes directrices applicables à la norme de classification.

[12]           Comme on peut le constater, l’administrateur général conteste l’évaluation du Comité concernant le facteur Prise de décision. Il semble fonder son argumentation sur deux passages du rapport du Comité. L’administrateur général aborde ensuite ce qui, selon lui, est l’objectif de la création du poste. Il n’explique pas la pertinence de ce point dans le cadre d’un processus de classification. En fait, il critique le Comité pour n’avoir pas tenu compte du contexte organisationnel sans plus fournir d’explication. En conclusion, la lettre indique seulement que le président (l’administrateur général) ne saurait entériner la [traduction] « conclusion selon laquelle il y a un lien entre la nature du travail et le degré 6 du facteur Prise de décision ». Par conséquent, la classification du poste des demandeurs est demeurée au niveau FB-06.

[13]           La décision de l’administrateur général a été appuyée dans une note, rédigée par la vice-présidente des Ressources humaines de l’ASFC, qui a été expressément approuvée par l’administrateur général. Dans le paragraphe intitulé « Recommandation », il est affirmé que [traduction« [l]’Agence est d’avis que la norme applicable au groupe FB n’a pas été évaluée correctement et que, par conséquent, le facteur Prise de décision a été “surévalué” ».

Les questions en litige et la norme de contrôle

[14]           Les demandeurs présentent deux arguments dans leur demande de contrôle judiciaire. Premièrement, ils soutiennent que l’administrateur général a eu tort de rejeter la recommandation du Comité de règlement des griefs de classification. Les raisons avancées par l’administrateur général ne seraient pas raisonnables. Deuxièmement, ils affirment que l’administrateur général a violé les exigences en matière d’équité procédurale puisqu’il n’a jamais demandé, ni reçu d'observation avant de décider de rejeter la recommandation du Comité.

[15]           Le défendeur soutient que la règle applicable est qu’il convient de faire preuve de déférence. L’administrateur général n’était pas d’accord avec l’évaluation effectuée par le Comité. Selon le défendeur, certaines conclusions de fait tirées par le Comité préconisaient en fait le degré 5 même si ce dernier a conclu que le degré 6 était plus approprié. En outre, le défendeur affirme qu’il faut comprendre l’intention du rédacteur de la description de travail en tenant compte du contexte organisationnel et que l’administrateur général n’était saisi d’aucun fait nouveau qui l’aurait obligé à demander l’avis des demandeurs.

[16]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à la première question est celle du caractère raisonnable alors que, pour la deuxième, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique. J’abonde dans le même sens.

[17]           Depuis Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], et ce, jusqu’à McLean c Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 RCS 895, la Cour suprême privilégie la norme du caractère raisonnable pour les décisions administratives. La jurisprudence de la Cour est également favorable à la norme déférente du caractère raisonnable (Beauchemin c Agence canadienne d’inspection des aliments, 2008 CF 186 [Beauchemin]; McEvoy c Procureur général, 2013 CF 685 [McEvoy]) pour le contrôle des décisions en matière de classification. Inversement, les manquements à l’équité procédurale doivent être contrôlés selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339).

Analyse

[18]           Le point de départ de l’analyse doit être le paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada, qui décrit la norme du caractère raisonnable en ces termes :

[47]      La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[19]           La Cour doit par conséquent axer son analyse sur les issues possibles et les attributs qui font en sorte qu’une décision est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Avec égards, je ne saurais conclure que les motifs qui ont été donnés satisfont au critère « [de] la justification de la décision, [de la] transparence et [de l’]intelligibilité du processus décisionnel ». La norme de contrôle du caractère raisonnable appelle une certaine déférence à l’égard du décideur. Toutefois, pour reprendre les termes de la Cour dans l’arrêt Dunsmuir, « [i]l ne s’ensuit pas que les cours de justice doivent s’incliner devant les conclusions des décideurs ni qu’elles doivent respecter aveuglément leurs interprétations. Elles ne peuvent pas non plus invoquer la notion de raisonnabilité pour imposer dans les faits leurs propres vues ».

[20]           Les Comités de règlement des griefs de classification ont une grande expertise et leurs décisions doivent faire l’objet d’un haut niveau de déférence (décisions Beauchemin et McEvoy, précitées). Dans l’affaire qui nous occupe, l’administrateur général a choisi de rejeter la conclusion du Comité. Il en a certainement le droit même si cela se produit très peu souvent comme l’a reconnu le défendeur. Il se peut donc que la décision de l’administrateur général fasse partie des issues possibles acceptables parce qu’elle peut se justifier au regard des faits et du droit. Toutefois, on s’attendrait à ce que ce rejet soit justifié de manière à satisfaire à la norme de raisonnabilité. La décision faisant l’objet du contrôle ne satisfait pas à cette norme.

[21]           Dans son rapport [le rapport] de quelque 22 pages, le Comité de règlement des griefs de classification examine plutôt soigneusement la description de travail générique. Le Comité en arrive à la conclusion qu’un des facteurs, Prise de décision, doit être évalué à un niveau plus élevé. Dans le cadre de son examen, le Comité compare les descriptions de travail à trois degrés différents. Le poste FB‑06 a été classifié au degré 5; le Comité examine également les degrés 6 et 7 et en arrive enfin à la conclusion que le poste correspond au degré 6 et non au degré 7. Le rapport ne contient pas uniquement une comparaison entre les degrés 5 et 6, mais il compare également les postes en cause et le degré 7 pour finalement énoncer la conclusion que ces postes n’exigent pas un tel niveau de difficulté.

[22]           Afin de mener à bien cet exercice, le Comité a reçu les observations des plaignants ainsi que celles de la haute direction. De plus, dans trois régions, des gestionnaires ont été interviewés. C’est dans ce contexte que le Comité a tenu compte d’exemples d’activités professionnelles et qu’il est parvenu à une conclusion.

[23]           Il est difficile de comprendre comment l’administrateur général a pu décider qu’il devait rejeter les conclusions du Comité. Comme nous l’avons vu, sa décision comportait deux paragraphes et était appuyée par une note de la vice-présidente des Ressources humaines.

[24]           Il semble y avoir eu une certaine confusion sur le plan de la terminologie. Dans la lettre, avant la présentation des deux paragraphes de la lettre de décision qui devaient justifier la conclusion de l’administrateur général d’opter pour le degré 5 au lieu du degré 6 qu’avait choisi le Comité, il est indiqué que :

[traduction] 

La norme de classification relative aux Services frontaliers (FB) est claire quant aux postes évalués au degré 6 de l’élément Prise de décision : « Offre une large perspective, des recommandations fondamentales sur l’élaboration de programmes et politiques multidisciplinaires ». Ces décisions affectent directement la manière d’élaborer et de mettre en œuvre les politiques et lignes directrices nationales.

[25]           En fait, la lettre ne cite pas la norme de classification, mais un extrait du paragraphe 6.6.3 des lignes directrices d’application (la Cour note que les parties lui ont remis deux versions légèrement différentes tirées des lignes directrices d’application (août 2005); aux fins des présents motifs, ces divergences ne sont pas pertinentes). En outre, l’extrait reproduit provient du paragraphe 6.6.3, sous la rubrique Degré 6, qui présente des exemples d’activités professionnelles alors que la phrase « Ces décisions affectent directement la manière d’élaborer et de mettre en œuvre les politiques et lignes directrices nationales » est tirée du paragraphe 6.6.2, rédigé comme suit :

6.6.2    Fournit des recommandations fondamentales à la haute direction de l’ASFC et aux intervenants externes sur l’élaboration ou la modification de la loi, du règlement et des politiques. Ces décisions affectent directement la manière d’élaborer et de mettre en œuvre les politiques et lignes directrices nationales.

Il est difficile de comprendre quel message l’on souhaitait transmettre en réunissant maladroitement des exemples d’activités professionnelles et en affirmant, à tort, que la norme de classification dit clairement que les postes évalués au degré 6 doivent satisfaire à ce qui serait une norme, alors qu’en réalité, il ne s’agit que d’exemples d’activités professionnelles. On semble transformer les exemples d’activités professionnelles en exigences essentielles. Cela revient à mettre la charrue avant les bœufs. Les exemples d’activités professionnelles servent à mettre en lumière certaines caractéristiques qui seraient associées à une norme, à un degré en particulier. Le paragraphe paraît renverser la proposition pour soutenir que le degré 6 de l’élément Prise de décision exige que les exemples d’activités professionnelles existent réellement. D’ailleurs, cela soulève la question suivante : qu’en est‑il des autres activités professionnelles décrites au degré 6? Il est difficile de comprendre comment ces exemples peuvent devenir des normes servant à déterminer quels postes sont évalués au degré 6 de l’élément Prise de décision. Il aurait été beaucoup plus approprié de renvoyer aux lignes directrices concernant le degré 6:

Au degré 6, les décisions sont plus complexes en raison de la nature intégrée des opérations, c.‑à‑d. plus de contraintes, plus de variables, plus d’objectifs de programme qui ne sont peut‑être pas coordonnés. Les décisions sont fondées sur une importante expertise en gestion ou dans un domaine spécialisé. Les décisions influent sur le mode de mise en œuvre des programmes dans cet environnement plus complexe.

Il suffit de dire que la lettre de décision n’explique pas pourquoi les exemples d’activités professionnelles associées au degré 6 font en sorte que [traduction« le président ne saurait appuyer la conclusion du Comité selon laquelle il y a une corrélation entre les activités professionnelles et le degré 6 de l’élément Prise de décision » en l’absence d’une comparaison avec la nature du travail. Le Comité a fait une telle comparaison, mais pas l’administrateur général. Ainsi, le paragraphe s’apparente davantage à une déclaration plutôt qu’à une explication des motifs pour lesquels l’administrateur général n’a pas partagé l’avis du Comité.

[26]           Cela nous amène aux deux paragraphes précités qui sont censés expliquer la décision de rejeter la recommandation. L’administrateur général semble contester, dans le premier des deux paragraphes, deux phrases de l’analyse des degrés 5, 6 et 7 tirées du rapport du Comité. Il ne fournit aucun contexte et ne présente que deux extraits du rapport. La première des deux phrases est tirée de la page 15 du rapport. Lue en contexte, la phrase amène à conclure que la nature du travail effectué par les demandeurs n’atteint pas le niveau 7. Rien de plus.

[27]           Le Comité tire cette conclusion après avoir comparé les « postes en cause » au degré 7 et aux exemples d’activités professionnelles présentés au paragraphe 6.7.1 des lignes directrices d’application. Ainsi, le rapport souligne tout simplement que l’analyse ne permet pas de passer du degré 5 au degré 7. Cela ne veut pas dire que le degré 6 n’est pas approprié.

[28]           Dans l’original de la lettre (en anglais), la première phrase est liée à la deuxième par le mot « rather » (plutôt), ce qui peut vouloir dire « on the contrary » (au contraire), « instead » (au lieu de) ou peut-être « more precisely » (plus précisément) (The Canadian Oxford Dictionary, 2001, au mot « rather »). Quel que soit le sens que l’on voudrait donner au texte en reliant les deux phrases par le terme [traduction] « plutôt », on doit à tout le moins avoir eu l’intention de démontrer que la deuxième phrase est la plus précise, la plus juste. Au pire, l’utilisation de ce mot évoque une opposition, certainement plus qu’une simple contradiction.

[29]           Le deuxième extrait se trouve en fait plus haut dans le même paragraphe du rapport, à la page 14. Encore une fois, si l’extrait est lu dans son contexte, les auteurs du rapport expliquent que les postes visés par l’examen ont été classés au degré 6 relativement à l’élément Prise de décision puisque dans ces postes [traduction« les décisions prises portent sur le choix des façons d’exécuter les programmes, en fonction de divers programmes, projets ou opérations intégrés et les décisions sont fondées sur une expertise éprouvée dans le domaine en cause ». Autrement dit, le niveau de complexité est plus élevé et les décisions exigent une expertise dans le domaine en cause. Ce deuxième extrait du rapport n’est pas mis en opposition à quoi que ce soit et ne contredit rien. En effet, il ne précise pas l’idée exprimée dans le premier extrait. Les deux extraits sont distincts. Il vaut la peine de citer en entier le passage dans lequel le Comité conclut que le degré 6 est le degré approprié :

[traduction] 

Le Comité estime que les plaignants ont eu raison de prétendre que les postes en cause devaient être évalués au degré 6 relativement à la prise de décision, puisque les titulaires des postes doivent prendre des décisions sur le choix des façons d’exécuter les programmes, en fonction des divers projets ou programmes, et ces décisions doivent être fondées sur une expertise éprouvée dans le domaine en cause. Cette conclusion est par ailleurs étayée par un examen comparatif des exemples d’activités professionnelles décrits au paragraphe 6.6.6 des lignes directrices d’application. En effet, comme dans les postes en cause, le titulaire établit l’orientation et les priorités de l’exécution stratégique du programme dans le cadre du secteur opérationnel de l’Agence, fixe l’orientation stratégique de ce secteur, formule des recommandations sur les conséquences opérationnelles et financières des propositions qui auront une influence sur l’efficacité de la prestation des services et des programmes.[Non souligné dans la lettre de décision.]

[30]           Lu dans son ensemble, ce paragraphe du rapport veut dire que l’évaluation au degré 6 est appropriée parce que, après comparaison, on constate que les aspects relatifs à la prise de décision n’atteignent pas le degré 7, et sont conformes aux lignes directrices et aux exemples d’activités professionnelles décrites au degré 6. Lorsqu’on a compris que le premier extrait du rapport présenté dans la décision se rapporte, en fait, au degré 7, et que le deuxième extrait se rapporte au degré 6, il devient très difficile de comprendre comment ces extraits justifient la décision de l’administrateur général. Les deux extraits ne sont pas contradictoires. Ils nous amènent à la même conclusion, à savoir que le degré 6 correspond à la description de travail et au contenu du poste. Mais ils le font sous deux angles différents. Premièrement, le Comité établit que le degré 6 est approprié et s’appuie sur les exemples d’activités professionnelles donnés dans le paragraphe 6.6.6 lié au degré 6. Le Comité poursuit sa démarche pour conclure que le poste n’atteint pas le degré 7.

[31]           Le paragraphe de la décision n’explique pas comment ces deux extraits, pris hors contexte, permettent d’établir que le degré 5 est plus approprié. Au mieux, il est vrai que [traduction« dans les postes en cause, aucune décision exigeant un examen approfondi des liens qui existent entre les programmes ou les priorités nationales ne doit être prise […] », et ce, parce que cette dernière affirmation se rapporte au degré 7. Si l’administrateur général mentionne, dans la deuxième phrase, que les termes cités expliquent mieux la norme, il semble confirmer que le degré 6 est approprié puisque ce sont précisément ces termes qui sont utilisés à la fin du rapport.

[32]                En juxtaposant ces deux phrases en ordre inverse et en les liant, dans la version originale, par le mot « rather » (plutôt) dans la lettre de décision, l’auteur semble à tort prendre pour acquis que le Comité n’a pas conclu que le degré 6 était approprié, mais plutôt qu’il fallait accorder le degré 5. Voila à tout le moins une interprétation, celle que font valoir les demandeurs. Le paragraphe ci‑dessous de la note appuyant la décision semble confirmer cette interprétation :

[traduction] 

Toutefois, dans son rapport, le Comité de règlement des griefs dit que « dans les postes en cause, aucune décision exigeant un examen approfondi des liens qui existent entre les programmes ou les priorités nationales ne doit être prise; ces questions relèvent de cadres supérieurs ». Cette affirmation vient avant tout contredire la définition du degré 6 concernant la prise de décision et reconnaît que, au sein de l’Agence, ces questions relèvent des cadres supérieurs.

Le problème, c’est que le Comité ne parlait pas du degré 6, comme le croit, à tort, le rédacteur, mais plutôt du degré 7. Le Comité reconnaissait tout simplement que les postes en cause n’atteignaient pas le degré 7. Après lecture de l’extrait dans son contexte, il appert que le Comité ne comparait pas les activités professionnelles au degré 6 mais au degré 7. Il arrive à la conclusion que les responsabilités décrites relèvent de cadres supérieurs, c’est‑à‑dire du degré 7. Il s’agissait d’exemples d’activités professionnelles donnés au paragraphe 6.7.1. Dans sa note, l’ASFC semble établir un rapport d’égalité entre les exemples d’activités visés au paragraphe 6.7.1 et le degré 6. Les degrés 6 et 7 auraient malheureusement été confondus.

[33]           Le défendeur n’a pas présenté sa propre interprétation de ce paragraphe de la lettre de décision. La seule autre interprétation du paragraphe, c’est qu’il ne permet pas de conclure que le degré 5 est plus approprié. La conclusion n’est en quelque sorte pas logique. Si le premier extrait vise le degré 7 et le deuxième le degré 6, où est le degré 5? Rien n’explique pourquoi il faudrait préférer le degré 5 en se fondant sur ces deux extraits qui portent sur les degrés 6 et 7. Quoi qu’il en soit, la norme du caractère raisonnable, qui exige une justification, la transparence et l’intelligibilité, n’est pas respectée.

[34]           En outre, l’administrateur général critique le Comité pour ne pas avoir tenu compte du « contexte organisationnel » en formulant sa recommandation. Non seulement j’ai de la difficulté à bien cerner le sens de cette expression, mais je ne vois pas comment on peut affirmer que le contexte n’a pas été pris en compte. Il est clair que le Comité s’est efforcé d’obtenir le point de vue de l’administration. Non seulement il a interviewé le gestionnaire qui, selon l’ASFC, était la personne susceptible de fournir de l’information supplémentaire mais, lorsque cette personne a mentionné qu’elle n’était pas en poste depuis très longtemps, le Comité a interviewé deux autres gestionnaires. D’ailleurs, l’un des gestionnaires a été interviewé à deux reprises.

[35]           En se fondant sur ces entrevues et les documents dont il disposait, le Comité a affirmé que « les structures organisationnelles qui entourent les postes en cause varient considérablement d’une région à l’autre et, dans certaines régions, les postes administrent deux programmes ou plus en même temps alors que, dans d’autres, ils n’en administrent qu’un seul » (page 12 du rapport). Cela pourrait expliquer en partie le commentaire suivant : « les postes en cause existent dans un contexte organisationnel différent selon la région » qui apparaît plus tard dans le rapport » (page 13 du rapport). Il est clair, selon moi, que le Comité a tenu compte de ce qui, de son point de vue, était le contexte organisationnel.

[36]           Il aurait peut-être été préférable que, pour exprimer sa préoccupation, l’administrateur général déclare qu’il n’était pas d’accord avec la façon dont on avait tenu compte du « contexte organisationnel ». Mais, ce faisant, il aurait dû expliquer son point de vue pour assurer le caractère raisonnable de la décision qui tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité.

[37]           Le Comité disposait toutefois d’une description de travail générique approuvée par l’employeur en 2010 par suite d’un grief concernant la nature du travail. C’est sur cette base que le grief a été entendu. Les descriptions de travail peuvent différer selon le poste mais cela ne change rien à la réalité dont le Comité devait tenir compte : il ne disposait que d’une seule description de travail qu’il devait évaluer.

[38]           Ces extraits ne permettent pas d’étayer raisonnablement la conclusion que le degré 5 est le plus approprié. En ce sens, la seule conclusion qu’il est possible de tirer, c’est que la décision a été prise arbitrairement. La juge Gleason de la Cour a examiné la jurisprudence sur la notion d’« arbitraire » et a écrit ce qui suit au paragraphe 37 de Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319 :

La définition du mot « arbitraire » est un peu moins contraignante. Dans l’arrêt Khakh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 116 FTR 310, [1996] ACF no 980, au paragraphe 6, le juge Campbell indique, en renvoyant à la définition figurant dans le dictionnaire, que le mot « arbitraire » signifie qui dépend du caprice, qui est soumis au libre arbitre ou à la fantaisie et entraîne des changements d’intérêt et d’attitude, et qui n’est pas guidé par un jugement, une intention ou un objectif continu. Dans l’arrêt Matando c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 416, au paragraphe 1, [2005] ACF no 509, le juge Harrington va plus ou moins dans le même sens en indiquant que le terme « arbitraire » désigne quelque chose « qui est irrégulier au point de sembler ne pas être conforme au droit ». Le principe qui se dégage de nombreuses décisions est que les conclusions qui sont fondées sur des hypothèses sont arbitraires. Dans l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Satiacum (1989), 99 NR 171, [1989] ACF no 505 (CAF), au paragraphe 33, le juge MacGuigan, s’exprimant au nom de la Cour, a formulé les observations suivantes sur les hypothèses :

La différence entre une déduction justifiée et une simple hypothèse est reconnue depuis longtemps en common law. Lord Macmillan fait la distinction suivante dans l'arrêt Jones v. Great Western Railway Co. [renvoi omis] :

[traduction] Il est souvent très difficile de faire la distinction entre une hypothèse et une déduction. Une hypothèse peut être plausible mais elle n'a aucune valeur en droit puisqu'il s'agit d'une simple supposition. Par contre, une déduction au sens juridique est une déduction tirée de la preuve et si elle est justifiée, elle pourra avoir une valeur probante […]

Dans la présente affaire, l’absence de justification fait en sorte que la décision est arbitraire et que la Cour doit intervenir (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales).

[39]           Le contrôle judiciaire n’est pas une compétition opposant l’administrateur général et le Comité. Le Comité présente tout simplement une recommandation et l’administrateur général a le droit ne pas la suivre. Comme nous l’avons dit, l’administrateur général a le droit de ne pas suivre la recommandation. Dans la note à l’appui de la décision, il est mentionné qu’il arrive rarement qu’une recommandation soit rejetée. Quoi qu’il en soit, la décision appartient à  l’administrateur général qui peut ne pas être du même avis que le Comité.

[40]           Toutefois, ce faisant, l’administrateur général ne peut agir arbitrairement et sa décision doit être raisonnable au sens du paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, précité. Eu égard à l’expertise que possèdent habituellement les comités de règlement des griefs de classification, la tâche peut s’avérer difficile. En l’espèce, comme j’ai tenté de le démontrer, la décision ne respecte pas le critère qui tient à la « justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ». Elle échoue également puisque la Cour n’arrive pas à comprendre comment la décision peut faire partie des issues possibles et acceptables. Dans la décision, l’administrateur général tente de s’appuyer sur certains extraits tirés du rapport du Comité, mais les phrases mentionnées n’ont apparemment pas été comprises.

[41]                    La Cour reconnaît qu’il n’est pas nécessaire que la décision et sa justification soient parfaites. Il n’est pas non plus nécessaire de traiter de tous les arguments. Il se peut très bien qu’il existe plus d’une issue possible acceptable pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La Cour porte une attention toute particulière à l’avertissement de la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir voulant que les cours de justice ne peuvent toutefois pas « invoquer la notion de raisonnabilité pour imposer dans les faits leurs propres vues » (paragraphe 48). Cependant, le juge qui siège en révision doit comprendre le fondement de la décision pour pouvoir décider s’il s’agit d’une décision acceptable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland and Labrador Nurses’ Union]). La lettre de décision qui fait l’objet du présent contrôle ainsi que la note à l’appui manquent cruellement de clarté et ne respectent donc pas ce critère minimal.

[42]           J’ajouterais que la Cour s’est également interrogée sur le fait que l’administrateur s’est fondé sur [traduction« l’objectif de la création du poste de gestionnaire, Programmes régionaux ». La question de savoir quelle importance il faut donner à l’examen de l’intention qui sous‑tend la création du poste demeure sans réponse. Le poste est indubitablement ce qu’il est, sans plus. Si la nature du poste fait en sorte qu’il doit être classifié à un degré élevé en rapport avec l’élément Prise de décision, il est un peu tard pour prétendre que telle n’était pas l’intention de la haute direction.

[43]           Dans la décision, la nouvelle affirmation selon laquelle le Comité n’a pas évalué l’objectif de la création du poste ne satisfait pas non plus à la norme de la raisonnabilité. D’ailleurs, il n’est pas du tout clair, à cette étape, comment cela pourrait être pertinent. Quoi qu’il en soit, la Cour n’a pas besoin d’en dire davantage sur la non-pertinence éventuelle de cet élément puisque la Cour a conclu que « l’objectif de la création du poste » n’est pas mentionné comme étant une préoccupation, rendant par le fait même impossible pour la « cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, paragraphe 16).

Conclusion

[44]           Dans une affaire comme celle-ci, les motifs pour lesquels une recommandation bien articulée n’est pas retenue doivent être intelligibles, en ce sens qu’ils [traduction« peuvent être compris » (The Canadian Oxford Dictionary, 2001, au mot « intelligible »). Avec égard, la décision n’est pas vraiment intelligible. Il semble que certaines déclarations relatives aux degrés 7 et 6 soient considérées comme portant sur les degrés 6 et 5. Si tel n’était pas réellement le sens de la décision, le défendeur n’a pas non plus réussi à éclairer la Cour en fournissant une autre explication. Le défendeur semble également se fonder sur « l’objectif de la création du poste » pour éloigner son analyse de la description de travail qui est au cœur de l’arbitrage des griefs. Enfin, il critique le Comité pour n’avoir pas tenu compte du contexte organisationnel alors qu’il semblerait que le Comité l’ait fait. Si l’administrateur général n’était pas d’accord avec les conclusions pour cette raison, il n’a pas expliqué la source de son désaccord. Au final, il a été impossible pour la cour de révision de comprendre « le fondement de la décision du tribunal » (arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, précité, paragraphe 16).

[45]           La conclusion de la Cour concernant le caractère raisonnable de la décision suffit pour trancher l’affaire. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, avec dépens.

[46]           Il n’est donc pas nécessaire d’examiner l’argument subsidiaire des demandeurs concernant la violation du principe d’équité procédurale. Néanmoins, je me permets de souligner que, comme l’affaire est renvoyée pour nouvelle décision et compte tenu de l’expertise du Comité et du fait que le fondement de la recommandation du Comité aurait été mal interprété, il serait probablement utile d’entendre les commentaires et les observations des demandeurs afin de disposer du portrait le plus précis et le plus clair possible de la situation. J’ai en particulier à l’esprit l’usage qu’a fait l’administrateur général de « l’objectif de la création du poste de gestionnaire, Programmes régionaux », en supposant bien sûr qu’il s’agit d’une information pertinente dans le cadre d’une décision en matière de classification. De même, comme je l’ai déjà mentionné, le Comité a tenu compte du contexte organisationnel, mais l’administrateur soit était en désaccord avec ses conclusions, soit voulait dire autre chose quand il a affirmé que le Comité avait omis de faire « ce qu’exigent les lignes directrices d’application de la norme de classification ». Il serait préférable de disposer d’un dossier clair.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 25 février 2013 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada est accueillie avec dépens. Le dossier est renvoyé pour nouvel examen en conformité avec les présents motifs du jugement.

« Yvan Roy »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-518-13

 

INTITULÉ :

MURRAY WILKINSON, JERRY JESSO, CHRISTOPHER ARGUE, JAMES BASTARACHE, CATHERINE BLACK, CYNTHIA BURNS, LAURA CLARKE, RICHARD CUZZETTO, ANGELO DE RIGGI, JEFF DUNK, GEORGE DURSTON, JACQUES FRECHETTE, LILY-CLAUDE FORTIN, FRANK GONCLAVES, NELSON GUAY, CLAUDE HARVEY, MARK HASTIE, MARK HAYES, FANNY HO, ALANA HUNTLEY, MARK KAPICZOWSKI, KEVIN KELLY, ROSE-ANN JANG, ALAN JOHNS, ANGELIA JOHNSON, CAMERON JUNG, BOB LEDOUX, ROBERT LOHNES, INA MCRAE, DEBBIE MAIN, GREGORY MCKENNA, SHANE MCKINNON, KAREN MCMAHON, MICHAEL MCPHALEN, MAUREEN MILLER, MANJIT SINGH MOORE, RON NAULT, FIONA NORTHCOTE, HENRY PETERS, LINDA ROBERTSON, RALPH SCHOENIG, PATRICK SCOTT, DARLENE STAMP, RICHARD STEFANIUK, DOUG TISDALE, KEITH WATKINS, HARALD WUIGK c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 JANVIER 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 JUILLET 2014

 

COMPARUTIONS :

M. Andrew Raven

Mme Morgan Rowe

 

POUR LES DEMANDEURS

 

M. Sean Kelly

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.