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Date : 20140723


Dossier : T-1042-10

Référence : 2014 CF 732

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

ASSOCIATED MECHANICAL TRADES INCORPORATED

demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande visant à obtenir un bref de mandamus en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7. La demanderesse sollicite ce bref en vue de contraindre l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) à rectifier des erreurs qui auraient été commises dans ses comptes de retenues sur la paie et de taxe sur les produits et services (TPS) et à fournir de nouveaux états de compte.

I.                   Les questions en litige

[2]               Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

A.    Y a-t-il des erreurs de comptabilité dans les comptes de retenues sur la paie ou de TPS de la demanderesse?

B.     Si oui, ces erreurs justifient-elles la délivrance du bref de mandamus que sollicite la demanderesse?

II.                Le contexte

[3]               La demanderesse est une entreprise d’installations mécaniques qui a été constituée en société en 1996. L’ARC allègue que la demanderesse a des dettes de retenues sur la paie et de TPS en souffrance (les dettes). En date du 25 juillet 2011, la dette au titre des retenues sur la paie s’élevait à 1 227 387,59 $, et la dette au titre de la TPS s’élevait à 275 055,54 $. C’est le calcul de ces dettes qui est à l’origine du litige qui sous-tend la présente demande.

[4]               Selon l’affidavit de Jon-Paul Rebellato, agent des cas complexes au service de l’ARC, une dette au titre des retenues sur la paie a fait l’objet d’une cotisation initiale à l’égard de la demanderesse en 1997, et elle est reportée depuis ce temps. Cette dette découle de l’obligation de la demanderesse de retenir sur la paie des employés les montants d’impôt, les cotisations d’assurance-emploi et les cotisations au Régime de pensions du Canada qui s’appliquent ainsi que de verser les montants ainsi recueillis à l’ARC.

[5]               Parallèlement, M. Rebellato déclare que la dette de TPS a fait l’objet d’une cotisation initiale à l’égard de la demanderesse en 1997. Cette dette, qui est en souffrance depuis 2001, découle de l’obligation de la demanderesse de percevoir et de verser la TPS sur la majeure partie de ses ventes.

[6]               En mars 2009, M. Rebellato a été chargé de gérer le recouvrement des dettes de la demanderesse. Il allègue qu’il s’est entretenu à plusieurs reprises avec le président de la demanderesse, Edward Pupolin, mais ce dernier n’a pas convenu d’un calendrier de remboursement.

[7]               En avril 2009, M. Rebellato a envoyé une demande formelle de paiement (la DFP) visant un compte débiteur de la demanderesse, car aucun versement n’avait été fait depuis onze mois. Le 20 avril 2009, il a informé M. Pupolin au téléphone que la DFP serait levée s’il était possible de titriser les dettes de la demanderesse, mais aucune entente n’a été convenue.

[8]               Le 25 août 2009, M. Rebellato a envoyé à la demanderesse une lettre demandant des renseignements, dont des documents financiers, des organigrammes, ainsi qu’une liste de la totalité des comptes débiteurs et créditeurs (la lettre du 25 août). Il était précisé dans cette lettre qu’il serait impossible d’arriver à une entente de paiement si la demanderesse ne transmettait pas à l’ARC les renseignements requis dans les dix jours ouvrables suivants. Cela n’a pas été fait.

[9]               Le 8 octobre 2009, l’avocat de la demanderesse, MJohn Middlebrook, a rencontré M. Rebellato. Selon ce dernier, Me Middlebrook a laissé entendre au cours de la rencontre qu’il y avait des erreurs dans les comptes de retenues sur la paie et de TPS de la demanderesse, mais sans donner de détails. Me Middlebrook a fourni certains des documents qui avaient été demandés dans la lettre du 25 août, a convenu d’un délai d’un an pour régler les dettes de la demanderesse et a accepté que les paiements débutent le 21 octobre 2009. Les deux hommes ont également convenu de se réunir le 22 octobre 2009 afin que Me Middlebrook remette à M. Rebellato les éléments non encore transmis qui avaient été demandés dans la lettre du 25 août, de même qu’une ébauche de calendrier de paiements. Me Middlebrook ne s’est toutefois pas présenté à cette réunion.

[10]           Le 13 octobre 2009, Me Middlebrook a écrit à M. Rebellato pour lui demander un historique détaillé des comptes de TPS et de retenues sur la paie de la demanderesse.

[11]           Selon l’affidavit de Lori Masatti, ancienne employée de la demanderesse, M. Rebellato a convenu lors d’une prise de contact avec Me Middlebrook en septembre et en octobre 2009 de s’abstenir de prendre des mesures de recouvrement, à la condition que les communications avec l’ARC se poursuivent. La preuve de M. Rebellato est différente : la fois suivante où il a rencontré Me Middlebrook, soit le 28 octobre 2009, celui-ci l’a informé que ses clients lui avaient donné instruction de retenir les documents restants qui avaient été demandés dans la lettre du 25 août, car ils craignaient de faire l’objet d’une poursuite. M. Rebellato a déclaré qu’aucune poursuite ne serait engagée si le reste des renseignements qui avaient été demandés dans la lettre du 25 août étaient livrés le lendemain par messager à l’ARC et si la communication et la collaboration avec l’ARC se poursuivaient. Selon M. Rebellato, il lui a été impossible de communiquer directement avec Me Middlebrook avant le 10 novembre 2009, et les renseignements demandés n’ont jamais été fournis.

[12]           Le 30 octobre 2009, M. Rebellato a envoyé à la demanderesse un état de compte des retenues sur la paie, comme Me Middlebrook l’avait demandé dans sa lettre du 13 octobre 2009.

[13]           Le 5 novembre 2009, M. Rebellato a transmis des DFP relatives aux dettes de la demanderesse à deux institutions financières.

[14]           Le 13 novembre 2009, M. Rebellato a envoyé à Me Middlebrook une copie d’une ébauche d’entente de paiement.

[15]           Le 25 novembre 2009, l’agente Sharon Dworski, de l’ARC, a envoyé à la demanderesse un état de compte de la TPS, comme l’avait demandé Me Middlebrook dans sa lettre du 13 octobre 2009.

[16]           Le 10 décembre 2009, Me Middlebrook a écrit à Mme Dworski, disant qu’il y avait des erreurs dans sept périodes de déclaration de TPS de la demanderesse. Ces erreurs ont été décrites de la façon suivante : [traduction] « [d]es nouvelles cotisations/cotisations ont été établies à l’égard de ces périodes, ce qui a donné lieu à un dédoublement du montant de la taxe d’accise à payer sur ce compte. »

[17]           Le 16 décembre 2009, M. Rebellato a envoyé des DFP visant tous les comptes débiteurs de la demanderesse que l’ARC connaissait.

[18]           Le 5 février 2010, Me Middlebrook a écrit à M. Rebellato, soutenant qu’il y avait des montants de 339 851,38 $ et de 293 645,65 $ qui avaient été comptés en double pour l’établissement des cotisations à l’égard de son compte de retenues sur la paie en février 1999. Dans cette lettre, il exigeait que ces erreurs, de même que la totalité des intérêts et des pénalités en résultant, soient annulées dans les dix jours suivants, faute de quoi une action en justice serait engagée.

[19]           Le 10 février 2010, Me Middlebrook et M. Rebellato se sont parlé au téléphone. Selon ce dernier, Me Middlebrook a déclaré que les états de compte des retenues sur la paie et de la TPS que l’ARC avait fournis le 30 octobre et le 25 novembre 2009 n’étaient pas suffisants pour qu’il puisse procéder à un rapprochement des comptes. Il a demandé que l’on sursoie aux mesures de recouvrement jusqu’à ce que les comptes aient été rapprochés. M. Rebellato a signalé que la demanderesse, à cette date-là, ne s’était conformée à aucune de ses demandes.

[20]           M. Rebellato déclare avoir été avisé le 11 février 2010 que la rectification des erreurs alléguées par la demanderesse dans sa lettre du 10 décembre 2009 obligerait cette dernière à produire des déclarations de TPS modifiées.

[21]           Le 19 février 2010, Me Middlebrook a écrit à M. Rebellato, laissant entendre que ce dernier agissait de mauvaise foi et qu’il ne tenait pas compte des droits de la demanderesse. Le même jour, Me Middlebrook a écrit à Mme Dworski, disant qu’il n’avait pas reçu de réponse à sa lettre du 10 décembre 2009.

[22]           Le 25 février 2010, M. Rebellato a écrit à Me Middlebrook, disant que le compte de retenues sur la paie faisait l’objet d’un examen, conformément à la lettre du 5 février 2010 de Me Middlebrook. Il lui a rappelé que la demanderesse était toujours tenue de payer ses dettes.

[23]           Le 3 mai 2010, Me Middlebrook a écrit à M. Rebellato, disant qu’il n’avait reçu aucune lettre de l’ARC concernant les erreurs relatives aux retenues sur la paie dont il était question dans sa lettre du 5 février 2010, ou les erreurs relatives à la TPS décrites dans sa lettre du 10 décembre 2009.

[24]           M. Rebellato a répondu par écrit le 13 mai 2010, disant que le compte de retenues sur la paie de la demanderesse avait fait l’objet d’un rapprochement et qu’il était exact, et que les corrections à apporter au compte de TPS de la demanderesse devaient être effectuées par la production de déclarations de TPS modifiées.

[25]           C’est Harish Manocha, conseiller technique auprès de l’ARC, qui a procédé au rapprochement du compte de retenues sur la paie de la demanderesse. M. Manocha a cherché s’il y avait des cotisations en double et a vérifié s’il y avait des différences entre ces dernières et les montants que la demanderesse avait retenus sur la paie des employés. Après avoir examiné les documents pertinents de l’ARC, il a conclu que les cotisations n’avaient pas été établies en double et qu’il n’y avait pas eu d’erreur.

[26]           Le 30 juin 2010, la demanderesse a déposé la présente demande auprès de la Cour fédérale

III.             L’analyse

A.                Y a-t-il des erreurs de comptabilité dans les comptes de retenues sur la paie ou de TPS de la demanderesse?

[27]           Les erreurs précises dont la demanderesse fait état dans son mémoire initial des faits et du droit sont tirées de l’affidavit de Mme Masatti, aux paragraphes 24 à 31 :

a.       un montant de 633 497,03 $ en cotisations pour retenues sur la paie, qui est une répétition de frais antérieurs. Cette différence a trait à des cotisations relatives au compte de retenues sur la paie établies en 1999 par rapport à de prétendus frais en double de 339 851,38 $ et de 293 645,65 $, établis dans les années d’imposition 1997 et 1998, respectivement;

b.      une différence de 145 829,55 $ entre un crédit décrit dans l’état de compte des retenues sur la paie du 30 octobre 2009 et un avis de divergence daté du 3 mai 2000. Cette différence est liée au compte de retenues sur la paie qui s’applique à l’année d’imposition 1999;

c.       une différence de 25 030,21 $ entre l’état de compte des retenues sur la paie du 30 octobre 2009 et un avis de divergence daté du 4 avril 2007. Cette différence est liée au compte de retenues sur la paie qui s’applique à l’année d’imposition 2006;

d.      une différence de 21 393,23 $ entre l’état de compte des retenues sur la paie du 30 octobre 2009 et un avis de divergence daté du 16 avril 2008. Cette différence est liée au compte de retenues sur la paie qui s’applique à l’année d’imposition 2007;

e.       une différence de 331 720,87 $ entre un état de compte d’un examinateur de l’ARC, daté du 21 avril 2009, et un avis de divergence daté du 29 avril 2009. Cette différence est liée au compte de retenues sur la paie qui s’applique à l’année d’imposition 2008.

[28]           À la suite d’une ordonnance de la Cour datée du 24 avril 2013, la demanderesse a contre‑interrogé une seconde fois Harish Manocha sur son affidavit, souscrit le 3 novembre 2013. Ce dernier a confirmé que, d’après son examen du compte de retenues sur la paie de la demanderesse, fait le 23 février 2010 ou vers cette date, en vue de déterminer si des cotisations avaient été établies en double, il avait conclu que l’ARC ne l’avait pas fait. Tous les documents que M. Manocha avait examinés ont été fournis à la demanderesse.

[29]           Les allégations de la demanderesse sont sans fondement. Ses prétentions peuvent se résumer aux cinq erreurs alléguées dans les comptes de retenues sur la paie et aux sept erreurs alléguées dans les diverses périodes de déclaration de la TPS. Il est question de toutes ces erreurs dans les affidavits de M. Rebellato, de M. Baker et de M. Manocha. Leurs explications sont logiques et raisonnables, et la demanderesse n’a rien fait pour les réfuter. Même si cette dernière conteste l’examen que M. Manocha a fait, je suis d’avis que cet examen était raisonnable, vu la nature distincte de la tâche qui lui avait été confiée. Il n’avait pas besoin de produire des notes ou d’examiner le compte de retenues sur la paie en entier. La défenderesse a traité de chacune des erreurs dont la demanderesse a fait état dans la présente demande.

[30]           De plus, rien dans la conduite des représentants de l’ARC ne m’inciterait à douter de la crédibilité de leurs explications. Contrairement à l’affidavit de Mme Masatti, celui de M. Rebellato indique avec précision les dates et la nature des conversations qu’il a eues avec Me Middlebrook. Il s’agit là selon moi d’un compte rendu plus fiable du fond et de la nature des rapports entre les parties, et il dénote que les représentants de l’ARC ont été raisonnablement diligents, coopératifs et francs dans leurs rapports avec la demanderesse. Ils ont fourni un état détaillé de ses comptes de TPS et de retenues sur la paie, avant qu’elle n’allègue que des erreurs précises avaient été commises. Ils ont tenté à maintes reprises de communiquer avec elle ainsi que de trouver un moyen de régler ses dettes, et ce, sans interruption jusqu’à l’audition de la présente demande, le 18 juillet 2014. On ne peut en dire autant de la demanderesse. Celle-ci n’a pas fourni les documents demandés, n’a pas été à la disposition de M. Rebellato pendant de longues périodes et n’a pas semblé faciliter le règlement des questions en litige entre les parties.

B.                 Si oui, ces erreurs justifient-elles la délivrance du bref de mandamus que sollicite la demanderesse?

[31]           Compte tenu de mes conclusions selon lesquelles il n’y a pas d’erreurs à rectifier, et du fait que la demanderesse n’a pas établi qu’une autre forme de comptabilisation serait raisonnable ou plus appropriée que celle que la défenderesse a fournie, il n’est pas justifié de délivrer un bref de mandamus.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande est rejetée;

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

M.-C. Gervais

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1042-10

 

INTITULÉ :

ASSOCIATED MECHANICAL TRADES INCORPORATED c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 18 juillet 2014

 

jugement et motifs :

le juge manson

 

DATE DES MOTIFS :

le 23 juillet 2014

 

COMPARUTIONS :

Michelle R. Theberge

 

pour la demanderesse,

ASSOCIATED MECHANICAL TRADES INCORPORATED

 

Angela Shen

Kevin Dias

POUR LA défenderesse,

SA MAJESTÉ LA REINE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Theberge Professional Corporation

Toronto (Ontario)

pour la demanderesse,

ASSOCIATED MECHANICAL TRADES INCORPORATED

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour la défenderesse,

SA MAJESTÉ LA REINE

 

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