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Date : 20140718

Dossier : IMM-5882-13

Référence : 2014 CF 717

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2014

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

NICHOLAS KIOKO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

Aperçu

[1]               M. Kioko est un citoyen du Kenya qui est entré au Canada comme visiteur en septembre 2005. Quelques semaines après son arrivée, il a demandé l’asile, faisant valoir qu’il craindrait pour sa vie s’il devait rentrer au Kenya. Il craint, plus particulièrement, de violentes représailles de la part d’un certain M. Kiplagat en raison d’une entrevue qu’il a accordée quelques semaines avant son départ et dans laquelle il a dit être sur le point de dénoncer certaines pratiques discutables de l’Association d’athlétisme kényane. À l’époque, M. Kiplagat était le président de cette association. La demande d’asile de M. Kioko a été acceptée en mai 2007, mais, en novembre 2010, son statut de personne à protéger a été révoqué, car il s’est avéré que M. Kioko avait caché certains faits importants dans sa demande d’asile, notamment ses arrestations et ses déclarations de culpabilité antérieures aux États-Unis, où il avait vécu avec sa femme et ses trois enfants de 2000 à 2004.

[2]               Devant faire face à une mesure de renvoi, M. Kioko a demandé au ministre un examen des risques avant renvoi. Cette demande a été rejetée, car le ministre n’était pas convaincu, compte tenu de l’absence d’une preuve corroborante, que M. Kioko serait exposé, à son retour au Kenya, à une menace personnalisée de nature prospective pour sa vie ou à des traitements ou peines cruels et inusités. M. Kioko a contesté cet examen. En avril 2013, la Cour a ordonné que la demande d’examen des risques avant renvoi de M. Kioko soit révisée en tenant compte d’un élément de preuve, à savoir un mandat d’arrêt délivré contre M. Kioko au moment où il est parti pour le Canada en 2005, qu’il aurait pu mais n’a, à tort, pas déposé pour appuyer sa demande. En juillet 2013, le ministre a conclu que la preuve présentée par M. Kioko ne suffisait toujours pas à justifier un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi.

[3]               M. Kioko conteste maintenant cette décision plus récente à deux égards. Premièrement, il affirme que cette décision est fondée sur la crédibilité et qu’il avait par conséquent droit à une audience. Deuxièmement, il prétend que, dans le cadre du nouvel examen de la preuve, le ministre a ignoré ou rejeté arbitrairement des faits importants et a tiré des conclusions fondées sur des conjectures.

[4]               Pour les motifs qui suivent, M. Kioko ne m’a pas convaincu qu’il avait droit à une audience ni que la décision du ministre devait être modifiée.

I.                   Cadre juridique de l’examen des risques avant renvoi

[5]               Le fondement législatif des examens des risques avant renvoi se trouve à l’article 112 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2011, c 27 (la Loi). Cette disposition permet au ministre – ou à son délégué – de décider si une personne visée par une mesure de renvoi est une personne à protéger. Un examen favorable entraîne un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi.

[6]               Un examen des risques avant renvoi est mené lorsqu’un des motifs mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi est invoqué. Dans le cas de M. Kioko, l’examen a été mené sur le seul fondement de l’article 97, puisque M. Kioko a été jugé, dans le cadre de l’ordonnance d’annulation de novembre 2010, interdit de territoire au Canada pour grande criminalité.

[7]               Il incombe aux personnes qui demandent un examen des risques avant renvoi d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, qu’elles sont des personnes à protéger au Canada (Adetunji c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 708 au paragraphe 19, [2012] ACF no 698 (QL) [Adetunji]; Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 22, [2008] ACF no 1308 (QL)). Dans le cadre d’un examen fondé sur les facteurs énoncés à l’article 97 de la Loi, les demandeurs doivent prouver que leur renvoi dans leur pays d’origine les exposerait personnellement à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Ils doivent aussi prouver qu’ils ne pourraient pas – ou, en raison de ce risque, ne voudraient pas – demander la protection de ce pays, quelle que soit la région géographique où ils seraient renvoyés.

[8]               Dans le cadre d’une demande d’examen des risques avant renvoi, la notion de risque est une notion de nature prospective, et un risque personnalisé est un risque plus important que celui auquel est généralement exposée la population du pays d’origine (Campos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1244, au paragraphe 9, [2008] ACF no 1566 (QL) [Campos]; Andrade c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1074, au paragraphe 46, [2010] ACF no 1348 (QL) [Andrade]).

[9]               Les demandes d’examen des risques avant renvoi sont généralement évaluées sur la base des observations écrites et de la preuve documentaire fournies par le demandeur (décision Adetunji, précitée, au paragraphe 25), mais l’article 113 de la Loi prévoit que le ministre a le pouvoir discrétionnaire de tenir une audience si certains facteurs sont présents. Essentiellement, ces facteurs, énoncés à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), sont a) l’existence d’éléments de preuve qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur; b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection; et c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection (Liban c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1252, au paragraphe 12, [2008] ACF no 1608 (QL).

[10]           Dans le cadre de telles demandes, une audience constitue l’exception (Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 89, au paragraphe 38, [2012] ACF no 96 (QL) [Ahmad]; décision Adetunji, précitée, au paragraphe 25).

[11]           Les dispositions législatives et réglementaires précitées sont reproduites à l’annexe du présent jugement.

II.                Questions en litige

[12]           La présente affaire soulève deux questions. La première consiste à savoir si le ministre devait, dans les circonstances, tenir une audience. La deuxième est de savoir s’il était déraisonnable de la part du ministre de conclure que M. Kioko n’a pas démontré selon la prépondérance des probabilités qu’il serait exposé, advenant son retour au Kenya, à une menace pour sa vie ou à des traitements ou peines cruels et inusités aux termes de l’article 97 de la Loi.

III.             Question 1 : Le ministre devait-il tenir une audience?

A.                Norme de contrôle

[13]           La norme de contrôle applicable aux décisions portant sur des demandes d’examen des risques avant renvoi (ERAR) diffère selon la nature des questions soulevées. Puisqu’il s’agit en grande partie d’un examen des faits, les cours ont constamment appliqué la norme de la décision raisonnable à la détermination du risque lors du retour dans un pays donné. Ces conclusions, notamment celles qui concernent le poids à accorder à la preuve, justifient une grande retenue en raison de l’expertise particulière du ministre en matière d’évaluation des risques (décisions précitées : Adetunji, au paragraphe 22; Ahmad, au paragraphe 41).

[14]           Par ailleurs, les questions d’équité procédurale exigent une norme de contrôle plus exigeante, soit la norme de la décision correcte, et il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue envers l’auteur de la décision (décision Adetunji, précitée, au paragraphe 23). Cependant, la jurisprudence de la Cour est partagée en ce qui a trait à la norme de contrôle devant être appliquée à la décision du ministre de tenir ou non une audience dans le cadre d’une demande d’examen des risques avant renvoi.

[15]           Dans certains jugements, la Cour a estimé que la décision de ne pas tenir d’audience était une violation de l’équité procédurale et a donc appliqué la norme de la décision correcte. Par contre, dans d’autres jugements, elle a jugé que l’évaluation de la pertinence de tenir une audience en fonction des particularités d’un dossier et des facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement supposait l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qui justifiait la retenue et que la norme de la décision raisonnable devait donc être appliquée (décisions précitées : Andrade, aux paragraphes 19 et 20; Adetunji, au paragraphe 24).

[16]           Dans son exposé des faits et du droit, l’avocate de M. Kioko a fait valoir que la norme de contrôle applicable à la décision du ministre de tenir ou non une audience était celle de la décision raisonnable (au paragraphe 23). Or, à l’audience, elle a fait valoir que la norme applicable était celle de la décision correcte, ce que le défendeur conteste. Ce dernier soutient que la norme applicable est celle de la décision raisonnable.

[17]           Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la norme de la décision raisonnable s’applique à de telles décisions. L’article 113 de la Loi précise clairement qu’une audience dans le cadre d’une demande d’examen des risques avant renvoi n’est tenue que dans des circonstances très précises prévues par le système de réglementation des examens des risques avant renvoi. Pour reprendre les termes du juge de Montigny dans l’affaire Adetunji, précitée, la décision de tenir une audience « n’est pas prise de façon abstraite, suivant l’interprétation que donne chaque agent aux exigences liées à l’équité procédurale »; elle est plutôt prise « en appliquant les facteurs prescrits à l’article 167 du Règlement aux faits de la cause dont il est saisi » (décision Adetunji, précitée, au paragraphe 27).

[18]           Par conséquent, le fait de décider de tenir ou non une audience dans le contexte particulier d’une demande d’examen des risques avant renvoi est, à mon avis, clairement une question mixte de droit et de fait, et une question à l’égard de laquelle le ministre, appelé ici à interpréter sa propre loi habilitante, a une expertise (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 25, [2009] 1 RCS 339; Celgene Corp. c Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, au paragraphe 34, [2011] 1 RCS 3; Nolan c Kerry (Canada) Inc., 2009 CSC 39, au paragraphe 35, [2009] 2 RCS 678; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 41, [2008] 1 RCS 190).

[19]           Par conséquent, je partage l’opinion de mes collègues qui ont soutenu que de telles décisions justifient la retenue et doivent être contrôlées selon la norme de la décision raisonnable (décisions précitées : Adetunji, au paragraphe 27; Andrade, aux paragraphes 21 et 22; Ventura c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 871, au paragraphe 18, [2010] ACF no 1079 (QL)).

[20]           Selon les facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement, la première question à trancher est donc de savoir si la décision du ministre de rejeter la demande d’examen des risques avant renvoi de M. Kioko était fondée sur la crédibilité de celui-ci ou plutôt sur le fait qu’il n’avait pas présenté une preuve suffisante permettant de conclure qu’il serait personnellement exposé à un risque s’il était renvoyé au Kenya (décision Adetunji, précitée, au paragraphe 30). Si la crédibilité est mise en cause, on doit chercher à savoir si cette question constituait un élément central de la décision du ministre de rejeter la demande de M. Kioko (Latifi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1388 au paragraphe 49, [2006] ACF no 1738 (QL)).

[21]           Il est bien établi qu’en répondant à cette question, la Cour doit analyser la décision contestée en allant au-delà des termes utilisés par le ministre. Autrement dit, elle doit décider si le véritable fondement de la décision est l’absence de crédibilité ou l’insuffisance de la preuve (décision Andrade, précitée, aux paragraphes 31 et 32).

[22]           Pour trancher la question du fondement réel de la décision contestée dans le cas présent, il est nécessaire d’examiner les faits de la cause dès le tout début.

B.                 Faits

(1)               La demande d’asile de M. Kioko et l’ordonnance d’annulation subséquente

[23]           M. Kioko est un coureur de fond. Il est venu au Canada pour la première fois en septembre 2005, muni d’un visa de résident temporaire pour participer au marathon de Montréal. Peu après, il a présenté une demande d’asile en raison de menaces à sa vie qu’auraient proférées des personnes de l’Association d’athlétisme kényane et des services secrets du gouvernement parce qu’il voulait dénoncer la vente de jeunes athlètes kényans à des pays du Moyen-Orient. Ces menaces découlaient toutes d’un seul événement, soit une entrevue donnée par M. Kioko à l’été 2005 au cours de laquelle il avait dénoncé certaines pratiques discutables de l’Association d’athlétisme kényane qui menaient toutes à une seule personne, M. Kiplagat, président de l’Association.

[24]           M. Kioko a fait valoir que dès que M. Kiplagat avait entendu parler de l’entrevue, celui-ci avait décidé de l’éliminer. Cette menace a incité M. Kioko à quitter Nairobi, où se trouvait sa résidence, pour aller vivre dans la maison de sa mère à la campagne. Alors qu’il vivait chez sa mère, il a appris que des inconnus étaient entrés par effraction dans sa maison à Nairobi, à sa recherche, et avaient grièvement blessé son cousin, qui surveillait la maison à l’époque. Une fois au Canada, il a appris que sa maison avait été incendiée. Le temps mis par les forces policières et les pompiers pour se rendre sur les lieux l’a amené à croire que les responsables bénéficiaient de la protection de la police. Il aurait aussi appris, une fois au Canada, que M. Kiplagat avait pris des dispositions afin que des accusations de sédition soient portées contre lui et qu’un mandat d’arrêt soit lancé contre lui.

[25]           M. Kioko a demandé l’asile à titre de personne à protéger en vertu de l’article 97 de la Loi. Le commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui a interrogé M. Kioko a cru à son histoire et a accepté sa demande.

[26]           Toutefois, l’histoire de M. Kioko ne s’arrête pas là. Tandis qu’il bénéficiait de la protection du Canada, des éléments prouvant que M. Kioko avait fourni des informations fausses ou trompeuses dans sa demande d’asile concernant des faits importants – comme son identité, sa situation de famille, ses passeports, ses arrestations et déclarations de culpabilité antérieures ainsi que des ordonnances à quitter un pays – ont commencé à apparaître.

[27]           Tout a commencé en janvier 2007, lorsque M. Kioko a été arrêté et détenu par les autorités douanières américaines alors qu’il tentait d’entrer aux États-Unis, où il avait encore de la famille, en présentant de faux documents. Il a, par la suite, plaidé coupable à l’accusation [traduction] « [d’]entrée illégale d’un étranger » et a été renvoyé au Canada. Cet incident a mis en lumière le fait qu’en 2004, tandis qu’il vivait aux États-Unis afin de poursuivre sa carrière et sa formation comme coureur de fond, M. Kioko avait été reconnu coupable de « batterie grave » à l’endroit de son épouse. Par suite de cette déclaration de culpabilité, il a été déporté au Kenya en mars 2005, où il a vécu jusqu’à son départ pour le Canada, six mois plus tard.

[28]           Cette découverte signifiait que M. Kioko aurait pu ne pas être admis au Canada en septembre 2005 et qu’il aurait fait de fausses déclarations concernant sa situation dans sa demande de protection au Canada. Cette constatation a déclenché une enquête de l’Agence des services frontaliers du Canada qui a mené à la révocation du statut de réfugié de M. Kioko. À partir de ce moment, M. Kioko a été interdit de territoire au Canada, et son renvoi au Kenya a été ordonné par le ministre. M. Kioko a demandé l’autorisation de contester l’ordonnance d’annulation, autorisation qui lui a été refusée.

(2)               La décision relative au premier examen des risques avant renvoi

[29]           Devant la perspective d’être renvoyé au Kenya, M. Kioko a de nouveau demandé la protection du Canada en demandant cette fois au ministre un examen des risques avant renvoi en vertu de l’article 112 de la Loi. Il a fait valoir à cet égard que M. Kiplagat cherchait toujours à se venger de lui pour l’entrevue de l’été 2005 en cherchant à organiser son arrestation, sa détention et sa déclaration de culpabilité pour les accusations de sédition portées contre lui, ou à le faire assassiner, et que M. Kiplagat était encore en position de le faire grâce à ses contacts importants avec les autorités du Kenya. Pour appuyer ses dires concernant la volonté présumée de M. Kiplagat de le punir, M. Kioko a déclaré qu’un parent lui avait dit qu’un de ses oncles était mort dans un accident de la route « suspect » en décembre 2010, peu après avoir été arrêté et interrogé sur ses allées et venues.

[30]           En juillet 2012, le ministre, par l’entremise d’un de ses délégués, l’agent principal C. Palmer (l’agent), a rejeté la demande de M. Kioko au motif que ses allégations n’étaient pas étayées par une preuve corroborante comme une copie du mandat d’arrêt et des renseignements sur l’accident de la route, un document attestant la mort de l’oncle et des renseignements sur le parent l’ayant informé de ce fait.

[31]           L’agent a aussi examiné les documents produits concernant la situation actuelle du pays, M. Kiplagat et l’Association d’athlétisme kényane. Il a estimé que, même si la corruption et l’impunité perduraient au Kenya, tout comme les rivalités ethniques et la pauvreté endémique, la situation du pays touchait tous les Kényans et ne mettait pas en évidence un risque personnalisé pour M. Kioko.

[32]           Quant à M. Kiplagat et à l’Association d’athlétisme kényane, l’agent a relevé que les problèmes de « vente » d’athlètes kényans avaient été rapportés dans la presse bien avant l’entrevue de M. Kioko en 2005 sur le sujet et de nombreux autres athlètes s’étant plaints de la corruption possible dans le milieu de l’athlétisme au Kenya. À son avis, compte tenu du temps qui s’était écoulé et du fait qu’il y avait maintenant une nouvelle génération d’athlètes, la preuve ne suffisait pas pour conclure que M. Kiplagat ou d’autres membres de l’Association d’athlétisme kényane s’intéresseraient encore à M. Kioko. Il a relevé à cet égard que personne parmi la famille, les amis ou les compagnons d’athlétisme de M. Kioko n’avait présenté une preuve pour le compte de M. Kioko concernant un danger personnalisé en raison de l’entrevue de l’été 2005 ou en ce qui a trait aux autorités kényanes.

(3)               La décision relative au deuxième examen des risques avant renvoi

[33]           Sur ordonnance de la Cour, les risques avant renvoi touchant M. Kioko ont été réexaminés en tenant compte du mandat d’arrêt délivré contre lui. Pour ce réexamen, M. Kioko a déposé un nouvel affidavit dans lequel il fournissait des détails sur l’accident de la route dans lequel son oncle était mort. Ces détails ont été fournis dans l’affidavit d’un membre de la famille qui avait été appelé sur les lieux de l’accident par les policiers et qui avait été informé par des témoins que les policiers avaient mis du temps à intervenir, alors que son oncle blessé semblait encore en vie. M. Kioko a aussi présenté des reçus d’hôpital apparemment associés aux soins médicaux reçus par son cousin après qu’il eut été battu par des inconnus pendant qu’il gardait sa maison en août 2005. Enfin, il a déclaré qu’un autre oncle avait été tué pendant le cambriolage de sa maison. Plus particulièrement, il a déclaré que ce décès était survenu à peu près au moment où son avocat plaidait devant la Cour en avril 2013. M. Kioko a toutefois reconnu qu’il n’y avait aucun moyen de déterminer si les deux événements étaient liés.

[34]           Le ministre, par l’entremise de l’agent, n’a accordé aucun poids à l’affidavit concernant l’accident de la route mortel. D’une part, il a conclu que rien dans cet affidavit ne liait ce décès à M. Kiplagat. D’autre part, il a fait remarquer qu’aucune information fournie par d’autres membres de la famille de M. Kioko ne corroborait l’existence d’un tel lien. La conclusion de l’agent valait également pour la mort de l’autre oncle de M. Kioko en avril 2013, puisqu’aucune preuve corroborante ne liait ce décès à M. Kiplagat.

[35]           Pour ce qui est des dossiers médicaux, l’agent a constaté qu’ils provenaient d’un hôpital situé à l’extérieur de Nairobi et étaient datés de décembre 2005, alors que l’incident ayant entraîné les blessures subies par le cousin de M. Kioko était survenu en août 2005.

[36]           Quant au mandat d’arrêt, l’agent a mis en question sa validité pour divers motifs. Premièrement, il a relevé le fait qu’il était daté du 31 août 2005, alors que M. Kioko ne semblait avoir appris son existence qu’une fois au Canada. Deuxièmement, à son avis, si le mandat avait réellement été délivré en août 2005, soit avant le départ de M. Kioko pour le Canada, il aurait pu empêcher son départ à l’aéroport ou la délivrance de son visa de résident temporaire par les autorités consulaires au Canada. Troisièmement, l’agent a relevé l’absence de détails sur les « accusations de sédition » sur lesquelles reposaient le mandat d’arrêt et le fait qu’aucun document de suivi n’avait été produit depuis la fin d’août 2005 par les tribunaux ou les policiers concernant le mandat ou les accusations. Enfin, il a fait remarquer qu’aucun membre de la famille de M. Kioko vivant au Kenya n’avait écrit afin d’exprimer des inquiétudes quant à son retour au Kenya ou à une menace possible de la part de M. Kiplagat et de ses associés relativement au mandat.

[37]           L’agent a conclu qu’en l’absence de toute autre preuve corroborante du Kenya, le mandat d’arrêt, seul ou avec l’autre preuve présentée, ne représentait pas un risque personnalisé de nature prospective pour M. Kioko. Dans l’ensemble, il a conclu que, selon la preuve fournie dans le cadre des deux examens des risques avant renvoi, les craintes de persécution et de peines cruelles que M. Kiplagat pourrait directement ou indirectement infliger à M. Kioko à son retour au Kenya étaient non fondées.

[38]           Plus particulièrement, il a conclu que [traduction] « les preuves ne suffisaient pas à étayer la conclusion que M. Kiplagat en voulait toujours à [M. Kioko] même s’il avait quitté le pays il y a près de huit ans et qu’il chercherait à se venger de lui au moyen du mandat d’arrêt de 2005 ».

C.                 Prétentions des parties

[39]           M. Kioko prétend que l’agent a tiré des conclusions qui portaient clairement sur sa crédibilité, et ce, à trois occasions : premièrement, lorsque l’agent a dit que l’affidavit concernant l’accident de la route ayant entraîné la mort d’un oncle de M. Kioko semblait avoir été falsifié; deuxièmement, lorsqu’il a mentionné que lui seul avait soulevé la possibilité d’un lien entre la mort des deux oncles et M. Kiplagat et qu’en l’absence de preuve probante d’un tiers, il n’avait pas vraiment pu accorder de poids à cette théorie; troisièmement, lorsqu’il a mis en question la validité du mandat d’arrêt présumément délivré sous l’influence de M. Kiplagat.

[40]           M. Kioko allègue donc que les trois facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement étaient présents : l’agent n’a pas cru à la crainte prospective alléguée par M. Kioko; les allégations qui n’ont pas été crues pourraient avoir prouvé sa crainte de nature prospective; et le seul motif du rejet de sa demande d’examen des risques avant renvoi était qu’il n’avait pas démontré l’existence d’une telle crainte. Il allègue également que l’agent n’avait pas de raison de ne pas croire à ses allégations, puisque son affidavit était une preuve à laquelle il fallait se fier si elle n’était pas contredite.

[41]           Le défendeur soutient que l’agent ne mettait pas en question la crédibilité de M. Kioko, mais estimait que la preuve présentée ne suffisait pas pour démontrer qu’il serait exposé à un risque personnalisé de nature prospective à son retour au Kenya. Autrement dit, le défendeur allègue que l’agent a contesté la valeur probante de la preuve de M. Kioko.

[42]           En ce qui concerne le poids à accorder à l’affidavit de M. Kioko, le défendeur fait valoir qu’il était loisible à l’agent d’exiger des éléments de preuve supplémentaires afin qu’il soit satisfait au fardeau de persuasion concernant l’existence, suivant la prépondérance des probabilités, d’un risque personnalisé de nature prospective.

D.                Analyse de la première question

[43]           Après avoir lu attentivement la décision contestée, je suis d’avis qu’elle reposait sur l’insuffisance d’éléments de preuve plutôt que sur l’absence de crédibilité et qu’il appartenait donc à l’agent de décider s’il fallait tenir une audience.

[44]           Le fait de décider si les exigences de l’article 167 du Règlement sont satisfaites dans un cas donné soulève des questions concernant la preuve : d’une part, le fardeau et la norme de preuve, et, d’autre part, la crédibilité et la valeur probante. Ces notions sont différentes même si la différence est parfois infime.

(1)               Le fardeau et la norme de preuve

[45]           Comme nous l’avons vu, lors d’un examen des risques avant renvoi, le fardeau de la preuve incombe au demandeur. Comme dans les affaires civiles, ce fardeau exige que le demandeur établisse, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il était renvoyé dans le pays dont il a la nationalité. C’est la norme de preuve. Afin de satisfaire au fardeau de la preuve selon la norme de preuve appropriée, un demandeur doit présenter une preuve au ministre de chacun des faits qu’il doit prouver (décision Ferguson, précitée, au paragraphe 22; Ozzoma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1167, au paragraphe 49, [2012] ACF no 1232 (QL)).

[46]           Cependant, les preuves ne sont pas toutes de qualité égale. Un demandeur peut s’être acquitté du fardeau de présentation en démontrant, selon la prépondérance des probabilités, l’existence de chaque fait devant être prouvé, mais non du fardeau de persuasion si ces éléments ne prouvent pas les faits suivant la prépondérance des probabilités. Comme la Cour l’a déclaré dans la décision Ferguson, précitée, « [l]a question de savoir si la preuve présentée permet au demandeur de s’acquitter de sa charge de persuasion dépendra beaucoup du poids accordé à la preuve qu’il a présentée » (décision Ferguson, précitée, au paragraphe 24).

(2)               Crédibilité et valeur probante de la preuve

[47]           Lorsqu’il se penche sur les éléments de preuve qui lui ont été soumis, le ministre peut procéder à deux examens distincts : un examen de la crédibilité et un examen de la valeur probante. Il est possible de déterminer la valeur probante de la preuve et le poids à accorder à celle-ci sans tirer de conclusion sur la crédibilité (Cho c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1299 au paragraphe 25, [2010] ACF no 1673 (QL)). Par conséquent, la question de la crédibilité ne sera pas nécessairement déterminante si la preuve produite, qu’elle soit ou non crédible, n’a tout simplement pas une valeur probante suffisante (Prieto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 253 au paragraphe 38, [2010] ACF no 307 (QL)).

[48]           C’est ici que la notion de subjectivité et d’objectivité des craintes entre en jeu. Comme je l’ai dit précédemment dans les présents motifs, la notion de risque dans le cadre d’un examen des risques avant renvoi est de nature prospective. Il est donc raisonnable de s’attendre à ce qu’un demandeur fournisse des éléments de preuve objectifs pour étayer ses allégations sur un risque qui, dans un tel contexte, est de nature prospective par définition (Haji c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 889, au paragraphe 10, [2009] ACF no 1082 (QL)). Comme la juge Dawson (qui siège maintenant à la Cour d’appel fédérale) l’a souligné à juste titre dans la décision Campos, précitée, « aucun principe [ne permet] de dire que la réalité d’un risque objectif est une question d’appréciation » (décision Campos, précitée, au paragraphe 20).

[49]           Cela signifie, à mon avis, que lorsqu’une allégation est cruciale pour l’examen des risques avant renvoi, il est loisible au délégué du ministre d’exiger qu’on lui fournisse des éléments de preuve autres que les seules allégations du demandeur d’asile afin qu’il soit satisfait au fardeau de persuasion suivant la prépondérance des probabilités (décision Ferguson, précitée, au paragraphe 49).

(3)        La décision de l’agent repose sur l’insuffisance de la preuve et non sur la crédibilité

[50]           M. Kioko devait démontrer que, n’eût été la question de la crédibilité relativement à sa crainte subjective, en présumant qu’il y en avait une, une décision favorable quant à sa demande d’examen des risques avant renvoi aurait probablement été prise. M. Kioko devait donc démontrer qu’il aurait probablement pu établir, suivant la prépondérance des probabilités, l’élément objectif de sa crainte, puisqu’il n’est pas toujours possible de pleinement établir l’élément objectif en relatant simplement son récit dans un affidavit. Parfois, une preuve additionnelle sera requise (décisions précitées : Prieto, au paragraphe 36; Haji, au paragraphe 10; Ozzoma, aux paragraphes 52 à 56; Adetunji, au paragraphe 32).

[51]           C’était le cas ici. M. Kioko a produit une preuve à l’appui, mais cette preuve a été jugée de faible valeur probante quant à l’établissement de l’élément objectif de l’élément crucial de la crainte de nature prospective qu’il a fait valoir.

[52]           Cet élément crucial est le rôle que le présumé persécuteur pourrait jouer au retour de M. Kioko au Kenya. En effet, M. Kiplagat est la pièce maîtresse du récit de M. Kioko et de la crainte qu’il fait valoir. Selon ce récit, M. Kiplagat est une personnalité influente au Kenya, plus particulièrement dans le milieu de l’athlétisme, et il souhaite toujours se venger de M. Kioko depuis l’entrevue de juillet 2005 au cours de laquelle ce dernier a dénoncé l’implication de M. Kiplagat dans la vente d’athlètes kényans. Par suite de cette entrevue, M. Kiplagat a pris les dispositions nécessaires afin qu’un mandat d’arrêt soit délivré contre M. Kioko et souhaite toujours punir celui-ci à son retour au Kenya. Depuis que M. Kioko a quitté le pays en 2005, deux de ses oncles sont morts dans des circonstances suspectes, et il croit que M. Kiplagat et ses agents sont impliqués dans ces décès.

[53]           L’agent a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi de M. Kioko après avoir conclu à l’insuffisance d’éléments prouvant que M. Kiplagat en voulait toujours à M. Kioko et qu’il chercherait à se venger de lui au moyen du mandat d’arrêt d’août 2005 au retour de M. Kioko. La seule preuve objective de cette crainte présumée de nature prospective reposait sur la mort malheureuse de deux oncles de M. Kioko, l’un en 2010, l’autre en 2013.

[54]           Je suis d’avis que la décision d’attribuer une faible valeur probante et d’accorder peu de poids à cette preuve relevait de l’agent. En effet, même en acceptant le fait que l’oncle mort dans un accident de la route en décembre 2010 ait été interrogé plus tôt dans l’année sur les allées et venues de M. Kioko, l’attribution de sa mort à M. Kiplagat ou à ses associés relevait de la conjecture. L’affidavit signé par l’un des autres oncles de M. Kioko sur les circonstances du décès ne faisait que répéter qu’il était survenu dans des « circonstances suspectes », sans détails permettant d’établir un lien quelconque avec M. Kiplagat.

[55]           La preuve concernant le décès de l’autre oncle de M. Kioko était encore plus éloignée de tout rôle que M. Kiplagat aurait pu jouer dans ce décès. M. Kioko a simplement affirmé que ce décès était survenu à peu près au moment où son avocat plaidait devant la Cour en avril 2013. Comme M. Kioko l’a lui-même reconnu, il est impossible de lier M. Kiplagat à ces deux événements.

[56]           Quant aux reçus d’hôpital concernant l’incident d’août 2005 au cours duquel le cousin de M. Kioko aurait été gravement blessé, hormis les problèmes de dates et de situation de l’hôpital cernés par l’agent, il s’agissait d’une preuve portant sur des traitements passés et non sur les conditions actuelles ni un risque futur. Par conséquent, cette preuve était fort peu pertinente (décision Campos, précitée, au paragraphe 21).

[57]           La conclusion de l’agent selon laquelle cette preuve ne suffisait pas à étayer l’allégation de M. Kioko concernant le risque de nature prospective lié au désir de vengeance de M. Kiplagat faisait partie des issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Je ne suis pas convaincu que cette conclusion reposait sur la crédibilité et qu’elle exigeait donc la tenue d’une audience. Elle était plutôt liée à l’absence de valeur probante de la preuve produite par M. Kioko sur un élément crucial de sa présumée crainte.

[58]           Ma conclusion n’est pas différente pour ce qui est du mandat d’arrêt. Là aussi, M. Kioko devait prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’à son retour au Kenya, M. Kiplagat chercherait à exercer sa vengeance par le mandat d’arrêt en le faisant arrêter, en le détenant de manière arbitraire et en le faisant condamner après l’avoir privé d’un procès équitable. Après avoir conclu que la preuve quant au décès des deux oncles de M. Kioko avait une très faible valeur probante, l’agent a estimé que les craintes de M. Kioko à cet égard n’étaient pas étayées par une preuve corroborante objective.

[59]           Comme l’agent l’a fait remarquer, aucun document de suivi n’a été produit depuis que le mandat a été délivré et depuis que M. Kioko a quitté le Kenya; M. Kioko n’a eu aucun contact avec M. Kiplagat depuis; aucune lettre provenant d’un membre de la famille, d’un ami ni d’un athlète kényan, actuel ou ancien, vivant au Kenya et exprimant des inquiétudes quant à des menaces éventuelles de la part de M. Kiplagat concernant le mandat d’arrêt ou, de manière plus générale, quant au retour de M. Kioko au Kenya, n’a été fournie.

[60]           Le passage du temps a joué un rôle important dans la décision de l’agent, qui a souligné que huit années s’étaient écoulées depuis l’entrevue de 2005 et le départ subséquent de M. Kioko du Kenya. Il a donc cherché une preuve d’une certaine valeur probante qui établirait que M. Kiplagat cherchait encore à se venger de M. Kioko et qu’il était encore en position de le persécuter au moyen du mandat d’arrêt, comme il a été allégué. Autrement dit, selon mon interprétation de sa décision, l’agent s’est demandé si les menaces, datant de 2005, qu’aurait proférées M. Kiplagat pouvaient s’être estompées avec le temps. Il incombait certainement à l’agent d’évaluer l’incidence du passage du temps sur la réalité du risque actuel, et je ne vois rien de déraisonnable dans cette approche (décision Campos, précitée, au paragraphe 20; N.N.N. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1281, au paragraphe 70, [2009] ACF no 1641 (QL); J.N.J. c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 1088, au paragraphe 35, [2010] ACF no 1361).

[61]           On pourrait raisonnablement supposer que ce questionnement relatif au passage du temps était justifié dans les circonstances particulières de la présente affaire, puisque, comme l’a fait remarquer l’agent, la preuve avait été faite que M. Kioko n’était pas le premier ni le dernier athlète à avoir dénoncé la « vente » de jeunes athlètes kényans à d’autres pays.

[62]           M. Kioko invoque la décision Liban, précitée, de notre Cour, mais les deux affaires sont différentes. Dans Liban, le délégué du ministre a accepté le fait que les homosexuels et les alcooliques étaient persécutés et pouvaient même encourir la peine de mort dans le pays d’origine du demandeur, mais n’a pas cru à l’homosexualité ni à l’alcoolisme du demandeur. La Cour estime qu’il s’agissait de conclusions sur la crédibilité du demandeur et que ces conclusions avaient joué un rôle fondamental dans la décision de l’agent puisque, s’il avait cru le demandeur, il aurait vraisemblablement conclu qu’il était exposé à des risques (décision Liban, précitée, aux paragraphes 13 et 14).

[63]           En l’espèce, l’agent a admis que M. Kioko avait eu un conflit avec M. Kiplagat en 2005 et que deux de ses oncles étaient morts dans des circonstances tragiques, mais n’a pas été convaincu que la preuve probante était suffisante pour conclure que M. Kiplagat souhaitait encore, aujourd’hui, se venger de M. Kioko à son retour au Kenya et que ces morts malheureuses étaient un signe avant-coureur d’événements à venir.

[64]           Par conséquent, M. Kioko ne m’a pas convaincu que le véritable fondement de la décision de l’agent était la crédibilité et que, donc, les exigences de l’article 167 du Règlement, qui lui auraient donné droit à une audience, étaient respectées.

IV.             Question 2 : La décision de l’agent était-elle raisonnable?

A.                Norme de contrôle

[65]           Il est bien établi qu’il faut faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de fait tirées par le ministre, y compris celles qui concernent le poids à accorder à la preuve qui lui est présentée, lorsqu’il procède à l’examen des risques avant renvoi. À moins qu’il ait omis de prendre en considération des facteurs pertinents ou qu’il ait tenu compte de facteurs non pertinents, l’appréciation de la preuve est du ressort du ministre et n’est normalement pas soumise au contrôle judiciaire (décision Ahmad, précitée, au paragraphe 41).

[66]           Le rôle de la Cour dans ce contexte n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve fournie au ministre, mais de s’assurer que la décision du ministre fait partie des issues possibles et peut se justifier au regard des faits et du droit. Le fait que la Cour pourrait avoir tiré une conclusion différente de celle du ministre n’est pas pertinent pour l’analyse (décisions précitées : Ahmad, au paragraphe 41; Adetunji, au paragraphe 22; Ferguson, au paragraphe 49).

[67]           Il n’y a aucune question en litige entre les parties en ce qui concerne la norme de contrôle applicable à la conclusion de l’agent selon laquelle M. Kioko n’a pas réussi à prouver l’existence d’un risque de nature prospective advenant son retour au Kenya.

B.                 Prétentions de M. Kioko

[68]           M. Kioko affirme que l’agent a ignoré ou rejeté arbitrairement des faits importants, qu’il a tiré des conclusions conjecturales et que, par conséquent, la décision contestée n’est pas raisonnable.

[69]           M. Kioko allègue en particulier que l’agent a commis une erreur de droit susceptible de révision en choisissant de manière arbitraire de croire les faits qui l’ont mené à quitter le Kenya en 2005, mais non ceux concernant le mandat d’arrêt et la mort de ses oncles et en exigeant que les faits les plus récents soient appuyés par une preuve corroborante. Il affirme qu’en laissant « constamment » entendre que des documents supplémentaires étaient nécessaires, l’agent a fixé une norme plus élevée que celle requise par la loi.

[70]           M. Kioko soutient également que, même si l’agent s’est reporté à la décision de la Section de la protection des réfugiés d’accepter sa demande d’asile, il ne l’a jamais analysée et, ce faisant, il a ignoré un fait crucial qui aurait dû entraîner une conclusion différente de celle à laquelle il est parvenu.

[71]           Enfin, M. Kioko conteste, et la décrit comme pure hypothèse, la conclusion de l’agent selon laquelle le mandat d’arrêt, s’il était comme il est allégué valide, aurait pu l’empêcher de quitter le Kenya ou d’obtenir un visa canadien.

C.                 Analyse

[72]           Mon analyse de la première question tranche en grande partie la deuxième question.

[73]           Comme je l’ai déjà dit, la décision d’attribuer une faible valeur probante et d’accorder peu de poids à la preuve présentée pour justifier les craintes de nature prospective fondées sur la mort malheureuse des deux oncles de M. Kioko relevait de l’agent. Ce dernier n’a pas mis en question ces décès, mais il a conclu que cette preuve n’était pas utile à l’établissement, suivant la prépondérance des probabilités, d’un lien quelconque avec M. Kiplagat et son présumé désir de vengeance.

[74]           On peut en dire autant du mandat d’arrêt. Après lecture attentive de la décision de l’agent, il semble évident que la principale conclusion concernant le mandat d’arrêt était l’absence d’une preuve corroborante probante établissant, surtout compte tenu du passage du temps, que M. Kiplagat souhaitait encore se venger de M. Kioko et était toujours en position de le persécuter au moyen du mandat d’arrêt.

[75]           Même si le mandat d’arrêt était encore valide, rien au dossier, selon l’agent, n’appuie la conclusion que le mandat en soi représentait un risque personnalisé de nature prospective pour M. Kioko. Il incombait à M. Kioko d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, ce risque de nature prospective. L’agent a conclu qu’il ne s’était pas acquitté de ce fardeau. Je ne peux pas dire qu’il s’agissait d’une décision déraisonnable à la lumière de la preuve dont disposait l’agent.

[76]           Cette conclusion règle l’allégation de M. Kioko selon laquelle l’agent a tiré des conclusions conjecturales en mettant en question la validité du mandat d’arrêt. Cette conclusion, selon ma lecture de la décision, n’a pas été un élément fondamental de la conclusion générale de l’agent que M. Kioko n’avait pas établi qu’il courrait un risque de nature prospective advenant son retour au Kenya. L’élément fondamental de sa conclusion était l’absence d’éléments de preuve suffisants justifiant la conclusion que M. Kiplagat en voulait toujours à M. Kioko après son départ en 2005 et qu’il chercherait à exercer sa vengeance sur lui au moyen du mandat d’arrêt de 2005.

[77]           Par conséquent, même en supposant que l’agent ait tiré des conclusions conjecturales à l’égard de la capacité de M. Kioko de quitter le Kenya ou d’obtenir un visa des autorités consulaires canadiennes quand il a quitté le Kenya en raison de la présumée existence du mandat d’arrêt à ce moment, j’estime que cela ne suffit pas à invalider la décision de l’agent.

[78]           En l’absence d’éléments de preuve suffisants démontrant que M. Kiplagat représentait toujours un risque pour M. Kioko à son retour au Kenya, l’agent a examiné la situation du pays et a conclu que les problèmes auxquels le Kenya était confronté touchaient tous les Kényans et ne mettaient pas en évidence un risque personnalisé pour M. Kioko. Cette conclusion n’a pas été contestée.

[79]           Encore une fois, la question n’est pas de savoir si, devant les mêmes éléments de preuve, j’aurais pu tirer une conclusion différente, mais plutôt si la conclusion générale de l’agent concernant la preuve produite par M. Kioko concernant l’existence d’un risque de nature prospective fait partie des issues possibles et peut se justifier au regard des faits et du droit. À mon avis, c’est bien le cas.

[80]           Enfin, le fait que l’agent n’ait pas tiré une conclusion explicite sur la décision de la Section de la protection des réfugiés d’accepter la demande d’asile de M. Kioko n’est d’aucune utilité pour celui-ci. Il est maintenant bien établi qu’un décideur n’est pas tenu d’inclure dans ses motifs tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge chargé de la révision aurait voulu y lire et qu’il n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement qui a mené à sa conclusion finale (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 CSC 708, au paragraphe 16).

[81]           Tant que les motifs permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de décider si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables, il n’y a pas lieu d’intervenir (arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, précité, au paragraphe 16).

[82]           C’est, à mon avis, le cas en l’espèce. La décision de la Section de la protection des réfugiés ne constituait pas un [traduction] « fait crucial », comme M. Kioko le prétend. Premièrement, M. Kioko n’aurait pas été admis au Canada en 2005 s’il n’avait pas dissimulé des faits importants dans sa demande d’immigration. Deuxièmement, par suite de l’ordonnance d’annulation, la décision est nulle; par conséquent, en théorie, M. Kioko n’a jamais obtenu la protection du Canada. Mais plus important encore, on pourrait raisonnablement dire que cette décision permet d’établir les traitements passés, par opposition au risque futur.

[83]           La décision de la Section de la protection des réfugiés était, par conséquent, hautement problématique et n’était certainement pas un « fait crucial » dans les circonstances particulières de la présente affaire. L’absence d’une conclusion explicite sur ladite décision dans les motifs de l’agent n’a pas suffi à empêcher la Cour de comprendre pourquoi l’agent avait pris cette décision ni d’établir si la conclusion qu’il a tirée faisait partie des issues possibles acceptables.

[84]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de M. Kioko est rejetée.

[85]           Aucune partie n’a proposé une question de portée générale. Aucune question ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.                  la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.         aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

LC 2001, ch. 27

PARTIE 2

PROTECTION DES RÉFUGIÉS

SECTION 1

PART 2

REFUGEE PROTECTION

DIVISION 1

NOTIONS D’ASILE, DE RÉFUGIÉ ET DE PERSONNE À PROTÉGER

REFUGEE PROTECTION, CONVENTION REFUGEES AND PERSONS IN NEED OF PROTECTION

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention – le réfugié – la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes – sauf celles infligées au mépris des normes internationales – et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

Person in need of protection

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

SECTION 3

EXAMEN DES RISQUES AVANT RENVOI

DIVISION 3

PRE-REMOVAL RISK

ASSESSMENT

Protection

Protection

Demande de protection

Application for protection

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

Exception

Exception

(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

a) elle est visée par un arrêté introductif d’instance pris au titre de l’article 15 de la Loi sur l’extradition;

(a) they are the subject of an authority to proceed issued under section 15 of the Extradition Act;

b) sa demande d’asile a été jugée irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e);

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

b.1) sous réserve du paragraphe (2.1), moins de douze mois ou, dans le cas d’un ressortissant d’un pays qui fait l’objet de la désignation visée au paragraphe 109.1(1), moins de trente-six mois se sont écoulés depuis le dernier rejet de sa demande d’asile – sauf s’il s’agit d’un rejet prévu au paragraphe 109(3) ou d’un rejet pour un motif prévu à la section E ou F de l’article premier de la Convention – ou le dernier prononcé du désistement ou du retrait de la demande par la Section de la protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés;

(b.1) subject to subsection (2.1), less than 12 months, or, in the case of a person who is a national of a country that is designated under subsection 109.1(1), less than 36 months, have passed since their claim for refugee protection was last rejected – unless it was deemed to be rejected under subsection 109(3) or was rejected on the basis of section E or F of Article 1 of the Refugee Convention – or determined to be withdrawn or abandoned by the Refugee Protection Division or the Refugee Appeal Division;

c) sous réserve du paragraphe (2.1), moins de douze mois ou, dans le cas d’un ressortissant d’un pays qui fait l’objet de la désignation visée au paragraphe 109.1(1), moins de 36 mois se sont écoulés depuis le rejet de sa dernière demande de protection ou le prononcé du retrait ou du désistement de cette demande par la Section de la protection des réfugiés ou le ministre.

(c) subject to subsection (2.1), less than 12 months, or, in the case of a person who is a national of a country that is designated under subsection 109.1(1), less than 36 months, have passed since their last application for protection was rejected or determined to be withdrawn or abandoned by the Refugee Protection Division or the Minister.

d) [Abrogé, 2012, ch. 17, art. 38]

(d) [Repealed, 2012, c. 17, s. 38]

Exemption

Exemption

(2.1) Le ministre peut exempter de l’application des alinéas (2)b.1) ou c) :

(2.1) The Minister may exempt from the application of paragraph (2)(b.1) or (c)

a) les ressortissants d’un pays ou, dans le cas de personnes qui n’ont pas de nationalité, celles qui y avaient leur résidence habituelle;

(a) the nationals – or, in the case of persons who do not have a country of nationality, the former habitual residents – of a country;

b) ceux de tels ressortissants ou personnes qui, avant leur départ du pays, en habitaient une partie donnée;

(b) the nationals or former habitual residents of a country who, before they left the country, lived in a given part of that country; and

c) toute catégorie de ressortissants ou de personnes visés à l’alinéa a).

(c) a class of nationals or former habitual residents of a country.

Application

Application

(2.2) Toutefois, l’exemption ne s’applique pas aux personnes dont la demande d’asile a fait l’objet d’une décision par la Section de la protection des réfugiées ou, en cas d’appel, par la Section d’appel des réfugiés après l’entrée en vigueur de l’exemption.

(2.2) However, an exemption made under subsection (2.1) does not apply to persons in respect of whom, after the day on which the exemption comes into force, a decision is made respecting their claim for refugee protection by the Refugee Protection Division or, if an appeal is made, by the Refugee Appeal Division.

Règlements

Regulations

(2.3) Les règlements régissent l’application des paragraphes (2.1) et (2.2) et prévoient notamment les critères à prendre en compte en vue de l’exemption.

(2.3) The regulations may govern any matter relating to the application of subsection (2.1) or (2.2) and may include provisions establishing the criteria to be considered when an exemption is made.

Restriction

Restriction

(3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada pour une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

(d) is named in a certificate referred to in subsection 77(1).

Examen de la demande

Consideration of application

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3) – sauf celui visé au sous-alinéa e)(i) ou (ii) –, sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3) – other than one described in subparagraph (e)(i) or (ii) – consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada;

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada; and

e) s’agissant des demandeurs ci-après, sur la base des articles 96 à 98 et, selon le cas, du sous-alinéa d)(i) ou (ii) :

(e) in the case of the following applicants, consideration shall be on the basis of sections 96 to 98 and subparagraph (d)(i) or (ii), as the case may be:

(i) celui qui est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada pour une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans et pour laquelle soit un emprisonnement de moins de deux ans a été infligé, soit aucune peine d’emprisonnement n’a été imposée,

(i) an applicant who is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years for which a term of imprisonment of less than two years – or no term of imprisonment – was imposed, and

(ii) celui qui est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, sauf s’il a été conclu qu’il est visé à la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés.

(ii) an applicant who is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, unless they are found to be a person referred to in section F of Article 1 of the Refugee Convention.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

DORS/2002-227

SECTION 4

EXAMEN DES RISQUES AVANT RENVOI

DIVISION 4

PRE-REMOVAL RISK ASSESSMENT

Facteurs pour la tenue d’une audience

Hearing – prescribed factors

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-5882-13

 

INTITULÉ :

NICHOLAS KIOKO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 21 mai 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

 

DATE :

LE 18 JUILLET 2014

 

COMPARUTIONS :

ANNICK LEGAULT

 

POUR LE DEMANDEUR

 

ANNE-RENÉE TOUCHETTE

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet d’Annick Legault

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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