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Date : 20140716


Dossier : T-1754-12

Référence : 2014 CF 708

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 16 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

NICK MANCUSO, THE RESULTS COMPANY INC., DAVID ROWLAND, LIFE CHOICE LTD (ISSUE DE LA FUSION ET DE L’INCORPORATION D’E.D. MODERN DESIGN LTD. ET D’E.G.D. MODERN DESIGN LTD.) ET ELDON DAHL, ET AGNESA DAHL

 

demandeurs

et

MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE, GENDARMERIE ROYALE DU CANADA ET SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

INTRODUCTION

[1]               Les demandeurs ont présenté une action en vue de contester la constitutionnalité de certaines des dispositions de la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, c F‑27 [la Loi] et du Règlement sur les produits de santé naturels, DORS/2003‑196 [le Règlement], au motif qu’elles sont inconstitutionnelles et qu’elles excèdent les pouvoirs délégués par la Loi. Ils réclament également des dommages-intérêts pour violation alléguée de la Charte et comportement délictueux dans la mise en œuvre et l’application de la Loi et du Règlement. Le présent jugement concerne deux requêtes présentées dans le cadre de cette action. Les défendeurs ont présenté une requête en vue de faire radier au complet la déclaration ou, à titre subsidiaire, en vue d’en radier certains paragraphes qui en constituent l’essentiel (alinéas 1a), 1b), 1c), 1e), et paragraphes 2 à 29, 34 et 36 et 37 à 100). Ils demandent également que la déclaration soit modifiée de manière à en supprimer tous les défendeurs sauf Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Les demandeurs ont présenté une requête incidente par laquelle ils cherchent à faire surseoir à l’application des paragraphes 3(1) et (2) de la Loi ainsi qu’à une grande partie du Règlement en attendant l’issue de l’action.

CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont des utilisateurs, fabricants ou distributeurs actuels ou passés de produits qui répondent à la définition de l’expression « produit de santé naturel » énoncée dans le Règlement [les produits de santé naturels], et ils qualifient ces produits de compléments alimentaires d’origine naturelle, de suppléments nutritionnels et de vitamines. Ils contestent la validité et l’application du Règlement ainsi que certains articles de la Loi en faisant valoir plusieurs moyens dont les suivants :

  • le gouvernement fédéral n’a pas compétence en vertu de la Constitution pour réglementer les produits de santé naturels selon le partage des pouvoirs prévu par la Loi constitutionnelle de 1867 (R.‑U.), 30 et 31 Victoria, c 3, reproduit à LRC 1985, app. II, no 5 [Loi constitutionnelle de 1867];
  • le législateur fédéral n’a jamais eu l’intention que la définition du mot « drogue » qui figure dans la Loi s’applique aux produits de santé naturels et, par conséquent, le Règlement excède les pouvoirs délégués par la Loi;
  • l’édiction et l’application du Règlement et l’application de certains des articles de la Loi aux produits de santé naturels contreviennent aux droits que leur reconnaissent les alinéas 2a) et b), ainsi que les articles 7, 8, 9 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, laquelle constitue l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.) 1982, c 11 [la Charte].

[3]               Les demandeurs allèguent également qu’ils ont subi des dommages par suite des violations alléguées de la Charte ainsi que des agissements délictueux et indûment brutaux des fonctionnaires du gouvernement et des agents de la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] dans le cadre de l’application de la loi et du Règlement.

[4]               En ce qui concerne le partage des pouvoirs prévu par la Constitution, la déclaration indique que le Parlement a compétence pour réglementer tout produit pouvant comporter des risques pour la santé, mais que le Parlement ne peut étendre cette compétence aux produits qui ne posent pas de risque pour la santé ou qui ne présentent que des risques minimaux, de sorte que le Règlement excède la compétence du Parlement (déclaration, alinéa 16h)).

[5]               Le demandeur Nick Mancuso [M. Mancuso] est un acteur canadien qui explique qu’il a toujours fortement compté toute sa vie sur des compléments alimentaires et des vitamines qu’il considère comme des choix éclairés et conscients lui permettant d’avoir une bonne santé. Il considère que la faculté d’utiliser les produits en question fait partie de son système de croyances et de ces convictions en ce qui concerne les moyens qu’il préconise pour se maintenir en bonne santé et [traduction] « en général, en ce qui concerne [son] intégrité corporelle et psychologique ». Il s’insurge contre l’idée que l’État peut [traduction] « arbitrairement et sélectivement dicter » les compléments alimentaires ou vitamines qu’il peut acheter et il allègue que les restrictions apportées à la vente de produits de santé naturels et à la communication des allégations relatives aux effets sur la santé propres aux produits en question violent les droits que lui garantissent les alinéas 2a) et b) et les articles 7 et 15 de la Charte et lui ont causé un préjudice moral.

[6]               Le demandeur David Rowland [M. Rowland] est un champion de la médecine « alternative ». Il affirme qu’il œuvre depuis de nombreuses années dans le domaine de l’élaboration de produits de santé naturels. Une gamme de compléments alimentaires élaborés par M. Rowland – la gamme de produits Vitamost® – sont ou ont été distribués par The Results Company Inc [The Results Company], une autre demanderesse qualifiée de [traduction] « petite entreprise familiale ». Monsieur Rowland et The Results Company allèguent que le régime de réglementation des produits et de délivrance de permis d’exploitation imposé par le Règlement — le régime de délivrance de permis fondé sur le numéro de produits naturels [NPN] — a eu pour effet de restreindre sensiblement la vente des compléments en question. Ils affirment que le régime fondé sur le NPN est [traduction] « abusif et totalement inutile », parce que leurs produits sont sans danger et que le Règlement est [traduction] « inconstitutionnel et excède les pouvoirs attribués par la Loi ».

[7]               Monsieur Rowland et The Results Company allèguent que Santé Canada a refusé de délivrer des permis pour certains de leurs produits et a suspendu son approbation pour d’autres produits, ce qui a entraîné un déclin marqué de leurs ventes. Ils allèguent que le régime fondé sur le NPN est une forme de censure qui interdit la vente de produits de santé naturels et décide quelles allégations relatives aux effets sur la santé peuvent être présentées à leur sujet, et qui interdit [traduction] « toutes les autres allégations véridiques ». Ils affirment ce qui suit : [traduction] « Il n’existe aucune autre industrie dans laquelle on empêche les fournisseurs de dire la vérité à leurs clients au sujet des indications de leurs produits. » Ils allèguent également que le Règlement a été appliqué [traduction] « de façon excessive et abusive » et qu’on a employé des [traduction] « méthodes d’application empruntées à la loi paramilitaire ». Ils allèguent qu’ils ont subi une atteinte à leur réputation ainsi que des pertes économiques et M. Rowland affirme que les droits que lui garantissent les articles 2, 7 et 15 de la Charte ont été violés [traduction] « tout autant que ce qui a été allégué dans le cas de Nick Mancuso ».

[8]               Le demandeur Eldon Dahl [M. Dahl, docteur en naturopathie] s’occupe d’importation, d’exportation, de préparation et de distribution de produits de santé naturels depuis qu’il a acheté un magasin d’aliments naturels déjà établi à West Vancouver en 1984. Il affirme être un docteur en naturopathie diplômé. La demanderesse Agnesa Dahl [Mme Dahl], est l’épouse de M. Dahl et la demanderesse Life Choice Ltd [Life Choice] est leur entreprise. Cette dernière a été constituée à la suite de la fusion de sociétés qui leur appartenaient auparavant ou qu’ils contrôlaient (E.D. Modern Design Ltd et E.G.D. Modern Design Ltd). Les Dahl et les sociétés qui ont été remplacées par Life Choice ont fait l’objet de mesures d’application de la loi en vertu de la Loi et du Règlement à plusieurs reprises, et notamment de perquisitions et de saisies à compter de 2001. En 2004, M. Dahl et la société qu’il possédait alors (E.D. Internal Health) ont été accusés de 42 chefs de contravention à la Loi sur les douanes, LRC, 1985, c 1 (2e suppl.) [la Loi sur les douanes], et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19 [la LRDS]. Monsieur Dahl et E.D. Internal Health ont été déclarés coupables de 33 chefs et ont été condamnés à l’emprisonnement avec sursis et à des amendes (R v Dahl, 120998, 26 mars 2004 (Cour provinciale de la C.‑B.) [R v Dahl no 1]; R v Dahl, 120998-C3, 26 mai 2004 (Cour provinciale de la C.‑B.) [R v Dahl no 2]. Au début de 2010, les Dahl et leur société, E.G.D. Modern Design Ltd, ont été accusés de 33 chefs de contravention à la Loi et à la LRDS. Les accusations portées contre les Dahl ont été suspendues en janvier 2013 parce que trop de temps s’était écoulé depuis la mise en accusation et E.G.D. Modern Design a plaidé coupable à 11 chefs (dont huit infractions à la Loi) et a été condamnée à payer des amendes totalisant 125 250 $ : R v Dahl, 2013 ABQB 54 [R v Dahl no 6] (extrait du procès dans l’affaire R v Eldon Garth Dahl, Agnesa Dahl and EDG Modern Design Ltd, 100237221Q3 (CBR Alb.) [R v Dahl no 7], aux pages 52 à 104 (dossier de requête des défendeurs, aux pages 559 à 611).

[9]               Les Dahl affirment que les droits que leur reconnaissent les articles 7, 8 et 9 de la Charte ont été violés en raison des perquisitions et des saisies qui ont eu lieu avant que les accusations susmentionnées soient portées contre eux; ils qualifient ces perquisitions et saisies d’excessives et d’abusives et signalent notamment la [traduction] « descente lourdement armée » dont ils ont fait l’objet et qui s’est soldée par la saisie de produits et par une perquisition effectuée dans leur domicile au cours de laquelle ils auraient été illégalement détenus et une arme à feu aurait été braquée sur la poitrine de Mme Dahl. Ils affirment que M. Dahl a été [traduction] « faussement condamné » en 2004 et qu’ils ont été [traduction] « accusés et poursuivis de façon injuste et malveillante » à compter de 2010 [traduction] « pour la possession et la vente de produits naturels parfaitement sans danger qui sont considérés de façon arbitraire, vague et excessive comme des “drogues” et qui sont traités à tort et de façon malveillante en conséquence ». Ils affirment que M. Dahl a des antécédents judiciaires injustifiés [traduction] « non seulement pour quelque chose dont il n’est pas responsable, mais également en raison d’un règlement ultra vires et inconstitutionnel et des mesures d’application de la loi excessives et abusives effectuées par les fonctionnaires des défendeurs » (souligné dans l’original). Les Dahl et Life Choice allèguent également que Santé Canada a publié sans les aviser des mises en garde non fondées sur son site Internet au sujet des risques pour la sécurité que présenteraient les produits de M. Dahl et de E.G.D. Modern Design, et que Santé Canada a refusé de supprimer ces mises en garde même après que l’innocuité de ces produits eut été démontrée.

[10]           Les Dahl affirment qu’ils ont subi une atteinte à leur réputation, des souffrances psychologiques et des pertes financières par suite de ces événements. Outre les violations alléguées des droits qui leur sont garantis par les articles 7, 8 et 9 de la Charte, les Dahl affirment qu’ils ont également [traduction] « été personnellement victimes de violations des droits que leur reconnaissent les articles 2, 7 et 15 de la Charte en tant que consommateurs, fabricants et distributeurs pour les mêmes raisons et suivant le même raisonnement que ceux qui sont énoncés dans le cas de Nick Mancuso et de David Rowland ».

[11]           Enfin, la déclaration indique qu’en plus des diverses violations d’ordre constitutionnel alléguées par les personnes physiques demanderesses, les personnes morales demanderesses ont été victimes des violations des droits suivants que la Charte et la Constitution leur reconnaissent :

a)         le droit à la liberté d’expression et de communication garanti par l’article 2 de la Charte;

b)        les garanties procédurales énoncées à l’article 7 de la Charte dans le cadre des poursuites (quasi) criminelles et du régime réglementaire;

c)         le droit à l’égalité, en tant qu’impératif structurel du principe sous‑jacent de la Loi constitutionnelle de 1867 énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Winner v SMT (Eastern) Ltd, [1951] SCR 887 [Winner], lequel droit est également invoqué par les personnes physiques demanderesses en plus de celui garanti à l’article 15 de la Charte.

[12]           Les défendeurs affirment que la déclaration devrait être radiée en entier sans autorisation de la modifier. Ils affirment que, dans l’hypothèse où la déclaration serait retenue en partie, la seule défenderesse légitime est Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Les demandeurs affirment que, non seulement la déclaration devrait être jugée valide, mais que la Cour devrait suspendre l’application des paragraphes 3(1) et (2) de la Loi et des articles 44, 63 à 83, 87, 91, 93, 94, 98 et 108 à 115 du Règlement en attendant l’issue de l’action.

QUESTIONS EN LITIGE

[13]           Voici les questions en litige soulevées dans la présente instance :

1.      La déclaration devrait-elle être radiée en tout ou en partie?

2.      Si la déclaration est radiée, la Cour devrait-elle en permettre la modification?

3.      Si la Cour juge valide une partie de la déclaration, qui sont les défendeurs légitimes?

4.      La Cour devrait-elle suspendre l’application des paragraphes 3(1) et (2) de la Loi et des articles 44, 63 à 83, 87, 91, 93, 94, 98 et 108 à 115 du Règlement en attendant l’issue de l’action?

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Requête des défendeurs en radiation de la déclaration

Prétentions et moyens des défendeurs

[14]           Les défendeurs affirment que la déclaration devrait être radiée au complet sans autorisation de la modifier. Ils affirment qu’il s’agit en réalité de trois déclarations distinctes combinées en un seul acte de procédure indûment complexe, prolixe et alambiqué dont la portée est large et imprécise au point de rendre la demande judiciairement insaisissable. Ils affirment également que la déclaration ne satisfait pas aux règles fondamentales régissant les actes de procédure, étant donné qu’elle ne renferme pas un exposé concis des faits essentiels invoqués, qu’elle regorge d’allégations non étayées et de propos pittoresques et qu’elle présente des éléments de preuve plutôt que des faits pertinents à de nombreux endroits. Les défendeurs affirment qu’il est impossible pour eux de préparer une défense leur permettant de répondre aux allégations articulées dans cet acte de procédure.

[15]           Les défendeurs affirment également que les demandeurs prient la Cour de tirer des conclusions incompatibles avec celles déjà tirées par d’autres tribunaux dans différentes instances et qu’ils tentent de débattre à nouveau des questions qui ont été ou auraient dû être soulevées dans le cadre d’instances antérieures. Ils affirment par conséquent que la déclaration constitue un abus de procédure. Les défendeurs affirment en outre que les personnes morales demanderesses se prétendent victimes de violations de la Charte qu’elles n’ont pas le droit d’invoquer, que tous les demandeurs sollicitent des brefs de prérogative (plus précisément, des ordonnances de la nature d’un bref de prohibition) qui ne peuvent être obtenus dans le cadre d’une action et que la déclaration nomme des personnes qui ont été constituées parties irrégulièrement ou inutilement.

[16]           Les défendeurs reconnaissent qu’aux fins de la présente requête, les allégations énoncées dans la déclaration sont tenues pour avérées sauf s’il est impossible d’en faire la preuve. Les défendeurs affirment que le critère applicable en matière de radiation d’un acte de procédure en vertu de l’alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], est celui de savoir s’il est évident et manifeste, en supposant que les faits allégués soient véridiques, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable, c’est‑à‑dire qu’elle est vouée à l’échec : Hunt c Carey Canada Inc, [1990] 2 RCS 959, au paragraphe 18 [Hunt]; R c Imperial Tobacco Canada Ltd, 2011 CSC 42, au paragraphe 17 [Imperial Tobacco]. Ils soulignent également que l’article 221 énumère plusieurs autres motifs permettant de radier un acte de procédure dans une action :

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

[17]           Les défendeurs affirment que la présente requête est fondée sur les alinéas 221a), c), d) et f) des Règles.

[18]           En ce qui concerne l’argument portant que la déclaration est scandaleuse, frivole ou vexatoire (alinéa 221c) des Règles) et qu’elle risque de nuire à l’instruction équitable de l’action (alinéa 221d) des Règles), les défendeurs affirment que la déclaration ne satisfait pas aux règles fondamentales régissant les actes de procédure, qu’elle repose sur de simples assertions qui ne reposent sur aucun fait important et que, considérée globalement, qu’elle est une longue diatribe désordonnée en faveur de la déréglementation de la production, de la distribution, de la vente et de la consommation de produits de santé naturels.

[19]           Suivant les défendeurs, les actes de procédure ont pour objet de circonscrire clairement les questions en litige et d’aviser de façon équitable la partie adverse des arguments auxquels elle doit répondre. Les actes de procédure fournissent des balises permettant aux parties et au tribunal de déterminer la pertinence de la preuve, tant lors de l’enquête préalable qu’au procès : Sivak v Canada, 2012 FC 272, au paragraphe 11 [Sivak no 2]. Les actes de procédure qui sont dénués de pertinence ou d’importance et qui sont belliqueux ou qui visent à embellir une histoire devraient être radiés en vertu de l’alinéa 221c) des Règles et un acte de procédure devrait également être radié au motif qu’il est scandaleux lorsqu’il renferme des attaques non fondées ou renferme des propos incendiaires attaquant l’intégrité d’une partie : Sivak no 2, précité, au paragraphe 89; George v Harris, [2000] OJ no 1762, au paragraphe 18, 97 ACWS (3d) 225 [George].

[20]           Les défendeurs font remarquer que quatre exigences fondamentales doivent être respectées pour qu’un acte de procédure soit considéré comme valable. Chaque acte de procédure : a) doit exposer des faits et non pas simplement des conclusions de droit; b) doit exposer des faits pertinents; c) doit exposer des faits, non les éléments de preuve qui serviront à étayer ces faits; d) doit exposer les faits avec concision : Carten c Canada, 2009 CF 1233, au paragraphe 36, conf. par 2010 CF 857. Le demandeur doit énoncer avec suffisamment de détails les éléments constitutifs de chaque cause d’action invoquée et il ne peut se contenter de simples affirmations sans invoquer de faits à l’appui, au risque de nuire à l’instruction de l’action : Simon c Canada, 2011 CAF 6, au paragraphe 18 [Simon]; Merchant Law Group c Canada (Agence de revenu), 2010 CAF 184, au paragraphe 34 [Merchant Law]; Johnson c Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2002 CFPI 917, aux paragraphes 24 et 25 [Johnson].

[21]           Les défendeurs citent des exemples de ce qu’ils qualifient de simples assertions non appuyées par des faits importants, en l’occurrence les paragraphes 6, 7, 16t), 16y), 35 et 36 de la déclaration. Ils affirment qu’il s’agit de [traduction] « simples exemples » et qu’il est impossible pour eux de répondre à des [traduction] « assertions non étayées, vagues, généralisées et emphatiques ». Ils soutiennent que la déclaration ne renferme pas d’énoncé concis de faits pertinents donnant ouverture à des causes d’action reconnues en droit et qu’il ne s’agit donc pas d’un acte de procédure approprié.

[22]           En ce qui concerne les allégations de M. Mancuso (paragraphes 24 à 30 de la déclaration), les défendeurs affirment que, bien que M. Mancuso soutienne que les régimes réglementaires appliqués par les fonctionnaires de Santé Canada ont eu pour effet de diminuer, voire d’éliminer, la disponibilité de [traduction] « nombreux produits sans danger » qu’il souhaite consommer, il n’a cité aucun complément alimentaire ou vitamine qui lui aurait été refusé. De plus, bien qu’il affirme que le régime réglementaire actuel viole les droits que lui garantissent les alinéas 2a) et 2b) et les articles 7 et 15 de la Charte, M. Mancuso n’a invoqué aucun élément constitutif des violations de la Charte dont il se prétend victime.

[23]           En ce qui concerne l’argument tiré de la violation de l’alinéa 2a), les défendeurs affirment que M. Mancuso n’a pas allégué qu’on lui avait interdit d’adopter une pratique ou une ligne de conduite quelconque ayant un lien avec les convictions religieuses ou morales auxquelles il souscrit, cet élément étant nécessaire pour démontrer que l’alinéa 2a) de la Charte a été violé : Syndicat Northcrest c Amselem, 2004 CSC 47, au paragraphe 56. Il se contente d’affirmer qu’il préfère certains compléments alimentaires et vitamines. Les défendeurs affirment que, sans plus, le moyen tiré par M. Mancuso de l’alinéa 2a) n’a aucune chance raisonnable de succès.

[24]           Les défendeurs affirment que les allégations formulées par Mancuso au sujet de la liberté d’expression garantie à l’alinéa 2b) de la Charte présentent des lacunes semblables. Bien que la Cour suprême du Canada ait retenu une définition large de la notion d’« expression », M. Mancuso n’a pas allégué qu’il avait personnellement tenté de se livrer à une activité expressive interdite ou d’en profiter.

[25]           Les défendeurs affirment que M. Mancuso n’a pas allégué de manière convenable une violation de l’article 7 de la Charte. Il devait démontrer une atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne qui soit incompatible avec un principe de justice fondamentale. Or, il n’a pas démontré que la Loi qu’il cherche à faire invalider avait eu pour conséquence de l’empêcher de se procurer des produits de la santé nécessaires à son intégrité corporelle et/ou psychologique. Rien ne permet donc de conclure à atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne. De plus, M. Mancuso n’allègue aucune contradiction avec un des principes de justice fondamentale.

[26]           Enfin, les défendeurs affirment que l’allégation de violation de l’article 15 de la Charte formulée par M. Mancuso n’a aucune chance raisonnable d’être accueillie, étant donné qu’il n’a pas allégué qu’il était défavorisé en raison d’un motif interdit ou d’un motif analogue. Monsieur Mancuso affirme qu’il est victime de discrimination fondée sur son choix d’aliments, de compléments alimentaires et de vitamines. Il ne s’agit pas d’un motif interdit prévu à l’article 15 et ce motif n’a pas été reconnu ou invoqué comme un motif de discrimination analogue.

[27]           En ce qui concerne les violations des articles 2, 7 et 15 allégués par M. Rowland et par M. et Mme Dahl, les défendeurs affirment que, comme les demandeurs en question se fondent presque entièrement sur les faits allégués par M. Mancuso pour appuyer leurs allégations, ils n’ont invoqué aucun fait pertinent permettant de conclure que leurs droits ont été violés. De plus, leurs allégations comportent les mêmes lacunes que celles qui ont été signalées dans le cas de M. Mancuso.

[28]           Les défendeurs affirment également que les jugements déclaratoires sollicités par les demandeurs sont vagues et imprécis au point d’être ingérables par les tribunaux, ce qui en soi constitue une raison de conclure que les extraits en question de la déclaration sont voués à l’échec : Chaudhary v Canada (Attorney General), 2010 ONSC 6092, au paragraphe 17. Les demandeurs sollicitent des jugements déclaratoires invalidant catégoriquement [traduction] « l’ensemble du régime et des mécanismes de contrôle d’application » du Règlement. Cette demande est tellement vaste et imprécise qu’elle est tout à fait impraticable. Les demandeurs souhaitent également que la Cour donne une interprétation atténuante du mot « drogue » à l’article 2 de la Loi de manière à exclure les produits de santé naturels, mais le jugement déclaratoire qu’ils sollicitent est à ce point vague et imprécis pour que la Cour ne soit pas en mesure de définir avec précision la portée de toute invalidité constitutionnelle ou pour offrir aux parties des balises utiles. Les défendeurs affirment que la Cour ne devrait pas prononcer de jugements déclaratoires catégoriques dans un vide factuel.

[29]           Les défendeurs affirment également que l’action en dommages-intérêts des demandeurs n’a aucune chance raisonnable d’être accueillie. Une action en dommages-intérêts présentée en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte ne peut être combinée à une action en déclaration d’invalidité fondée sur l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 : Mackin c Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances), 2002 CSC 13, au paragraphe 81 [Mackin]; voir également Vancouver (Ville) c Ward, 2010 CSC 27, au paragraphe 39 [Ward]; Schachter c Canada, [1992] 2 RCS 679, au paragraphe 89 [Schachter]. Les tribunaux canadiens, y compris la Cour fédérale, se sont fondés sur l’arrêt Mackin pour radier des déclarations dans des situations dans lesquelles des dommages-intérêts étaient réclamés en vertu du paragraphe 24(1) relativement à l’application de dispositions législatives qui étaient constitutionnelles au moment de leur application : Zündel c Canada, 2005 CF 1612, conf. par 2006 CAF 356 [Zündel]; voir également Perron v Canada (Attorney general), [2003] 3 CNLR 198, [2003] OJ no 1348, aux paragraphes 55 et 56.

[30]           Les défendeurs affirment également qu’il n’y a pas ouverture à une action en dommages-intérêts pour faire appliquer une loi qui était constitutionnelle au moment où l’on a tenté de l’appliquer. Sauf s’ils ont agi de mauvaise foi ou ont commis un abus de pouvoir, les fonctionnaires bénéficient d’une immunité restreinte au civil relativement aux actes qui donnent effet à une autorisation législative valide et cette immunité s’applique même lorsque cette autorisation est subséquemment déclarée inconstitutionnelle. Le paragraphe 24(1) de la Charte ne permet pas d’accorder de réparations rétroactives : Mackin, précité, au paragraphe 78; Schachter, précité, au paragraphe 89. Comme les allégations de mauvaise foi ou d’abus de pouvoir des demandeurs n’étaient pas suffisamment précises, même en tenant pour acquis que les nombreuses dispositions qu’ils affirment invalides sur le plan constitutionnel le sont effectivement, les demandeurs n’auraient droit à aucun dommage-intérêt. Les actes posés par Sa Majesté relèvent carrément de l’immunité en question.

[31]           Les défendeurs affirment que les allégations concernant M. et Mme Dahl ainsi que Life Choice devraient être radiées au complet parce qu’elles constituent un abus de procédure. La règle interdisant les contestations indirectes protège contre les tentatives de contester les décisions judiciaires rendues à l’issue d’instances antérieures. La doctrine de l’abus de procédure complète cette règle dans les situations où le demandeur reconnaît la force exécutoire d’une ordonnance judiciaire, mais conteste le bien-fondé de cette ordonnance et/ou les conclusions factuelles à la base de celle‑ci dans le cadre d’une demande différente comportant des conséquences juridiques différentes : Toronto (Ville) c Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 79, 2003 CSC 63 [CFP], aux paragraphes 33 et 34. Les tribunaux canadiens radient systématiquement les actions civiles dans lesquelles le demandeur sollicite une conclusion différente de celle tirée par le juge du procès dans un procès au criminel antérieur : Demeter c British Pacific Life Insurance Co (1985), 13 DLR (4th) 318, 7 OAC 143 (CA), aux paragraphes 6 et 7; Wolf v Ontario (Attorney General), 2012 ONSC 72, aux paragraphes 56 et 57 [Wolf]; Sauvé c Canada, 2010 CF 217 [Sauvé], conf. en partie par 2011 CAF 141.

[32]           Les demandeurs prient la Cour de réexaminer la légalité des perquisitions effectuées par les autorités le 31 mars 2004 et le 15 janvier 2009, le bien-fondé des condamnations de 2004 et 2013, ainsi que les conclusions factuelles à l’origine de ces condamnations. Monsieur Dahl et E.D. Internal Health ont contesté en vain la validité de trois mandats de perquisition en vertu de l’article 8 de la Charte au cours d’un procès criminel intenté en 2004 (R v Dahl no 1, au paragraphe 10) et les demandeurs ont également contesté en vain la légalité des perquisitions du 15 janvier 2009 devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta : extrait du procès dans R v Eldon Garth Dahl, Agnesa Dahl and EDG Modern Design Ltd, 100237221Q3 (CBR Alb.) [R v Dahl no 5], 20 mars 2012, contre-interrogatoire sur le voir-dire, aux pages 40 et 41 (dossier de la requête des défendeurs, aux pages 345 et 346)). Ils veulent maintenant contester de nouveau la constitutionnalité des mêmes perquisitions. De plus, ils allèguent qu’ils ont été [traduction] « accusés injustement et de manière malveillante » dans cette dernière instance, malgré le plaidoyer de culpabilité de E.G.D. Modern Design Ltd, dont M. Dahl était le mandant. Les défendeurs soutiennent que la totalité des paragraphes 40 et 41 de la déclaration repose sur l’assertion que, contrairement aux conclusions tirées par deux juges de première instance et au plaidoyer de culpabilité, les demandeurs en question ont fait l’objet de perquisitions illégales et ont été injustement condamnés. Notre Cour ne serait pas en mesure d’accorder les réparations sollicitées sans d’abord tirer de conclusions au sujet de la responsabilité criminelle, de la constitutionnalité des perquisitions effectuées par la police et/ou de l’admissibilité des éléments de preuve dans une instance criminelle qui sont incompatibles avec les conclusions antérieures tirées dans les procès au criminel des demandeurs, à défaut de quoi on porterait atteinte aux principes de la cohérence, de l’autorité de la chose jugée et de l’intégrité de l’administration de la justice, et cette partie de la déclaration devrait être radiée intégralement au motif qu’elle constitue une contestation indirecte et un abus de procédure.

[33]           Les défendeurs soutiennent en outre qu’il est de jurisprudence constante que les personnes morales ne possèdent aucun droit visé aux articles 7 ou 15 de la Charte. Bien que les personnes morales puissent invoquer l’alinéa 2a) de la Charte pour se défendre contre des accusations criminelles, elles ne peuvent se servir de cette disposition comme un glaive dans une instance civile : Edmonton Journal c Alberta (Procureur général), [1989] 2 RCS 1326, au paragraphe 101; Peter Hogg, Constitutional Law of Canada, 5e éd. (Toronto : Thomson Reuters Canada Ltd., 2007), à la page 59‑12.

[34]           Les défendeurs affirment également que les demandeurs n’ont pas le droit de solliciter une injonction et un bref de prohibition par voie d’action, étant donné que ces réparations ne peuvent être obtenues que dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire : Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, par. 18(3), et Burton c Canada, [1996] ACF no 1059, 65 ACWS (3d) 20 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 22.

[35]           Les défendeurs soutiennent que si une partie quelconque de la déclaration devait suivre son cours, elle ne devrait concerner que Sa Majesté la Reine. Les trois ministres désignés et la GRC sont des personnes qui ont été constituées erronément comme parties ou des parties dont la présence n’est pas nécessaire au règlement des questions en litige. La déclaration ne révèle aucun fait pertinent indiquant que les ministres nommément désignés auraient commis quelque acte répréhensible que ce soit; de plus, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social n’existe pas, le fait de désigner le procureur général du Canada est superflu et la GRC n’est pas une entité qui peut être poursuivie : Mandate Erectors and Welding Ltd c Canada, [1996] ACF no 1130, 118 FTR 290 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 19 à 21 [Mandate Erectors]; Cairns v Farm Credit Corp, [1992] 2 FC 115 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 6 [Cairns]; Sauvé, précité, au paragraphe 44.

Prétentions et moyens des demandeurs

[36]           Les demandeurs répondent que la déclaration ne devrait pas être radiée et que les défendeurs désignés ont tous été régulièrement constitués parties à l’action.

[37]           Les demandeurs signalent que les faits allégués dans la déclaration doivent être tenus pour avérés aux fins de la présente requête : Canada (Procureur général) c Inuit Tapirisat du Canada, [1980] 2 RCS 735; Nelles c Ontario (1989), 60 DLR (4th) 609 (CSC) [Nelles]; Operation Dismantle Inc c Canada, [1985] 1 RCS 441; Hunt, précité; Dumont c Canada (Procureur général), [1990] 1 RCS 279 [Dumont]; Trendsetter Ltd v Ottawa Financial Corp (1989), 32 OAC 327 (CA) [Trendsetter]; Nash v Ontario (1995), 27 OR (3d) 1 (CA Ont.) [Nash]; Arsenault c Canada, 2009 CAF 242 [Arsenault]. Une déclaration ne devrait être radiée « que dans des cas très clairs où l’acte de procédure est incontestablement vicié » (Nelles, précité, à la page 627) ou lorsqu’il est « évident et manifeste » ou « au‑delà de tout doute » que la déclaration ne saurait prospérer (Dumont, précité, à la page 280; Trendsetter, précité). Le fait qu’il s’agit d’une action inédite ou que la déclaration soulève un point de droit épineux ne justifie pas sa radiation : Hunt, précité, aux pages 990 et 991; Nash, précité; Hanson v Bank of Nova Scotia (1994), 19 OR (3d) 142 (CA); Adams-Smith v Christian Horizons (1997), 14 CPC (4th) 78 (Div. gén. Ont.); Miller (Litigation Guardian of) v Wiwchairyk (1997) 34 OR (3d) 640 (Div. gén. Ont.)). Les questions qui n’ont pas été entièrement tranchées par la jurisprudence ne devraient pas être jugées dans le cadre d’une requête en radiation : RD Belanger & Associates Ltd v Stadium Corp of Ontario Ltd (1991) 5 OR (3d) 778 (CA). D’ailleurs, les demandeurs affirment que, pour réussir à faire radier la déclaration, les défendeurs doivent produire une [traduction] « décision qui porte directement sur la même question et qui émane de la même province ou territoire et démontre que la question a déjà été directement examinée et rejetée » : Dalex Co c Schwartz Levitsky Feldman (1994), 19 OR (3d) 463 (Div. gén.). Enfin, la Cour doit se montrer généreuse en ce qui concerne la rédaction des actes de procédure et en permettre la modification avant de les radier (Grant v Cormier – Grant (2001), 56 OR (3d) 215, [2001] OJ no 3851 (CA); Toronto-Dominion Bank v Deloitte Haskins & Sells (1991), 5 OR (3d) 417, [1991] OJ no 1618 (Div. gén.).

[38]           Les demandeurs affirment que les défendeurs se livrent à tort à une sorte de valse-hésitation en affirmant d’une part que certains faits ne constituent pas des « faits » parce qu’ils sont de simples conclusions sans fondement probatoire, tout en soutenant d’autre part que les faits allégués ne sont pas à juste titre des « faits » parce qu’ils constituent des « éléments de preuve ». Il s’agit d’une tentative consistant à extraire certains faits de la déclaration contrairement aux directives données par notre Cour : Liebmann c Canada (Ministre de la Défense nationale), [1994] 2 CF 3 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 20 [Liebmann].

[39]           Les demandeurs affirment également que les défendeurs confondent le jugement déclaratoire sollicité avec le volet de la déclaration dans lequel des dommages-intérêts sont réclamés pour responsabilité délictuelle, et qu’ils méconnaissent le fait que, au principal, les demandeurs sollicitent dans la déclaration un jugement déclaratoire. Les demandeurs affirment qu’ils sollicitent : 1) au principal, un jugement déclaratoire portant sur diverses dispositions du Règlement (alinéas 1a)(i) à 1a)(xi), 1b)(i) à (v), 1c) et 1d) de la déclaration); 2) une injonction ou une réparation de la nature d’un bref de prohibition (alinéas 1e)(i) à e)(iv) et paragraphe 3 de la déclaration) et une indemnité monétaire sous forme de dommages-intérêts (alinéas 2a) à d) de la déclaration).

[40]           Les demandeurs affirment que le jugement déclaratoire touche au cœur même du droit au contrôle judiciaire reconnu par la Constitution : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], aux paragraphes 27 à 31; Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 757; Canada c Solosky, [1980] 1 RCS 821, à la page 830; Manitoba Metis Federation Inc c Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, aux paragraphes 134, 140 et 143 [Manitoba Metis Federation]. Aux termes de l’article 64 des Règles, on peut demander à la Cour fédérale de rendre un jugement déclaratoire, et ce, « qu’une réparation soit ou puisse être demandée ou non en conséquence ». Il a été jugé qu’un jugement déclaratoire peut être demandé dans une action présentée en vertu de l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales : Edwards c Canada (2000), 181 FTR 219, 94 ACWS (3d) 922; voir également Canada (Premier ministre) c Khadr, [2010] 1 RCS 44. De plus, « la constitutionnalité d’une loi a toujours été une question [susceptible d’être tranchée par les tribunaux] » (Thorson c Canada (Procureur général), [1975] 1 RCS 138, à la page 151; Manitoba Metis Federation, précité, au paragraphe 134).

[41]           Les demandeurs ne contestent pas les règles relatives aux actes de procédure invoquées par les défendeurs, mais soutiennent que la déclaration ne comporte pas les lacunes reprochées. Ils affirment que les défendeurs citent divers énoncés de fait hors contexte pour illustrer des cas d’actes de procédure irréguliers, cherchant ainsi à dénaturer l’ensemble des énoncés de fait. Ce faisant, les défendeurs ne prennent pas la déclaration telle qu’elle est présentée, mais la reconfigurent pour satisfaire leurs propres besoins, contrairement à la directive claire donnée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Arsenault, précité, au paragraphe 10. Les faits allégués doivent être interprétés dans leur contexte et être tenus pour avérés.

[42]           En ce qui concerne les allégations concernant M. Mancuso, les demandeurs disent que, contrairement à ce que les défendeurs affirment, la déclaration précise bien (aux paragraphes 28, 29 et aux alinéas 30a) et b)), que M. Mancuso a été privé de produits et de publications sur les produits en question en raison du Règlement et de son application, ce qui porte atteinte aux droits que lui reconnaissent les articles 2, 7 et 15 de la Charte. Les reproches formulés par les défendeurs se limitent à une demande de précisions qui, selon les demandeurs, ont été communiquées dans l’affidavit souscrit par M. Mancuso et versées au présent dossier de la requête. Les demandeurs affirment que les moyens tirés de l’article 7 par M. Mancuso trouvent appui dans la jurisprudence (Singh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 1 RCS 177; R c Morgentaler, [1988] 1 RCS 30; Rodriguez c Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 RCS 519; Chaoulli c Québec (Procureur général), [2005] 1 RCS 791) et que, bien qu’on puisse prétendre que le moyen tiré de l’article 15 est nouveau, on ne peut dire qu’il est « évident et manifeste » qu’il n’a aucune chance de prospérer : Dumont, précité, à la page 280).

[43]           Les demandeurs affirment que les mêmes arguments valent pour ce qui est des moyens tirés de la Charte qu’invoquent M. Rowlan et M. et Mme Dahl. Les demandeurs affirment que les Dahl font valoir d’autres arguments en vertu des articles 2, 7 et 15 de la Charte en raison de la façon dont les mandats de perquisition ont été exécutés, du fait que des mises en garde périmées concernant leurs produits n’ont pas été supprimées ainsi que d’autres faits allégués dans leur déclaration.

[44]           En ce qui concerne l’argument suivant lequel les jugements déclaratoires demandés sont [traduction] « ingérables et imprécis », les demandeurs affirment que chaque jugement déclaratoire sollicité est, en soi, précis, clair et distinct. Le seul jugement déclaratoire [traduction] « général » qu’ils sollicitent porte que les compléments alimentaires et les vitamines ne peuvent être assimilés à des « drogues » au sens de la Loi, ajoutant que cette réparation est bien fondée et qu’elle est appuyée par des faits portant sur les différences essentielles entre un « aliment » et une « drogue ».

[45]           En ce qui concerne leur supposée incapacité de réclamer des dommages-intérêts dans le cadre d’une action dans laquelle ils sollicitent également une réparation fondée sur l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, les demandeurs affirment que l’arrêt Mackin, précité, n’est pas aussi absolu que ce que laissent entendre les défendeurs, s’agissant de dommages-intérêts découlant d’un règlement d’application inconstitutionnel, ajoutant que la thèse des défendeurs a été écartée sans ambages par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Manitoba Metis Federation, précité, au paragraphe 134. De plus, l’idée qu’il n’est pas possible de réclamer les dommages-intérêts en vertu du paragraphe 24(1) dans le cas d’une loi qui était constitutionnelle au moment de son application ne s’applique pas lorsque les mesures d’application étaient excessives, constituaient un abus de pouvoir et que la mauvaise foi et l’abus de pouvoir ont été allégués.

[46]           Les demandeurs affirment que les allégations concernant les Dahl ne sont pas des attaques indirectes et que les principes de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure ne s’appliquent pas parce que le forum judiciaire est différent et que les questions en litige sont différentes. Plus précisément, le procès au criminel ne portait pas sur le jugement déclaratoire sollicité et/ou sur une demande de dommages-intérêts fondée sur des méthodes d’application abusives et excessives. En ce qui concerne les arguments formulés par les défendeurs au sujet de la réparation demandée et des éléments de preuve présentés lors d’un procès au criminel, ces questions relèvent du juge de première instance dans la présente action et il ne convient pas de les aborder dans le cadre d’une requête en radiation. Les demandeurs affirment que la présente situation porte sur une instance judiciaire différente dans laquelle des tribunaux différents sont appelés à se prononcer sur des réparations et des moyens différents et qu’il ne s’agit pas d’une attaque indirecte, ajoutant que la jurisprudence récente de la Cour suprême a écarté la thèse défendue par les défendeurs à ce propos : Dunsmuir, précité; Canada (Procureur général) c TeleZone Inc, 2010 CSC 62 [TeleZone]; Canada (Procureur général) c McArthur, 2010 CSC 63; Parrish & Heimbecker Ltd c Canada (Agriculture et Agroalimentaire), 2010 CSC 64 [Parrish & Heimbecker]; Nu-Pharm Inc c Canada (Procureur général), 2010 CSC 65 [Nu-Pharm]; Agence canadienne d’inspection des aliments c Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CSC 66; Manuge c Canada, 2010 CSC 67 [Manuge]; Sivak v Canada (Minister od Citizenship and Immigration), 2011 FC 402 [Sivak no 1]).

[47]           En ce qui concerne les moyens tirés de la Charte que les personnes morales demanderesses invoquent, les demandeurs affirment que, bien que les personnes morales ne jouissent pas des mêmes droits que ceux qui sont reconnus aux personnes physiques par les articles 7 et 15, il n’en demeure pas moins qu’elles peuvent invoquer les droits consacrés à l’article 2 de la Charte, les droits procéduraux prévus à l’article 7 dans le contexte d’un régime (quasi) criminel et les droits à la justice fondamentale reconnus à l’article 7 pour contester des dispositions législatives d’une portée trop large et d’une imprécision inadmissible : R c Heywood, [1994] 3 RCS 761 [Heywood]; R c Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 RCS 606 [Nova Scotia Pharmaceutical]. Ils affirment que la seule la réparation demandée en vertu de la Charte par les personnes morales demanderesses en l’espèce est fondée : 1) sur la doctrine de la nullité pour cause d’imprécision et pour cause de portée excessive en vertu de l’article 7 qu’une personne morale a le droit d’invoquer, étant donné que les personnes morales sont assujetties aux dispositions pénales énoncées dans le Règlement (Nova Scotia Pharmaceutical, précité); et 2) sur le droit à « l’expression commerciale » garantie par les alinéas 2a) et b) de la Charte (RJR-MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1995] 3 RCS 199 [RJR-MacDonald (1995)]; Irwin Toy Ltd c Québec (Procureur général), [1989] 1 RCS 927 [Irwin Toy]; Rocket c Collège royal des chirurgiens dentistes d’Ontario, [1990] 2 RCS 232 [Rocket]). Ils soutiennent que les personnes morales ont le droit de réclamer un jugement déclaratoire et d’obtenir des réparations constitutionnelles relativement à l’application et à l’exécution des lois qui les régissent : Winner c SMT (Eastern) Ltd, [1951] SCR 887 [Winner]; RJR-MacDonald (1995), précité.

[48]           De plus, bien que les personnes morales demanderesses n’aient pas le droit d’invoquer les droits à l’égalité garantis par l’article 15 de la Charte, les demandeurs affirment que les personnes morales demanderesses ont le droit d’invoquer [traduction] « les dispositions relatives aux droits à l’égalité sous-jacentes à l’impératif constitutionnel de l’égalité de traitement » : Donald A MacIntosh, Fundamentals of the Criminal Justice System, (Agincourt : Carswell, 1989); Winner, précité; Bolling v Sharpe, 347 U.S. 497 (1954); Canada c Schmidt, [1987] 1 RCS 500.

[49]           En ce qui concerne l’argument des défendeurs suivant lequel les demandeurs n’ont pas droit à l’injonction qu’ils réclament, les demandeurs affirment que rien n’empêche la Cour de prononcer une injonction dans le cadre d’une action à titre accessoire (Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 6 Imm LR (2d) 123 (CAF) [Toth]; Manitoba (Procureur général) c Metropolitan Stores (MTS) Ltd, [1987] 1 RCS 110 [Metropolitan Stores]; RJR-MacDonald c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR-MacDonald (1994)]), et que rien n’empêche la Cour d’accorder une réparation « de la nature » d’un bref de prohibition et/ou d’une injonction en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte.

[50]           En ce qui concerne les personnes légitimement constituées parties à l’action, les demandeurs affirment que, bien que Sa Majesté la Reine soit normalement la seule défenderesse dans les actions intentées contre l’État, d’autres personnes peuvent être désignées à titre personnel dans les affaires portant sur des questions constitutionnelles : Liebmann, précité, aux paragraphes 51 et 52). Il n’est pas indiqué de rendre une décision sur la qualité pour agir des parties à l’étape d’une requête en radiation : Apotex Inc c Canada (Gouverneur en conseil), 2007 CAF 374, au paragraphe 13 [Apotex].

Requête en injonction provisoire des demandeurs

[51]           Comme nous l’avons déjà signalé, les demandeurs ont déposé une requête incidente dans laquelle ils cherchent à faire surseoir à l’application des paragraphes 3(1) et (2) de la Loi et aux articles  44, 63 à 83, 87, 91, 93, 94, 98 et 108 à 115 du Règlement en attendant l’issue de l’action. Les parties conviennent que le critère applicable dans le cas de ce genre de requête est celui qui a été énoncé dans l’arrêt Toth, précité (voir également RJR-MacDonald (1994), précité, aux pages 333 et 334; Metropolitan Stores, précité). Autrement dit, les demandeurs doivent établir :

a)         qu’ils ont soulevé une question sérieuse à juger;

b)        qu’ils subiraient un préjudice irréparable si l’on ne suspendait pas l’application des dispositions en question;

c)         que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’une suspension.

[52]           Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir s’il a été satisfait à ce critère en l’espèce.

Arguments des demandeurs

[53]           Les demandeurs affirment qu’ils ont soulevé des questions sérieuses à trancher dans leur demande. Ils soutiennent que le critère quant à l’existence d’une question sérieuse est peu exigeant (RJR-MacDonald (1994)), précité, au paragraphe 50) et que l’on peut obtenir un tel sursis tant en ce qui concerne l’application de dispositions législatives qu’à l’égard de mesures prises par l’exécutif : Toth, précité; Metropolitan Stores, précité; RJR-MacDonald (1994), précité. Ils soutiennent que l’action soulève notamment les questions sérieuses suivantes :

a)         la définition du mot « drogue » à l’article 2 de la Loi a une portée trop vaste et porte donc atteinte à l’article 7 de la Charte (citant Heywood, précité, aux paragraphes 48 à 51);

b)         la doctrine de la portée excessive et d’autres doctrines s’appliquent dans le cas de l’article 7, en tant que principes de justice fondamentale, à toutes les dispositions législatives, qu’il s’agisse de dispositions pénales, civiles, administratives ou autres (citant Nova Scotia Pharmaceutical, précité);

c)         le Règlement portant sur les produits de santé naturels déborde la compétence du Parlement du Canada et empiète illégalement sur la compétence exclusive des provinces sur les droits civils, les biens, les aliments, la santé et d’autres questions de nature purement privée et locale (citant la Loi constitutionnelle de 1867, paragraphes 92(7), (13) et (16), Schneider c Colombie-Britannique, [1982] 2 RCS 112, à la page 142; RJR-MacDonald (1995), précité, au paragraphe 32; Eldridge c Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 RCS 624, au paragraphe 24; Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières, 2011 CSC 66) et il déborde le cadre des pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de droit criminel;

d)         le Règlement outrepasse les pouvoirs conférés par la Loi étant donné qu’il ne respecte pas la volonté et le sens de sa Loi habilitante;

e)         la définition du mot « drogue » dans la Loi est nulle pour cause d’imprécision étant donné qu’elle englobe tous les compléments alimentaires et/ou des vitamines et les herbes (citant Heywood, précité; et Nova Scotia Pharmaceutical, précité);

f)         les paragraphes 3(1) et (2) de la Loi portent atteinte aux droits garantis aux demandeurs par les alinéas 2a) et b) de la Charte et par l’alinéa 1c) de la Déclaration canadienne des droits (citant Irwin Toy, précité; Rocket, précité; RJR-MacDonald (1995), précité).

[54]           Les demandeurs affirment également qu’ils subiront un préjudice irréparable si l’application des dispositions législatives en question n’est pas suspendue. L’intégrité physique et psychologique est protégée en tant que droit conféré par l’article 7 et la « liberté d’expression commerciale » est protégée par les alinéas 2a) et b), et la violation continue de ces droits ne peut faire l’objet d’une indemnisation sous forme de dommages-intérêts. Lorsque l’existence d’une question sérieuse a été démontrée et qu’il risque d’y avoir violation de la Charte, l’existence d’un préjudice irréparable est démontrée étant donné que les violations en question sont présumées ne pas pouvoir faire l’objet d’une indemnisation sous forme de dommages-intérêts : RJR-MacDonald (1994), précité, aux paragraphes 60 et 61.

[55]           Quant à la prépondérance des inconvénients, les demandeurs affirment que les dispositions dont on demande la suspension de l’application ne portent sur aucune question de santé et de sécurité et que, jusqu’ici, aucune blessure grave ou décès n’a été attribué aux produits de santé naturels en question. En ce qui concerne l’intérêt public, les demandeurs se fondent sur l’analyse effectuée par la Cour suprême dans l’arrêt RJR-MacDonald (1994), précité, aux paragraphes 62 à 67, pour affirmer que l’intérêt public est un « élément particulier » dont on doit tenir compte dans les affaires constitutionnelles, en faisant toutefois observer que « le gouvernement n’a pas le monopole de l’intérêt public » et qu’il est loisible aux deux parties en cause dans une instance interlocutoire portant sur la Charte d’invoquer des considérations d’intérêt public.

Arguments des défendeurs

[56]           Les défendeurs affirment que les demandeurs n’ont pas soulevé de questions sérieuses à juger, en grande partie en se fondant sur l’argument qu’ils invoquent relativement à la requête en radiation selon lequel la déclaration au complet est frivole et vexatoire. Lorsque c’est le cas, aucune question sérieuse n’est, à leur avis, soulevée : RJR-MacDonald (1994), précité, à la page 337.

[57]           En ce qui concerne le préjudice irréparable, les défendeurs affirment que la Cour d’appel fédérale a répété à plusieurs reprises qu’un préjudice spéculatif n’est pas un préjudice irréparable (Canada (Procureur général) c Canada (Commissaire à l’information), 2001 CAF 25, au paragraphe 12 [Commissaire à l’information]; International Longshore and Warehouse Union, Canada c Canada (Procureur général), 2008 CAF 3, aux paragraphes 25 et 33), et ils affirment que le préjudice invoqué par les demandeurs est spéculatif. Par exemple, bien que M. Mancuso mentionne trois produits qui auraient été [traduction] « retirés du marché » en raison du régime de délivrance de permis contesté, il affirme également dans son affidavit qu’il utilise ces produits [traduction] « régulièrement et couramment ». Monsieur Mancuso ne mentionne aucun problème médical dont il souffrirait et qui empirerait si la suspension demandée ne lui est pas accordée. Quant à ses allégations de souffrance psychologique et physique, il n’a fourni aucune précision. La Cour en est donc réduite à émettre des hypothèses sur la nature du préjudice qu’il subira. Le préjudice allégué par M. Rowland est également spéculatif. De plus, les pertes de revenu commercial dont il se prétend victime peuvent faire l’objet d’une indemnisation sous forme de dommages-intérêts si les demandeurs obtiennent gain de cause, de sorte que, par définition, ils ne constituent pas un préjudice irréparable : RJR-MacDonald (1994), précité, à la page 341. Les défendeurs signalent que les règles de droit relatives aux dommages-intérêts en cas de violation de la Charte ont beaucoup évolué depuis l’arrêt RJR-MacDonald (1994), et qu’on ne peut plus tenir pour acquis que les présumées violations de la Charte ne peuvent faire l’objet d’une réparation sous forme de dommages-intérêts : voir Ward, précité.

[58]           Enfin, en ce qui concerne la prépondérance des inconvénients, les défendeurs font observer que l’intérêt public revêt une importance cruciale lorsqu’il s’agit d’évaluer la prépondérance des inconvénients dans les affaires relatives à la Charte (RJR-MacDonald (1994), précité, à la page  343), ajoutant que la loi est censée promouvoir l’intérêt public, et ce, même en cas de contestation constitutionnelle : Harper c Canada (Procureur général), 2000 CSC 57, au paragraphe 9 [Harper]. Les demandeurs affirment que, dans la plupart des cas, cette présomption est déterminante dans le cas d’une requête en injonction interlocutoire qui ne sera accueillie pour cause d’inconstitutionnalité « que dans les cas manifestes » : Harper, précité, au paragraphe 9. Il est rare qu’une demande dans laquelle l’inconstitutionnalité est invoquée respecte ce critère préliminaire, et ce, pour au moins les deux raisons suivantes : 1) la portée et le sens des droits garantis par la Charte sont souvent ambigus, surtout lorsque la constitutionnalité des dispositions contestées n’a pas déjà été tranchée; 2) il est toujours loisible à l’État de justifier une violation des droits en question en invoquant l’article premier de la Charte (Metropolitan Stores, précité, aux paragraphes 42 et 44). Les défendeurs affirment qu’à l’étape interlocutoire, la juridiction de révision n’est tout simplement pas bien placée pour évaluer le bien-fondé d’un argument raisonnable portant sur la limitation.

[59]           Dans le cas qui nous occupe, les défendeurs soutiennent que les dispositions contestées visent à protéger la santé et le bien-être des Canadiens en interdisant la publicité et l’étiquetage de drogues destinées à traiter des maladies graves et en réglementant la fabrication, l’étiquetage, la publicité et la vente des produits de santé naturels. Même la suspension temporaire de l’application des dispositions en question priverait les fonctionnaires d’outils que le législateur et le gouverneur en conseil ont adoptés pour protéger la santé et la sécurité du public. Ainsi, avant de pouvoir conclure à l’inconstitutionnalité, la prépondérance des inconvénients doit favoriser le maintien en vigueur des dispositions législatives qui ont été valablement édictées et la requête en injonction des demandeurs doit, par conséquent, être rejetée.

[60]           Les défendeurs affirment, en outre, que les défendeurs n’ont avancé aucune raison convaincante pour réfuter la présomption suivant laquelle la prépondérance des inconvénients favorise l’application continue des dispositions législatives contestées. Les pertes financières ne suffisent pas pour faire entrer la présente affaire dans la petite minorité de cas où la suspension de l’application de la loi pourrait se justifier : Alliance évangélique du Canada c Agence canadienne des droits de reproduction musicaux, [1999] ACF no 1391, [2000] 1 CF 586 (CAF), au paragraphe 32. Rien ne permet de conclure en l’espèce que l’intérêt du public serait servi si l’on suspendait l’application des dispositions législatives contestées.

ANALYSE

Requête en radiation

La Loi

[61]           Les parties s’entendent sur les règles et les principes applicables aux requêtes en radiation. Leur désaccord concerne leur application aux faits de la présente affaire.

[62]           La présente requête est présentée en vertu des alinéas 221a), c), d) et f) des Règles. Les défendeurs affirment que la déclaration ne satisfait pas aux règles fondamentales régissant les actes de procédure. Ils affirment que la déclaration est scandaleuse, frivole et vexatoire, qu’elle nuira à l’instruction équitable de l’action et qu’elle constitue au moins en partie une attaque indirecte portée contre des décisions judiciaires rendues dans d’autres instances. Ils affirment que la déclaration comporte tellement de lacunes qu’elle devrait être radiée en entier.

Contestation générale

[63]           Ainsi que les défendeurs le soulignent, la déclaration constitue une contestation de la Loi et du Règlement.

[64]           Lors des débats, les demandeurs ont expliqué à la Cour qu’ils ne contestaient que le NPN et les aspects de la Loi et du Règlement portant sur la délivrance de permis garantissant l’innocuité des produits en question, et qu’ils s’en prennent également à la définition trop vaste du mot « drogue » prévue à l’article 2 de la Loi, qui permet à tout aliment, complément alimentaire, produit alimentaire dérivé et vitamine d’être assimilé à une drogue pour l’application de la loi, même lorsque les substances en question ne présentent aucun risque pour la santé. Les demandeurs affirment qu’ils ne souhaitent pas contester les aspects du régime législatif concernant la santé et la sécurité. Leur affirmation fondamentale est que les aliments, les compléments alimentaires et les vitamines devraient être classés comme des aliments et non comme des drogues et que le système d’application et d’inspection auquel ils sont assujettis devrait s’apparenter à un système d’inspection et de contrôle des aliments et non au système applicable aux produits pharmaceutiques et/ou aux drogues illicites.

[65]           Il me semble que ces objectifs sont clairement et suffisamment formulés dans la partie de la déclaration intitulée « RÉPARATION(S) » dans laquelle sont précisées les conséquences juridiques et les motifs donnant ouverture à la réparation demandée. La question qui se pose est celle de savoir si le reste de la déclaration est suffisamment conforme aux règles régissant les actes de procédure. En d’autres termes, dans leur déclaration, les demandeurs allèguent-ils avec suffisamment de précision les éléments constitutifs de chacune des causes d’action ou des moyens de droit soulevés et fournissent‑ils un fondement factuel suffisant sous une forme sommaire appropriée?

[66]           Les défendeurs estiment toutefois qu’au moins certaines parties de la section « RÉPARATION(S) » devraient être radiées, et ce, pour diverses raisons :

a)         Les allégations sont trop larges et trop abstraites. Les substances en question ne sont pas précisées (vraisemblablement, quelque 55 000 substances seraient présentement réglementées);

b)        Le sous-alinéa 1a)(viii) n’est qu’une répétition de l’alinéa 1a)(i);

c)         Le sous-alinéa 1a)(ix) ne comporte pas une allégation suffisamment précise. Les défendeurs doivent connaître le nom des fonctionnaires en cause ainsi que le lieu et la date des violations reprochées;

d)        Le sous-alinéa 1a)(x) est trop abstrait et ne précise pas les faits pertinents concernant les demandeurs;

e)         Le sous-alinéa 1a)(xi) est lui aussi trop abstrait et ne précise pas les faits pertinents se rapportant aux demandeurs.

[67]           En ce qui concerne l’alinéa 1a) de la section « RÉPARATION(S) », les demandeurs ne font qu’énoncer de façon générale la réparation qu’ils sollicitent et les motifs invoqués à l’appui de cette réparation. Il n’est pas nécessaire de fournir ici les détails que l’on peut trouver dans le reste de la déclaration. À mon avis, le sous‑alinéa 1a)(viii) n’est pas une répétition du sous‑alinéa 1a)(i) parce qu’il énonce un moyen de droit différent pour faire annuler la définition du mot « drogue ».

[68]           En ce qui concerne l’alinéa 1b) de la section « RÉPARATION(S) », les défendeurs expriment les réserves suivantes :

[traduction]

a)         Le sous-alinéa 1b)(i) a une portée trop large et il est ingérable. Il énonce que [traduction] « le régime et son application sont entièrement inconstitutionnels du fait qu’ils violent l’article 7 de la Charte en inversant le fardeau de la preuve en ce qui concerne l’application de la loi […] »;

b)        Le sous-alinéa 1b)(ii) a lui aussi une portée trop large et il est ingérable. Des précisions sont nécessaires. La façon habituelle de contester un mécanisme d’application de la loi consiste à présenter une demande de contrôle judiciaire visant une décision administrative déterminée prise sous le régime de la Loi et non d’intenter une action;

c)         Le sous-alinéa 1b)(iii) soulève les mêmes réserves;

d)        Le sous-alinéa 1b)(iv) a une portée trop large parce qu’il oblige la Cour à déclarer que chacun peut manger ce qu’il veut sans aucune restriction imposée par l’État.

[69]           Suivant l’interprétation que je fais de ces paragraphes de la section RÉPARATION(S), le sous-alinéa 1b)(i) ne porte que sur la question de l’« inversion de la charge de la preuve » en matière d’application de la loi, et le sous-alinéa 1b)(ii) traite uniquement de la portée excessive des dispositions en question en ce qui concerne les frais de conformité et de délivrance de permis de NPN. Je ne trouve donc rien à redire au sujet de ces paragraphes.

[70]           En ce qui concerne le sous-alinéa 1b)(iii), il me semble que le fait que l’on mentionne [traduction] « une grande quantité de personnes » pose problème, parce que cette expression est inutilement large et qu’elle est ingérable. Toutefois, il se peut que l’on ait voulu dire qu’étaient victimes de discrimination [traduction] « les personnes qui, comme les personnes physiques demanderesses, ont une préférence pour [...] ». Les sept dernières lignes du sous-alinéa 1b)(iii) devraient donc être radiées avec autorisation de les modifier.

[71]           Je suis également d’accord pour dire que le sous-alinéa 1b)(iv) a une portée beaucoup plus large que ce que les demandeurs affirment pour expliquer l’objet de cette déclaration. Je ne vois pas comment la Cour pourrait, au vu des faits allégués, statuer sur une demande visant à obtenir un jugement déclaratoire aussi vaste, ou comment les défendeurs pourraient la contester. Ce paragraphe devrait donc être radié en entier avec autorisation de le modifier.

[72]           En ce qui concerne l’alinéa 1c) de la section « RÉPARATION(S) », les défendeurs reprochent aux demandeurs d’inviter la Cour à revoir tout le système de classification, d’inspection et de contrôle d’application des aliments, des compléments alimentaires et des vitamines et de déclarer comment il devrait être réglementé. Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que cette demande déborde largement le cadre de ce qui est nécessaire en l’espèce et, d’ailleurs, le pouvoir de la Cour. Une telle mesure exigerait que les défendeurs et la Cour se livrent à une vaste enquête (il existe présentement 55 000 produits de santé homologués) et à entamer un vaste débat sur les orientations privilégiées pour réglementer les produits en question. Même si la Cour pouvait légitimement jouer ce rôle – ce qui n’est pas le cas (voir Ami(e)s de la terre c Canada (Gouverneur en conseil), [2009] 3 RCF 201, aux paragraphes 25, 33, 36, 39 à 40 et 45, conf. par 2009 CAF 297; Syndicat canadien de la fonction publique c Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1334, au paragraphe 40) –, les actes de procédure, considérés globalement, ne fournissent aucun fondement factuel pouvant justifier un jugement déclaratoire aussi large. L’alinéa 1c) devrait donc être radié.

[73]           En ce qui concerne l’alinéa 1e) de la section « RÉPARATION(S) », les défendeurs lui adressent les reproches suivants :

a)         Il n’y a pas ouverture aux brefs de prérogative que constituent le bref de prohibition et l’injonction dans le cadre d’une action;

b)        Le sous-alinéa 1e)(i) a une portée trop vaste et une déclaration d’invalidité suffit;

c)         En ce qui concerne le sous-alinéa 1e)(ii), la déclaration ne contient aucun fondement factuel ou juridique permettant de modifier l’ALENA, le GATT, l’Accord sur l’OMC et tout autre accord, politique, règlement et décision connexe;

d)        Le sous-alinéa 1e)(iii) réclame une interdiction générale qui déborde le cadre des questions en litige et des faits allégués dans la déclaration;

e)         Le sous-alinéa 1e)(iv) a une portée beaucoup trop large, étant donné qu’il parle de [traduction] « toute publicité » et qu’il devrait bien préciser qu’il porte sur les paragraphes 3(1) et (2) de la Loi.

[74]           Je ne vois aucune raison de déclarer, à cette étape‑ci, qu’il n’y a pas ouverture à des brefs de prérogative dans le cadre d’une action : voir ma décision dans l’affaire Sivak no 1, précitée, aux paragraphes 36 à 44. Dans l’affaire Manuge, précitée, une des affaires connexes de l’affaire Telezone, précitée, le demandeur sollicitait des jugements déclarant certaines dispositions invalides (tant en vertu de moyens tirés de la Charte que pour des motifs de droit administratif), des réparations constitutionnelles, des dommages-intérêts et la restitution de sommes d’argent dans le cadre d’une action et la Cour suprême n’a exprimé aucune réserve au sujet de cette façon de procéder, puisqu’elle a jugé qu’il était possible d’intenter l’action devant la Cour fédérale (Manuge, précité, aux paragraphes 1, 9 et 10 et 17 à 24). Dans l’affaire connexe Nu-Pharm, précitée, la Cour suprême n’a exprimé aucune réserve au sujet du fait que la demanderesse réclamait une injonction et des dommages-intérêts dans la même action intentée devant notre Cour. Dans l’arrêt Ward c Nation Crie de Samson, [1999] ACF no 1403, 247 NR 254 (CA), la Cour d’appel a jugé qu’une demande de jugement déclaratoire pouvait être greffée à une demande de dommages-intérêts en modifiant la déclaration, et ce, malgré le fait que les juges majoritaires et les juges minoritaires divergeaient d’opinion au sujet des raisons permettant de le faire. Voir également Hinton c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 215, aux paragraphes 49, 50 et 54.

[75]           Tant dans l’arrêt Manuge que dans l’arrêt Telezone, la Cour suprême a signalé « l’existence du pouvoir discrétionnaire résiduel de suspendre une action qui repose sur des considérations de droit public à un point tel que [...] il s’agit essentiellement d’une demande de contrôle judiciaire qui n’a que superficiellement l’apparence d’un recours délictuel de droit privé » : Manuge, précité, au paragraphe 18, citant l’arrêt Telezone, précité, au paragraphe 78. Il ne suffit cependant pas que le défendeur affirme que certaines des questions en litige seraient susceptibles de contrôle judiciaire. Si des causes d’action valables sont alléguées – ce qu’une déclaration modifiée pourrait encore révéler en l’espèce –, il y a lieu de penser qu’il ne s’agit pas simplement d’une apparence superficielle d’un recours délictuel de droit privé et que les demandeurs seront admis à exercer leur recours par voie d’action (Manuge, aux paragraphes 19 à 21; Telezone, au paragraphe 76).

[76]           Le sous-alinéa 1e)(i) a une portée trop large parce qu’il mentionne l’alinéa 1c), qui a été radié, mais la mention des alinéas 1a) et b) ne cause aucun problème à mon avis. Par conséquent, la mention de l’alinéa 1c) devrait être supprimée du sous-alinéa 1e)(i).

[77]           Je souscris aux objections que les défendeurs formulent à l’encontre des sous-alinéas 1e)(ii), (iii) et (iv). La réparation demandée en l’espèce déborde largement ce que les faits et le droit allégués dans le reste de la déclaration peuvent justifier. Par conséquent, ces paragraphes devraient également être radiés.

Demandes de dommages-intérêts

[78]           Les défendeurs affirment que les demandes de dommages-intérêts n’ont aucune chance raisonnable de succès et que les demandeurs cherchent de façon irrégulière à obtenir réparation tant en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte que du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

[79]           Invoquant l’arrêt Mackin, précité, ainsi que la décision rendue par le juge Hughes dans l’affaire Zündel, précitée, les défendeurs affirment qu’à défaut de mauvaise foi ou d’abus de pouvoir, le demandeur ne peut obtenir de dommages-intérêts lorsqu’il réclame une réparation en matière civile découlant de l’application d’une loi qui était constitutionnelle au moment de son application.

[80]           Les demandeurs affirment que l’arrêt Mackin n’est pas absolu et qu’il ne les empêche pas d’obtenir des dommages-intérêts au titre de règlements d’application inconstitutionnels. Ils affirment en outre qu’il ressort à l’évidence des jugements TeleZone et Sivak no 1, précités, qu’ils peuvent réclamer à la fois un jugement déclaratoire et des dommages-intérêts. Ils soutiennent que l’arrêt Mackin n’englobe pas la situation dans laquelle l’action en dommages-intérêts n’est pas irrecevable en raison de l’expiration d’un délai de prescription et que cet arrêt n’empêche pas de réclamer les dommages-intérêts lorsque l’application de la loi découle d’un abus de pouvoir ou qu’elle est entachée de mauvaise foi, comme il est allégué en l’espèce.

[81]           Je suis d’accord pour dire que le principe énoncé dans l’arrêt Mackin n’est pas absolu. Ainsi que la Cour suprême l’a expliqué dans l’arrêt Ward, précité, au paragraphe 39, l’action en dommages-intérêts intentée contre l’État pour des actes accomplis en vertu d’une loi qui était valide à l’époque sera rejetée sauf si les actes accomplis par l’État en vertu de la loi en question étaient « clairement fautifs ou entachés de mauvaise foi ou d’abus de pouvoir ». Le principe de la primauté du droit exige que les lois dûment promulguées soient appliquées tant qu’elles ne sont pas frappées d’invalidité et que, sauf « en cas de conduite atteignant le seuil minimal » que nous venons d’expliquer, une action en dommages-intérêts présentée en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte (ou toute autre action en dommages-intérêts) ne pourra être intentée du fait des mesures d’application en question si la loi est par la suite déclarée invalide (Ward, précité, aux paragraphes 39 et 41; Mackin, précité, aux paragraphes 78 et79). Dans l’arrêt Mackin, la Cour a poursuivi en déclarant (au paragraphe 81) :

[81]      En somme, même s’il est impossible d’affirmer que des dommages‑intérêts ne peuvent jamais être obtenus à la suite d’une déclaration d’inconstitutionnalité, il est exact que, en règle générale, une action en dommages‑intérêts présentée en vertu du par. 24(1) de la Charte ne peut être jumelée à une action en déclaration d’invalidité fondée sur l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982.

[Non souligné dans l’original.]

[82]           Je ne vois rien dans l’arrêt Mackin qui permette de penser que l’application des principes susmentionnés dépend de quelque façon que ce soit de la question de savoir si l’action en dommages-intérêts est irrecevable en raison de l’expiration d’un délai de prescription. Il s’agit là d’une question distincte.

[83]           Les demandeurs allèguent effectivement, aux paragraphes 19 à 21, que les méthodes d’application de la loi et du Règlement sont excessives et qu’elles constituent un abus de pouvoir, et ils allèguent également, au paragraphe 92, que les mesures d’application de la loi prises contre les Dahl et leur entreprise étaient motivées par des intentions malveillantes et dans un but illégitime et qu’elles étaient entachées de mauvaise foi. Toutefois, chacune de ces allégations doit être radiée pour les motifs que j’exposerai plus loin. Si les demandeurs souhaitent intenter une action en dommages-intérêts découlant de l’application de dispositions de la Loi et du Règlement qu’ils qualifient d’inconstitutionnelles et d’invalides, il leur sera nécessaire de préciser en conformité avec les règles régissant les actes de procédure les agissements de l’État « clairement fautifs [ou entachés] de mauvaise foi ou d’abus de pouvoir ».

Les faits

[84]           Les défendeurs affirment que le paragraphe 6 de la déclaration contrevient aux règles régissant les actes de procédure, parce qu’il renferme des affirmations générales et non étayées au sujet de produits de santé naturels qui [traduction] « sont consommés sans danger depuis des siècles sous diverses formes sans réglementation, interdiction ou mesures de contrôle en tant que “drogues”, avant la période de 1985 à 2005 ».

[85]           Je suis d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas tout à fait d’assertions non étayées, mais que, dans sa forme actuelle, il n’est pas possible pour les défendeurs de répondre à cet acte de procédure. Les défendeurs doivent savoir au moins :

a)         quels produits spécifiques sont visés;

b)        quand et où ils ont été consommés;

c)         par qui ils ont été consommés;

d)        sous quelle forme ils ont été consommés.

[86]           Le paragraphe 6 devrait être radié pour défaut d’alléguer des faits suffisamment pertinents pour étayer l’assertion qui y est formulée.

[87]           Le paragraphe 7 évoque lui aussi de façon générale les [traduction] « mesures radicales habituellement réservées aux criminels dangereux armés et aux terroristes ». Les faits allégués ne sont pas suffisants pour appuyer cette assertion générale ou pour ne pas qualifier celle-ci de scandaleuse et vexatoire et, dans sa forme actuelle, il est impossible d’y répondre sans faire enquête sur chaque cas de mise en application de la loi et du Règlement. On demande également aux défendeurs d’examiner – et à la Cour de juger – la classification erronée de [traduction] « tous les aliments en tant que drogues ». Suivant l’avocat des défendeurs, il semble qu’il y ait environ 55 000 substances à traiter, ce qui est tout simplement ingérable tant pour les défendeurs que pour la Cour. Il me semble qu’il faut mentionner certains aliments et substances spécifiques et invoquer des faits pour appuyer l’assertion fondamentale de sélection arbitraire. Le paragraphe 7 devrait être radié.

[88]           Le paragraphe 8 pose également problème. On ne sait pas avec certitude si les demandeurs affirment que les défendeurs ont choisi et interdit la vente de pruneaux ou s’ils ont interdit les allégations relatives aux effets sur la santé portant sur les pruneaux, la camomille et l’origan ou s’ils évoquent simplement cette possibilité. Rien ne permet non plus de savoir comment ces exemples sont liés à un préjudice quelconque qu’auraient subi les demandeurs. Au paragraphe 6, les demandeurs se qualifient de consommateurs, de producteurs, de distributeurs et de vendeurs, mais, si les défendeurs ne savent pas quels compléments alimentaires et vitamines ils produisent, distribuent, vendent et consultent, il leur est impossible de savoir si l’un quelconque des éventuels exemples hypothétiques sont raisonnables ou s’appliquent aux demandeurs. Le paragraphe 8 devrait également être radié pour ces raisons.

[89]           Le paragraphe 9 peut ou non être une hypothèse valable. Sans exemples précis ou sans faits pertinents portant sur la classification erronée ou la sélection arbitraire de tous les aliments et substances présentement classés, les défendeurs ne peuvent contester ces allégations ou répondre à des exemples hypothétiques.

[90]           Les demandeurs semblent éviter de nommer certains aliments et substances spécifiques parce qu’ils souhaitent que tous les produits de santé naturels soient déclarés des aliments disponibles sans restriction et qu’ils souhaitent se voir reconnaître le droit d’affirmer sans restriction que ces produits procurent des bienfaits pour la santé. Ils n’invoquent toutefois pas les faits pertinents exigés pour la totalité des produits naturels pour justifier leur allégation ou pour permettre aux défendeurs de répondre et à la Cour de trancher la question. Ils ne donnent aucune explication et ne fournissent aucun fait permettant d’établir un lien entre eux et la totalité des produits naturels.

[91]           À mon avis, les paragraphes 6, 7, 8 et 9 devraient par conséquent être radiés.

[92]           Les défendeurs contestent le paragraphe 10 de la déclaration en faisant valoir qu’il s’agit d’arguments et non de faits. À mon avis, ce paragraphe renferme un exposé de faits sur lequel les demandeurs se fondent pour établir une distinction entre les compléments alimentaires et les drogues. Je ne vois rien d’irrégulier dans ce paragraphe.

[93]           Les défendeurs s’opposent également au paragraphe 11 au motif qu’il contient des assertions et des arguments non étayés. Aucun fait n’est allégué en ce qui concerne des produits de santé et l’on demande à la Cour de tirer une seule conclusion au sujet de l’ensemble des produits de santé naturels. À mon avis, ce paragraphe constitue plutôt une déclaration au sujet des méthodes employées par Santé Canada pour appliquer la loi et les raisons pour lesquelles les demandeurs estiment que ces méthodes ne conviennent pas. Je ne vois pas pourquoi les défendeurs auraient de la difficulté à répondre à ce paragraphe. Ou bien il décrit les méthodes d’application de la loi employées par Santé Canada ou bien il ne le fait pas.

[94]           Les défendeurs contestent le paragraphe 12 de la déclaration au motif qu’il n’est ni pertinent et ni lié à aucun des demandeurs et qu’aucun jugement déclaratoire n’est sollicité en ce qui concerne l’annexe F du Règlement. À mon avis, toutefois, ce paragraphe ne fait que fournir des faits spécifiques pour démontrer que des compléments alimentaires figurent dans la même liste que les produits pharmaceutiques et sont traités de la même façon. Il s’agit de faits appuyant l’allégation des demandeurs suivant laquelle les produits naturels ne sont pas traités convenablement sous le régime de la Loi et du Règlement. Il est simple de répondre à ce paragraphe. Ou bien les substances sont énumérées à l’annexe F, ou bien elles ne le sont pas.

[95]           Les défendeurs s’opposent au paragraphe 13 au motif qu’il renferme des arguments et des conclusions de droit non étayées et d’une trop vaste portée en ce sens qu’il vise chaque complément alimentaire et chaque drogue. Il me semble que ce paragraphe se veut une tentative de fournir des explications et des faits pour appuyer la thèse principale des demandeurs suivant laquelle les produits de santé naturels ne devraient être inscrits sur aucune liste et qu’ils ne devraient pas être légalement traités comme des drogues parce que celles‑ci ont des propriétés et des caractéristiques différentes de celles des produits de santé naturels. Le seul passage qui me semble contestable est celui que l’on trouve à l’alinéa 13g), en l’occurrence : [traduction] « Nous assistons au Canada à une croissance alarmante de maladies qualifiées d’“iatrogènes” (c.‑à‑d. causées par les médecins). » Cette affirmation est inacceptable parce qu’aucun fait n’est cité à l’appui de ce qui constitue une simple conclusion et une opinion personnelle, qui n’a d’ailleurs aucun rapport avec la comparaison factuelle entre les drogues et les produits de santé naturels. Tout comme le passage [traduction] « [l]a mort est l’effet secondaire le plus permanent » que l’on trouve à l’alinéa 13d), ce passage est ajouté pour faire de l’effet et pour promouvoir les produits naturels aux dépens des produits pharmaceutiques. Cette phrase devrait être radiée.

[96]           Les défendeurs s’opposent également au paragraphe 14 au motif qu’il a une portée trop vaste et qu’il relève d’un débat politique portant sur la question de savoir quels produits devraient être réglementés par Santé Canada, une question que la Cour ne peut trancher. Les défendeurs affirment également que le paragraphe 14 renferme des conclusions et des assertions non étayées et non des faits pertinents. Je dois exprimer mon désaccord avec les défendeurs sur ce point. Là encore, ce paragraphe énonce les faits pertinents sur lesquels les demandeurs se fondent pour établir une distinction entre les « éléments nutritifs » et les drogues, et ces faits sont exposés pour appuyer leurs arguments que les éléments nutritifs ne devraient pas être réglementés comme des drogues, ce qui justifie par ailleurs la réparation sollicitée. Je ne considère pas que cette question invite la Cour à se prononcer sur des questions de politique. La question à laquelle la Cour devra répondre est celle de savoir si, par suite de la réglementation dont font l’objet les produits de santé naturels, les demandeurs ont démontré qu’ils avaient droit à la réparation qu’ils sollicitent en vertu des droits d’action et des violations de droits qu’ils allèguent.

[97]           Les défendeurs affirment que le paragraphe 15 est irrégulier, et ce, pour plusieurs raisons :

a)         Il porte sur les condamnations antérieures de M. Dahl en vertu de la LRDS et n’a rien à voir avec la réparation demandée dans la présente demande au titre de la Loi et du Règlement;

b)        Aucun fait n’est allégué à l’alinéa 15f);

c)         À l’alinéa 15g), les demandeurs affirment de façon emphatique que les agents de la GRC [traduction] « dégainent leurs fusils chaque fois qu’ils font des descentes chez des fournisseurs de vitamines ». Il s’agit d’un fait que les demandeurs ne peuvent d’aucune façon vérifier.

[98]           De façon générale, je suis d’accord avec les défendeurs sur la plupart des points qu’ils soulèvent et, comme je le soulignerai plus loin, je suis également d’accord pour dire que la plupart des allégations concernant M. Dahl doivent être radiées parce qu’elles constituent un abus de procédure et que les autres allégations doivent être radiées pour d’autres raisons. Je ne trouve rien à redire toutefois en ce qui concerne les alinéas a), b), c) et h) et je conclus qu’ils peuvent être dissociés des autres alinéas. Je suis d’avis que seuls les alinéas e), f) et g) devraient être radiés.

[99]           Les défendeurs s’opposent au paragraphe 16 au motif qu’il contient des assertions ingérables non étayées qui ne reposent sur aucun fait pertinent. Les demandeurs admettent que le paragraphe 16 relève pour l’essentiel de la section « RÉPARATION(S) ». Je crois que la meilleure solution dans ce cas consiste à radier au complet le paragraphe 16 pour que les demandeurs puissent le corriger en le modifiant. Je tiens toutefois à souligner ce qui suit :

a)         Les assertions chevauchent en grande partie celles qui se trouvent déjà dans la section « RÉPARATION(S) » et les demandeurs devraient s’assurer que cette répétition ne se reproduise plus;

b)        Le fait de déplacer l’alinéa 16f) dans la section « RÉPARATION(S) » ne réglera en rien le problème parce qu’il s’agit de faits pertinents allégués en vue d’appuyer l’assertion en question;

c)         Le genre d’assertion que l’on trouve à l’alinéa 16g) suppose une enquête générale sur tous les produits de santé naturels réglementés et aucun lien n’a été établi entre cette assertion et les divers demandeurs. Il s’agit davantage d’un argument que d’une allégation;

d)        Le genre d’assertion non étayée que l’on trouve à l’alinéa 16m) au sujet de la [traduction] « confusion » est inacceptable, sans plus de détails. Dans sa rédaction actuelle, elle n’est rien de plus qu’une opinion ou un argument;

e)         Il en va de même pour les alinéas 16s), t) et u);

f)         L’alinéa 16y) mentionne de nouveau les [traduction] « méthodes d’application radicales », comme si elles étaient omniprésentes et systématiques, mais il n’y a pas suffisamment de faits importants allégués pour appuyer une telle assertion.

Si les demandeurs ont l’intention de reformuler le paragraphe 16 en vue de l’inclure ailleurs dans leur déclaration, ils devraient tenir compte de ces problèmes.

[100]       Au paragraphe 17 de la déclaration, les demandeurs allèguent que le gouvernement a expressément conçu le Règlement de manière à ce que les coûts soient prohibitifs pour tous les petits producteurs et distributeurs, et ce, en vue d’éliminer ceux‑ci. L’objectif législatif pourrait être un facteur pertinent dans le cadre de l’analyse constitutionnelle et notamment au sujet des questions ayant trait au partage des pouvoirs (si l’on conclut qu’il s’agit d’une réglementation économique d’une industrie précise, le Règlement relèverait vraisemblablement du pouvoir des provinces sur la propriété et les droits civils). En revanche, si cette allégation vise à démontrer la mauvaise foi, elle contrevient aux règles régissant les actes de procédure parce que la mauvaise foi doit être alléguée avec davantage de détails, conformément à l’arrêt Merchant Law, précité. Je crois que les demandeurs doivent modifier leur allégation pour clarifier ce point en la rédigeant avec suffisamment de précisions s’ils ont l’intention de démontrer la mauvaise foi, avant qu’on puisse leur permettre de continuer d’invoquer ce moyen à l’étape de l’enquête préalable, puis au procès.

[101]       Les défendeurs s’opposent au paragraphe 18 de la déclaration au motif qu’il est libellé de façon trop large et qu’il s’agit d’une contestation globale du régime réglementaire prévu par la Loi et par son règlement d’application sans lien avec les faits pertinents allégués. Il renferme des conclusions générales non étayées – alinéa 18b) – et il s’applique à toutes les demandes – 18c) – présentées en vertu du régime.

[102]       À mon avis, le paragraphe 18 est une tentative de soumettre des faits pertinents en vue d’étayer une assertion générale suivant laquelle le régime prévu par la Loi et par le Règlement est vague, a une portée trop large et est arbitraire. Les reproches spécifiques formulés par les demandeurs doivent toutefois être examinés à la lumière des renseignements de base suivants :

a)         L’alinéa 18a) est un énoncé de fait évident;

b)        L’alinéa 18b) est un énoncé de fait direct au sujet des qualifications requises de tout décideur. Il n’exige pas que chaque décision et chaque fonctionnaire fassent l’objet d’une évaluation;

c)         L’alinéa 18c) est un énoncé de fait sur la façon d’évaluer les demandes dans lequel il est précisé que la science ne joue aucun rôle et que des décisions ne sont pas motivées;

d)        L’alinéa 18d) est également un énoncé de fait;

e)         L’alinéa 18e) est également un énoncé de fait;

f)         L’alinéa 18f) est inacceptable étant donné qu’il constitue une simple assertion non étayée et qu’il exige des faits plus précis;

g)        L’alinéa 18g) est un résumé de la nature et des conséquences des faits déjà allégués, mais il est truffé d’arguments.

Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que les faits en question allégués au sujet de l’administration du régime n’aident nullement les demandeurs à obtenir la réparation qu’ils sollicitent, et ce, parce qu’ils n’ont aucun rapport avec l’expérience personnelle vécue par les demandeurs avec le système. À cette étape‑ci cependant, hormis les alinéas 18f) et 18g), je ne crois pas que l’on puisse radier les alinéas en question au motif qu’ils constituent des allégations insuffisantes. Je conclus que les alinéas 18f) et 18g) doivent être radiés, mais que le reste du paragraphe 18 doit être conservé.

[103]       Ces constatations illustrent bien les difficultés générales que comporte l’évaluation des actes de procédure. Nous avons en réalité deux points contentieux distincts :

a)         des demandes de réparation fondées sur une expérience individuelle;

b)        une contestation générale du régime de la Loi et du Règlement.

Dans certains cas, les mêmes faits peuvent servir pour les deux. Cela n’est pas interdit. En règle générale, il suffit que la partie allègue les faits pertinents, après quoi il est loisible à son avocat d’exposer, dans son argumentation, les conséquences juridiques découlant des faits ainsi allégués : Conohan c The Cooperators, [2002] 3 CF 421, 2002 CAF 60. J’ai essayé de tenir compte de cet aspect et d’évaluer les faits allégués relativement à plusieurs types de points contentieux ou de causes d’action lorsqu’il était possible de les attribuer à plusieurs. Toutefois, il incombe aux demandeurs d’alléguer les faits pertinents de manière à révéler l’existence d’une cause d’action reconnue en droit, et il est inévitable que la façon d’alléguer aura une incidence sur la question de savoir si une demande est recevable. Les actes de procédure jouent un rôle important pour aviser les intéressés et définir les questions à trancher, et la Cour et les parties adverses n’ont pas à émettre des hypothèses sur la façon dont les faits pourraient être organisés différemment pour appuyer diverses causes d’action : Johnson, précité, au paragraphe 25. « Chaque élément constitutif d’une cause d’action doit être invoqué avec suffisamment de détails » (Simon, précité, au paragraphe 18).

[104]       Les défendeurs s’opposent de façon générale aux paragraphes 19 à 21 de la déclaration au motif qu’ils renferment des assertions générales non étayées et non appuyées sur des faits. Comme nous l’avons déjà signalé, ces paragraphes (et en particulier les paragraphes 19 et 21), reviennent à plaider que les mesures d’application de la loi prises par les défendeurs constituent un abus de pouvoir et/ou sont entachées de mauvaise foi). La Cour doit donc tenir compte des directives données par la Cour d’appel dans l’arrêt Merchant Law, précité, aux paragraphes 34 à 35 :

[34]      Je suis d’accord avec l’observation de la Cour fédérale (au paragraphe 26) voulant que le paragraphe 12 de la déclaration modifiée [traduction« contienne une série de conclusions ne fournissant aucun fait substantiel pour les appuyer ». Lorsqu’on plaide la mauvaise foi ou l’abus de pouvoir, il ne suffit pas d’utiliser des formulations laconiques et catégoriques telles que [traduction] « délibérément ou négligemment », « indifférence complète » ou « s’est procuré illégalement par le vol ou la fraude » : Zundel c. Canada, 2005 CF 1612, 144 A.C.W.S. (3d) 635; Vojic c. Canada (M.N.R.), [1987] 2 C.T.C. 203, 87 D.T.C. 5384 (C.A.F.). « La simple affirmation d’une conclusion sur laquelle la Cour est appelée à se prononcer ne constitue pas une allégation d’un fait essentiel » : Canadian Olympic Association c. USA Hockey, Inc., (1997), 74 C.P.R. (3d) 348, 72 A.C.W.S. (3d) 346 (C.F. 1re inst.). Faire des déclarations laconiques ou catégoriques qui ne reposent sur aucun élément de preuve constitue un abus de procédure : AstraZeneca Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2010 CAF 112, au paragraphe 5. Si l’exigence prévoyant qu’un acte de procédure doit contenir des faits substantiels ne figurait pas à l’article 174 des Règles ou si les tribunaux ne la faisaient pas respecter, les parties pourraient faire valoir les arguments les plus vagues sans aucun élément de preuve pour les étayer et lancer leur filet à l’aveuglette. Comme l’a affirmé notre Cour, « une action en justice n’est pas une enquête à l’aveuglette et une partie demanderesse qui intente des poursuites en se fondant sur le simple espoir qu’elles lui fourniront des preuves justifiant ses prétentions utilise les procédures de la Cour de façon abusive » : Kastner c. Painblanc, (1994), 58 C.P.R. (3d) 502, 176 N.R. 68, au paragraphe 4 (C.A.F.).

[35]      J’ajouterais que le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique implique que le fonctionnaire public responsable de l’action contestée ait été dans un état mental particulier, c’est-à-dire qu’il doit avoir agi délibérément d’une manière qu’il savait incompatible avec les obligations propres à ses fonctions : Odhavji Estate c. Woodhouse, [2003] 3 R.C.S. 263, 2003 CSC 69, au paragraphe 28. Pour ce délit, des précisions doivent être fournies pour chaque allégation. L’article 181 exige explicitement que des précisions soient fournies pour les allégations d’« abus de confiance », de « manquements délibérés », d’« état mental d’une personne », d’« intention malicieuse » ou d’« intention frauduleuse ».

[105]       Le paragraphe 19 est rédigé comme si les méthodes d’application de la loi reprochées étaient identiques dans chaque cas et constituaient toujours un abus de pouvoir et qu’elles étaient mises en application dans le même but dans chaque cas. Il est impossible pour les demandeurs de connaître ce fait et il est révélateur qu’ils citent comme seul exemple leur propre cas (l’expérience des Dahl). Une allégation qui ne comporte pas suffisamment de faits pertinents pour permettre aux défendeurs de savoir comment y répondre constitue un acte de procédure vexatoire (Kisikawpimootewin c Canada, 2004 FC 1426; Murray c Canada (1978), 21 NR 230 (CAF)), et une action ne peut pas être présentée sur la base d’hypothèses dans l’espoir de recueillir des faits suffisants au cours de l’enquête préalable pour confirmer les actes de procédure (AstraZeneca Canada Inc c Novopharm Ltd, 2009 CF 1209, conf. par 2010 CAF 112; Sivak no 2, précité, aux paragraphes 30 et 31). La justesse des méthodes d’application des lois, ainsi que leurs objectifs, ne peut être évaluée et tranchée que si l’on connaît tous les faits ainsi que le contexte de chaque cas précis. Or, il est impossible de monter et de contester une telle action compte tenu des milliers de cas possibles. Dans sa rédaction actuelle, cette assertion est un exposé emphatique non appuyé par les faits allégués. Elle doit être radiée.

[106]       Le paragraphe 20 présente des problèmes semblables. On y allègue l’existence d’un usage courant sans citer de cas concrets. La question de savoir si l’usage en question est généralisé et invariable est un fait qui peut être contesté, mais il n’est pas nécessaire d’aller plus loin. S’il ne s’agit pas d’un usage généralisé et invariable, il n’est alors pas nécessaire que les défendeurs citent des cas précis si les demandeurs n’ont pas allégué d’exemples concrets de manière convenable. J’estime donc que les demandeurs doivent préciser si ce qu’ils mentionnent ici est exigé par la Loi ou par le Règlement ou par une politique ou une directive administrative ou s’ils font allusion à ce que des fonctionnaires ont choisi de faire en violation de la Loi ou du Règlement ou n’étaient pas tenus de faire pour l’application du régime. Si les demandeurs entendent en faire une déclaration au sujet de ce que font tous les fonctionnaires, il leur faut alors alléguer des faits démontrant que cette façon de procéder est systématique – ce qui me semble impossible à démontrer – ou citer des cas individuels pour permettre aux défendeurs de répondre et à la Cour de trancher la question. Le paragraphe 20, dans sa rédaction actuelle, devrait être radié de manière à ce que ces questions soient précisées par voie de modification.

[107]       Le paragraphe 21 présente les mêmes problèmes que le paragraphe 19. On y allègue des agissements censés se produire dans tous les cas, ce que les demandeurs ignorent et que les défendeurs ne peuvent contester et que la Cour ne peut gérer ou trancher sans connaître pleinement les faits et le contexte de chaque exemple. De plus, au paragraphe 21, les demandeurs allèguent que les fonctionnaires de Santé Canada induisent systématiquement la GRC en erreur, ce qui est une grave allégation de mauvaise foi qui doit comporter beaucoup plus de détails pour ne pas être qualifiée de vexatoire : Merchant Law, précité, aux paragraphes 34 et 35, et article 181 des Règles. Ce paragraphe devrait être radié.

[108]       Les défendeurs s’opposent aux paragraphes 22 et 23 de la déclaration au motif que M. Rowland tente de brandir la doctrine des attentes raisonnables dans un contexte dans lequel, même si les faits allégués s’avéraient véridiques, il affirme seulement que ses attentes personnelles ne se sont pas concrétisées. Je suis d’accord pour dire que la doctrine des attentes raisonnables (ou des attentes légitimes, comme on l’appelle parfois) ne peut être invoquée de cette manière et qu’aucun fondement valide n’a été présenté et qu’aucune cause d’action valable n’est énoncée dans les paragraphes en question. Voir Mackin, précité, au paragraphe 83. Ainsi que la Cour suprême l’a constamment déclaré : « La doctrine de l’attente raisonnable ne crée pas de droits fondamentaux et n’entrave pas le pouvoir discrétionnaire du décideur légal » : Moreau-Bérubé c Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] 1 RCS 249, 2002 CSC 11, au paragraphe 78; Baker v Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 26; Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.‑B.), [1991] 2 RCS 525, aux paragraphes 58 et 59. Aucun des demandeurs ne peut avoir comme attente légitime que le gouvernement du Canada modifie le Règlement ou prenne une autre mesure fondée sur une annonce publique d’un ministre de la Couronne indiquant qu’il a l’intention de suivre les recommandations du comité parlementaire. Les paragraphes 22 et 23 devraient être radiés.

[109]       Les défendeurs s’opposent en bloc au moyen tiré de la Charte invoqué par M. Mancuso aux paragraphes 24 à 30 de la déclaration :

[traduction]

a)         Les allégations offertes par M. Mancuso comportent également de simples assertions de violations de la Charte non appuyées par des faits pertinents. Monsieur Mancuso allègue que le « régime actuel » au complet viole les droits que lui garantissent les articles 2, 7 et 15 de la Charte. Monsieur Mancuso ne précise pas les produits de santé auxquels il n’a pas plus accès en raison de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les produits de santé naturels et il ne précise pas qu’il a tenté en vain d’obtenir les produits en question.

b)         Monsieur Mancuso n’allègue également pas les éléments constitutifs des violations de la Charte qu’il invoque. L’alinéa 2a) de la Charte protège le concept intégré de la « liberté de conscience et de religion ». Pour démontrer avec succès que l’alinéa 2a) a été violé, le demandeur doit démontrer qu’il professe une foi ou des croyances fondées sur la religion ou sur une morale laïque, ce qui commande un type de comportement déterminé. Monsieur Mancuso n’a pas allégué qu’on lui avait interdit d’adopter une pratique ou une ligne de conduite quelconque ayant un lien avec les convictions religieuses ou morales auxquelles il souscrit. Il affirme simplement préférer certains compléments alimentaires et vitamines. Sans plus, le moyen qu’il tire de l’alinéa 2a) n’a aucune chance raisonnable de succès.

c)         Les allégations formulées par le demandeur au sujet de la liberté d’expression en vertu de l’alinéa 2b) de la Charte comportent des lacunes semblables. Bien que la Cour suprême du Canada ait retenu une définition large de la notion d’« expression », M. Mancuso n’a invoqué aucune tentative personnelle qu’il aurait faite pour se livrer à une activité expressive interdite ou pour en profiter.

d)         Pour démontrer que l’article 7 a été violé, le demandeur doit démontrer l’existence d’une atteinte incompatible avec un principe de justice fondamentale. Or, M. Mancuso n’a mentionné aucun produit de santé nécessaire pour son intégrité corporelle et/ou psychologique qu’il ne pourrait plus se procurer en raison des dispositions législatives qu’il cherche à faire invalider. Par conséquent, rien ne permet de conclure qu’il a été victime d’une atteinte à ses droits à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne. De plus, il n’allègue aucune non-conformité avec un principe de justice fondamentale.

e)         Enfin, l’allégation d’invalidité formulée par M. Mancuso en vertu de l’article 15 de la Charte ne présente aucune chance raisonnable de succès, étant donné que la discrimination alléguée ne relève pas de l’article 15. Pour que le moyen qu’il tire de l’article 15 puisse être accueilli, il faut que le demandeur démontre qu’il est défavorisé pour un motif de distinction illicite ou une caractéristique analogue. Or, M. Mancuso allègue qu’il est victime de discrimination fondée sur son choix d’aliments, de compléments alimentaires et de vitamines. Il ne s’agit pas là d’un motif interdit par l’article 15 de la Charte et ce motif n’a pas été reconnu ou allégué comme motif de discriminatoire analogue.

f)         Compte tenu de l’absence susmentionnée de faits pertinents, les allégations formulées par M. Mancuso sur le fondement de la Charte doivent être radiées au complet au motif qu’elles n’ont aucune chance raisonnable d’être accueillies.

[110]       Je ne puis que souscrire aux arguments des défendeurs. Nous ne disposons tout simplement d’aucun fait portant ce sur quoi M. Mancuso se fonde ou sur les difficultés qu’il aurait eues à se procurer un produit de santé naturel quelconque. Si M. Mancuso a toute sa vie compté sur des compléments alimentaires et des vitamines, on peut en conclure qu’il n’a vraisemblablement jamais eu de difficulté à s’en procurer. Les opinions générales qu’il formule au sujet de sa liberté de choix en ce qui concerne sa santé ne permettent pas aux défendeurs ou à la Cour de savoir en quoi les droits qu’il revendique ont été violés. Le paragraphe en question ne révèle aucune cause d’action valable et il devrait être radié au complet.

[111]       Les paragraphes 31 à 39 constituent le fondement des allégations de M. Rowland et de The Results Company. The Results Company réclame des dommages-intérêts et M. Rowland sollicite des dommages-intérêts à titre personnel en plus d’affirmer que les droits que lui reconnaissent les articles 2, 7 et 15 de la Charte ont été violés, ainsi qu’il est énoncé et articulé au paragraphe 30 de la déclaration au sujet de M. Mancuso.

[112]       Pour les motifs que j’ai déjà exposés, j’ai déjà jugé que M. Mancuso n’avait pas articulé ou allégué de façon acceptable des motifs permettant de conclure à la violation des droits que lui garantit la Charte. Il s’ensuit inévitablement que c’est également le cas de M. Rowland et que les moyens que M. Rowland tire de la Charte doivent également être rejetés.

[113]       Monsieur Rowland affirme qu’en tant que [traduction] « consommateur, producteur et distributeur des produits en question, il réclame à titre personnel des dommages-intérêts pour perte de revenu et atteinte à sa réputation en lien avec The Results  Company […] ». Aucune cause d’action n’est alléguée pour justifier l’affirmation de M. Rowland, si ce n’est que [traduction] « les fonctionnaires des défendeurs commettent des abus de pouvoir et agissent de façon arbitraire pour appliquer la Loi et le Règlement ». Si M. Rowland pensait qu’il s’agissait d’une allégation acceptable en responsabilité civile délictuelle, force est de constater que les éléments constitutifs du délit n’ont pas été énoncés ou allégués de façon appropriée; à défaut de ces éléments, il est impossible de connaître, de contester ou de juger cet aspect de la demande. La demande de dommages-intérêts personnels de M. Rowland devrait donc être radiée au motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable.

[114]       Les allégations concernant The Results Company mentionnent des produits précis et les demandeurs allèguent des faits se rapportant aux échanges de cette entreprise avec Santé Canada. Certains reproches portent sur certains échanges entre cette entreprise et Santé Canada et, dans le cas de certains d’entre eux, les demandeurs allèguent un type de complot ou de politique par lequel Santé Canada chercherait à contraindre les petites sociétés à fermer leurs portes au profit des grandes sociétés pharmaceutiques. Certaines de ces assertions sont très vastes et s’appuient sur très peu de faits, voire aucun.

[115]       Cette partie de la déclaration semble appuyer l’assertion que l’avocat des demandeurs a faite verbalement et suivant laquelle ce dont les demandeurs sont inquiets en réalité, ce sont les aspects du régime réglementaire prévu par la Loi et le Règlement qui ont trait à la délivrance de permis NPN et de permis d’exploitation. Toutefois, les allégations personnelles de MM. Mancuso et Rowland et des Dahl donnent à penser que l’avocat n’a pas tout à fait raison à cet égard.

[116]       Lorsqu’on examine les allégations concernant The Results Company, il est souvent difficile de démêler les faits du fond dans le cas de certaines des assertions larges, non étayées et souvent emphatiques qui sont formulées.

[117]       Je n’ai rien à reprocher aux paragraphes 31 à 33. Le problème réside au paragraphe 34, qui semble viser à fournir un fondement factuel à l’appui de l’assertion concernant [traduction] « les méthodes excessives et abusives employées par les fonctionnaires des défendeurs pour appliquer ce règlement (inconstitutionnel et invalide) [...] ». Il semble donc que The Results Company ne fonde pas sa demande de dommages-intérêts sur le régime réglementaire et d’application des lois comme tel, mais sur les mesures d’application « excessives et abusives ». On voit donc mal comment l’expérience vécue par The Results  Company pourrait être considérée comme donnant ouverture au jugement déclaratoire général réclamé au paragraphe 1 de la section « RÉPARATION(S) ». Le paragraphe 34 ne permet pas de savoir avec certitude si les [traduction] « mesures d’application excessives et abusives » sont le véritable problème, étant donné que le paragraphe 34 commence par les mots suivants : [traduction] « Par suite du régime de délivrance de permis abusif et totalement inutile mis sur pied par Santé Canada pour les produits naturels (le NPN), The Results  Company Inc. se voit contrainte de fermer rapidement ses portes et risque de ne pas survivre à la fin de 2012. »

[118]       Considéré globalement, le paragraphe 34 semble, du moins en partie, concerner le régime de délivrance de permis NPN comme tel; pourtant la phrase qui précède immédiatement l’alinéa en question précise que celui‑ci vise à illustrer [traduction] « les conséquences des mesures d’application des lois excessives et abusives employées par les fonctionnaires des défendeurs ». Cet aspect de la demande ne peut être ni contesté ni jugé tant que cette question n’a pas été clarifiée.

[119]       L’alinéa 34b) attribue entièrement le déclin des ventes [traduction] « au régime de délivrance de permis NPN discriminatoire de Santé Canada par lequel Santé Canada a refusé des permis pour certains produits Vitamost®, a refusé de délivrer des permis à d’autres et a rendu les coûts prohibitifs même lorsqu’il s’agit de demander un permis pour la plupart des produits de la gamme de produits Vitamost® ».

[120]       Si ces questions étaient à ce point vitales pour l’avenir de The Results Company, force est de se demander pourquoi les décisions en question n’ont pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire, bien qu’évidemment il ne s’agisse pas là d’une condition préalable à l’introduction d’une action en dommages-intérêts : voir Telezone, Nu-Pharm, Parrish & Heimbecker, précités. Toutefois, sans plus de détails sur les permis qui ont été refusés ou retenus, et sur les coûts afférents à chaque demande, il n’est pas possible de contester ou de juger cet aspect de la demande.

[121]       À l’alinéa 34c), les demandeurs allèguent en fait que Santé Canada s’est servi du régime de délivrance de permis NPN pour favoriser les [traduction] « distributeurs de masse » aux dépens des [traduction] « petites entreprises familiales », de sorte que [traduction] « les règles du jeu ne sont plus équitables pour tous à cause de Santé Canada ». Veut‑on ainsi laisser entendre que Santé Canada a délibérément élaboré une telle politique, que les fonctionnaires de Santé Canada ont comploté ou que Santé Canada ignore tout simplement les conséquences de son régime de délivrance de permis? Cette allégation déborde largement le cas de The Results Company et de ce qu’elle a pu subir comme préjudice. Aucun fait n’a été allégué à l’appui de ces allégations générales et, dans sa rédaction actuelle, cette allégation générale ne peut être contestée ou jugée. Elle s’apparente davantage à une opinion personnelle qu’à une allégation de fait.

[122]       Je n’ai rien à reprocher à l’alinéa 34d), qui semble offrir un exemple précis de mesures d’application des lois excessives ou abusives qui peut être contesté et jugé.

[123]       L’alinéa 34e) comporte des lacunes et devrait être radié parce qu’aucun fait n’a été allégué pour appuyer ce qui constitue essentiellement une simple assertion. Pour pouvoir contester et juger cette allégation, il serait nécessaire de savoir à tout le moins ce qui suit :

a)         Quels sont, à part Advaya®, les produits de la gamme de produits Vitamost® mentionnés à l’alinéa 34f)?

b)        Lesquels, parmi ces produits, sont innovateurs et pourquoi?

c)         Pour quels produits The Results Company a-t-elle été victime de discrimination et sous quelle forme cette discrimination s’est‑elle présentée?

d)        Quels ingrédients spécifiques ou combinaisons d’ingrédients n’ont pas été documentés par les sources jugées acceptables par Santé Canada, qui sont ces sources et comment cela a‑t‑il pu empêcher la délivrance de permis pour une formulation portant sur la gamme de produits Vitamost®?

[124]       Advaya® est le seul exemple précis donné à l’alinéa 34f). Les demandeurs affirment qu’ils ne peuvent se conformer aux exigences de Santé Canada en énumérant [traduction] « la quantité exacte de chaque ingrédient » parce qu’on révélerait ainsi « des renseignements exclusifs protégés par brevet ». Les brevets ne protègent pas les renseignements exclusifs qui n’ont pas été révélés. Le monopole que confère un brevet est accordé en contrepartie de la divulgation publique de l’invention. Cet argument est donc illogique. Il semble toutefois que le principal reproche adressé soit le suivant :

[traduction]

Santé Canada n’accepte aucune des nombreuses allégations relatives aux effets sur la santé formulées au sujet d’Advaya® que The Results Company a été en mesure de vérifier au moyen de ses essais cliniques et de ses enquêtes sur les symptômes, et toutes ces allégations relatives aux effets sur la santé sont conformes aux lignes directrices américaines applicables aux compléments alimentaires.

On ne sait pas avec certitude si The Results Company s’oppose à une ou plusieurs décisions particulières de Santé Canada qui aurait eu pour effet d’empêcher la formulation des allégations en question relatives aux effets sur la santé – auquel cas, il faudrait alléguer des faits pour justifier l’argument que cette décision était excessive ou abusive – ou si The Results Company affirme que la Loi et/ou le Règlement empêchent la formulation de telles allégations – auquel cas, les demandeurs doivent expliquer en quoi ces faits donnent ouverture à une cause d’action.

[125]       Le paragraphe 34g) ne précise pas quelles sont les formules Vitamost® en litige. Mais surtout, il affirme que le régime de délivrance de permis NPN crée de la discrimination [traduction] « dans le cas des formulations complexes ». Il n’allègue pas de faits pour expliquer en quoi cette « discrimination » est délibérée ou si elle n’est qu’une conséquence de la façon dont le système fonctionne dans le cas des formulations complexes, et rien ne permet d’expliquer en quoi ces faits donneraient ouverture à une cause d’action en dommages-intérêts que les défendeurs seraient en mesure de contester.

[126]       Les alinéas 34h) à 34k) se bornent à exprimer un désaccord sur la nécessité d’organiser des essais cliniques au Canada et au sujet de l’approche de Santé Canada. On y exprime l’opinion que les tests portant sur les produits finis et les tests sur la stabilité ne sont pas nécessaires. Il semble que c’est ce que The Results Company veut dire en affirmant qu’il s’agit de mesures [traduction] « abusives et totalement inutiles ».

[127]       Le problème est qu’une opinion qui se contente de remettre en question le bien-fondé de la méthode préconisée par Santé Canada en matière d’essais cliniques ne donne ouverture à aucune action, d’autant plus qu’aucun des éléments constitutifs d’une action n’a été allégué. S’agit‑il d’un complot, de négligence ou d’un délit fondé sur la malveillance? Tant que ces faits ne seront pas allégués et associés aux éléments constitutifs d’une action donnant ouverture à une demande de dommages-intérêts, ces paragraphes ne sont rien de plus qu’une divergence d’opinions sur la nécessité de procéder à des essais.

[128]       On peut en dire à peu près autant des alinéas 34c) à t).

[129]       Pour résumer ce à quoi l’ensemble du paragraphe 34 équivaut en droit, les demandeurs affirment, à l’alinéa 34s), que :

[traduction]

Tant le régime de délivrance de permis NPN que le régime d’enregistrement du DIN qu’il remplace sont des formes de censure qui ont à la fois pour effet d’empêcher le lancement sur le marché de nouveaux produits et celui de limiter les ventes de ceux dont la vente est déjà autorisée. Santé Canada décide des allégations relatives aux effets sur la santé qu’il accepte pour chaque produit et interdit toutes les autres allégations véridiques, y compris celles mentionnées dans des ouvrages de référence, des études cliniques et même dans les témoignages donnés par voie d’affidavit. Cette censure constitue une façon insidieuse de limiter l’accès du public à des formules de grande qualité en restreignant la marge de manœuvre tant des personnes qui formulent ces produits que des entrepreneurs qui les lancent sur le marché. On ne trouve aucune autre industrie dans laquelle on interdit aux fournisseurs de dire la vérité à leurs clients au sujet de leurs produits. Comme les produits Vitamost® sont innovateurs, 25 ans de censure ont gravement limité leurs ventes. Les consommateurs n’apprennent l’existence de ces suppléments uniques que grâce au bouche-à-oreille, étant donné qu’il est interdit à TRC de faire de la publicité au sujet des avantages de consommer les formules Vitamost®.

[130]       Si les demandeurs allèguent « la censure » comme fondement juridique de leur déclaration et du type d’action qu’ils exercent, il leur faut alors démontrer en quoi la censure donne ouverture en droit à une cause d’action. Autrement dit, ils doivent exposer les faits importants dont ils se servent pour qualifier de censure les faits invoqués de manière à correspondre aux éléments constitutifs de cause d’action qu’ils ont le droit de présenter (Simon, précité, au paragraphe 18).

[131]       Si les demandeurs réclament uniquement des dommages-intérêts à titre de réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte, il leur faut alléguer des faits appuyant les accusations de mauvaise foi et d’abus de pouvoir commis par des représentants de l’État : Ward, précité, au paragraphe 39; Mackin, précité, aux paragraphes 78 et 79. Il en va de même pour les causes d’action civile : il n’y a pas de cause d’action pour le préjudice subi à cause de l’application d’une loi ou d’un règlement qui était valide à l’époque (Mackin, au paragraphe 78) et il n’y a aucune cause d’action pour avoir légiféré ou refusé de légiférer d’une manière nuisible aux intérêts d’une partie ou susceptible de lui causer des pertes : Welbridge Holdings Ltd c Greater Winnipeg, [1971] RCS 957; Mahoney c Canada, [1986] ACF no 438, 4 FTR 259 (C.F. 1re inst.); Kwong Estate c Alberta, [1978] AJ no 594, 96 DLR (3d) 214 (CA Alb.).

[132]       Rien ne m’indique au paragraphe 34 que les demandeurs ont allégué des faits démontrant une [traduction] « application excessive et abusive » par opposition à une simple application de ce qui, selon les demandeurs, constitue un régime de délivrance de permis [traduction] « abusif et totalement inutile ».

[133]       À tout prendre, je ne vois au paragraphe 34 rien qui énonce un exposé concis des faits pertinents susceptibles de donner ouverture à une cause d’action reconnue en droit.

[134]       Je ne vois rien non plus aux paragraphes 35 et 36, où les demandeurs tentent de résumer leur thèse, qui corrigent les problèmes déjà constatés dans les allégations. Dans sa rédaction actuelle, à l’exception de l’alinéa 34d) (dont nous avons déjà traité) et des renseignements de base fournis aux paragraphes 31 à 33 et 35, la section C de la déclaration n’est en tout et partout rien de plus que l’expression des opinions personnelles de M. Rowland et de son entreprise, The Results Company, suivant lesquelles le régime de délivrance de permis NPN est inutile et l’a empêché de réaliser les bénéfices qu’il aurait aimé encaisser parce qu’il établit une discrimination qui favorise les grandes entreprises qui sont davantage en mesure de faire face aux coûts en cause.

[135]       Par conséquent, j’estime que les paragraphes 31 à 39 de la déclaration devraient être radiés.

[136]       Les défendeurs s’opposent aux déclarations de M. et de Mme Dahl et de Life Choice au motif qu’elles constituent un abus de procédure et une attaque indirecte portée contre des décisions judiciaires déjà rendues dans des instances antérieures.

[137]       Les défendeurs allèguent ce qui suit :

[traduction]

Monsieur Dahl, Mme Dahl et Life Choice Ltd. demandent à la Cour de réexaminer la légalité des perquisitions que les autorités ont effectuées le 31 mars 2004 et le 15 janvier 2009, le bien-fondé de leurs condamnations criminelles de 2004 et de 2013, ainsi que les conclusions factuelles à l’origine de ces condamnations. Par exemple :

a)         Dans leur procès au criminel de 2004, M. Dahl et E.D. Internal Health ont contesté en vain, en vertu de l’article 8 de la Charte, la validité de trois mandats de perquisition. Les demandeurs cherchent à débattre de nouveau de la constitutionnalité des mandats de perquisition en question et des mesures prises en vertu de ce mandat.

b)         Au cours du procès criminel de 2013, E.G.D. Modern Design Ltd. – ainsi que M. Dahl en sa qualité de mandant ‑ a plaidé coupable à 11 accusations portées en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Malgré leur plaidoyer de culpabilité, les demandeurs allèguent dans la présente action qu’ils ont été accusés faussement et de façon malveillante.

c)         Les demandeurs ont contesté en vain devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta la légalité des perquisitions effectuées le 15 janvier 2009. Les demandeurs allèguent dans le cadre de la présente instance que les perquisitions en question contrevenaient aux articles 7, 8 et 9 de la Charte.

Selon une interprétation juste et généreuse, la totalité des paragraphes 40 à 101 de la déclaration repose sur l’assertion que, contrairement aux conclusions tirées par deux juges de première instance et à leur propre plaidoyer de culpabilité, les demandeurs en question ont fait l’objet de perquisitions illégales et ont été condamnés à tort. La Cour ne peut accorder aux demandeurs les réparations qu’ils sollicitent dans la présente action sans d’abord tirer de conclusions au sujet de leur responsabilité criminelle, de la constitutionnalité des perquisitions effectuées par la police et/ou de l’admissibilité de la preuve dans un procès au criminel qui contredisent les conclusions déjà tirées lors des procès au criminel des demandeurs. Comme de telles conclusions porteraient nécessairement atteinte aux principes de la cohérence, de l’autorité de la chose jugée et de l’intégrité de l’administration de la justice, cette partie de la déclaration devrait être radiée en entier en tant qu’attaque indirecte et abus de procédure.

[138]       Les paragraphes 40 à 55 renferment des renseignements de base au sujet des Dahl, de certaines de leurs entreprises commerciales et des quatre rencontres qu’ils ont eues avec Santé Canada. Il me semble que le récit de leurs quatre premières rencontres avec Santé Canada ne nous fournit aucun renseignement pertinent au sujet des réparations réclamées dans la présente action, mais les défendeurs ont admis qu’en eux-mêmes, ces paragraphes sont inoffensifs.

[139]       Les faits allégués par les Dahl fournissent le seul éventuel fondement factuel que l’on trouve dans les déclarations à l’appui de leurs allégations d’application excessive et abusive de la Loi et, indirectement du moins, font ressortir la pauvreté du reste des allégations sur cette question.

[140]       Les demandeurs poursuivent en relatant la perquisition de mars 2001 qui a conduit à la condamnation au criminel en 2004, ainsi que la perquisition de janvier 2009 qui s’est soldée par la condamnation au criminel de 2013.

[141]       Monsieur Dahl affirme que, par suite du premier procès au criminel, il a

[traduction] maintenant un casier judiciaire non seulement pour des actes dont il n’était pas responsable, mais également en raison d’un règlement inconstitutionnel et inopérant et de son application excessive et abusive par des fonctionnaires des défendeurs.

[142]       Les condamnations faisant suite à l’enquête de 2001 avaient été prononcées sous le régime de trois lois différentes. L’entreprise de M. Dahl, E.D. Internal Health Ltd, a plaidé coupable à 16 accusations portées en vertu de la Loi et du Règlement et a été condamnée à une amende de 5 600 $ : R c Dahl no 2, précité, au paragraphe 18. Les 42 accusations qui ont exigé la tenue d’un procès étaient toutes portées en vertu de la Loi sur les douanes et la LRDS. Ces accusations concernaient l’importation de stéroïdes anabolisants ou de leurs dérivés et la description erronée de ces substances dans des formulaires des douanes. Les demandeurs affirment que certaines des substances en question ne sont pas considérées comme des stéroïdes anabolisants et ne sont pas des drogues contrôlées aux États-Unis et qu’elles ne devraient pas l’être au Canada. Dans l’état actuel des choses, elles sont toutefois inscrites à l’annexe IV (article 23) de la LRDS. Monsieur Dahl et E.D. Internal Health Ltd ont été déclarés coupables, à l’issue d’un procès, de 33 chefs d’accusation portés en vertu de l’alinéa 153a) et de l’article 159 de la Loi sur les douanes ainsi que des paragraphes 5(2) et 6(1) de la LRDS (R c Dahl no 1, précité). Monsieur Dahl a été condamné à une peine conditionnelle et à des amendes totalisant 116 360 $ et E.D. Internal Health Ltd, à des amendes totalisant 232 720 $.

[143]       Il n’y a rien dans les allégations qui démontre en quoi les condamnations prononcées en vertu de la Loi sur les douanes et de la LRDS se rapportent à la déclaration visée en l’espèce. D’après les allégations, la validité et l’application des lois en question ne sont pas en litige. Seules les 16 condamnations faisant suite aux plaidoyers de culpabilité d’E.D. Internal Health en vertu de la Loi et de son Règlement pourraient avoir une certaine pertinence en l’espèce.

[144]       Monsieur Dahl a allégué lors de son procès devant le juge Lytwyn que les droits que lui garantit l’article 8 de la Charte avaient été violés. Le juge Lytwyn a estimé qu’aucune violation de l’article 8 n’avait été commise : R c Dahl no 1, précité, au paragraphe 10. Si M. Dahl n’avait pas souscrit à cette conclusion, il aurait pu interjeter appel de la décision du juge Lytwyn. Il ne peut maintenant s’adresser à la Cour pour faire réexaminer les perquisitions et lui demander de conclure à l’existence d’une violation de l’article 8 de la Charte.

[145]       Monsieur Dahl se plaint d’avoir maintenant un casier judiciaire pour des actes dont il n’est pas responsable. Toutefois, E.D. Internal Health a accepté la responsabilité des 16 accusations portées en vertu de la Loi et du Règlement en plaidant elle-même coupable et un tribunal de juridiction compétente a déclaré M. Dahl et E.D. Internal Health responsables de 33 autres infractions à la Loi sur les douanes et à la LRDS. Monsieur Dahl ne peut maintenant demander à notre Cour de se prononcer de nouveau sur les mêmes questions.

[146]       Monsieur Dahl affirme également qu’en raison du procès de 2004, il a maintenant un casier judiciaire [traduction] « en raison du règlement inconstitutionnel et de son application excessive et abusive par des fonctionnaires des défendeurs ». Cette allégation comporte deux volets : dans un premier temps, M. Dahl affirme que le Règlement est inconstitutionnel et invalide et, dans un second temps, que les mesures d’application de ce Règlement qui ont conduit au procès et aux déclarations de culpabilité de 2004 étaient abusives et excessives.

[147]       Dans une large mesure, l’allégation d’application abusive revient à une tentative de débattre de nouveau de la validité des trois mandats de perquisition se rapportant au procès criminel de 2004. Comme je l’ai déjà fait observer, la constitutionnalité de ces mandats de perquisition a déjà été tranchée par le juge Lytwyn. Si à strictement parler la tentative de débattre de nouveau de cette question ne constitue pas une attaque indirecte portée contre les conséquences juridiques des condamnations de 2004, elle est certainement un abus de procédure qui ne devrait pas être toléré : SCFP, précité, aux paragraphes 33 à 55; Wolf, précité, aux paragraphes 54 à 57.

[148]       Bien que les demandeurs citent l’arrêt TeleZone, précité, et ses affaires connexes pour faire valoir que la doctrine de l’attaque indirecte et de l’abus de procédure ne devrait pas s’appliquer lorsque le tribunal est différent et que la question à trancher est différente, ces arrêts ne sont d’aucun secours pour les demandeurs en l’espèce. Ils portent sur la question de savoir si une décision administrative doit d’abord être contestée par voie de contrôle judiciaire avant qu’une action en dommages-intérêts puisse être intentée sur le fondement des conséquences des arrêts en question. La Cour suprême a estimé qu’un tel détour n’était pas nécessaire, et que les actions en question ne constituaient pas des attaques indirectes portées contre les décisions administratives en question. Pour tirer cette conclusion, la Cour suprême a fait ressortir les différences qui existaient entre, d’une part, la nature et l’objet d’un contrôle judiciaire, et, d’autre part, l’instance visant à déterminer la responsabilité civile (voir TeleZone, précité, aux paragraphes 20 à 31 et 60 à 68). Les demandeurs n’ont donc pas tort d’affirmer que les différences qui existent au sujet de la nature des questions en jeu sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’application de la doctrine de l’attaque indirecte et de celle de l’abus de procédure. Toutefois, aucun des arrêts en question n’a laissé entendre que les questions tranchées définitivement au cours d’un procès antérieur au criminel peuvent être débattues de nouveau par la partie contre laquelle ces questions ont été jugées dans le cadre d’un procès civil ultérieur dans lequel cette partie cherche à obtenir des dommages-intérêts. À mon avis, ce scénario touche au cœur même de la doctrine de l’abus de procédure, en ce sens qu’elle est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice et qu’on ne peut la tolérer pour les motifs exposés dans l’arrêt SCFP, précité.

[149]       Les demandeurs allèguent également ce qui suit, au paragraphe 70, sous la rubrique [traduction] « Faits postérieurs au 21 mars 2001 » :

[traduction]

À la suite de l’enquête, toutes les livraisons canadiennes de M. Dahl ont été interdites d’accès au Canada. Les douanes canadiennes ont envoyé toutes les cargaisons à l’inspection et les ont retenues. La seule solution de rechange, pour M. Dahl, était de fermer les portes de son entreprise canadienne. Il a fini par vendre son stock et ses gammes de produits exclusifs au prix coûtant et il a également vendu son entrepôt.

Si les demandeurs tentent ainsi d’alléguer qu’ils ont fait l’objet d’une mesure d’application des lois excessive donnant ouverture à une action en dommages-intérêts, ils ont mal formulé leur allégation. Si l’on préconise l’interprétation la plus généreuse, on peut y voir tout au plus une tentative d’alléguer la négligence, mais les demandeurs n’ont pas précisé la norme ou l’obligation de diligence à laquelle ils avaient droit et en quoi elle avait été enfreinte. Même si l’on pouvait démontrer que les agents des douanes en question étaient tenus à une obligation de diligence relevant du droit privé envers les demandeurs, ce qui représente une côte abrupte à remonter (Cooper c Hobart, [2001] 3 RCS 537, 2001 CSC 79; Edwards c Barreau du Haut-Canada, [2001] 3 RCS 562, 2001 CSC 80), les demandeurs n’ont allégué aucun fait qui permettrait de conclure à un manquement à cette obligation. Rien ne permet de penser que les agents des douanes faisaient autre chose que de s’acquitter de façon raisonnable et de bonne foi des obligations que la loi mettait à leur charge. Dans le même ordre d’idées, l’allégation en question ne peut donner ouverture à une poursuite pour action malveillante, étant donné que rien ne permet de penser que les mesures d’application douanière alléguée en l’espèce se seraient soldées par une poursuite, et encore moins que ces mesures ont été prises sans motif valable ou qu’elles étaient motivées par la malveillance : Nelles c Ontario, [1989] 2 RCS 170. Pour invoquer le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique, il faut alléguer qu’un représentant de l’État a agi en sachant qu’il n’était pas habilité à exécuter l’acte qu’on lui reproche et qu’il savait que cet acte causerait vraisemblablement préjudice au demandeur : Succession Odhaviji c Woodhouse, [2003] 3 RCS 263, aux paragraphes 22, 23 et 28 [Succession Odhaviji]. Or, aucun de ces éléments n’a été allégué en ce qui concerne les actes reprochés aux douaniers. Le paragraphe 70 doit par conséquent être radié.

[150]       En ce qui concerne l’invalidité alléguée du Règlement, tant au motif qu’il excède les pouvoirs conférés par la Loi que parce qu’il est inconstitutionnel, je ne vois pas comment les condamnations de 2004 auraient quelque incidence que ce soit sur cette allégation. Comme je l’ai déjà fait observer, les condamnations prononcées en vertu de la Loi sur les douanes et la LRDS ne sont pas pertinentes et toute tentative visant à remettre en question les 16 condamnations d’E.D. Internal Health en vertu de la Loi et du Règlement constitue un abus de procédure : SCFP, précité, aux paragraphes 33 à 55; Wolf, précité, aux paragraphes 54 à 57. C’est avant de plaider coupable au nom de E.D. Internal Health qu’il fallait contester ces accusations en posant la question de l’invalidité du Règlement.

[151]       Monsieur Dahl affirme qu’il ne remet pas en cause le fait qu’il a été reconnu coupable; il affirme toutefois que cela ne l’empêche pas de démontrer, dans la présente instance, comment le règlement en vertu duquel E.D. Internal Health a été condamnée est inconstitutionnel. Je suis d’accord avec lui, mais il ne peut invoquer le fait que les déclarations de culpabilité n’ont pas été contestées pour démontrer que le Règlement est inconstitutionnel comme il tente de le faire. Il semble faire valoir que le Règlement et l’économie de la Loi sont à ce point absurdes qu’ils ont conduit à sa condamnation au criminel en 2004. Ils n’ont certainement pas conduit aux condamnations prononcées en vertu de la Loi sur les douanes ou la LRDS, et les condamnations non contestées qui ont été prononcées en vertu de la Loi et du Règlement ne sont pas des faits qui peuvent être invoqués pour alléguer l’inconstitutionnalité du Règlement. De plus, l’idée que M. Dahl ne cherche pas à contester ses déclarations de culpabilité de 2004 par le biais de la présente déclaration est démentie par les allégations au moyen desquelles il conteste le fondement factuel des déclarations de culpabilité en question, y compris certains éléments de preuve [traduction] « qui ont échappé à l’attention du juge de première instance » (au paragraphe 72), le fait que M. Dahl [traduction] « a été accusé d’avoir des produits qu’il n’a jamais eu en sa possession » (au paragraphe 74) et l’allégation suivant laquelle M. Dahl a été [traduction] « faussement condamné en 2004 » (paragraphe 98).

[152]       Il semble que M. Dahl affirme que le Règlement transforme des innocents en des criminels. Pourtant, s’il a été reconnu coupable, il n’est pas innocent. Il estime tout simplement que les infractions pour lesquelles il a été condamné ne sont pas des infractions. Sans plus, il ne s’agit pas là d’un motif d’inconstitutionnalité.

[153]       Si l’on souhaite que la Cour considère que les condamnations font partie du préjudice découlant du Règlement dont l’invalidité est alléguée, les principes énoncés dans l’arrêt Mackin, précité, s’appliquent. Si l’on fait abstraction des allégations portant sur les perquisitions excessives, dont nous avons déjà traité ci-dessus, les demandeurs n’ont pas allégué le type de conduite atteignant le seuil minimal (c.‑à‑d. un comportement « clairement fautif [ou entaché] de mauvaise foi ou d’abus de pouvoir ») nécessaire pour qu’il puisse être possible d’accorder des dommages-intérêts à la suite d’une déclaration d’invalidité : Mackin, précité, aux paragraphes 79 à 82; Ward, précité, aux paragraphes 39 et 40.

[154]       La seconde perquisition et saisie a eu lieu en janvier 2009 et elle s’est soldée par les accusations portées en 2010 par lesquelles M. et Mme Dahl ainsi que leur entreprise, E.G.D. Modern Design Ltd, ont chacun été accusés de 33 infractions réglementaires et criminelles en vertu de la Loi, de la LRDS et de leurs règlements d’application respectifs : R c Dahl no 6, précité, au paragraphe 3. Le procès s’est ouvert le 19 mars 2012 et deux demandes présentées par la défense ont été entendues, y compris une contestation infructueuse de quatre des six perquisitions fondée sur l’article 8 de la Charte. Toutefois, en raison de la communication tardive de certains documents par la Couronne, le procès a été ajourné et il a été difficile de fixer une nouvelle date de procès dans un délai raisonnable. Le délai qui s’en est suivi portait atteinte aux droits garantis aux Dahl en vertu de l’alinéa 11b) de la Charte et les accusations portées contre eux ont été suspendues. Toutefois, le juge Jeffrey de la Cour du Banc de la Reine a conclu que les facteurs prévus par la Charte s’appliquaient différemment à la personne morale défenderesse : à la différence des personnes physiques défenderesses pour lesquelles les facteurs liés à la sécurité de la personne tels que l’anxiété prolongée et la stigmatisation occupent une place importante, dans le cas de personnes morales défenderesses, l’alinéa 11b) sert exclusivement à protéger le droit à un procès équitable. Rien ne permettait de penser qu’E.G.D. Modern Design avait été empêchée de présenter une défense pleine et entière, et la Cour a permis que les accusations portées contre cette société suivent leur cours : voir R c Dahl no 6, précité, aux paragraphes 9, 14 et 15.

[155]       En fin de compte, E.G.D. Modern Designs Ltd ‑ et M. Dahl en sa qualité de mandant ‑ a plaidé coupable à onze accusations, huit en vertu de la Loi et du Règlement et trois en vertu de la LRDS. En ce qui concerne les huit infractions à la Loi et au Règlement, la société a été condamnée à une amende de 2 500 $ pour chacune des cinq infractions en question et à l’amende maximale de 5 000 $ prévue pour chacune des trois autres, étant donné que ces dernières révélaient [traduction] « une intention d’organiser volontairement et d’agir subrepticement de manière à contourner délibérément la Loi après avoir vécu l’expérience de se faire attraper » : R c Dahl no 7, précité, à la page 94 (dossier de la requête des défendeurs, à la page 601). La Cour a conclu expressément que M. Dahl était la tête dirigeante des personnes morales défenderesses qui avaient été condamnées tant en 2004 qu’en 2013 (R c Dahl no 7, précité, à la page 93 (dossier de la requête des défendeurs, à la page 600)) :

[traduction

Dans les deux cas, le cadre supérieur ou le représentant de la société était le même, en l’occurrence, M. Eldon Dahl. Dans chaque cas, c’était lui l’âme dirigeante.

Toute personne morale doit répondre des actes criminels de ses représentants. En l’espèce, les deux sociétés, en l’occurrence l’ancienne société de 2004, E.D. Internal Health, et la nouvelle entité qui a comparu devant moi, E.G.D. Modern Design Ltd., étaient dirigées et contrôlées par la même personne.

[156]       Comme je l’ai déjà signalé, M. et Mme Dahl ainsi que E.G.D. Modern Design Ltd ont contesté en vain les mandats de perquisition et leur exécution dans l’instance qu’ils ont introduite devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta : R c Dahl no 5, précité, aux pages 176 à 192 (dossier de requête des défendeurs, aux pages 481 à 497). Le juge Jeffrey a passé en revue l’ensemble de la procédure suivie pour procéder à la perquisition du domicile des Dahl et du recours à des armes à feu lors de celle‑ci. Voici ce qu’il a conclu :

[traduction

En l’espèce, les policiers n’ont pas dérogé à leur coutume de frapper à la porte et de s’annoncer. Ils ont dégainé leurs armes au lieu de les garder dans leur étui, c’est tout. Leur intervention n’a pas dégénéré en intervention dynamique [page 188, lignes 25 à 28].

À mon avis, dans le feu de l’action et incertains de ce qu’ils allaient trouver et à cause du présumé manque de collaboration, les policiers étaient justifiés de penser qu’ils avaient mal interprété les gestes des Dahl. Certaines des infractions alléguées portaient sur la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui ne sont pas des questions que l’on pourrait considérer d’une gravité moindre que celle faisant l’objet d’autres accusations en vertu de la Loi sur les aliments et drogues. Les enquêtes et les perquisitions associées avec les infractions alléguées à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances donnent parfois lieu à des actes de violence des personnes visées. Le recours aux armes n’est pas inusité dans ce contexte [page 188, aux lignes 34 à 40].

En l’espèce, les policiers n’ont rien fait de plus pour provoquer l’escalade de leur intervention, si ce n’est de dégainer leur arme pour assurer leur propre sécurité. J’estime que cette façon de procéder à l’exécution du mandat de perquisition au numéro 19 n’était pas déraisonnable dans les circonstances et je rejette la demande d’exclusion des éléments de preuve recueillis lors de cette perquisition [page 189, lignes 33 à 36].

[157]       Dans la présente instance, les Dahl affirment que la perquisition effectuée à leur domicile était inconstitutionnelle, qu’ils ont été illégalement détenus au cours de cette perquisition et qu’ils ont été accusés injustement et avec malveillance.

[158]       E.G.D. Modern Design Ltd a plaidé coupable à huit accusations d’infraction à la Loi et au Règlement et à trois autres accusations d’infractions à la LRDS. Monsieur Dahl était le mandant qui a inscrit ces plaidoyers de culpabilité et il a été jugé qu’il était l’âme dirigeante de la société en ce qui concerne les actes illégaux allégués. Dans ces conditions, sa demande fondée sur une poursuite malveillante n’a aucune chance raisonnable d’être accueillie. Les demandeurs auraient non seulement à démontrer que l’issue de l’instance leur aurait été favorable, mais qu’elle a été introduite sans motif raisonnable et qu’elle était motivée par la malveillance : voir Nelles, précité; Lewis N Klar, Tort Law, 5e éd. (Toronto, Carswell, 2012), à la page 67. Les accusations portées contre M. et Mme Dahl ont été suspendues, ce qui pourrait être considéré comme un dénouement de l’instance en leur faveur. Les demandeurs ont allégué que les mesures d’application de la loi prises par les défendeurs étaient motivées de façon irrégulière par le désir de forcer les petites entreprises qui vendent des produits de santé naturels à fermer leurs portes (alinéa 92i) de la déclaration). Toutefois, compte tenu du fait qu’E.G.D. Modern Design a plaidé coupable à 11 infractions, et que M. Dahl a confirmé à la Cour au nom de E.G.D. Modern Design que celle‑ci admettait les éléments essentiels constitutifs de chacune des infractions (voir R c Dahl no 7, précité, à la page 90) et compte tenu de la conclusion de la Cour suivant laquelle M. Dahl était l’âme dirigeante dont les actes illégaux et criminels ont entraîné la responsabilité criminelle de la société, il est impossible de démontrer qu’il n’existait aucun motif raisonnable et probable pour les défendeurs de continuer la poursuite. De plus, l’allégation de malveillance est irrégulièrement alléguée, étant donné qu’il s’agit d’une simple allégation qui n’est étayée par aucun fait pertinent : voir (Merchant Law, précité, aux paragraphes 34 et 35. L’allégation de poursuite malveillante ainsi que toutes les allégations afférentes d’intentions malveillantes et d’accusations [traduction] « fausses et malveillantes » et de [traduction] « poursuites fausses et malveillantes » aux paragraphes 92 et 93 doivent par conséquent être radiées.

[159]       Qui plus est, compte tenu du fait que le juge Jeffrey s’est expressément prononcé dans cette instance sur la légalité de la perquisition effectuée au domicile des Dahl, et que cette conclusion a donné lieu à des verdicts de culpabilité contre l’un des demandeurs en raison des plaidoyers de culpabilité inscrits par M. Dahl en sa qualité de mandant de la société, la contestation de la constitutionnalité de cette perquisition dans la présente instance constitue un abus de procédure et elle doit être radiée : SCFP, précité, aux paragraphes 33 à 55. Le tribunal a expressément conclu que la perquisition effectuée au domicile des Dahl était légale et qu’elle avait été exécutée de façon raisonnable dans les circonstances : R c Dahl no 5, précité, aux pages 176 à 189.

[160]       Tout comme les condamnations de 2004, les condamnations de 2009 d’E.G.D. Modern Design Ltd n’ont rien à voir avec l’invalidité alléguée du Règlement contesté. C’est avant de plaider coupable au nom d’E.G.D. Modern Design Ltd qu’il fallait contester ces accusations en attaquant la constitutionnalité du Règlement.

[161]       Deux autres allégations des Dahl nécessitent de brefs commentaires. On pourrait affirmer que chacune de ces allégations révèle une éventuelle cause d’action, mais elles doivent néanmoins être radiées de la présente déclaration.

[162]       Les Dahl allèguent qu’ils ont été détenus illégalement [traduction] « en contravention aux articles 7, 8 et 9 de la Charte » au cours de la perquisition effectuée à leur domicile (alinéa 92c)). L’article 9 de la Charte indique que « chacun a droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires ». Les demandeurs allèguent ce qui suit, au paragraphe 90 de la déclaration :

[traduction

[Monsieur Dahl] et son épouse sont demeurés assis au salon pendant 11 heures et on les a empêchés de bouger ou d’observer les agents de Santé Canada perquisitionner partout dans leur domicile. Interrogées quant à savoir si les Dhahl étaient en état d’arrestation, les autorités ont répondu à M. Dahl qu’ils étaient simplement « détenus » et qu’ils ne devaient pas bouger […]

Suivant une certaine jurisprudence, l’autorisation légale de détenir quelqu’un ne constitue pas une autorisation nécessairement implicite à l’autorisation légale de perquisitionner et de saisir accordée par le mandat de perquisition, et dans ces conditions, une détention peut être jugée arbitraire, surtout si elle se prolonge : voir, par exemple, R c Douglas, 2012 SKQB 250. Les défendeurs n’ont invoqué aucune décision de tribunaux albertains portant explicitement sur la question et, si j’accepte les faits tels qu’ils ont été allégués, je ne puis affirmer à cette étape‑ci qu’une demande en responsabilité civile délictuelle ou fondée sur l’article 9 de la Charte n’a aucune chance raisonnable d’être accueillie.

[163]       Il y a également la question des mises en garde qui auraient été publiées par Santé Canada au sujet des produits des demandeurs. Les demandeurs allèguent, aux paragraphes 81 à 84 de leur déclaration, que Santé Canada a publié deux mises en garde, le 21 août 2008 et le 3 septembre 2008 respectivement, dans lesquelles il était allégué que les produits de M. Dahl et de E.G.D. Modern Design étaient contaminés par des bactéries et qu’ils n’étaient pas sans danger, et que Santé Canada a refusé de retirer les mises en garde en question de son site Internet malgré le fait que les produits en question avaient par la suite fait l’objet d’un permis délivré par des fonctionnaires des défendeurs confirmant leur innocuité. Les demandeurs n’ont pas allégué que Santé Canada avait agi de façon illégitime et délibérée, ce qui leur aurait permis d’accuser ses fonctionnaires de faute dans l’exercice d’une charge publique (voir Succession Odhavji, précité), mais, si on les interprète de façon généreuse, les allégations en question pourraient donner ouverture à une demande fondée sur la négligence. Toutefois, même dans ce cas, il ne s’agit pas d’une demande que notre Cour pourrait examiner dans sa rédaction actuelle.

[164]       Le problème que présentent ces allégations est le fait que, du moins telles qu’elles sont rédigées, elles n’établissent aucun lien avec la Loi ou le Règlement qui sont contestés dans le cadre de la présente instance. Non seulement cette situation présente‑t‑elle des problèmes d’ordre pratique en ce qui concerne l’enquête préalable ainsi que l’éventuelle instruction de l’action, qui devrait inévitablement être scindée, mais elle soulève un problème plus fondamental en ce qui concerne la compétence de notre Cour. Ainsi que le juge MacKay l’a fait observer dans le jugement Mandate Erectors, précité, au paragraphe 15, le second volet du critère de la compétence énoncé dans l’arrêt I.T.O. - International Terminal Operators Ltd. c Miida Electronics Inc. et autres, [1986] 1 RCS 752, 28 DLR (4th) 641 [ITO], prévoit que, pour que la Cour fédérale ait compétence, « il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence ». Pour mettre les ministres désignés hors de cause, le juge McKay a fait observer qu’ils ne pouvaient être poursuivis en leur qualité de représentants, qu’ils n’étaient pas poursuivis à titre personnel et que, s’ils l’avaient été, il aurait fallu que l’action soit en responsabilité civile délictuelle, de sorte qu’elle n’aurait pas relevé de la compétence de notre Cour. Certains autres défendeurs nommément désignés avaient également été mis hors de cause, au motif que les lois fédérales mentionnées dans la déclaration n’étaient pas essentielles à la solution des allégations formulées contre eux au sens du critère de l’arrêt ITO : Mandate Erectors, précité, aux paragraphes 18 et 19.

[165]       J’estime qu’il en va de même en l’espèce. Les Dahl n’ont pas démontré, dans les allégations qui les concernent, que l’on trouve dans la Loi et le Règlement contestés quelque chose d’essentiel à la solution de leurs allégations de détention illégale ou de négligence causées par la mise en garde adressée au public au sujet de leurs produits. Il s’agit d’un délit distinct – et peut-être d’un moyen tiré de la Charte dans le premier cas – qui n’ont rien à voir avec une loi fédérale et avec la contestation plus large que les demandeurs tentent de faire de la Loi et du Règlement. Si les Dahl souhaitent maintenir ces allégations, ils doivent s’adresser à une cour supérieure provinciale. Ils peuvent se buter à des questions de prescription, mais cela ne nous concerne pas en l’espèce.

[166]       Il se peut que ces allégations ne soient pas censées donner ouverture à des causes d’action distinctes, mais qu’elles soient censées indiquer les dommages subis en raison des dispositions contestées de la Loi et du Règlement ou à indiquer une inconduite se rapportant à la Loi ou au Règlement qui pourrait permettre d’obtenir des dommages-intérêts malgré les principes énoncés dans l’arrêt Mackin. Dans l’affirmative, les demandeurs doivent établir l’existence d’un certain lien entre les dispositions contestées de la Loi et du Règlement et les agissements illicites allégués.

[167]       Pour les motifs que j’ai exposés, il y a lieu de radier les paragraphes 56 à 93 de la déclaration, ainsi que toute mention de condamnation illégitime, de poursuite malveillante, de mise en garde erronée ou de perquisition illicite figurant ailleurs dans la déclaration par rapport aux allégations que l’on trouve dans ces paragraphes. Les paragraphes 40 à 55 semblent inoffensifs, mais ils ne révèlent aucune cause d’action de leur propre chef ou en liaison avec les autres parties de la déclaration et ils devraient par conséquent être radiés.

[168]       On trouve ensuite une série de paragraphes dans lesquels les Dahl expliquent les pertes qu’eux et leurs sociétés ont subies par suite de la présumée conduite illégale des défendeurs (voir les paragraphes 95 à 101). Toutefois, chacune des causes d’action qui pourrait permettre de réclamer des dommages-intérêts a déjà été radiée. Comme j’ai décidé d’accorder aux demandeurs l’autorisation de modifier leur déclaration, j’estime que la solution la plus prudente consiste à radier ces paragraphes et de permettre aux demandeurs de les modifier conformément aux causes d’action modifiées.

[169]       À l’alinéa 97g) de leur déclaration, M. et Mme Dahl affirment qu’ils ont également [traduction] « été personnellement victimes de violations des droits que leur reconnaissent les articles 2, 7 et 15 de la Charte pour les mêmes raisons et suivant le même raisonnement que ceux qui sont énoncés relativement à Nick Mancuso et David Rowland ».

[170]       Comme j’ai déjà jugé que MM. Mancuso et Rowland n’ont pas allégué les faits requis pour établir les violations en question, il s’ensuit qu’aucun fait pertinent n’a été allégué pour démontrer que les droits que les articles 2, 7 et 15 de la Charte garantissent aux Dahl ont été violés.

Moyens tirés de la Charte invoqués par les personnes morales demanderesses

[171]       La dernière partie de la déclaration concerne les allégations de violations de la Charte formulées par les personnes morales demanderesses, en l’occurrence The Results Company Inc and Life Choice Ltd, cette dernière étant la société ayant succédé à E.D. Modern Design Ltd et E.G.G. Modern Design Ltd. Les demandeurs allèguent ce qui suit à cet égard, au paragraphe 102 de la déclaration :

[traduction]

Les demandeurs affirment, par souci de clarté, que bien que la présente déclaration indique clairement les droits garantis par la Charte qui ont été violés dans le cas des personnes physiques demanderesses, les personnes morales demanderesses affirment également que les droits constitutionnels et droits garantis par la Charte suivants ont été violés dans leur cas :

a)         le droit à la liberté d’expression et de communication garanti par l’article 2 de la Charte;

b)         les garanties procédurales énoncées à l’article 7 de la Charte dans le contexte des poursuites (quasi) criminelles et du régime réglementaire;

c)         le droit à l’égalité, en tant qu’impératif structurel du principe sous‑jacent de la Loi constitutionnelle de 1867 énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Winner c SMT (Eastern) Ltd, [1951] SCR 887 [Winner], lequel droit est également invoqué par les personnes physiques demanderesses en plus de celui garanti à l’article 15 de la Charte.

[172]       En ce qui concerne le moyen tiré de l’article 7 de la Charte, la Cour suprême a constamment jugé que le mot « chacun » à l’article 7 de la Charte ne vise pas les personnes morales. Les personnes morales ne peuvent bénéficier des droits prévus à l’article 7 parce que les intérêts qui y sont garantis – la vie, la liberté et la sécurité de la personne – sont des attributs des personnes physiques et non des personnes morales : voir Irwin Toy, précité, aux paragraphes 94 à 96; Dywidag Systems International, Canada Ltd. c Zutphen Brothers, [1990] 1 RCS 705, aux paragraphes 6 et 7 [Dywidag Systems]; Hogg, précité, à la page 47‑5). À défaut d’atteinte à l’un des droits protégés en question, les principes de justice fondamentale – ou « garanties procédurales énoncées à l’article 7 de la Charte » comme les désignent les demandeurs – n’entrent pas en jeu. Au minimum, les personnes morales ne peuvent obtenir une réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte en invoquant un des motifs prévus à l’article 7, parce que le paragraphe 24(1) permet d’accorder une réparation aux personnes dont les droits ont été violés : R c Big M Drug Mart Ltd, [1985] 1 RCS 295, au paragraphe 37 [Big M]. En revanche, une personne morale peut se défendre contre des accusations criminelles ou contre une allégation d’infraction à un règlement en faisant valoir que la loi en vertu de laquelle elle est accusée viole les droits que la Charte reconnaît aux personnes physiques (y compris les droits que leur reconnaît l’article 7) et qu’elle est par conséquent inconstitutionnelle : voir Big M, aux paragraphes 37 à 43 (au sujet de l’alinéa 2a) de la Charte), et R c Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 RCS 154, aux paragraphes 21 à 26, motifs du juge en chef Lamer et du juge Sopinka, auxquels les juges Gonthier, Stevenson et Iacobucci ont donné leur assentiment, au paragraphe 236 [Wholesale Travel]. Doit‑on en conclure pour autant que les personnes morales peuvent également prendre l’initiative de contester la constitutionnalité d’une loi en se fondant sur l’article 7 de la Charte lorsqu’elles ne contestent pas une accusation criminelle ou quasi criminelle? La Cour suprême affirme qu’il ne leur est pas loisible de le faire. Voici ce qu’elle affirme, dans l’arrêt Dywidag Systems, précité, au paragraphe 7 :

[6]        On ne peut plus douter maintenant qu’une société ne peut se prévaloir de la protection de l’art. 7 de la Charte. Dans l’arrêt Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, notre Cour à la majorité a conclu qu’une société ne peut être privée de la vie, de la liberté et de la sécurité de la personne et par conséquent ne peut se prévaloir de la protection de l’art. 7 de la Charte. À la page 1004, il est déclaré :

 

[...] il nous semble que [l’art. 7] avait pour but d’accorder une protection à un niveau individuel seulement. Une lecture ordinaire, conforme au bon sens, de la phrase « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne » fait ressortir l’élément humain visé; seul un être humain peut avoir ces droits. Le terme « chacun » doit donc être lu en fonction du reste de l’article et défini de façon à exclure les sociétés et autres entités qui ne peuvent jouir de la vie, de la liberté et de la sécurité de la personne, et de façon à ne comprendre que les êtres humains.

 

[7]        Il est vrai qu’il existe une exception à ce principe général qui a été établie dans l’arrêt Big M Drug Mart, précité, où la Cour a conclu que « [t]out accusé, que ce soit une personne morale ou une personne physique, peut contester une accusation criminelle en faisant valoir que la loi en vertu de laquelle l’accusation est portée est inconstitutionnelle » (pp. 313 et 314). En l’espèce, il n’y a pas de poursuite pénale et de toute évidence l’exception ne s’applique pas.

[Non souligné dans l’original.]

Les demandeurs soulignent que l’on a permis à des personnes morales de solliciter des jugements déclarant des dispositions législatives inconstitutionnelles au moyen de requêtes présentées devant la Cour, citant l’exemple de l’arrêt RJR-MacDonald (1995), précité. Cette affaire portait sur le partage des pouvoirs prévu dans la Constitution et sur l’alinéa 2b) de la Charte dont les personnes morales peuvent se prévaloir de façon plus directe (voir plus loin). Comme on ne m’a cité aucun précédent contraire, je conclus que la question de savoir si une personne morale peut prendre l’initiative de contester une loi en vertu de l’article 7 de la Charte a été tranchée dans l’arrêt Dywidag Systems, précité, et que les personnes morales demanderesses ne peuvent présenter une telle contestation en l’espèce. Je tiens à signaler que cette conclusion n’empêche pas nécessairement les demandeurs de faire valoir leurs arguments suivant lesquels les dispositions contestées sont imprécises au point d’être inconstitutionnelles, si telle devait être leur décision (voir le paragraphe 16 de la déclaration, déjà radiée avec autorisation de modification), étant donné que cet argument pourrait être pertinent au regard de l’article premier de la Charte s’ils démontraient qu’une autre disposition de la Charte a été violée : Nova Scotia Pharmaceutical, précité, aux paragraphes 39 et 40.

[173]       De plus, même si l’arrêt Dywidag Systems, précité, n’était pas un précédent concluant sur cette question, les demandeurs n’ont pas formulé de contestation analogue à celle dont il était question dans les affaires Big M et Wholesale Travel, précitées, dans lesquelles il avait été allégué que les dispositions contestées étaient invalides parce qu’elles violaient les droits reconnus à des personnes physiques. Les personnes morales demanderesses semblent plutôt invoquer les protections procédurales prévues à l’article 7 en faisant totalement abstraction de la question de savoir si les droits que possède une personne physique en vertu de l’article 7 ont été violés. Il est évident que cet argument est voué à l’échec, étant donné que les protections procédurales prévues à l’article 7 n’entrent en jeu que lorsqu’il y a atteinte aux droits à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne et que cette atteinte a été démontrée : Main Rehabilitation Co c Canada, 2004 CAF 403, aux paragraphes 4 et 5.

[174]       La situation est tout à fait différente en ce qui concerne l’allégation des personnes morales demanderesses suivant laquelle leur [traduction] « droit à la liberté d’expression et de communication garanti par l’article 2 de la Charte » a été violé. Il est de jurisprudence constante que l’expression commerciale, y compris celle des personnes morales, est protégée par l’alinéa 2b) de la Charte, bien qu’elle bénéficie probablement d’une protection plus faible que les autres formes d’expression qui ressortissent davantage aux droits que cette disposition est censée protéger : Ford c Québec (Procureur général), [1988] 2 RCS 712, aux paragraphes 45 à 60; Irwin Toy, précité; Rocket, précité; RJR-MacDonald (1995), précité; Canada (Procureur général) c JTI-Macdonald Corp, [2007] 2 RCS 610. Comme la plupart des restrictions législatives imposées à la liberté d’expression protégée contreviendra à l’alinéa 2a), l’analyse dans la plupart des cas revient à se demander si les restrictions en question constituent des limites raisonnables dont la justification peut se démontrer en vertu de l’article premier de la Charte.

[175]       L’argument suivant lequel les personnes morales demanderesses jouissent d’un « droit à l’égalité, en tant qu’impératif structurel du principe sous‑jacent de la Loi constitutionnelle de 1867 » revient à recourir à des principes constitutionnels non écrits, ce dont la Cour suprême a discuté dans de nombreuses affaires. On ne sait pas avec certitude si les demandeurs font valoir le droit à l’« égalité » en tant que principe indépendant ou en tant qu’élément constitutif du principe de la primauté du droit. Ils citent Donald MacIntosh, citant lui-même A. V. Dicey, qui se disait d’avis que l’« égalité devant la loi » est un élément constitutif du principe de la primauté du droit : voir MacIntosh, précité, à la page 7. La question de savoir si et dans quelle circonstance ces principes non écrits peuvent être invoqués pour faire invalider une loi pour des raisons d’ordre constitutionnel est toujours sujette à débat : voir Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 RCS 217; Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 RCS 753, à la page 845 (Renvoi sur le rapatriement); Hogg, précité, aux pages 15 à 53, commentant l’arrêt Mackin, précité; Colombie-Britannique c Imperial Tobacco Canada Ltd, [2005] 2 RCS 473, aux paragraphes 59 et 60. Ce n’est pas une question qu’il convient de trancher à cette étape de l’instance, en partie parce qu’on ne sait pas avec certitude la thèse que les demandeurs défendent. Ils affirment qu’ils ont droit à l’égalité en tant qu’impératif structurel du principe sous‑jacent de la Loi constitutionnelle de 1867, mais ne précisent pas à la Cour ou aux défendeurs de quelle manière ce droit a été violé et/ou les réparations qui pourraient en découler. Ce moyen s’inscrit-il dans le cadre de la contestation des dispositions attaquées de la Loi et du Règlement ou d’actes précis accomplis par l’exécutif dans le cadre des mesures d’application de la Loi et du Règlement ou les deux? En quoi leurs droits à l’égalité ont‑ils été violés? Les demandeurs ne le précisent pas.

[176]       La même absence de fondement factuel entache le moyen tiré de l’alinéa 2b) de la Charte. En quoi exactement le droit à la liberté d’expression des personnes morales demanderesses a‑t‑il été violé? On en trouve un aperçu plus tôt dans la déclaration (aux alinéas 16b), p), q), r) et w) ainsi qu’à l’alinéa 34s)), mais à mon avis, les violations des droits conférés aux personnes morales demanderesses par l’alinéa 2b) n’ont pas été alléguées avec suffisamment de détails pour permettre à la Cour de trancher la question. Ainsi que la Cour suprême du Canada l’a déclaré dans l’arrêt MacKay c Manitoba, [1989] 2 RCS 357, la présentation d’un fondement factuel est essentielle pour permettre au tribunal de bien trancher les questions relatives à la Charte.

Personnes régulièrement constituées comme défendeurs

[177]       Les défendeurs affirment que Sa Majesté la Reine du chef du Canada est la seule personne qui devrait être régulièrement constituée comme partie défenderesse dans la présente action, et ce, parce que la déclaration ne révèle aucun fait important imputant un acte fautif aux ministres désignés. En outre le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social n’existe pas, le fait de désigner le procureur général du Canada est superflu et la GRC n’est pas une entité qui peut être poursuivie (voir Sauvé, précité, au paragraphe 44).

[178]       Les demandeurs ne sont pas du même avis et renvoient la Cour au jugement Liebmann, précité, aux paragraphes 51 et 52, ainsi qu’à l’arrêt Apotex, précité, au paragraphe 13.

[179]       J’estime qu’aucun de ces deux jugements n’est pertinent. Dans l’affaire Liebmann, le tribunal avait constitué Sa Majesté la Reine codéfenderesse et avait estimé qu’il était sans intérêt de débattre de l’opportunité de rendre une injonction contre des fonctionnaires de la Couronne « lorsque cette injonction agit contre eux en leur qualité de représentants, plutôt qu’en leur qualité personnelle », parce qu’il s’agissait d’une « contestation constitutionnelle », pour laquelle « la Cour a compétence pour accorder les mesures de réparation qui conviennent dans les circonstances, aux termes de l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1982 ».

[180]       Dans le cas qui nous occupe, rien dans la déclaration, ni même dans les passages qui en ont été supprimés, ne met en cause le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ou n’explique en quoi le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (qui n’existe pas) et la GRC (qui ne peut être poursuivie) peuvent avoir un rôle à jouer ou se voir reconnaître la qualité pour agir dans le cadre d’une contestation constitutionnelle, ni pourquoi il est nécessaire de désigner le procureur général du Canada en plus de Sa Majesté pour obtenir une réparation en vertu de l’article 24 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les ministres ne peuvent être poursuivis en leur qualité de représentants et rien ne permet de penser qu’ils sont poursuivis en leur qualité personnelle : Cairns, précité, au paragraphe 6; Merchant Law, précité, aux paragraphes 19 à 21.

[181]       L’arrêt Apotex dit simplement qu’« il n’est pas toujours indiqué de se prononcer sur une requête en radiation dans le cadre d’une décision exécutoire sur la question de la qualité pour agir [...] », et que le « juge devrait plutôt exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer s’il est indiqué dans les circonstances de rendre une décision sur la qualité pour agir ou de régler la question en même temps que l’on statue sur le fond de la cause ».

[182]       Je suis d’avis que Sa Majesté la Reine du chef du Canada est la seule personne qu’il convient de désigner comme partie défenderesse dans la présente action et que les autres défendeurs désignés doivent être mis hors de cause.

La requête en sursis

[183]       Pour des raisons évidentes, compte tenu de la décision sur la requête en radiation des défendeurs, la Cour ne peut accorder aux demandeurs la suspension de l’application des paragraphes 3(1) et (2) de la Loi et des articles précités du Règlement sur les produits de santé naturels. Les demandeurs n’ont pas encore démontré l’existence de questions sérieuses à juger et ils ne peuvent donc satisfaire aux critères cumulatifs à trois volets énoncés dans l’arrêt RJR-MacDonald (1994), précité.

[184]       Toutefois, comme la question de la suspension risque d’être soulevée de nouveau, à la suite des modifications qui seront apportées à la déclaration, j’estime qu’il pourrait être utile de souligner aussi qu’au vu du dossier dont je dispose actuellement en ce qui concerne la suspension, je n’aurais pas été en mesure de faire droit à cette requête même si les demandeurs avaient démontré l’existence d’une question sérieuse à juger. Voici les raisons pour lesquelles j’en viens à cette conclusion :

a)         Il n’y a aucun élément de preuve convaincant et non hypothétique tendant à démontrer l’existence d’un préjudice irréparable selon la prépondérance des probabilités. Voir Commissaire à l’information, précité, au paragraphe 62. Ainsi que les défendeurs le soulignent, M. Mancuso a nommé un certain nombre de produits qui avaient été retirés du marché tout en affirmant utiliser ces produits régulièrement et couramment. Monsieur Mancuso n’a par ailleurs pas précisé et justifié ses allégations de souffrance psychologique et physique. De plus, le préjudice mentionné par M. Rowland est vague ou hypothétique ou concerne des pertes commerciales quantifiables.

b)        La preuve présentée par les demandeurs − et la faiblesse des arguments qu’ils ont présentés au sujet de l’existence d’une question sérieuse à juger est inévitablement importante en l’espèce − ne permet pas de réfuter la présomption que la Loi et le Règlement servent l’intérêt du public, de sorte que la prépondérance des inconvénients favorise les demandeurs. Voir Harper, précité, au paragraphe 9. Ainsi que les défendeurs le soulignent, même une preuve prima facie de violation de la Charte offre quand même la possibilité à Sa Majesté de justifier cette violation en invoquant l’article premier de la Charte – et il est difficile de voir comment la Cour pourrait apprécier cette question à une étape interlocutoire comme la présente –, et même une suspension temporaire des dispositions législatives réglementaires en question pourrait avoir une incidence grave sur le bien-être des Canadiens en général, et ce, avant même toute conclusion sur leur constitutionnalité. Le dossier probatoire qui m’a été présenté apporte peu d’appui pour modifier de façon aussi sérieuse le libellé de la Loi et du Règlement.

 


JUGEMENT

LA COUR :

1.      RADIE la déclaration en vertu de l’article 221 des Règles des Cours fédérales conformément aux motifs qui ont été exposés;

2.      AUTORISE les demandeurs à modifier leur déclaration dans les 30 jours de la date de la présente ordonnance, sauf prorogation de ce délai par la Cour;

3.      SUPPRIME tous les défendeurs de l’intitulé de la cause, sauf Sa Majesté la Reine du chef du Canada;

4.      AUTORISE les défendeurs à présenter une requête en radiation de toute déclaration modifiée;

5.      REJETTE la requête en suspension des demandeurs;

6.      AUTORISE les parties à s’adresser à la Cour au sujet de la question des dépens des deux présentes requêtes et à le faire par écrit dans un délai de 30 jours de la présente ordonnance.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1754-12

 

INTITULÉ :

NICK MANCUSO, THE RESULTS COMPANY INC., DAVID ROWLAND, LIFE CHOICE LTD (ISSUE DE LA FUSION ET DE L’INCORPORATION DE E.D. MODERN DESIGN LTD. ET DE E.G.D. MODERN DESIGN LTD. ET ELDON DAHL, ET AGNESA DAHL c

MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE, GENDARMERIE ROYALE DU CANADA ET SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 JANVIER 2014

 

JUgement et motifs :

le juge rUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 JUILLET 2014

 

COMPARUTIONS :

Rocco Galati

 

PoUR LES DEMANDEURS

 

Sean Gaudet et

Andrew Law

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rocco Galati Law Firm

Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

PoUR LES DÉFENDEURS

 

 

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