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Date : 20140527


Dossiers : T-1252-11

T-1058-11

T-1825-11

Référence : 2014 CF 502

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 27 mai 2014

En présence de monsieur le juge O'Reilly

ENTRE :

RATIOPHARM INC.

(MAINTENANT TEVA CANADA LIMITED)

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]            Ratiopharm Inc vend des médicaments génériques au Canada, y compris un antiasthmatique appelé ratio-salbutamol HFA (ratio HFA). Ratio HFA est l’équivalent générique de Ventolin HFA, un produit fabriqué par GlaxoSmithKline Inc (GSK). Ratiopharm vendait le ratio HFA aux pharmacies après l’avoir acquis par contrat de GSK. Les deux produits étaient en concurrence l’un avec l’autre et avec d’autres produits similaires sur le marché canadien. En vertu du contrat avec Ratiopharm, GSK a retenu tous les droits rattachés au brevet délivré pour son produit. 

[2]            En 2011, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés a conclu que Ratiopharm, en vertu de son contrat avec GSK, était « brevetée » en vertu de paragraphe 79(1) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4 9 (la Loi) (voir annexe), le Conseil étant de ce fait compétent pour examiner le prix du médicament. Le Conseil a également conclu que Ratiopharm avait l’obligation de lui fournir des renseignements et de la documentation relativement aux prix dudit médicament; que Ratiopharm vendait le médicament ratio HFA à un prix excessif et que Ratiopharm doit verser des dommages de 65 898 842,76 $. Ratiopharm conteste les trois décisions (dossiers T-1252-11, T-1058-11, et T-1825-11, respectivement). Étant donné que cette décision porte sur les trois dossiers, l’original des présents motifs sera déposé dans le dossier T‑1252-11 et des copies seront versées dans les deux autres dossiers. 

[3]            Ratiopharm soutient qu’elle n’est pas une « brevetée » et que par conséquent le Conseil n’est pas compétent pour connaître de cette question. Elle soutient par ailleurs que ses prix n’étaient pas excessifs. Ratiopharm fait également valoir que si elle est soumise à l’autorité du Conseil en vertu de la Loi sur les brevets, les dispositions de ladite Loi sont de ce fait inconstitutionnelles étant donné qu’elles empiètent sur la compétence des provinces en matière de propriété et de droits civils prévue au paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867, et excède la compétence du gouvernement fédéral pour les matières relatives aux brevets.

[4]            Je suis d’avis qu’en vertu du partage des compétences fédérales-provinciales et de l’interprétation de la portée de la Loi qui en découle, Ratiopharm n’est pas une « brevetée ». Par conséquent, la vente du médicament ratio HFA ne relève pas de la compétence du Conseil et je dois accueillir les trois demandes de contrôle judiciaire de Ratiopharm. Trois questions se posent en l’espèce : 

1.         Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision du Conseil?

2.         Ratiopharm est-elle une « brevetée »?

3.         La loi est-elle inconstitutionnelle?

II.                Les décisions du Conseil

[5]            Le Conseil a conclu (dans T-1058-11) que l’entente conclue entre Ratiopharm et GSK octroyait le droit à Ratiopharm de vendre et de fixer les prix du médicament ratio HFA. Sans cette entente, Ratiopharm aurait violé le brevet de GSK relatif au médicament Ventolin HFA. En ce sens, Ratiopharm avait le droit « [d’exercer] […] les droits d’un titulaire », ce qui en faisait une « brevetée » au sens du paragraphe 79(1). Le Conseil a rejeté l’argument de Ratiopharm selon lequel il n’a pas compétence sur un fabricant de produits génériques qui vend un produit en vertu d’une entente intervenue avec un breveté et aux termes de laquelle, comme aux présentes, ce dernier conserve ses droits sur la propriété intellectuelle. Le Conseil soutient que s’il en était ainsi, le fabricant de produits génériques pourrait vendre ses produits aux pharmacies et à d’autres à un prix qui ne serait soumis à aucune règlementation.  

[6]            Le Conseil s’est également penché sur la question de savoir si le prix auquel Ratiopharm vendait le médicament ratio HFA était excessif. À cette fin, il a comparé ce prix à celui de médicaments similaires, aux prix dans d’autres pays et aux fluctuations de l’indice des prix à la consommation. 

[7]            Étant donné qu’il avait déjà conclu que Ratiopharm était une « brevetée », le Conseil a conclu (dans le dossier T-1252-11) que Ratiopharm avait le devoir de lui fournir des renseignements et des documents concernant les ventes, les prix, les dépenses et les revenus relatifs aux médicaments brevetés

[8]            Enfin, le Conseil a calculé que les revenus excessifs que Ratiopharm avait perçus s’établissaient à 65 898 842,76 $ (dans le dossier T-1825-11).

III.             Première question – Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision du Conseil?

[9]            Ratiopharm soutient que la norme de contrôle applicable à l’interprétation que le Conseil a faite du terme « breveté» est celle de la décision correcte étant donné qu’elle vise à déterminer la compétence du Conseil. En ce qui a trait aux autres questions, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité. 

[10]        Selon moi, la norme de contrôle applicable à toutes les conclusions du Conseil est celle de la raisonnabilité. La principale conclusion du Conseil porte sur la signification du terme « breveté » tel que défini à la Loi sur les brevets, qui est la principale loi que le Conseil doit interpréter. La déférence est de mise à l’égard du Conseil en raison de sa connaissance approfondie de cette loi (Celgene Corp c Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, au paragraphe 34; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 34). J’appliquerai donc la norme de la raisonnabilité afin de déterminer si Ratiopharm est une « brevetée ».

[11]        Le degré de déférence dont il faut faire preuve à l’égard des questions d’ordre constitutionnel est différent. La norme de contrôle applicable aux questions de cette nature est, les parties s’entendant sur ce point, celle de la décision correcte.

IV.             Deuxième question – La conclusion du Conseil selon laquelle Ratiopharm est une « brevetée » est-elle déraisonnable?

[12]        Le ministre soutient que la décision du Conseil était raisonnable étant donné que Ratiopharm est autorisée, en vertu de son entente avec GSK, à vendre et à commercialiser un médicament breveté, le ratio HFA. En l’absence de ladite entente, GSK aurait détenu les droits exclusifs de fabrication, d’utilisation et de vente de ce produit. Ratiopharm a obtenu son propre numéro d’identification du médicament (DIN) pour le produit, et a obtenu l’approbation règlementaire qui lui permet de le vendre. Par conséquent, en vertu de son entente avec GSK, Ratiopharm pouvait exercer les droits relatifs au brevet et de ce fait elle est, selon les prétentions du ministre, une « brevetée ».

[13]        En outre le ministre prétend que le raisonnement du Conseil est conforme à l’objectif des dispositions pertinentes de la Loi, qui est de protéger les consommateurs contre les prix excessifs que les titulaires de brevets peuvent pratiquer en raison du monopole que ledit brevet leur confère à l’égard des médicaments visés (ICN Pharmaceuticals c Canada (Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés Canada, (1996) 108 FTR 190 (CFPI), au paragraphe 24; Celgene, au paragraphe 29). À cette fin, le législateur a défini le terme « breveté » de façon large afin d’y inclure quiconque retire un avantage, un droit ou un profit d’un brevet. En l’espèce, Ratiopharm jouit du droit de vendre des médicaments brevetés, ce qui suffit à la soumettre à la compétence du Conseil. Il n’est pas nécessaire, selon le ministre, de démontrer que Ratiopharm détient un monopole dans les faits.  

[14]       Pour les motifs qui suivent, je ne peux pas accepter la position du ministre.  

[15]        Premièrement, il est clair que les dispositions pertinentes de la Loi ont été adoptées afin de veiller à ce que les brevetés n’abusent pas des avantages que leur monopole leur confère au détriment des consommateurs canadiens. Elles ont pour objectif de « pallier le “préjudice” découlant du fait que le monopole accordé au breveté en matière de produits pharmaceutiques durant la période d’exclusivité pouvait entraîner une hausse des prix à des niveaux inacceptables » (Celgene, au paragraphe 28). La responsabilité primordiale du Conseil consiste à veiller à ce que « le breveté n’abuse pas financièrement du monopole découlant de la délivrance d’un brevet, au détriment des patients canadiens » (Celgene, au paragraphe 29). En bref, la loi vise à garantir que les brevetés n’abusent pas financièrement de leurs monopoles et elle devrait être interprétée en conformité avec cet objectif (Shire Biochem Inc c Canada (Procureur général), 2007 CF 1316 au paragraphe 23). Par conséquent, le Conseil devrait limiter son rôle à l’examen des prix que les brevetés, qui jouissent d’un monopole limité dans le temps, exigent afin de déterminer si ces prix sont excessifs. Comme l’écrit la juge Johanne Gauthier, l’intention du législateur lorsqu’il a créé le Conseil était « que cet organisme contrôle la puissance commerciale du monopole conféré par un brevet » (Sanofi Pasteur Limited c Procureur général du Canada, 2011 CF 859, au paragraphe 6).

[16]        Deuxièmement, bien que le gouvernement fédéral puisse règlementer le brevetage des inventions, il ne possède pas de compétence globale pour règlementer les versions génériques des médicaments brevetés. Cette responsabilité relève clairement des provinces (Katz Group Canada Inc. c Ontario (Santé et Soins de longue durée), 2013 CSC 64, au paragraphe 3). Les dispositions de la Loi qui prévoient la création du Conseil ont été jugées constitutionnelles au motif qu’elles sont visées par la compétence fédérale en matière de brevets d’invention. En 1991, le juge Dureault de la Cour du banc de la Reine du Manitoba a conclu que les modifications qui ont été apportées à la Loi en 1987 afin de prolonger la durée de la protection conférée par le brevet et de créer le Conseil (LC 1987, c 41) visaient un double objectif – améliorer la protection que les brevets confèrent aux nouveaux médicaments, et prévenir tout abus possible, par la pratique de prix excessifs, du monopole que la Loi confère aux brevetés. (Manitoba Society of Seniors Inc c Canada (Procureur général), (1991), 77 DLR (4e) 485, au paragraphe 21, conf. par (1992), 96 DLR (4e) 606 (CA Man)). Par conséquent, la loi n’est pas un mécanisme servant à contrôler le prix des médicaments; elle traite des questions relatives à la protection attribuée par les brevets et par conséquent relève de la compétence fédérale en matière de brevets d’invention. 

[17]       À cette époque, les pouvoirs du Conseil se limitaient à prévenir les abus pouvant résulter du monopole attribué aux brevetés. De nos jours, en raison des modifications apportées en 1993, le Conseil est investi du pouvoir qui lui permet d’ordonner à un breveté de réduire le prix auquel il vend un médicament breveté et de verser à la Couronne un montant précis. Ratiopharm soutient que ces modifications introduisent un système de contrôle des prix, plutôt qu’un régime de règlementation des brevets, ce qui les rend inconstitutionnelles. Pour les besoins de l’espèce, sans aborder directement l’argument constitutionnel (voir ci-dessous), si elle se prête à plus d’une interprétation, la Loi devrait être interprétée conformément à la compétence fédérale en matière de brevets. Cette interprétation suppose que la définition de « breveté » tienne compte des limites imposées à la compétence fédérale en ce qui a trait aux prix des médicaments et, par conséquent, reconnaisse que le breveté est le détenteur exclusif des droits conférés à un titulaire de brevet. Étendre la portée de cette définition afin d’y inclure les fabricants de médicaments génériques qui ne détiennent aucun brevet et ne jouissent d’aucun monopole exposerait la Loi à une contestation constitutionnelle. En d’autres mots, si la Loi était interprétée de façon à s’appliquer aux produits vendus par les fabricants de médicaments génériques et à attribuer au Conseil la compétence afférente, sa constitutionnalité serait douteuse. Cette interprétation devrait être évitée.

[18]       En outre, on comprend généralement que la compétence fédérale en cette matière est se limite à la règlementation des prix des médicaments brevetés « départ usine » (Pfizer c Canada (Procureur général), 2009 CF 719, aux paragraphes 61-63). Les prix départ usine sont ceux que les titulaires de brevets exigent de leurs premiers acheteurs; ils ne comprennent pas les prix exigés par les distributeurs ou grossistes, ou encore d’autres intervenants se situant plus bas dans la chaine de distribution. Si tel était le cas, les prix départ usine seraient ceux que Ratiopharm a payés pour les médicaments et non les prix auxquels elle les a vendus.

[19]       Tout en gardant ces facteurs à l’esprit, je remarque également ceux qui suivent. 

[20]       Selon moi, le simple fait qu’une société vende en vertu d’un contrat une version générique d’un médicament breveté n’en fait pas pour autant une brevetée. Habituellement, un fabricant de médicaments génériques n’a pas droit au principal avantage que confère un brevet – un monopole pour fabriquer, utiliser ou vendre le produit breveté. Un fabricant de médicaments génériques ne peut habituellement pas exercer de droits se rattachant à un brevet détenu par une autre société. Avant que le brevet n’expire, un fabricant de médicaments génériques peut entrer sur le marché d’un médicament en vertu d’une licence que le titulaire de brevet lui accorde ou avec l’autorisation de ce dernier ou encore lorsqu’il est fait droit à sa contestation du brevet. Dans aucun de ces cas de figure le fabricant de médicaments génériques ne se voit octroyer les avantages et les droits exclusifs qui sont conférés aux titulaires de brevet. Toutefois, lorsqu’un fabricant de médicaments génériques est propriétaire d’un brevet et détient le monopole d’un médicament, ce fabricant pourrait être un « breveté » et être soumis à la compétence du Conseil. 

[21]       Règle générale, les fabricants de médicaments génériques contribuent à créer un marché concurrentiel ou s’y joignent, ce qui contribue à contenir les prix de médicaments brevetés. L’examen des prix exigés par les fabricants de médicaments génériques qui ne détiennent pas de brevets et de monopoles, semble, à première vue, outrepasser le mandat du Conseil.   

[22]       Si le terme « breveté » est interprété d’une façon si large qu’il en arrive à englober une société qui se trouve dans la position de Ratiopharm, il est probable que très peu de fabricants de médicaments génériques ne se retrouveraient pas dans la même situation. La plupart des fabricants de médicaments génériques pénètrent le marché en comparant leurs produits aux médicaments qui sont protégés par des brevets détenus par d’autres sociétés. Dans cette mesure, ils jouissent indirectement des avantages conférés par les brevets et, en dernière analyse, peuvent être perçus comme ayant acquis des droits à leur égard. Si Ratiopharm est une brevetée, plusieurs autres fabricants de médicaments génériques le sont également et possiblement d’autres intervenants se situant plus bas dans la chaine de distribution. 

[23]       Je souligne que Ratiopharm ne peut déposer d’action pour contrefaçon ou solliciter une ordonnance d’interdiction empêchant une autre société d’avoir accès au marché. Ratiopharm ne jouit tout simplement pas des droits spéciaux rattachés au brevet qui sont dévolus au titulaire du brevet qui en bénéficie. 

[24]       Ratiopharm n’a accédé au marché qu’en vertu d’une entente conclue avec GSK. Cette dernière décide du moment où elle souhaite renoncer à son monopole. Ratiopharm n’est jamais dans une situation de monopole.

[25]       Le Conseil n’a pas tenu compte de la version française du paragraphe 79(1) de la Loi sur les brevets qui énonce qu’un « breveté » (breveté ou titulaire d’un brevet) est « la personne ayant pour le moment droit à l’avantage d’un brevet pour une invention liée à un médicament, ainsi que quiconque était titulaire d’un brevet pour une telle invention ou exerce ou a exercé les droits d’un titulaire ». Bref, la version française lie plus étroitement la définition du terme « breveté » aux droits du titulaire d’un brevet. La définition est plus étroite que celle de la version anglaise, qui inclut toute personne qui peut exercer des droits relativement au brevet. 

[26]        Compte tenu de tous ces facteurs, je suis d’avis que la conclusion du Conseil selon laquelle Ratiopharm est une « brevetée » est déraisonnable. La règlementation des prix exigés par les sociétés qui ne détiennent pas de monopoles ne fait pas partie des objectifs visés par la Loi. La constitutionnalité de la Loi dépend de sa relation étroite à la protection conférée par le brevet et à l’exploitation potentiellement abusive du monopole corrélatif. Les fabricants de médicaments génériques comme Ratiopharm, ne détiennent généralement pas de monopoles et sont de ce fait absents des marchés protégés par des monopoles. 

[27]        Selon moi, si le Conseil avait tenu compte de ces facteurs, il n’aurait pas pu conclure de façon raisonnable que Ratiopharm était une « brevetée ».

V.                Troisième question – La loi est-elle constitutionnelle?

[28]       Même si les dispositions pertinentes de la Loi ont été jugées constitutionnelles (Manitoba Society of Seniors Inc), Ratiopharm soutient que les modifications subséquentes apportées à la Loi relativement aux pouvoirs qui sont attribués au Conseil situent ceux-ci au-delà de la compétence fédérale en matière de brevets et empiètent la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils. 

[29]        Ces modifications « consolident les pouvoirs du Conseil au chapitre des redressements et des sanctions » afin de combler le vide créé par la suppression du régime d'octroi de licences obligatoires. Leur objectif était de permettre au Conseil « d'infléchir l'établissement du prix des médicaments brevetés à l'instar de la concurrence que favorisait l'octroi de licences obligatoires » (ICN Pharmaceuticals, Inc c Canada (Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés), [1997] 1 CF 32 (CA), au paragraphe 12).

[30]       Tel que je le vois, les modifications qui accordent le pouvoir au Conseil d’influencer l’établissement des prix des médicaments brevetés plus directement au moyen de réparations monétaires et de sanctions n’a pas modifié l’objectif premier de la Loi ou conféré un mandat élargi au Conseil. Je ne vois donc aucune raison de m’éloigner de la conclusion à laquelle Manitoba Society of Seniors Inc les dispositions de la Loi sur les brevets portant sur les médicaments brevetés, si on les interprète correctement, relèvent de la compétence fédérale en matière de brevets d’invention; elles sont constitutionnelles. 

VI.             Conclusion et dispositif

[31]       La conclusion du Conseil selon laquelle Ratiopharm est une « brevetée » et qu’elle était obligée de se conformer à certaines des exigences de la Loi et des règlements est déraisonnable Le Conseil a omis de tenir suffisamment compte de l’objectif de la Loi et de son rôle limité relativement aux médicaments brevetés. Les dispositions pertinentes, correctement interprétées comme étant étroitement liées à la compétence fédérale en matière de brevets d’invention, sont constitutionnelles.  

[32]       Je dois par conséquent accueillir la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens.

[33]       Ratiopharm a fait valoir que je ne devrais pas renvoyer l’affaire au Conseil afin qu’il statue à nouveau au motif que cela serait inutile. Je suis d’accord avec elle. 

[34]       Compte tenu du droit applicable et de la preuve soumise aux présentes, il n’y a qu’une conclusion possible – le Conseil ne possède pas la compétence pour examiner les prix auxquels Ratiopharm, une société ne détenant aucun brevet ni aucun monopole, vend ses médicaments. Dans un tel cas, il serait inutile de renvoyer l’affaire devant le Conseil afin qu’il statue à nouveau. La procédure appropriée est donc de renvoyer l’affaire au Conseil et de lui enjoindre, en vertu du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, c F-7, de conclure que Ratiopharm n’est pas une « brevetée ». 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens et que l’affaire est renvoyée au Conseil avec la directive de conclure que Ratiopharm n’est pas une « brevetée ».

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


Annexe

Loi sur les brevets, LRC (1985), ch P-4

Patent Act, RSC 1985, c P-4

 

 

Définitions

 

Interpretation

 

 

79.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article

 

79(1) In this section

 

 

« breveté » ou « titulaire d’un brevet »

 

“patentee”

 

« breveté » ou « titulaire d’un brevet », la personne ayant pour le moment droit à l’avantage d’un brevet pour une invention liée à un médicament, ainsi que quiconque était titulaire d’un brevet pour une telle invention ou exerce ou a exercé les droits d’un titulaire dans un cadre autre qu’une licence prorogée en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets.

 

“patentee”, in respect of an invention pertaining to a medicine, means the person for the time being entitled to the benefit of the patent for that invention and includes, where any other person is entitled to exercise any rights in relation to that patent other than under a licence continued by subsection 11(1) of the Patent Act Amendment Act, 1992, that other person in respect of those rights;

 

 

Lois constitutionnelles de 1867

 

Constitution Act, 1867

 

 

Sujets soumis au contrôle exclusif de la législation provinciale

 

Subjects of exclusive Provincial Legislation

 

 

92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

 

92. In each Province the Legislature may exclusively make Laws in relation to Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say,

 

 

[…]

 

13. La propriété et les droits civils dans la province.

 

13. Property and Civil Rights in the Province.

 

Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F-7

Federal Courts Act, RSC, 1985, c F-7

 

 

Pouvoirs de la Cour fédérale

 

Powers of Federal Court

 

 

18.1(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

 

18.1(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1252-11, T- 1058-11, T-1825-11

 

INTITULÉ :

RATIOPHARM INC. (MAINTENANT TEVA CANADA LIMITED) c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

4-6 Novembre 2013

 

JUGement et motifs :

le juge O'REILLY

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 27 mai 2014

 

COMPARUTIONS :

Gavin MacKenzie

Neil Fineberg

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Robert MacKinnon

Craig Collins-Williams

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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