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Date : 20140226


Dossier :

T-1963-13

Référence : 2014 CF 179

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 février 2014

En présence de madame la protonotaire Tabib

 

 

 

ENTRE :

HOSPIRA HEALTHCARE CORPORATION

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeurs

 


MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La présente requête soulève la question de la qualité pour agir et du droit d’un innovateur d’être constitué partie dans une instance de contrôle judiciaire visant l’application, par le ministre de la Santé, de la partie du Règlement sur les aliments et drogues, CRC, c 870, qui met en œuvre un régime de protection des données conformément aux obligations que l’Accord de libre-échange nord-américain (l’ALENA) et de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (l’ADPIC) imposent au Canada.

 

Contexte

[2]               Sanofi-Aventis Canada Inc. (Sanofi) fabrique et vend au Canada la drogue Eloxatin, qui contient de l’oxaliplatine à titre d’ingrédient pharmaceutique actif. Le 15 juin 2007, le ministre de la Santé a statué que l’Eloxatin et l’oxaliplatine étaient des drogues innovantes et il les a inscrites au registre des drogues innovantes tenu en vertu du paragraphe C.08.004.1(9) du Règlement sur les aliments et drogues.

 

[3]               Le régime de protection des données prévu à l’article C.08.004.1 vise à protéger les données communiquées à l’appui d’une demande d’autorisation de commercialiser des drogues innovantes qui contiennent une nouvelle entité chimique, en empêchant les tiers d’utiliser les données de l’innovateur à l’appui de leurs propres demandes d’approbation de drogues. Lorsqu’une drogue est inscrite au registre des drogues innovantes, le ministre ne peut recevoir d’un autre fabricant une demande d’avis de conformité lui conférant le droit de commercialiser sa drogue au Canada pour une période de six ans, lorsque cette demande est fondée sur les données communiquées par l’innovateur ou renvoie à ces données. Le ministre ne peut pas non plus délivrer un avis de conformité pour une telle demande pendant une période additionnelle de deux ans.

 

[4]               Le 27 octobre 2006, avant que l’oxaliplatine soit inscrite au registre, Hospira a déposé une présentation de drogue nouvelle (PDN) en vue d’obtenir un avis de conformité pour une nouvelle drogue contenant l’[TRADUCTION] « entité chimique A » comme ingrédient actif. Sanofi a de bonnes raisons de croire que l’« entité chimique A » est, en fait, l’oxaliplatine. Dans le cadre de la présente requête, Hospira n’admet pas que l’« entité chimique A » est l’oxaliplatine, mais elle ne nie pas que Sanofi a des motifs raisonnables de croire que tel est le cas. Hospira s’est engagée à notifier et nommer l’innovateur concerné si la Cour statue que l’innovateur dont la drogue est désignée comme « l’entité chimique A » a le droit d’être constitué défendeur dans le cadre de la présente demande. Aux fins de l’audience et des présents motifs, et pour faciliter la compréhension, il est tenu pour acquis que « l’entité chimique A » est l’oxaliplatine, bien qu’il ne soit pas nécessaire de déterminer si tel est effectivement le cas, et bien que la Cour s’en abstienne.

 

[5]               Initialement, le ministre a rejeté la PDN d’Hospira, pour des motifs qui n’ont rien à voir avec la protection de données. Après qu’Hospira a obtenu gain de cause au terme d’un contrôle judiciaire du refus initial du ministre, le ministre a repris son examen de la PDN d’Hospira. À ce stade, l’Eloxatin et l’oxaliplatine avaient été inscrites au registre. Comme c’est souvent le cas, le ministre a demandé à Hospira de lui communiquer des renseignements additionnels pour l’aider à évaluer l’innocuité et l’efficacité de la drogue. Dans l’une de ses réponses, Hospira a renvoyé à la monographie de produit de l’Eloxatin. Le ministre a estimé qu’Hospira avait ainsi fait une « comparaison directe ou indirecte » entre sa drogue et l’Eloxatin, et il a avisé Hospira qu’en vertu de l’article C.08.004.1, il ne lui délivrerait pas d’avis de conformité pour la drogue en question avant l’expiration de la période de protection des données, même si la PDN d’Hospira pouvait par ailleurs être approuvée.

 

[6]               Hospira dépose la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre dans laquelle elle conteste son interprétation et son application de l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues. Hospira soutient que les dispositions relatives à la protection des données ne s’appliquent pas à sa PDN parce que celle-ci a été déposée avant que l’Eloxatin soit inscrite au registre. Quoi qu’il en soit, Hospira soutient qu’elle n’a pas comparé directement ou indirectement son produit et l’Eloxatin, que si elle l’a fait, la mention n’apparaissait pas dans la PDN initiale et que les modifications postérieures au dépôt sont exclues du champ d’application de l’article pertinent, et que la mention a été demandée par le ministre sans que celui-ci n’avise dûment Hospira que cette mention serait considérée comme justifiant l’application du régime de protection des données. Dans son avis de demande de contrôle judiciaire, Hospira ne nomme pas Sanofi ni aucune autre partie à part le ministre, et il n’a été signifié à aucune autre partie que le ministre.

 

[7]               Dans la mesure où l’« entité chimique A » est en fait l’oxaliplatine, Sanofi soutient qu’elle est une personne directement touchée par l’ordonnance qu’Hospira sollicite dans sa demande de contrôle judiciaire et qu’à ce titre, Hospira aurait dû la nommer comme partie défenderesse et il devrait lui être ordonné de le faire.

 

Analyse

[8]               L’article 303 des Règles des Cours fédérales exige que l’auteur d’une demande de contrôle judiciaire nomme comme défendeur « toute personne directement touchée par l’ordonnance recherchée ». Dans la présente demande, Hospira sollicite [TRADUCTION] « une ordonnance annulant la décision par laquelle ministre […] a refusé de délivrer un avis de conformité à la demanderesse pour la drogue A […] et une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre de délivrer sans délai un avis de conformité à Hospira pour la drogue A ». La Cour doit donc simplement répondre à la question de savoir si Sanofi serait directement touchée par une telle ordonnance.

 

[9]               Les parties s’entendent pour dire que le critère applicable pour déterminer si une partie a un intérêt direct est le même selon que la partie est un demandeur proposé ou un défendeur proposé, et que l’énoncé le plus récent de ce critère par la Cour d’appel fédérale figure au paragraphe 20 de l’arrêt Forest Ethics Advocacy Assn. c Canada (Office national de l’énergie), 2013 CAF 236, que voici :

 

20. Selon le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, une partie a un « intérêt direct » lorsque ses droits sont touchés, lorsque lui sont imposées des obligations en droit ou qu’elle subit d’une certaine manière un préjudice direct : Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith Canada c. Odynsky, 2010 CAF 307, aux paragraphes 57 et 58; Rothmans of Pall Mall Canada Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1976] 2 C.F. 500 (C.A.); Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (P.G.), 2009 CAF 116.

 

[10]           Aucun jugement ne statue précisément sur la question en litige en l’espèce, c’est-à-dire un jugement sans lequel la Cour s’est prononcée sur la qualité pour agir d’un innovateur dans le contexte d’un contrôle de la décision du ministre selon laquelle le régime de protection des données s’appliquait ou ne s’appliquait pas à une observation précise concernant une drogue innovante inscrite au registre.

 

[11]           Le seul jugement concernant le régime de protection des données dans lequel la qualité pour agir a été examinée est le jugement Lundbeck Canada Inc. c Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 1379, conf. par 2009 CAF 134. Dans cette affaire, Lundbeck, dont la drogue n’était pas inscrite au registre comme drogue innovante, sollicitait un jugement déclarant que sa drogue devrait être inscrite au registre à titre de drogue innovante et des ordonnances empêchant le ministre d’accepter et d’examiner les présentations de drogues déposées par deux sociétés fabriquant les médicaments génériques, et d’y répondre, au motif qu’il n’existait aucun « produit de référence canadien » ainsi qu’au motif que le produit de Lundbeck devrait être inscrit au registre. La Cour a conclu que la demande de Lundbeck n’avait aucun fondement valable. Concernant la question du régime de protection des données, la Cour a conclu que la drogue de Lundbeck n’était pas inscrite au registre et qu’elle ne pouvait manifestement pas l’être, et que le nouveau régime de protection des données ne pouvait donc pas s’y appliquer. Le juge de première instance a également tiré la conclusion générale selon laquelle Lundbeck n’avait pas qualité pour s’immiscer dans l’examen par le ministre d’une présentation abrégée de drogue nouvelle (la PADN) sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues. Hospira signale que le juge a inclus dans sa conclusion au sujet de la qualité pour agir une mention des contestations de Lundbeck fondées sur les dispositions relatives à la protection des données (au paragraphe 25). Cependant, il n’y a aucune analyse des principes relatifs à la qualité pour agir relativement à la manière dont ils pourraient s’appliquer au nouveau régime de protection des données. En outre, si la décision du juge de première instance devait être interprétée comme une conclusion de droit selon laquelle les innovateurs n’ont absolument aucune qualité pour agir en ce qui a trait au régime de protection des données, cette interprétation priverait un fabricant de la qualité pour contester la décision du ministre d’inscrire ou non sa propre drogue au registre des drogues innovantes. Une telle interprétation serait clairement erronée, étant donné que la qualité pour agir de Sanofi a été admise précisément sur cette question dans le jugement Teva Canada Ltd. c Canada (ministre de la Santé), 2011 CF 507, 2012 CAF 106. Quoi qu’il en soit, dans l’arrêt Lundbeck, la Cour d’appel fédérale a expressément confirmé les conclusions du juge de première instance selon lesquelles les demandes étaient dépourvues de fondement, et elle a refusé d’examiner la question de la qualité pour agir. Je conclus donc que l’arrêt Lundbeck n’a pas d’influence déterminante sur l’issue de la présente affaire.

 

[12]           Toutes les parties ont relevé deux courants jurisprudentiels clairs et constants sur la question de la qualité pour agir en rapport avec les règlements pris en vertu de la Loi sur les aliments et drogues.

 

[13]           D’une part, la Cour a statué qu’un fabricant de drogues innovateur n’a pas qualité ni pour déposer ni pour contester une demande de contrôle judiciaire d’une décision prise par le ministre de la Santé en vertu de la Loi sur les aliments et drogues ou du Règlement sur les aliments et drogues concernant la délivrance ou la délivrance proposée d’un avis de conformité à un autre fabricant de drogues (Merck Frosst Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1997] ACF no 1847, Glaxo Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1988] 1 CF 422, conf. par (1990) 31 CPR (3d) 29, Pfizer Canada Inc v Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1986), 12 CPR (3d) 438). Ces décisions sont toutes fondées sur les prémisses que seul le ministre est chargé de la protection de la santé et de la sécurité du public, que les questions liées à l’innocuité et l’efficacité de drogues ne concernent pas du tout les fabricants tiers et que les incidences économiques et concurrentielles sur ces fabricants tiers ne sont pas suffisamment importantes pour que l’on puisse dire qu’ils sont « directement touchés » par la délivrance d’un avis de conformité à un concurrent.

 

[14]           À l’autre extrémité du spectre, il existe une jurisprudence tout aussi constante selon laquelle un innovateur dont les brevets sont inscrits à l’égard d’une drogue dans le registre tenu en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement AC) n’a pas qualité pour agir lorsque la question en litige dans une instance de contrôle judiciaire est celle de savoir si la demande d’avis de conformité d’un autre fabricant a une incidence sur les droits et les mesures de protection accordés à l’innovateur sous le régime du Règlement AC (Ferring Inc c Canada (Ministre de la Santé), [2007] ACF no 1138, Apotex Inc c Canada (Procureur général), [1994] ACF no 879, Apotex Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2006 CF 846, Nu Pharm Inc. c Canada (Procureur général), 2001 CFPI 973, Apotex Inc c Canada (Ministre de la Santé), [2000] ACF no 248). Les tribunaux ont généralement établi une distinction entre ces affaires et celle qui concernent l’application du Règlement sur les aliments et drogues par le ministre au motif que le Règlement AC reconnaît les droits de brevet des innovateurs et les protège : les fabricants de drogues génériques qui, aux fins d’établir l’innocuité et l’efficacité, comparent leurs produits à celui d’un innovateur à l’égard duquel un brevet est inscrit sont tenus soit d’attendre l’expiration du brevet avant d’obtenir un avis de conformité, soit d’expliquer en quoi les brevets sont invalides ou pourquoi il n’y serait pas porté atteinte. Dans ce cas, la loi confère des droits précis aux innovateurs.

 

[15]           Contrairement à ce que prétend Hospira, l’on ne peut pas dégager de ces deux courants jurisprudentiels des propositions simples et absolues qui permettent de trancher la question en litige en l’espèce, par exemple : les innovateurs ont qualité pour agir lorsque le Règlement AC est en cause, mais n’ont pas qualité pour agir lorsque seul le Règlement sur les aliments et drogues est en jeu; un préjudice économique ou concurrentiel est toujours trop indirect pour « toucher directement » une personne; ou les seuls types d’intérêts qui peuvent conférer qualité pour agir dans une instance administrative sous le régime de la Loi sur les aliments et drogues sont ceux en rapport avec lesquels le règlement prévoit un droit exécutoire ou un recours judiciaire. En fin de compte, la question revient toujours à savoir si l’ordonnance sollicitée toucherait les droits légaux de l’innovateur, si elle lui imposerait des obligations en droit ou si elle lui causerait d’une certaine manière un préjudice direct. Dans les circonstances des affaires susmentionnées où l’application du Règlement sur les aliments et drogues était en cause, aucun droit légal n’était touché et aucune obligation n’était imposée en droit, et les tribunaux ont conclu que la concurrence résultant de la délivrance d’un avis de conformité, comme telle, ne touchait pas l’innovateur d’une manière directe. Dans les affaires où le Règlement AC était en cause, des droits légaux étaient touchés. Ce sont ces facteurs-là dont la Cour a tenu compte, et non d’une quelconque distinction arbitraire entre le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement AC.

 

[16]           Dans l’affaire dont je suis saisi, si je tiens pour acquis que « l’entité chimique A » est l’oxaliplatine, il est clair qu’une ordonnance infirmant la conclusion du ministre selon laquelle le régime de protection des données était mis en cause et ordonnant la délivrance d’un avis de conformité à Hospira causerait un préjudice à Sanofi d’une manière directe, et non uniquement parce qu’elle subirait un préjudice économique ou concurrentiel.

 

[17]           Le régime de protection des données établi par l’article C.08.004.1 reconnait et vise à protéger expressément les intérêts des fabricants de drogues innovantes en leur garantissant l’exclusivité sur le marché pendant la période désignée de protection des données contre ceux qui pourraient renvoyer aux données que ces innovateurs ont générées ou utiliser ces données pour établir l’innocuité ou l’efficacité de leur propre drogue. Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui a introduit le nouveau régime de protection des données énonce expressément que le régime a pour objectif de conférer un avantage direct aux innovateurs dont les produits sont inscrits au registre :

L’objet des modifications à l’article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues (le « règlement ») consiste à accorder aux drogues nouvelles une position concurrentielle sur les marchés internationaux et une période d’exclusivité de marché garantie d’une durée de huit ans.

 

[…]

 

Les obligations prévues aux ADPIC exigent que les signataires fournissent une protection contre l’exploitation déloyale dans le commerce de données, alors que l’ALÉNA exige que les signataires prévoient une période raisonnable pendant laquelle aucun fabricant ultérieur n’est autorisé à se fonder sur les données du premier auteur pour obtenir l’approbation du produit.

 

[…]

Dans l’esprit de ces dispositions, le gouvernement a décidé d’accorder cette protection en permettant à l’innovateur ou au premier auteur des données soumises à l’approbation réglementaire de protéger l’investissement fait dans le développement du produit en prévoyant une période d’exclusivité du marché.

 

 

[18]           La Cour fédérale a reconnu en outre que le régime de protection des données, tel que mis en œuvre par l’article C.08.004.1, visait effectivement à conférer à un innovateur une exclusivité de marché comme moyen choisi pour donner effet aux obligations du Canada de protéger les données des innovateurs en vertu de l’ALENA et de l’ADPIC. L’Association canadienne du médicament générique c Canada (Ministre de la Santé), 2010 CAF 334, au paragraphe 76 :

[76]           À mon avis, le RPD est clairement conforme à la disposition habilitante. Il s’agit d’un règlement ayant pour objet de mettre en œuvre, concernant les drogues, l’article 1711 de l’ALENA et le paragraphe 3 de l’article 39 de l’Accord sur les ADPIC. L’exclusivité de marché, conférée par le RPD à l’innovateur, est le moyen qu’a choisi le gouverneur en conseil pour donner effet aux dispositions applicables de l’ALENA et de l’Accord sur les ADPIC. Plus précisément, le RPD me paraît être une mesure prise par le gouverneur en conseil « pour s’assurer que les données sont protégées contre toute exploitation déloyale dans le commerce ».

 

[19]           L’Eloxatin et l’oxaliplatine de Sanofi ont été inscrites au registre des drogues innovantes. Sanofi a donc le droit de bénéficier de l’exclusivité de marché que promet l’article C.08.004.1 et de la protection de ses données contre les comparaisons directes ou indirectes par d’autres. Le ministre a conclu, dans la décision faisant l’objet du présent contrôle, qu’Hospira avait fait une telle comparaison et avait empiété sur la protection offerte à Sanofi. Il a jugé que l’exclusivité de marché faisait obstacle au produit d’Hospira et protégeait Sanofi. La demande d’Hospira vise à faire infirmer cette décision et à priver Sanofi des protections et des avantages auxquels le ministre a statué que Sanofi avait droit. Il est indéniable que l’ordonnance recherchée portera directement préjudice à Sanofi, puisqu’elle retirera la protection et son droit à l’exclusion du produit d’Hospira du marché, tous deux se voulant des avantages accordés directement à Sanofi.

 

[20]           Le fait que le Règlement sur les aliments et drogues ne prévoit pas la participation de Sanofi au processus décisionnel initial du ministre ni un recours en justice précis lorsque le régime de protection des données est mis en œuvre ou lorsqu’il est enfreint ne prive pas Sanofi de la qualité d’agir. Tel que formulé dans l’arrêt Forest Ethics Advocacy, précité, le critère de la qualité pour agir n’exige pas que l’ordonnance recherchée confère des droits ou impose des obligations en droit à la personne concernée; il suffit que cette personne subisse un préjudice de manière directe.

 

[21]           Pour ces motifs, je suis convaincue que l’innovateur dont le produit est inscrit au registre des drogues innovantes comme correspondant à « l’entité chimique A » est une personne directement touchée par l’ordonnance recherchée et qu’Hospira doit la constituer partie défenderesse dans la demande.

 

[22]           Une bonne part des arguments d’Hospira concernaient le bien-fondé de la décision du ministre, vraisemblablement pour tenter de démontrer que la décision était si manifestement mal fondée que, compte tenu des faits, Sanofi n’aurait pas pu bénéficier du régime de protection des données et, par conséquent, elle ne peut pas être une partie touchée par l’ordonnance recherchée. Le bien-fondé de la décision du ministre n’est pas pertinent pour trancher la question de savoir si Sanofi serait directement touchée par l’ordonnance recherchée. La décision du ministre est valide et exécutoire, et elle confère des avantages à Sanofi jusqu’à ce qu’elle soit infirmée, malgré l’argument d’Hospira selon lequel cette décision n’aurait pas dû être rendue. L’ordonnance recherchée par Hospira retirerait ces avantages. Quoi qu’il en soit, je ne crois pas que l’interprétation du Règlement faite par le ministre était clairement dénuée de fondement.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

 

1.                  Au plus tard 20 jours suivant la date de la présente ordonnance, Hospira modifiera son avis de demande par l’ajout, en qualité de défenderesse, de l’innovateur dont la drogue est inscrite au registre des drogues innovantes comme contenant « l’entité chimique A ».

 

2.                  Par la suite, l’échéancier des mesures à prendre dans le cadre de la présente demande sera déterminé par les Règles des Cours fédérales.

 

3.                  Hospira doit payer à Sanofi les dépens de la présente requête, d’une somme de 2 000 $.

 

 

 

« Mireille Tabib »

protonotaire

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1963-13

 

INTITULÉ :

HOSPIRA HEALTHCARE CORPORATION c LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            montréal (québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 21 JANVIER 2014

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :         

                                                            LA PROTONOTAIRE TABIB

 

DATE DES MOTIFS :

                                                            le 26 février 2014

 

 

COMPARUTIONS :

 

Susan Beaubien

 

pour la demanderesse

 

J. Sanderson Graham

pour le défendeur

Judith Robinson

Brian Capogrosso

pour la défenderesse proposée

SANOFI-AVENTIS CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MACERA & JARZYNA LLP

Ottawa (Ontario)

 

 

pour la demanderesse

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

pour le défendeur

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA  S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR PROPOSÉ

SANOFI-AVENTIS CANADA

 

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