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Date : 20140317


Dossier : T-132-13

 

Référence : 2014 CF 250

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 mars 2014

En présence de madame la juge Gagné

 

ENTRE :

GAELEN PATRICK CONDON

REBECCA WALKER

ANGELA PIGGOTT

 

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE

 

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Il s’agit d’une requête présentée par Gaelen Patrick Condon, Rebecca Walker et Angela Piggott (les demandeurs) en vue de faire autoriser une action comme recours collectif aux termes de l’article 334.16 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), contre Sa Majesté la Reine (la défenderesse), en qualité de représentante du ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada [le ministre ou RHDCC]. Le ministre est responsable de l’administration et de la gestion du Programme canadien de prêts aux étudiants (le Programme), qui fournit des prêts aux étudiants dont la demande est approuvée, pour les aider à financer leurs études postsecondaires (les prêts d’études).

 

[2]               En novembre 2012, le ministre a perdu un disque dur externe sur lequel étaient conservés les renseignements personnels des demandeurs et d’environ 583 000 personnes (le disque dur), dans ses bureaux de Gatineau (Québec) (la perte de données). Ces renseignements personnels comportaient les noms, dates de naissance, adresses, soldes des prêts d’études, et numéros d’assurance sociale (le ou les NAS) de ces personnes (les renseignements personnels). Le disque dur n’a pas été retrouvé.

 

[3]               Les demandeurs réclament diverses mesures de réparation auprès de la défenderesse en leur propre nom et au nom d’un groupe défini comme étant (le groupe ou les membres du groupe) :

[traduction]

 

Toutes les personnes dont les renseignements personnels étaient conservés sur un disque dur externe sous le contrôle de Ressources humaines et Développement des compétences ou du Centre de service national de prêts aux étudiants, renseignements qui ont été perdus ou divulgués à autrui le ou vers le 5 novembre 2012, à l’exclusion des cadres supérieurs de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, du Programme canadien de prêts aux étudiants ou des ministres et des sous-ministres de Ressources humaines et Développement des compétences.

 

[4]               Les demandeurs allèguent que le ministre a commis plusieurs fautes et violations, et ils réclament des dommages-intérêts pour dommages subis en raison de la perte de données. Le ministre soutient essentiellement qu’un recours collectif n’est pas le meilleur moyen de régler les réclamations des membres du groupe, et que les demandeurs n’ont subi aucun dommage indemnisable.

 

[5]               Pour les motifs exposés ci-après, j’accueillerai la requête et j’autoriserai l’action comme recours collectif.

 

Le contexte

[6]               Les demandeurs sont respectivement des résidents de St. John’s, à Terre-Neuve, Sydney, en Nouvelle-Écosse, et Toronto, en Ontario, qui ont demandé et obtenu des prêts d’études dans le cadre du Programme durant la période allant de 2002 à 2008. Ils ont remboursé ou sont en train de rembourser leurs prêts d’études.

 

[7]               Afin de recevoir des prêts d’études dans le cadre du Programme, les membres du groupe ont dû remplir des formulaires de demande dans lesquels ils devaient fournir des renseignements personnels et accepter des modalités aux fins de l’utilisation de ces renseignements (le ou les formulaires de demande). Ils ont aussi dû signer diverses ententes avec la défenderesse, qui renfermaient aussi des clauses établissant les modalités pour l’utilisation de ces renseignements. Les demandeurs soutiennent que ces formulaires de demande et ententes diverses devraient être interprétés comme des contrats (les contrats). Nous verrons plus loin les détails concernant ces contrats.

 

[8]               C’est le 5 novembre 2012 qu’un employé a initialement signalé la disparition du disque dur à son gestionnaire au ministère. Le disque dur avait été vu pour la dernière fois en août 2012, lorsqu’il avait servi à sauvegarder les renseignements personnels se trouvant sur le réseau du ministère avant de procéder à une mise à niveau du système prévue à la mi-octobre 2012.

 

[9]               Les renseignements conservés sur le disque dur n’étaient pas cryptés, et le disque dur n’était pas non plus entreposé dans un endroit qui était verrouillé [traduction] « en permanence ». Il semble qu’il était conservé dans le tiroir inférieur du classeur d’un employé et que le disque était caché sous des dossiers. C’est seulement quand cet employé est allé récupérer le disque dur, en préparation d’une autre mise à niveau du système, qu’il a constaté sa disparition.

 

[10]           Du 5 novembre au 22 novembre 2012, une enquête a été menée à l’interne au sujet de la perte du disque, et les bureaux du ministre ont fait l’objet d’une fouille complète.

 

[11]           Le 28 novembre 2012, le personnel de sécurité du ministre a d’abord été informé de la perte de données et le 7 décembre 2013, il a confirmé que le disque dur contenait les renseignements personnels de [traduction] « 500 000 clients », en procédant à une analyse des données contenues sur le lecteur du réseau qui sont présumées avoir été copiées sur le disque dur.

 

[12]           Le 14 décembre 2012, la défenderesse a avisé le commissaire à la protection de la vie privée du Canada de la perte de données. Le 7 janvier 2013, la Gendarmerie royale du Canada a reçu une demande afin d’enquêter sur l’affaire, et le 11 janvier 2013, le ministre a révélé à la population canadienne et aux membres du groupe touchés, la perte de données, au moyen d’une déclaration intitulée La protection des renseignements personnels à RHDCC (la Déclaration). Dans la Déclaration, le ministre a mentionné que la perte de données était un incident « inacceptable et qui aurait pu être évité », qu’il était « déplorable », et il a évoqué la « gravité » de l’incident.

 

[13]           À la suite de la déclaration du ministre, la défenderesse a créé une ligne téléphonique sans frais afin de permettre aux membres éventuels du groupe de savoir si leurs renseignements personnels étaient conservés sur le disque dur (la ligne d’information).

 

[14]           Les demandeurs ont tous appelé la ligne d’information et ont été informés que leurs renseignements personnels étaient conservés sur le disque dur. Mme Angela Piggott a passé quatre heures au téléphone à appeler la ligne d’information et d’autres organismes gouvernementaux pour demander de l’information sur ses prêts d’études tandis que Mme Rebecca Walker a appelé la ligne d’information lors de deux journées et elle s’est retrouvée en attente pendant plus de 30 minutes.

 

[15]           La défenderesse a avisé des membres du groupe qui ont appelé la ligne d’information, y compris Mmes Rebecca Walker et Angela Piggott, qu’ils devraient communiquer avec Equifax Canada Inc. (Equifax) et TransUnion Canada (TransUnion), les deux plus grosses agences d’évaluation du crédit au Canada, afin de leur demander des copies de leurs rapports de solvabilité. Elle a avisé Mme Rebecca Walker et d’autres membres du groupe qu’il était possible d’obtenir une protection du crédit à leurs propres frais, en concluant une entente avec Equifax ou TransUnion.

 

[16]           La ligne d’information a reçu au-delà de 250 000 appels.

 

[17]           À la fin de janvier 2013, la défenderesse a envoyé des lettres à 333 000 membres du groupe pour les aviser de la perte de données (les lettres). Elle n’a pas envoyé de lettres aux membres du groupe dont les coordonnées n’avaient pas été mises à jour au cours des trois années précédentes.

 

[18]           Les lettres contenaient une offre de « protection du crédit ». Elles indiquaient notamment ceci : [traduction] « Une annotation peut être placée dans votre dossier de crédit pendant une période maximale de six ans, et ce, tout à fait gratuitement. Cette annotation n’aura pas d’incidence sur votre cote de crédit. » Pour adhérer à ce programme, les membres du groupe devaient appeler la ligne d’information. Essentiellement, ce programme permet de mettre une annotation dans le dossier de crédit du membre du groupe, à un bureau de crédit (l’avertissement relatif au crédit). Si un prêteur demande au bureau de crédit des renseignements au sujet de la solvabilité du membre du groupe, le bureau de crédit avisera le prêteur de l’avertissement relatif au crédit. De prime abord, la protection du crédit était offerte uniquement aux membres du groupe touchés qui avaient un dossier chez Equifax, mais l’offre a ensuite été étendue à ceux qui avaient un dossier chez TransUnion. Dans leurs rapports respectifs, les experts des parties traitent de la distinction qui doit être faite entre un programme d’avertissements relatifs au crédit et un programme de [traduction] « surveillance du crédit ». Ils ne s’entendent pas quant à l’efficacité du programme de protection du crédit offert par la défenderesse.

 

[19]           Le 21 juin 2013, 88 548 membres du groupe avaient donné leur consentement au ministre pour que soit placé un avertissement relatif au crédit. Les demandeurs ne l’ont pas fait.

 

[20]           En sus de la protection du crédit offerte, la défenderesse a créé un registre des NAS. Une annotation a été mise dans le dossier de NAS des personnes touchées dans le Registre d’assurance sociale afin d’indiquer que le NAS a fait l’objet d’un incident. Cela permet de s’assurer que toute demande de changement ou de modification fasse l’objet d’un processus d’authentification renforcé.

 

[21]           Le 17 janvier 2013, le demandeur Condon a intenté la présente action en déposant une déclaration. Le 23 janvier 2013, les demanderesses Walker et Piggott ont déposé une déclaration en appui à leurs propres demandes. Les demandeurs et leurs avocats ont convenu de collaborer dans le cadre de la poursuite de leurs demandes. Avec le consentement de la défenderesse, les demandeurs ont déposé à la Cour, le 25 avril 2013, une déclaration consolidée.

 

La question en litige

[22]           Une seule question est soulevée par la présente requête : la présente action devrait-elle être autorisée comme recours collectif aux termes de l’article 334.16 des Règles?

 

[23]           Les requêtes d’autorisation des recours collectifs sont assujetties à l’article 334.16 des Règles, qui prévoit une autorisation si les conditions suivantes sont réunies :

a)      les actes de procédure révèlent une cause d’action valable;

b)      il existe un groupe identifiable formé d’au moins deux personnes;

c)      les réclamations des membres du groupe soulèvent des points de droit ou de fait communs, que ceux-ci prédominent ou non sur ceux qui ne concernent qu’un membre;

d)     le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs;

e)      il existe un représentant demandeur qui :

                                                              i.      représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe,

                                                            ii.      a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés de son déroulement,

                                                          iii.      n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs,

                                                          iv.      communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

 

[24]           La défenderesse ne conteste pas la définition proposée pour le groupe (à l’étape b)) ou le caractère approprié des représentants demandeurs (à l’étape e)).

 

[25]           Les demandeurs soutiennent que, même si les arguments de la défenderesse portant sur les causes d’action et les points communs sont entièrement acceptés, il reste toujours des causes d’action et des points communs pouvant être autorisés, puisque la défenderesse ne conteste pas que la perte de données équivaut à une violation de contrat ou de garantie. Cette dernière n’est pas d’accord et répond que, même s’il y a violation de contrat ou de garantie, il ne serait pas possible de satisfaire à l’étape a) des critères en l’absence de dommages indemnisables subis par les demandeurs et les membres du groupe.

 

[26]           Les dispositions des Règles en matière de recours collectifs sont essentiellement les mêmes que celles prévues en Colombie-Britannique, dans le Class Proceedings Act, RSBC 1996, c 50, et en Ontario, dans la Loi de 1992 sur les recours collectifs, LO 1992, c 6. Dans la décision Manuge c Canada, 2008 CF 624, inf. par 2009 CAF 29, autorisation rétablie dans l’arrêt 2010 CSC 67, voici ce que le juge Barnes déclare au paragraphe 24 :

[24] Les règles de la Cour en matière de recours collectifs s’inspirent des règles en vigueur en Colombie-Britannique et elles sont semblables aux règles en vigueur en Ontario; finalement, il est possible de se reporter à la jurisprudence de ces provinces dans l’examen d’une requête en autorisation : voir Tihomirovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)2006 CF 197 (CanLII), [2006] 4 R.C.F. 341 (C.F.), au paragraphe 45. Comme le faisait observer le juge Frederick Gibson dans la décision Rasolzadeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 2 R.C.F. 386 (C.F.), au paragraphe 23, le libellé impératif de notre règle [Règles des Cours fédérales, article 334.16] (« shall… certify », en français « autorise ») exclut un pouvoir discrétionnaire absolu de refuser d’autoriser un recours collectif si les conditions de l’autorisation sont remplies.

 

[27]           L’approche qu’il convient à la Cour d’adopter est résumée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Pro-Sys v Infineon, 2009 BCCA 503, aux paragraphes 64 et 65 :

[traduction]

 

[64]  Il faudrait interpréter généreusement les dispositions de la Loi [Class Proceedings Act] pour réaliser son objet : l’économie des ressources judiciaires (en regroupant des actions similaires et en évitant la duplication inutile de l’appréciation des faits et de l’analyse du droit); l’accès à la justice (en divisant les dépens entre un grand nombre de demandeurs, rendant ainsi économiques des poursuites qui auraient été autrement trop coûteuses); et une modification des comportements (en empêchant les auteurs actuels ou éventuels d’un tort de présumer que de petits préjudices subis par un grand nombre ne donneraient pas lieu à un litige) : Western Canadian Shopping Centres Inc. c Dutton2001 CSC 46 (CanLII), 2001 CSC 46, [2001] 2 R.C.S. 534, aux paragraphes 26 à 29 (Western Canadian Shopping Centres); Hollick c Toronto (Ville), 2001 CSC 68 (CanLII), 2001 CSC 68, [2001] 3 R.C.S. 158, au paragraphe 15 (Hollick).

 

[65L’audience de certification ne comprend pas d’appréciation du bien-fondé du recours; elle s’intéresse plutôt à la forme que revêt l’action en vue de déterminer s’il convient de procéder par recours collectif : voir l’arrêt Hollick, au paragraphe 16. Il incombe au demandeur d’établir « un certain fondement factuel » pour chacune des exigences de la certification, autre que l’exigence que l’acte de procédure révèle une cause d’action : arrêt Hollick, au paragraphe 25. Toutefois, selon l’approche libérale et fondée sur l’objet législatif, le fardeau de preuve n’est pas exigeant – seul un « fondement factuel minime » est exigé » : arrêt Hollick, aux paragraphes 21, 24-25; Stewart c General Motors of Canada Ltd., [2007] O.J. no 2319 (C.S.J.), au paragraphe 19. Voici ce qui est énoncé dans l’arrêt Cloud c Canada (Attorney General) 2004 CanLII 45444 (C.A. Ont.), (2004), 247 D.L.R. (4th) 667, au paragraphe 50, 73 O.R. (3d) 401 (C.A.), autorisation d’appel refusée [2005] C.S.C.R. no 50 [Cloud] :

 

[traduction]

 

[D]ans le cadre d’une requête en certification, le tribunal n’est pas qualifié pour résoudre les contradictions dans la preuve ou pour entreprendre des appréciations finement calibrées de la valeur probante. Il doit établir s’il existe un certain fondement factuel pour satisfaire à l’exigence de certification en cause.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[28]           Ainsi, les demandeurs soutiennent qu’ils ne sont tenus de s’acquitter que d’un [traduction] « léger fardeau » de preuve et que [traduction] « même si des points communs renferment des éléments nouveaux et des difficultés, ils devraient être “laissés au juge du procès pour qu’il les règle dans son laboratoire” ». À cet égard, ils ont beaucoup insisté sur leur capacité limitée à mener un interrogatoire préalable à l’autorisation pour faire valoir leurs arguments.

 

Les réparations demandées

[29]           Les demandeurs sollicitent les mesures de réparation suivantes :

a)      une ordonnance dans laquelle les demandeurs sont nommés représentants demandeurs;

b)      une ordonnance qui définit le groupe (ou les membres du groupe) ainsi :

[traduction]

 

Toutes les personnes dont les renseignements personnels étaient conservés sur un disque dur externe sous le contrôle de Ressources humaines et Développement des compétences ou du Centre de service national de prêts aux étudiants, renseignements qui ont été perdus ou divulgués à autrui le ou vers le 5 novembre 2012, à l’exclusion des cadres supérieurs de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, du Programme canadien de prêts aux étudiants ou des ministres et des sous-ministres de Ressources humaines et Développement des compétences.

 

c)      une ordonnance de suspension de toute autre instance à la Cour fédérale liée au présent recours collectif proposé;

d)     des ordonnances établissant la nature des réclamations présentées au nom du groupe et énonçant les réparations demandées par le groupe;

e)      une ordonnance énonçant les points communs;

f)       des ordonnances autorisant le plan de poursuite de l’instance, établissant la forme et le contenu du programme de notification et les dépens de ce programme, et définissant le processus d’exclusion;

g)      des ordonnances faisant état d’autres réparations demandées par l’avocat du groupe et jugées équitables par la Cour.

 

Analyse

La cause d’action valable (alinéa 334.16(1)a) des Règles)

[30]           Les demandeurs prétendent qu’ils ont un certain nombre de causes d’action bien établies contre la défenderesse : a) violation du contrat et de la garantie; b) commission du délit d’intrusion dans l’intimité (atteinte à la vie privée); c) négligence; d) abus de confiance; et e) violation du droit québécois.

 

[31]           Au moment d’établir si des actes de procédure révèlent une cause d’action valable, le seuil est relativement bas. Dans l’arrêt Hunt c Carey Canada Inc, [1990] 2 RCS 959 (Hunt), la Cour suprême du Canada a déclaré, à la page 980, que le tribunal, dans le cadre d’une analyse de ce genre, doit supposer que les faits allégués dans la déclaration du demandeur peuvent être prouvés sans tenir compte de la preuve. En gardant à l’esprit cette hypothèse, le tribunal établit s’il est « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d’action raisonnable. Il n’appartient pas au tribunal d’évaluer les chances de succès, mais d’établir s’il y a quelques chances de succès :

Ainsi, au Canada, le critère régissant l’application de dispositions comme la règle 19(24)a) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique est le même que celui régissant une requête présentée en vertu de la règle 19 R.S.C. : dans l’hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d’action raisonnable? Comme en Angleterre, s’il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d’un jugement ». La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d’action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d’intenter son action. Ce n’est que si l’action est vouée à l’échec parce qu’elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie-Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[32]           S’inspirant elle aussi de l’arrêt Hunt, la défenderesse insiste sur le fait que l’analyse doit porter uniquement sur les faits plaidés, et que, dans le cadre d’une requête en radiation, aucun élément de preuve ne peut donc être considéré. Les faits plaidés par les demandeurs doivent cependant être étayés par un fondement factuel. La défenderesse renvoie également à l’arrêt R c Imperial Tobacco Canada, [2011] 3 RCS 45, aux paragraphes 66 à 70, où la Cour suprême du Canada explique ainsi le critère :

[70] Deuxièmement, comme je l’ai déjà indiqué, une requête en radiation ne dépend pas, de par sa nature, de la preuve. Les faits allégués doivent être tenus pour avérés. Le rejet de la requête en radiation s’impose, à moins qu’il ne soit évident et manifeste, d’après ces faits, que l’action n’a aucune possibilité raisonnable de succès. Autrement dit, s’il existe une possibilité raisonnable que la question alléguée s’avère en fait une question de politique générale, la requête en radiation doit alors être rejetée. Les doutes quant à ce que la preuve peut démontrer ne devraient pas empêcher la tenue d’un procès. La question dont nous sommes saisis est donc de savoir s’il ressort clairement des faits tenus pour avérés qu’une obligation de faire diligence afin d’éviter les déclarations inexactes faites par négligence serait écartée parce que la conduite à l’origine de la déclaration inexacte alléguée relève d’une politique générale du gouvernement et n’est donc pas susceptible d’engager la responsabilité délictuelle de son auteur.

 

[33]           Puisque la défenderesse soutient que les demandeurs n’ont pas invoqué de fondement factuel pour l’un ou l’autre des types de dommages allégués, les causes d’action avancées par les demandeurs seront divisées en deux catégories : une où les dommages sont allégués ne pas constituer un élément essentiel de la cause d’action, et une où ils le sont.

 

Les dommages allégués ne pas constituer un élément essentiel de la cause d’action

a) La violation de contrat et de garantie

 

[34]           Les demandeurs prétendent que la défenderesse a enfreint certaines obligations énoncées dans les contrats, la législation et les politiques. Je vais maintenant examiner ces questions à tour de rôle.


            Les contrats

[35]           Les formulaires de demande pour les prêts d’études renfermaient des modalités explicites autorisant la défenderesse à faire certains usages des renseignements personnels fournis par les demandeurs, ainsi que d’autres modalités qui garantissaient qu’aucun autre usage des renseignements personnels ne serait permis.

 

[36]           Plus précisément, ces formulaires de demande renfermaient des modalités quant à la manière dont les renseignements personnels seraient recueillis, entreposés, divulgués et éventuellement détruits par la défenderesse, y compris des modalités selon lesquelles la défenderesse :

a)      garderait les renseignements personnels confidentiels;

b)      ne divulguerait pas les renseignements personnels, sauf dans la mesure prévue par les lois;

c)      conserverait les renseignements personnels en lieu sûr et suivrait ses propres politiques internes relatives à la conservation sécuritaire de ces renseignements personnels;

d)     supprimerait ou détruirait les renseignements personnels une fois le prêt d’études du membre du groupe entièrement remboursé;

e)      ne divulguerait pas les renseignements personnels une fois le prêt d’études du membre du groupe entièrement remboursé.

 

[37]           En 2002, Mme Rebecca Walker a signé le [traduction] « Contrat de prêt d’études canadien ». Ce contrat contenait notamment les modalités suivantes :


[traduction]

 

3. Renseignements personnels : Les renseignements que je fournis dans le cadre du présent contrat serviront uniquement à l’administration de mon prêt direct. Les renseignements à mon sujet, sous le contrôle du ministre, seront gérés conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et seront conservés dans le Fichier de renseignements personnels de DRHC, PPU 030. J’autorise le ministre à divulguer aux prêteurs, aux institutions financières, aux fournisseurs de crédit à la consommation, aux bureaux de crédit ou aux agences d’évaluation du crédit, et à obtenir auprès d’eux, tous les détails et renseignements pertinents à mes prêts directs ou mes prêts d’études. […] Le ministre peut échanger des renseignements provenant de toutes sources avec l’autorité compétente, l’institution financière qui me verse le prêt, mon établissement d’enseignement et les prêteurs, mais uniquement aux fins de l’administration ou de l’application de la [Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants]. Le ministre peut échanger des renseignements avec des programmes provinciaux d’aide financière aux étudiants, mais uniquement aux fins d’établir l’admissibilité à la remise provinciale.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[38]           En 2003, Mme Rebecca Walker a aussi signé une version modifiée du [traduction] « Contrat de prêt d’études canadien », qui indique ce qui suit :

[traduction]

 

J’autorise le gouvernement du Canada et le Centre de service national de prêts aux étudiants à divulguer et à obtenir auprès de tout fournisseur de crédit à la consommation, bureau de crédit ou toute agence d’évaluation du crédit, tous détails et renseignements concernant mes [prêts canadiens d’aide financière aux étudiants] et [prêts d’études canadiens]. […]

 

J’autorise le gouvernement du Canada […] à recueillir, utiliser et divulguer les données et renseignements liés à l’un ou l’autre de mes [prêts d’études canadiens] et [prêts canadiens d’aide financière aux étudiants] que je pourrais avoir, aux fins de l’exécution de leur travail dans le cadre du [Programme canadien de prêts aux étudiants] et de son administration.

 

[39]           En 2001 et en 2002, Mme Rebecca Walker a aussi signé [traduction] l’« Annexe 1 du Programme canadien de prêts aux étudiants », qui renfermait les modalités suivantes :

[traduction]

 

J’autorise le payeur à divulguer et à obtenir auprès de tout autre fournisseur de crédit à la consommation, bureau de crédit ou toute autre agence d’évaluation du crédit, tous détails et renseignements concernant mes [prêts canadiens d’aide financière aux étudiants] et [prêts d’études canadiens]. […]

 

J’autorise le gouvernement fédéral […] à recueillir, utiliser et divulguer les données et renseignements liés à l’un ou l’autre de mes [prêts d’études canadiens] et [prêts canadiens d’aide financière aux étudiants] que je pourrais avoir, aux fins de l’exécution de leur travail dans le cadre du [Programme canadien de prêts aux étudiants] et de son administration.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[40]           En 2009, le Centre de service national de prêts aux étudiants a fait parvenir à Mme Angela Piggott le [traduction] « Contrat de prêt consolidé », qui renfermait les modalités suivantes :

[traduction]

 

MODALITÉS ET CONDITIONS APPLICABLES AUX PRÊTS D’ÉTUDES CANADIENS ET À LA PORTION CANADIENNE DES PRÊTS D’ÉTUDES INTÉGRÉS

 

Considérant que des prêts d’études canadiens et la portion canadienne de prêts d’études intégrés (PEI) ont été consentis à vous, l’emprunteur, conformément à la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants (la Loi fédérale) et au Règlement fédéral sur l’aide financière aux étudiants (le Règlement fédéral), faisant tous deux l’objet de modifications de temps à autre, vous consentez à ce qui suit : […]

 

MODALITÉS ET CONDITIONS APPLICABLES AUX PRÊTS D’ÉTUDES CANADIENS ET AUX PRÊTS D’ÉTUDES INTÉGRÉS CANADA-ONTARIO

 

[…]

 

4. Vous autorisez le CSNPE et les ministres de RHDC et de la FCU à divulguer et obtenir auprès des fournisseurs de crédit à la consommation, bureaux de crédit ou agences d’évaluation du crédit, tous détails et renseignements pertinents au recouvrement de votre prêt.

 

5. Vous convenez d’aviser rapidement le CSNPE de tout changement de nom ou d’adresse. Si vous omettez d’effectuer un versement sur vos [prêts d’études canadiens] ou [prêts d’études ontariens] exigé conformément à ce contrat, vous autorisez […] RHDC et la FCU […] à communiquer au CSNPE et/ou aux ministres ou leurs représentants, toute information leur étant nécessaire pour vous localiser.

 

6. Les ministres de RHDC et de la FCU pourront échanger des renseignements obtenus de toutes sources, entre eux ou avec les institutions financières, le CSNPE, tout établissement d’enseignement que vous avez fréquenté et des prêteurs précédents détenant vos prêts d’études ontariens consentis avant le 1er août 2001 ou détenant des prêts d’études canadiens consentis avant le 1er août 2000, le cas échéant, mais uniquement aux fins de l’administration ou de l’application des lois et règlements fédéraux et provinciaux. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[41]           Les [traduction] « contrats de prêts d’études du programme Canada-Ontario » de Mme Angela Piggott, étaient ainsi libellés en partie :

[traduction]

 

Je conviens, jusqu’à ce que mes prêts, prêts accordés en trop et prêts comportant des modalités de remboursement soient remboursés, que la FCU, RHDC et le CSNPE peuvent divulguer ou recueillir auprès de tout ministère fédéral ou provincial (y compris tout organisme identifié sur ma demande présentée aux termes du RAFEO […]), mes établissements d’enseignement, prêteurs ou institutions financières, fournisseurs de crédit à la consommation, bureaux de crédit et toute agence d’évaluation du crédit pouvant être exploitée par la FCU ou RHDC ou travailleur pour leur compte, tout renseignement personnel, y compris mon numéro d’assurance sociale, nécessaire aux fins de l’administration et de l’application de mes prêts d’études intégrés Canada-Ontario.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

La législation habilitante et les modalités prévues par la loi dans les contrats

[42]           Les contrats renfermaient des modalités selon lesquelles les renseignements devaient seulement être recueillis, conservés et divulgués conformément à certaines lois et certains règlements : la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P-21, la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants, LC 1994, c 28, le Règlement fédéral sur l’aide financière aux étudiants, DORS 95-329, et la loi qui s’appelait à ce moment-là, la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, LC 2005, c 34 (depuis le 12 décembre 2013, cette loi est maintenant désignée comme la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34).

 

Les politiques

[43]           Une modalité sur les formulaires de demande indiquait que la défenderesse suivrait ses propres politiques dans le traitement des demandes personnelles présentées par les demandeurs et les membres du groupe. Les demandeurs allèguent que la défenderesse a manqué à ses obligations contractuelles en omettant de le faire.

 

[44]           D’abord, les demandeurs soutiennent que la défenderesse n’a pas respecté ses politiques en matière de sécurité physique, en laissant le disque dur exposé à une perte ou un vol. Plus précisément, elle a omis de se conformer à sa [traduction] « Politique des cabinets sécuritaires verrouillés » et sa [traduction] « Politique en matière de rangement du bureau » en conservant dans un classeur non verrouillé le disque dur et les renseignements personnels qu’il contenait.

 

[45]           Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que la défenderesse n’a pas respecté sa [traduction] « Politique de cryptage » qui l’obligeait à crypter ou encoder sous une forme impossible à décoder sans la clé numérique adéquate tous les renseignements personnels de nature délicate, avant de les entreposer sur un dispositif portatif comme un disque dur.

 

[46]           Enfin, les demandeurs prétendent que la défenderesse n’a pas respecté la recommandation du Secrétariat du Conseil du Trésor et du commissaire à la protection de la vie privée, selon laquelle il faut divulguer dès que possible la perte de données de nature délicate.

 

Les violations en cause

[47]           Bref, les demandeurs allèguent que la défenderesse a commis les violations suivantes à l’égard des contrats :

a)      omission de se conformer aux normes de protection des renseignements personnels, prévues dans le cadre des règlements et lois auxquels il est expressément fait renvoi dans les contrats;

b)      omission de se conformer aux politiques ministérielles;

c)      divulgation de renseignements personnels d’une façon non permise aux termes des contrats;

d)     omission de détruire les renseignements personnels de la façon exigée aux termes des contrats;

e)      conservation des renseignements personnels pendant une période plus longue que celle permise selon les modalités des contrats, et ce, à des fins non autorisées dans les contrats.

 

[48]           Les demandeurs soutiennent que les réclamations contractuelles figurent parmi les affaires les plus courantes en matière d’autorisation de recours collectifs. Dans la décision Robinson c Rochester et al, 2010 ONSC 463, au paragraphe 44, par exemple, voici ce que la Cour supérieure de justice de l’Ontario a déclaré :

[traduction]

 

Les questions de savoir s’il existait un lien contractuel entre le défendeur et les membres du groupe, quelles étaient les modalités dans le cadre du contrat et si le défendeur a violé le contrat peuvent constituer des points communs : voir Hickey-Button c Loyalist College of Applied Arts & Technology, [2006] OJ no 2393 (CA).

 

[49]           Eu égard aux dommages-intérêts, les demandeurs reconnaissent que leurs réclamations, à l’instar de celles des membres du groupe, sont pour des montants infimes. Ils soutiennent cependant que des dommages-intérêts symboliques sont octroyés depuis fort longtemps par les cours canadiennes, afin de reconnaître une violation de contrat, même si cela n’a pas clairement un impact économique ou si cet impact peut difficilement être apprécié. Ils renvoient à l’arrêt Fraser Park South Estates Ltd c Lang Michener Lawrence & Shaw, 2001 BCCA 9, au paragraphe 46, où il est indiqué que chaque [traduction] « violation d’un contrat constitue une atteinte à un droit […] où la victime a droit à des dommages-intérêts, même s’ils sont seulement symboliques. »

 

[50]           La défenderesse ne présente aucun argument concernant la cause d’action pour violation de contrat. Elle nie toutefois que les demandeurs ont dûment invoqué un fondement factuel pour les dommages subis à la suite de cette violation. Elle allègue aussi que des dommages‑intérêts symboliques ne devraient jamais être octroyés dans le cadre d’un recours collectif, puisque cela ne favoriserait pas les demandeurs, mais plutôt leurs avocats, car ces derniers seraient réellement les seuls à pouvoir tirer un avantage financier de l’issue.

 

[51]           La défenderesse soulève un argument intéressant et solide sur ce point, mais la position des demandeurs, bien qu’elle soit nouvelle dans le contexte d’un recours collectif, est appuyée par une jurisprudence suffisante pour considérer cette cause d’action sur le fond. Autrement dit, il n’est pas évident et manifeste que la cause d’action concernant le contrat serait vouée à l’échec. En ce qui a trait à tout avantage disproportionné en faveur des avocats des demandeurs, la Cour sera également en meilleure position pour trancher cette question quand elle l’entendra sur le fond.

 

b) La commission du délit d’intrusion dans l’intimité (atteinte à la vie privée)

[52]           Les demandeurs allèguent que la défenderesse a commis le délit d’intrusion dans leur intimité. Ils renvoient la Cour à l’arrêt Jones c Tsige, 2012 ONCA 32 (Jones), où la Cour d’appel de l’Ontario a récemment confirmé l’existence du délit au Canada, à titre de catégorie d’un délit plus large en matière d’atteinte à la vie privée. Je reproduis ici quelques paragraphes pertinents de la décision afin de fournir certains éclaircissements sur ce nouveau délit :

[traduction]

 

[70] J’adopterais essentiellement comme éléments de l’action contre l’intrusion dans l’intimité la formulation du Restatement (Second) of Torts (2010) que je répète ci-dessous par souci de commodité :

 

            [traduction]

 

Celui qui, physiquement ou autrement, s’introduit intentionnellement dans l’intimité d’une autre personne ou dans ses affaires privées ou ses préoccupations personnelles, engage sa responsabilité envers cette autre personne pour atteinte à la vie privée si cette conduite était considérée, par une personne raisonnable, comme étant hautement répréhensible.

 

[71] Les aspects principaux de cette cause d’action signifient, en premier lieu, que la conduite de la défenderesse doit être intentionnelle, et j’y ajouterais inconsidérée; en deuxième lieu, que la défenderesse doit s’être ingérée, sans justification légitime, dans les affaires privées ou les préoccupations personnelles de la plaignante; et en troisième lieu, qu’une personne raisonnable considérerait l’invasion comme étant très choquante et causant de la détresse, de l’humiliation ou de l’angoisse. Par contre, la preuve d’un préjudice à un intérêt économique reconnu ne constitue pas un élément de la cause d’action. Je reviendrai plus loin sur la question des dommages‑intérêts, mais je considère important de souligner maintenant que, étant donné que l’intérêt protégé est intangible, les dommages‑intérêts pour intrusion dans l’intimité se mesurent traditionnellement par une somme modeste


(d) Limitations

 

[72] Ces éléments indiquent clairement que la reconnaissance de cette cause d’action n’ouvrirait pas toute grande la voie. Les demandes pour intrusion dans l’intimité surviendront uniquement pour des invasions importantes et délibérées de la vie privée. Les demandes d’individus qui sont sensibles ou exceptionnellement préoccupés par leur vie privée sont exclues : uniquement les intrusions dans les affaires telles que les dossiers financiers ou de santé, l’orientation et les pratiques sexuelles, le travail, le journal intime ou les correspondances privées qui, considérées objectivement selon la norme d’une personne raisonnable, peuvent être décrites comme très choquantes.

 

            […]

 

[74] Tel que je l’ai déjà mentionné, la preuve d’une perte réelle n’est pas un élément de la cause d’action pour intrusion dans l’intimité. Par contre, une question se pose nécessairement : quelle est l’approche qu’il convient d’adopter pour évaluer les dommages dans des cas comme celui-ci, où le plaignant n’a souffert d’aucune perte pécuniaire?

 

[75] Lorsque le plaignant n’a souffert d’aucune perte pécuniaire démontrable, les dommages-intérêts se classent sous la catégorie décrite par le Professeur Stephen M. Waddams, The Law of Damages, éd. feuilles mobiles (Toronto: Canada Law Book, 2011) au par. 10.50 comme « symboliques » et que d’autres ont qualifié de dommages-intérêts « moraux » : voir l’affaire Dulude c. Canada2000 CanLII 16085 (CAF), (2000), 192 DLR (4e) 714 au paragraphe 30 (CAF). Ils sont adjugés pour « faire valoir des droits ou symboliser la reconnaissance de leur violation » : Waddams, au par. 10.50. Je suis d’accord avec le Professeur Waddams qu’une fourchette conventionnelle de dommages-intérêts est nécessaire pour maintenir « l’uniformité, la prévisibilité et l’équité d’un plaignant à un autre ».

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[53]           Les demandeurs soutiennent que ce délit s’applique, qu’il n’est pas nécessaire que l’atteinte à la vie privée soit intentionnelle, que le fait qu’elle soit inconsidérée suffit et qu’il n’est pas nécessaire de prouver un préjudice à un intérêt économique. Ils soulignent que la conduite de la défenderesse était effectivement inconsidérée, puisque son personnel de la technologie de l’information a omis de respecter la politique de cryptage durant une mise à niveau de routine du système :

[traduction]

 

[A]u lieu de s’assurer de supprimer les renseignements personnels du disque dur, la défenderesse a placé ces renseignements personnels dans un classeur qui n’était pas toujours verrouillé — une autre violation des politiques de RHDCC — et elle ne s’en est pas souciée pendant plusieurs mois, jusqu’à ce qu’une autre mise à niveau soit prévue.

 

[54]           Pour sa part, la défenderesse soutient que la réclamation, telle que plaidée, ne renferme pas les éléments nécessaires à l’application du délit d’intrusion dans l’intimité.

 

[55]           D’abord, la défenderesse soutient qu’il n’est pas allégué dans les actes de procédure des demandeurs que la défenderesse s’est ingérée sans justification légitime dans leurs affaires privées, ainsi que l’exige le deuxième élément du critère pour le délit — en fait, le paragraphe 16 de la déclaration consolidée décrit comment la défenderesse était légitimement en possession des renseignements personnels des demandeurs, aux termes des contrats.

 

[56]           Deuxièmement, les renseignements personnels ne sont pas d’un caractère assez intrusif pour donner lieu à la cause d’action — il n’y a rien de très personnel dans ces renseignements qui, s’ils étaient divulgués, causeraient de la gêne ou de l’humiliation : il s’agit de [traduction] « renseignements biographiques de base tels que le nom, la date de naissance, l’adresse, le numéro d’assurance sociale et le solde de prêt d’études ».

 

[57]           Enfin, les préjudices allégués au paragraphe 30 de la déclaration consolidée des demandeurs, à savoir [traduction] « des inconvénients, de la frustration et de l’anxiété », ne sont pas aussi graves que [traduction] « de la détresse, de l’humiliation ou de l’angoisse » mentionnées par la Cour d’appel de l’Ontario dans Jones.

 

[58]           À l’étape de l’autorisation, j’estime que les demandeurs ont suffisamment répondu aux arguments de la défenderesse. Ils soulignent, en premier lieu, ne pas avoir prétendu que la défenderesse avait recueilli leurs renseignements personnels sans justification légitime, mais que ces renseignements ont plutôt été divulgués de manière illégale et qu’ils n’ont pas été détruits conformément aux exigences prévues par la loi. Ils renvoient la Cour au paragraphe 22 de leur déclaration consolidée, qui corrobore ces faits.

 

[59]           Les demandeurs soutiennent, en second lieu, que, contrairement à l’affirmation de la défenderesse, les renseignements perdus n’étaient pas des [traduction] « renseignements biographiques de base », mais plutôt des dossiers financiers ainsi que l’exige le délit — après tout, ces renseignements ont trait à l’existence d’une dette et au montant de celle-ci.

 

[60]           En troisième lieu, le délit requiert une intrusion [traduction] qu’« une personne raisonnable considérerait [...] comme étant très choquante et causant de la détresse, de l’humiliation ou de l’angoisse », et non que les renseignements en question causent de la gêne ou une humiliation. Par conséquent, l’omission de la défenderesse de protéger les renseignements personnels, en laissant le disque dur dans un classeur non verrouillé, pourrait satisfaire à ce critère.

 

[61]           Finalement, les demandeurs pourraient avoir raison en faisant valoir que la défenderesse tergiverse sur le sens des mots quand elle prétend que [traduction] « les inconvénients, la frustration et l’anxiété » que les demandeurs allèguent avoir subis dans leur déclaration consolidée ne sont pas assez graves pour satisfaire à la norme de l’existence d’un préjudice causant [traduction] « de la détresse, de l’humiliation ou de l’angoisse » requise selon l’arrêt Jones. La frustration et l’anxiété pourraient constituer des formes de détresse.

 

[62]           En ce qui concerne la question des dommages-intérêts pour le délit d’intrusion dans l’intimité, les demandeurs affirment que des dommages-intérêts symboliques peuvent être adjugés. Dans l’arrêt Jones, aux paragraphes 77 et 87, la Cour d’appel de l’Ontario a déclaré que des dommages-intérêts constituaient une mesure de réparation adéquate pour [traduction] « un préjudice immatériel tel qu’un préjudice moral, de la gêne ou de la détresse mentale, plutôt que des dommages-intérêts pour pertes pécuniaires », d’un montant [traduction] « suffisant pour souligner le tort qui a[vait] été commis » :

[traduction]

 

[77] Bien que le délit d’intrusion dans l’intimité ne soit pas encore entièrement reconnu dans le droit ontarien, des dommages-intérêts ont été adjugés dans plusieurs procès pour atteinte à la vie privée conjointement avec ou sous la direction d’un délit civil traditionnel, comme la nuisance ou la violation du droit de propriété. Ces demandes impliquent généralement un préjudice immatériel tel qu’un préjudice moral, de la gêne ou de la détresse mentale, plutôt que des dommages-intérêts pour pertes pécuniaires. Je joins à l’Annexe A un résumé des procès et des dommages-intérêts adjugés et j’aborderai brièvement ici des faits de quelques-uns de ces procès.

 

[…]

 

[87] […] Les facteurs identifiés dans la Loi sur la protection de la vie privée du Manitoba, que je résume encore une fois pour des raisons de commodité, sont aussi ressortis de la jurisprudence et fournissent un guide utile lorsqu’il s’agit de déterminer la fourchette où se situe l’affaire :

1. la nature, la fréquence et le motif de l’acte fautif du défendeur;

2. l’effet de l’acte fautif sur la santé, le bien-être, la position sociale, commerciale et financière du plaignant;

3. toute relation familiale ou autre entre les parties à l’action;

4. toute affliction, tout ennui ou tout embarras causé au plaignant du fait de l’acte fautif;

5. le comportement du plaignant et du défendeur avant et après l’acte fautif, y compris toute excuse ou offre de compensation faite par le défendeur.

 

[63]           Depuis l’audience tenue en décembre 2013, les parties ont porté à mon attention une décision récente rendue par la Cour supérieure de justice de l’Ontario, où la Cour a rejeté une requête en vue de faire radier une réclamation fondée sur le délit d’intrusion dans l’intimité ou l’atteinte à la vie privée (Hopkins c Kay, 2014 ONSC 321 (Hopkins)). Dans l’affaire Hopkins, les demandeurs allèguent que les défendeurs (un hôpital, sept de ses employés et un collège) ont accédé, à tort et intentionnellement, aux renseignements médicaux personnels de 280 patients sans le consentement de ces patients. Les parties ne m’ont présenté aucun argument concernant cette décision. Je souligne cependant les commentaires formulés par le juge Edwards dans cette affaire :

[traduction]

 

[30] Après examen de l’arrêt Jones, je ne suis pas convaincu, comme le laisse entendre l’avocat représentant l’hôpital, qu’il devrait se limiter aux faits de cette affaire. J’estime plutôt que la Cour d’appel dans Jones a établi que le droit d’action en common law, fondé sur un délit d’atteinte à la vie privée, ainsi qu’il est allégué dans la déclaration de la plaignante, constitue une demande qui devrait être autorisée. Il ne s’agit pas à mon avis d’un cas assez évident et manifeste pour que la Cour annule la demande.

 

[64]           En conséquence, il n’est pas évident et manifeste qu’une action fondée sur le délit d’intrusion dans l’intimité serait vouée à l’échec.

 

Les dommages qui constituent un élément essentiel de la cause d’action

c) La négligence et l’abus de confiance

[65]           Essentiellement, l’argument de la défenderesse à l’encontre de l’allégation de négligence et d’abus de confiance des demandeurs réside dans le fait qu’elle affirme catégoriquement que les demandeurs n’ont pas soulevé des arguments suffisants quant à l’existence de dommages‑intérêts indemnisables.

 

[66]           Les dommages-intérêts demandés par les demandeurs sont répartis en deux catégories : i) une indemnisation pour le temps perdu, les inconvénients, la frustration et l’anxiété découlant de la perte de données; ii) un risque accru de vol d’identité à l’avenir. Toutefois, comme la défenderesse l’a affirmé, les demandeurs n’ont pas invoqué de fondement factuel dans leur déclaration consolidée. À l’issue de l’audience, les demandeurs ont informé la Cour qu’ils présenteraient, si besoin est, une requête officielle pour permission de modifier leur déclaration consolidée afin de corriger l’omission.

 

[67]           Les demandeurs ont déposé leur déclaration consolidée en avril 2013, tandis que la défenderesse a déposé son mémoire des faits et du droit en septembre 2013. Les demandeurs avaient donc amplement le temps de déposer une requête pour permission de modifier leur déclaration consolidée avant la tenue de l’audience. Ils ne l’ont pas fait.

 

[68]           En outre, un examen sommaire des éléments de preuve produits par les deux parties amène la Cour à conclure que les demandeurs n’ont pas subi de dommages-intérêts indemnisables. Ceux-ci n’ont pas été victimes de fraude ou de vol d’identité, ils ont passé tout au plus quatre heures au téléphone à tenter d’obtenir des rapports de situation du ministre, ils n’ont pas profité des services de surveillance du crédit offerts par les agences d’évaluation du crédit et n’ont pas profité non plus du service d’avertissement relatif au crédit offert par la défenderesse.

 

[69]           Les éléments de preuve produits n’étayent pas non plus une allégation de risque accru de vol d’identité dans l’avenir. Depuis la perte des données, Equifax a produit des rapports relatifs aux dossiers de crédit des 88 548 personnes qui se sont prévalues du service d’avertissement relatif au crédit. Selon ces rapports, il n’y a eu aucune hausse dans les indices pertinents qui cadrerait avec une hausse des activités criminelles touchant les renseignements personnels de ces personnes. Le taux d’activités criminelles enregistré n’a pas dépassé les 3 p. 100 de la population généralement victime de vol d’identité. Par ailleurs, les demandeurs ont présenté un article de CBC News concernant un membre du groupe qui avait été victime d’un vol d’identité, mais cet article n’établissait aucun lien de causalité entre la perte de données et ce vol.

 

[70]           Les demandeurs renvoient la Cour à la décision rendue par la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Rowlands c Durham Region Health et al, 2011 ONSC 719 (juge Lauwers) (Rowlands), et à deux décisions rendues par la Cour supérieure du Québec dans Larose c Banque Nationale du Canada, 2010 QCCS 5385 (juge Beaugé) (Larose) et dans Mazzonna c DaimlerChrysler Financial Services Canada/Services financiers DaimlerChrysler inc, 2012 QCCS 958 (CanLII) (juge Lacoursière) (Mazzonna). Les deux premières affaires ont été autorisées à titre de recours collectifs, alors que la dernière ne l’a pas été. Les demandeurs affirment cependant que le juge Lacoursière, dans Mazzonna, aurait certifié la faute à titre de point commun, mais qu’il a refusé de le faire, parce que la représentante demanderesse [traduction] « n’avait pas qualité » en l’espèce.

 

[71]           Pour sa part, la défenderesse prétend que les demandeurs affirment erronément que la décision Rowlands appuie l’autorisation du présent recours, étant donné que les défendeurs, dans cette affaire, avaient consenti à l’autorisation.

 

[72]           Je doute de la pertinence de la distinction faite ici par la défenderesse, puisque je constate que, malgré le consentement des défendeurs, le juge, dans cette décision, a tout de même examiné, semble-t-il, le bien-fondé de la demande d’autorisation :

[traduction]

 

[8] Le recours collectif proposé par le demandeur satisfait aux conditions de l’article 5 de la LRC. À mon avis, en l’absence d’une autorisation de cette action comme recours collectif, les membres du groupe ne seraient pas raisonnablement capables d’avoir accès à la justice. Il s’agit d’un cas approprié d’autorisation aux termes de la LRC, et j’autorise par conséquent le recours collectif.

 

[73]           Le rejet par la défenderesse de l’usage de la décision Mazzonna, aux paragraphes 57 à 62, par les demandeurs est encore plus révélateur. La véritable raison pour laquelle la demanderesse n’avait pas [traduction] « qualité », comme l’allèguent les demandeurs, est que le juge Lacoursière ne parvenait pas à trouver qu’il y avait apparence d’un droit à des dommages-intérêts subis par la demanderesse. Il a établi une distinction entre les dommages subis par la demanderesse et ceux subis par le demandeur dans Larose :

[traduction]

 

[48] L’avocat de la demanderesse prétend que la Cour ne devrait pas, à ce stade-ci de la procédure, apprécier le poids de la preuve concernant des dommages-intérêts et que cela devrait se faire lors d’un procès. Il invite la Cour à établir une comparaison avec les faits qui ont mené à un jugement récent où madame la juge Beaugé a autorisé l’exercice d’un recours collectif.

 

[…]

 

[53Il y a ici au moins une distinction majeure entre les faits allégués dans l’affaire Larose et ceux allégués en l’espèce : M. Larose a été la victime de trois tentatives subséquentes de fraude perpétrées à son encontre, après avoir été victime d’un vol d’identité.

 

[54] Ce n’est pas le cas de la demanderesse, et cette distinction a une incidence cruciale sur la question des dommages-intérêts.

 

[55] La Cour doit établir si la demanderesse elle-même satisfait à la condition de l’apparence de droit sur le fondement de sa propre situation. Voici ce que déclare la Cour d’appel dans Bouchard c Agropur Coopérative et al :

 

[109]  Il faut garder à l’esprit qu’avant le jugement d’autorisation, « le recours n’existe pas, du moins sur une base collective ». Le recours individuel du requérant, à lui seul, doit donc remplir les conditions de l’article 1003 C.p.c. dont celle de l’apparence de droit, puisque tout le reste ne relève encore que du domaine de l’hypothèse.

 

[56] De l’avis de la Cour, la demanderesse ne satisfait pas au critère voulant qu’elle ait subi des dommages-intérêts.

 

[57] Elle a en fait souffert d’anxiété; elle a dû changer, à tout le moins, certaines de ses habitudes. Ces inconvénients étaient toutefois si minimes qu’elle n’a jamais ressenti le besoin de prendre quelque mesure pour alléger son anxiété. Elle a, tout au plus, conservé dans le compte le montant d’argent minimal nécessaire à ses paiements de location et a vérifié, deux fois par mois plutôt qu’une, sur l’Internet, si son compte avait été trafiqué.

 

[58] Toutefois, cela n’est pas suffisant, à première vue, pour satisfaire au critère de l’existence de dommages-intérêts « indemnisables ».

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[74]           Le juge Lacoursière s’est fondé sur l’arrêt Mustapha c Culligan du Canada Ltée, 2008 CSC 27, au paragraphe 9, où la Cour suprême du Canada a défini ainsi les dommages-intérêts indemnisables : 

[9] Cela dit, les troubles psychologiques constituant un préjudice personnel doivent être distingués d’une simple contrariété.  En droit, un préjudice personnel suppose l’existence d’un traumatisme sérieux ou d’une maladie grave : voir Hinz c. Berry, [1970] 2 Q.B. 40 (C.A.), p. 42; Page c. Smith, p. 189; Linden et Feldthusen, p. 425‑427.  Le droit ne reconnaît pas les contrariétés, la répulsion, l’anxiété, l’agitation ou les autres états psychologiques qui restent en deçà d’un préjudice.  Je n’entends pas donner ici une définition exhaustive de ce qu’est un préjudice indemnisable, mais seulement dire que le préjudice doit être grave et de longue durée, et qu’il ne doit pas s’agir simplement des désagréments, angoisses et craintes ordinaires que toute personne vivant en société doit régulièrement accepter, fût‑ce à contrecœur.  À mon sens, c’est cette nécessité d’accepter de telles contrariétés, au lieu de prendre action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation, qu’évoquait la Cour d’appel lorsqu’elle a cité Vanek c. Great Atlantic & Pacific Co. of Canada (1999), 48 O.R. (3d) 228 (C.A.) : [traduction] « [E]t la vie continue » (par. 60).  Tout bonnement, les contrariétés mineures et passagères n’équivalent pas à un préjudice personnel et, de ce fait, ne constituent pas un dommage. 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[75]           Le juge Lacoursière a également déclaré, au paragraphe 66 de la décision Mazzonna, que la possibilité de dommages futurs pour la demanderesse, qui n’avait pas encore été victime de vol d’identité ou de tentatives de fraude infructueuses (selon la défenderesse, cela s’applique en l’espèce) [traduction] « relève clairement de la “conjecture” et “d’hypothèses non vérifiées” et ne devrait pas être considérée au moment de vérifier l’existence, à première vue, de dommages ».

 

[76]           Je souligne qu’au moment d’approuver le règlement entre les parties dans la décision Rowlands c Durham Regional Health et al, 2012 ONSC 3948 (CanLII), au paragraphe 21, le juge Lauwers a écrit des propos favorables à l’endroit de la décision Mazzonna.

 

[77]           Un examen de la jurisprudence présentée par les demandeurs révèle que des dommages‑intérêts sont rarement adjugés pour une simple « perturbation mineure », mais habituellement avec d’autres catégories plus traditionnelles de dommages-intérêts, qui n’existent pas ici. En outre, des dommages-intérêts ne peuvent être adjugés pour des préjudices purement hypothétiques.

 

[78]           Les faits de l’espèce étant très similaires à ceux de la décision Mazzonna, je ne vois aucune raison de me dissocier du raisonnement énoncé par le juge Lacoursière dans cette affaire.

 

[79]           Par conséquent, il est évident et manifeste que les allégations fondées sur la négligence et l’abus de confiance seraient vouées à l’échec en raison de l’absence de dommages indemnisables.

 

e) La violation du droit québécois

[80]           Selon les allégations des demandeurs, étant donné que les renseignements personnels étaient conservés au Québec et qu’ils ont été perdus par un représentant du ministre au Québec, ils ont des réclamations en dommages-intérêts moraux et matériels au titre du droit québécois, à la suite de diverses violations de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (la Charte québécoise) et du Code civil du Québec (le CCQ).

 

[81]           À l’audience, les arguments des demandeurs fondés sur la Charte québécoise ont été retirés à juste titre, puisque la Charte ne s’applique pas au gouvernement du Canada.

 

[82]           En ce qui concerne le CCQ, les demandeurs allèguent que la défenderesse a porté atteinte à leurs droits à la vie privée protégés par les articles 3, 35 et 37 du CCQ, en divulguant les renseignements personnels sans leur consentement et en contravention aux contrats et lois applicables, et du fait de ne pas avoir détruit les renseignements des membres du groupe dont les prêts avaient été entièrement remboursés. Par conséquent, ces violations soulèvent des préjudices moraux et matériels, conformément à l’article 1457 du CCQ. Comme c’est le cas pour le délit d’intrusion dans l’intimité, les demandeurs soutiennent que des dommages-intérêts symboliques peuvent aussi être adjugés en guise de réparation pour des préjudices intangibles.

 

[83]           Toutefois, le Titre deuxième du Livre dixième (droit international privé) du CCQ qui traite du conflit de lois, prévoit ce qui suit :

3126. L’obligation de réparer le préjudice causé à autrui est régie par la loi de l’État où le fait générateur du préjudice est survenu. Toutefois, si le préjudice est apparu dans un autre État, la loi de cet État s’applique si l’auteur devait prévoir que le préjudice s’y manifesterait.

 

 

 

Dans tous les cas, si l’auteur et la victime ont leur domicile ou leur résidence dans le même État, c’est la loi de cet État qui s’applique.

 

 

3127. Lorsque l’obligation de réparer un préjudice résulte de l’inexécution d’une obligation contractuelle, les prétentions fondées sur l’inexécution sont régies par la loi applicable au contrat.

 

3126. The obligation to make reparation for injury caused to another is governed by the law of the country where the injurious act occurred. However, if the injury appeared in another country, the law of the latter country is applicable if the person who committed the injurious act should have foreseen that the damage would occur.

 

In any case where the person who committed the injurious act and the victim have their domiciles or residences in the same country, the law of that country applies.

 

3127. Where an obligation to make reparation for injury arises from non-performance of a contractual obligation, claims based on the nonperformance are governed by the law applicable to the contract.

 

 

[84]           Aux fins du Livre dixième, l’article 3077 du CCQ explique que toute unité territoriale d’un État ayant des compétences législatives distinctes est considérée comme un État. Par conséquent, les autres provinces canadiennes constituent des compétences législatives distinctes aux fins de l’application du CCQ (171486 Canada inc c Rogers Cantel inc, [1995] RDJ 91).

 

[85]           Les demandeurs n’allèguent pas que les lois de la province de Québec régissent leurs contrats avec la défenderesse, et, en conséquence, le droit québécois ne s’applique pas au non‑respect d’obligations découlant de ces contrats. En outre, puisqu’il était prévisible que les dommages découlant de la violation des données, le cas échéant, seraient subis dans les provinces de résidence des demandeurs et des membres du groupe et qu’aucun membre du groupe ne réside dans la province de Québec, le droit québécois ne peut s’appliquer à la présente instance.

 

[86]           En conséquence, il est évident et manifeste que les allégations des demandeurs fondées sur le CCQ seraient vouées à l’échec.

 

Le groupe identifiable formé d’au moins deux personnes (alinéa 334.16(1)b) des Règles)

 

[87]           Les demandeurs soutiennent avoir satisfait à cette exigence de l’autorisation. La question se limite à établir si deux personnes ou plus se qualifient selon la définition du groupe proposée, et si le groupe a été défini par un renvoi aux critères objectifs établis pour ce point. Ils citent le paragraphe 38 de l’arrêt Western Canadian Shopping Centres Inc :

Bien qu’il existe des différences entre les critères, il se dégage quatre conditions nécessaires au recours collectif.  Premièrement, le groupe doit pouvoir être clairement défini.  La définition du groupe est essentielle parce qu’elle précise qui a droit aux avis, qui a droit à la réparation (si une réparation est accordée), et qui est lié par le jugement.  Il est donc primordial que le groupe puisse être clairement défini au début du litige.  La définition devrait énoncer des critères objectifs permettant d’identifier les membres du groupe.  Les critères devraient avoir un rapport rationnel avec les revendications communes à tous les membres du groupe mais ne devraient pas dépendre de l’issue du litige.  Il n’est pas nécessaire que tous les membres du groupe soient nommés ou connus.  Il est toutefois nécessaire que l’appartenance d’une personne au groupe puisse être déterminée sur des critères explicites et objectifs : voir Branch, op. cit., par. 4.190-4.207; Friedenthal, Kane et Miller, Civil Procedure (2e éd. 1993), p. 726-727; Bywater c. Toronto Transit Commission (1998), 27 C.P.C. (4th) 172 (C. Ont. (Div. gén.)), par. 10-11.

 

[88]           Les demandeurs affirment que le groupe se définit par renvoi aux critères clairement objectifs qui permettront d’identifier les membres du groupe — à savoir si les renseignements personnels d’une personne se trouvaient sur le disque dur. À cet égard, un grand nombre de membres éventuels du groupe ont manifesté de l’intérêt au sujet de la perte de données en prenant des mesures actives en vue de confirmer si les renseignements personnels qui les concernaient étaient touchés (250 000 personnes ont appelé la ligne d’information), et au-delà de 25 000 membres du groupe ont communiqué avec les avocats du groupe ou se sont inscrits auprès de ces derniers, en vue de recevoir l’avis d’autorisation de l’action.

 

[89]           La défenderesse ne conteste pas cette étape, et je suis d’avis qu’elle a été satisfaite.

 

Des points de droit ou de fait communs (alinéa 334.16(1)c) des Règles)

[90]           Les demandeurs prétendent qu’un recours collectif permettra d’éviter la duplication de l’appréciation des faits et de l’analyse du droit. Par conséquent, cette étape du critère sera satisfaite si le règlement d’un point commun (pour ou contre les membres du groupe) fait avancer le dossier ou évoluer le litige, et permet aux membres du groupe de procéder par extrapolation. Les demandeurs citent le paragraphe 4 de la décision Sivak c Canada, 2012 CF 271 :

[traduction]

 

[…] Il n’est pas nécessaire que les points communs visent à trancher la responsabilité pour tous les membres du groupe, ou de trancher la réclamation autrement, mais ces points communs doivent être suffisamment importants par rapport à la réclamation pour que leur résolution permette de faire évoluer le litige de manière significative.

 

[91]           Les demandeurs soutiennent, en outre, que cet aspect du critère représente un [traduction] « seuil peu élevé ». Ils renvoient au paragraphe 52 de l’arrêt Cloud c Canada (Attorney General), 2004 CanLII 45444 (ON CA), où la Cour d’appel de l’Ontario a expliqué que le critère peut être satisfait même si [traduction] « après l’instruction des points communs, les nombreux aspects liés à la responsabilité et à la question des dommages-intérêts devaient être tranchés individuellement ». Les demandeurs prétendent donc qu’en répondant aux points communs, la responsabilité sera établie.

 

[92]           Je souscris aux propos des demandeurs selon lesquels les questions suivantes renferment des points communs : i) une violation du contrat, une violation de la garantie et le délit d’intrusion dans l’intimité; ii) des dommages, notamment si ces dommages peuvent faire l’objet d’une évaluation globale, conformément au paragraphe 334.28(1) des Règles et en vue d’établir si la conduite de la défenderesse justifie l’octroi de dommages-intérêts punitifs (découlant de l’application possible du délit d’intrusion dans l’intimité); iii) la question de savoir si les membres du groupe ont droit à des intérêts avant jugement et après jugement, conformément à la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C-50; finalement iv) en ce qui concerne l’octroi des réparations suivantes au moyen d’une injonction : 

a)      Ont-ils droit à une ordonnance afin que la défenderesse leur fournisse de nouveaux NAS?

b)      Ont-ils droit à une ordonnance afin que la défenderesse leur fournisse des services de surveillance du crédit adéquats?

c)      La défenderesse a-t-elle l’obligation de payer les frais de l’administrateur, au représentant des avocats du groupe et à l’arbitre, conformément au plan de poursuite de l’instance?

 

Le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs (alinéa 334.16(1)d) des Règles)

 

[93]           Avant de traiter du paragraphe 334.16(2) des Règles, les demandeurs soutiennent que l’appréciation du meilleur moyen doit se faire à la lumière des trois principaux objectifs des recours collectifs. Premièrement, comme l’explique la Cour suprême de la Colombie-Britannique au paragraphe 14 de la décision Bodnar c The Cash Store Inc, 2009 BCSC 74, un recours collectif peut [traduction] « fournir un accès à la justice à des demandeurs dont les poursuites auraient été autrement trop coûteuses pour être intentées individuellement ». Deuxièmement, cela favoriserait l’économie des ressources judiciaires en évitant la duplication de l’appréciation des faits et de l’analyse du droit, et un recours collectif permettrait aux membres du groupe de ne pas avoir à participer au processus initial d’enquête ou au procès des points de droit ou de fait communs. En dernier lieu, cela permettrait une modification des comportements. Pour ce dernier point, les demandeurs invoquent l’arrêt Hickey‑Button c Loyalist College of Applied Arts & Technology, 2006 CanLII 20079 (CA Ont), au paragraphe 58, où la Cour d’appel de l’Ontario a souligné que [traduction] « la modification des comportements ajoute une certaine valeur lorsqu’elle vise des institutions publiques ».

 

[94]           Les demandeurs soutiennent que la défenderesse a besoin d’une telle modification des comportements, et ce, malgré la mise en oeuvre par le ministre de nouvelles politiques pour la manipulation des renseignements personnels. Ils rappellent à la Cour que les politiques qui étaient en place lors de la perte de données auraient suffi à empêcher le préjudice subi, si elles avaient réellement été respectées. Le présent recours collectif peut donc, à l’avenir, favoriser l’exercice de la diligence voulue pour que de telles politiques soient efficaces en pratique.

 

[95]           Les demandeurs font remarquer que la perte de données ne constituait pas un incident isolé, puisque le ministre était responsable de 19 incidents de violation de données sur 80 incidents signalés au commissaire à la protection de la vie privée par les ministères et organismes de la défenderesse en 2011-2012, et d’un tiers des incidents de violation de données signalés par les ministères et organismes de la défenderesse en 2010-2011.

 

[96]           Par ailleurs, la question de la modification des comportements ne touche pas uniquement la défenderesse, mais aussi, à plus grande échelle, d’autres ministères du gouvernement, dans l’optique d’encourager l’élaboration de politiques concrètes à RHDCC ainsi que dans l’ensemble du gouvernement. Pour ce point, les demandeurs établissent une analogie avec l’arrêt Pearson v Inco Ltd, 2005 CanLII 42474 (CA Ont), au paragraphe 88, où il est question de l’impact environnemental des actes commis par de nombreux exploitants de raffineries [traduction] « qui sont en mesure d’éviter la totalité des coûts et des conséquences liés à leurs activités de pollution, parce que l’impact est diversifié et qu’il s’agit souvent d’un impact minime sur chaque personne ».

 

[97]           En ce qui a trait au paragraphe 334.16(2) des Règles, celui-ci énonce les critères pris en compte pour décider si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace, notamment les suivants :

a) la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres;

 

b) la proportion de membres du groupe qui ont un intérêt légitime à poursuivre des instances séparées;

 

c) le fait que le recours collectif porte ou non sur des réclamations qui ont fait ou qui font l’objet d’autres instances;

 

d) l’aspect pratique ou l’efficacité moindres des autres moyens de régler les réclamations;

 

e) les difficultés accrues engendrées par la gestion du recours collectif par rapport à celles associées à la gestion d’autres mesures de redressement.

 

[98]           J’examinerai tour à tour chacune de ces étapes.

 

a) La prédominance (alinéa 334.16(2)a) des Règles)

[99]           Je conviens avec les demandeurs que les points communs constituent le [traduction] « coeur du litige », et que le fait d’y répondre permettra de trancher sur la majorité, sinon l’ensemble, des réclamations présentées par les membres du groupe. Si la Cour devait décider que la participation individuelle de certaines personnes est requise pour établir des dommages‑intérêts adéquats pour chacun, l’évaluation serait fondée sur la responsabilité établie, qui est mieux appréciée selon une approche commune (voir la décision Scott c TD Waterhouse Investor Series (Canada) Inc, 2001 BCSC 1299, aux paragraphes 113, 115 et 116).

 

[100]       Par conséquent, cette étape du critère est satisfaite.

 

b) Un intérêt légitime à poursuivre des instances séparées (alinéa 334.16(2)b) des Règles)

 

[101]       Rien n’indique que les membres du groupe auraient intérêt à poursuivre des instances séparées, et j’estime que cette étape du critère est satisfaite.

 

c) Des réclamations qui font ou qui ont fait l’objet d’autres instances (alinéa 334.16(2)c) des Règles)

 

[102]       Les demandeurs soutiennent qu’aucun membre du groupe n’a été en mesure de justifier l’exercice d’un recours individuel et les coûts liés à la contestation de la perte de données. Dans les faits, il y a neuf autres recours collectifs proposés, mais les parties ont convenu de présenter ces réclamations devant la Cour.

 

[103]       La défenderesse ne conteste pas cette étape, et j’estime qu’elle est satisfaite.

 

d) La comparaison de l’aspect pratique (alinéas 334.16(2)d) et e) des Règles )

[104]       La défenderesse soutient que le fait qu’elle a pris des mesures pour régler les réclamations des membres du groupe signifie que le recours collectif n’est pas le meilleur moyen de procéder. Elle renvoie au paragraphe 31 de l’arrêt Hollick, où la Cour suprême du Canada a déclaré que le tribunal doit examiner tous les moyens raisonnables offerts pour régler les demandes des membres du groupe, et non seulement la possibilité de recours individuels. Dans l’arrêt Hollick, cela a amené la Cour à privilégier un fonds d’indemnisation sans égard à la responsabilité, plutôt qu’un recours collectif. Au paragraphe 67 de l’arrêt Bittner c Louisiana-Pacific Corp et al, 1997 CanLII 2904 (CS C-B), la Cour a conclu qu’une procédure établie aux fins du règlement des plaintes était préférable à un recours collectif.

 

[105]       Dans la décision Wallington Grace c Fort Erie (City of), 2003 CanLII 48456 (CS ON) (Grace), aux paragraphes 154 à 157, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a déclaré que le recours concernant les allégations de dommages matériels en raison de l’eau colorée ne devrait pas se poursuivre sous forme de recours collectif, puisque les citoyens se retrouveraient essentiellement à intenter une poursuite contre eux-mêmes par l’entremise de leur corporation municipale, où les avocats toucheraient des millions de dollars en honoraires et les contribuables devraient finalement se voir imposer des taxes pour récupérer ces sommes. Le juge Crane a conclu que les démarches entreprises par la Ville pour régler les plaintes étaient adéquates. Cela incluait le versement aux plaignants d’un montant maximal de 350 $ pour les dommages matériels allégués, ainsi que l’envoi d’employés dans certains foyers pour nettoyer les taches laissées sur les vêtements et les appareils ménagers. Les défendeurs ont aussi fourni des rabais aux contribuables en raison de la plus grande consommation d’eau par les robinets. Bien que le système volontaire n’était pas parfait ou qu’il pouvait être arbitraire, compte tenu des [traduction] « dommages individuels vraiment minimes » impliqués, le juge a estimé que c’était suffisant.

 

[106]       La défenderesse souhaite que la Cour établisse un parallèle entre ses actions et celles que le juge Crane a estimées suffisantes dans Grace. Elle prétend que l’avertissement relatif au crédit et les annotations au registre des NAS sont des solutions plus que suffisantes pour les demandeurs et qu’ils leur ont été offerts gratuitement.

 

[107]       La défenderesse maintient aussi que l’importante couverture médiatique et l’examen devant le Parlement dont le gouvernement a fait l’objet ont constitué une sensibilisation suffisante à l’égard de la question en l’espèce. Depuis, le gouvernement a renforcé ses politiques en matière de sécurité et d’entreposage des renseignements personnels, il a banni l’utilisation de disques durs portatifs et a mis en oeuvre des mesures disciplinaires plus rigoureuses pour ses employés, notamment le licenciement si les politiques de protection de la vie privée et les politiques de sécurité n’étaient pas respectées.

 

[108]       Par ailleurs, le commissaire à la protection de la vie privée a déjà amorcé une enquête au sujet de la présente affaire en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur la protection des renseignements personnels. S’il conclut que la plainte est bien fondée, il peut publier un rapport non exécutoire contenant ses recommandations.

 

[109]       La défenderesse soutient en dernier lieu qu’il existe une multitude de lois, directives, lignes directrices et politiques qui régissent la fonction publique fédérale en ce qui concerne les droits à la vie privée des Canadiens. C’est le régime que le Parlement a choisi pour réprimer le comportement du gouvernement fédéral eu égard à la protection des renseignements personnels.

 

[110]       En définitive, je conviens avec les demandeurs que le recours collectif est préférable à des recours individuels ou aux politiques et actions mises en oeuvre jusqu’à maintenant par la défenderesse, puisque, essentiellement comme l’a récemment déclaré la Cour suprême du Canada, cela pourra mieux permettre de réaliser les objectifs de l’économie des ressources judiciaires, de l’accès à la justice et de la modification des comportements (AIC Limitée c Fischer, 2013 CSC 69, confirmant 2012 ONCA 47 (Fischer), au paragraphe 21). Rien n’indique que l’autorisation de cette action comme recours collectif engendrera des difficultés plus grandes que d’autres voies de droit hypothétiques (1176560 c Great Atlantic & Pacific Company of Canada Ltd, 2002 CanLII 6199 (CS ON), au paragraphe 27).

 

[111]       Je tiens à souligner que les solutions offertes par la défenderesse ne conviennent pas du tout aux besoins des demandeurs. Par exemple, les demandeurs soutiennent que l’avertissement relatif au crédit n’offre aucune indemnisation à la suite des violations alléguées de la défenderesse. Ils soutiennent en outre que cela ne leur assure pas une protection adéquate contre le vol d’identité. Les experts des parties ne s’entendent pas sur ce dernier point, mais je souligne qu’une conclusion relative à une protection offerte suffisante est commune à tous les membres et qu’elle devrait donc être tranchée collectivement au moyen d’un recours collectif. Quoi qu’il en soit, l’avertissement relatif au crédit ne permettrait pas de compenser des dommages-intérêts symboliques, si de tels dommages‑intérêts devaient être adjugés en faveur des membres du groupe.

[112]       Dans l’arrêt Fischer, la Cour suprême du Canada a récemment examiné la certification d’un recours collectif pour dommages-intérêts, fondé sur le comportement des gestionnaires de fonds communs dans le cadre de l’arbitrage sur la valeur liquidative, un recours reposant sur les mêmes actes de ces derniers qui avaient déjà fait l’objet de procédures d’exécution et d’une entente de règlement établies par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la CVMO). La Cour d’appel de l’Ontario avait rejeté la conclusion du juge saisi de la requête, selon laquelle le recours collectif n’était pas le meilleur moyen, et la CVMO avait déjà entrepris une enquête complète, qui a donné lieu au versement d’une certaine indemnisation aux membres du groupe.

 

[113]       La Cour suprême du Canada a confirmé la décision de la Cour d’appel de l’Ontario. Le juge Cromwell a souligné que l’analyse relative au meilleur moyen s’effectue à la lumière des trois principaux objectifs du recours collectif, énumérés plus haut, mais que la question à laquelle il faut ultimement répondre est de savoir s’il existe des moyens préférables de régler les demandes, et non si le recours collectif projeté réalisera pleinement ces objectifs. Dans le cadre de cette analyse, le tribunal doit prendre en compte l’aspect procédural, l’aspect substantiel et les issues probables du recours collectif, ainsi que les autres voies de droit proposées. Lorsque le défendeur invoque des solutions extrajudiciaires en particulier, étayées par des éléments de preuve, il incombe au demandeur de prouver qu’il est satisfait au critère du meilleur moyen. La Cour souligne, au paragraphe 1, que le fardeau de preuve n’est pas élevé à cet égard, puisqu’il faut seulement établir un « certain fondement factuel » selon lequel le recours collectif est le meilleur moyen. Au paragraphe 39, la Cour suprême ajoute que la certification n’est pas le bon moment pour « procéder à l’appréciation détaillée du bien-fondé du recours collectif ou des autres voies de droit ou de leur issue probable ».

 

[114]       À cet égard, les demandeurs se sont acquittés du fardeau qui leur incombait. Dans chacune des affaires citées par la défenderesse où d’autres procédures ont été jugées préférables à un recours collectif (Hollick, Bittner et Grace), une indemnisation monétaire a été offerte aux membres des groupes dans le cadre de ces procédures. Les poursuites civiles ne peuvent être adjugées par le commissaire à la protection de la vie privée ou au moyen des règlements et lois régissant la collecte et l’utilisation des renseignements personnels par la défenderesse. De plus, aucune de ces procédures ne permet l’octroi de dommages-intérêts ou d’autres mesures de réparation aux membres du groupe touchés par la perte de données.

 

[115]       En dernier lieu, le Commissariat à la protection de la vie privée n’est même pas outillé pour traiter des enquêtes au sujet des plaintes déposées par les membres du groupe — contrairement à un recours collectif, le commissaire à la protection de la vie privée doit entreprendre une enquête individuelle pour chaque membre du groupe. Une telle démarche pour les milliers de membres du groupe submergerait son bureau.

 

Le représentant demandeur est adéquat (alinéa 334.16(1)e) des Règles)

[116]       La défenderesse ne présente aucun argument pour contester l’affirmation des demandeurs selon laquelle les représentants demandeurs sont en mesure de représenter de façon équitable et adéquate le groupe, qu’ils ont élaboré un plan afin de poursuivre l’instance et qu’ils n’ont pas de conflits d’intérêts avec le groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs. Par conséquent, je ne me livrerai pas à un examen des arguments présentés par les demandeurs en l’espèce. Je fais simplement remarquer que leur plan de poursuite de l’instance est passablement exhaustif.

 

Conclusion

[117]       Dans l’ensemble, je ferai droit à la requête des demandeurs en autorisation de la présente action comme recours collectif, fondée sur des points de droit ou de fait communs concernant une violation alléguée de contrat et de garantie par la défenderesse et la commission du délit d’intrusion dans l’intimité. Les demandeurs seront désignés en qualité de représentants du groupe, et le plan de poursuite de l’instance ainsi que le plan de notification seront approuvés. Conformément au paragraphe 334.39 des Règles, aucuns dépens ne seront adjugés relativement à la présente requête.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La présente action est autorisée comme recours collectif;

2.      Les demandeurs sont nommés comme représentants du groupe;

3.      Le groupe ou les membres du groupe sont définis ainsi :

Toutes les personnes dont les renseignements personnels étaient conservés sur un disque dur externe sous le contrôle de Ressources humaines et Développement des compétences ou du Centre de service national de prêts aux étudiants, renseignements qui ont été perdus ou divulgués à autrui le ou vers le 5 novembre 2012, à l’exclusion des cadres supérieurs de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, du Programme canadien de prêts aux étudiants ou des ministres et des sous-ministres de Ressources humaines et Développement des compétences.

 

4.      La nature des réclamations présentées au nom du groupe et des mesures de réparation demandées par le groupe est la suivante :

En ce qui a trait à la violation alléguée de contrat et de garantie

a) une déclaration selon laquelle la défenderesse n’a pas respecté les normes de protection des renseignements personnels prévues dans le cadre des lois et auxquelles il est expressément fait renvoi dans les contrats;

b) une déclaration selon laquelle la défenderesse a omis de respecter les politiques du ministre, plus précisément la Politique des cabinets verrouillés, les politiques de cryptage et la Politique en matière de rangement du bureau;

c) une déclaration selon laquelle la défenderesse a divulgué des renseignements personnels d’une façon non permise aux termes des contrats;

d) une déclaration selon laquelle la défenderesse a omis de détruire les renseignements personnels de la façon exigée aux termes des contrats;

e) une déclaration selon laquelle la défenderesse a conservé les renseignements personnels pendant une période plus longue que celle permise aux termes des modalités des contrats, et ce, à des fins non autorisées dans les contrats;

f) l’octroi de dommages-intérêts symboliques.

En ce qui a trait à l’allégation de la commission du délit d’intrusion dans l’intimité

g) une déclaration selon laquelle la défenderesse a commis le délit d’intrusion dans l’intimité;

h) l’octroi de dommages-intérêts symboliques et/ou punitifs.

 

5.      Les points de droit ou de fait communs sont les suivants :

En ce qui a trait à la violation alléguée de contrat et de garantie

a) Les membres du groupe ont-ils conclu un contrat avec la défenderesse pour obtenir des prêts d’études?

b) Est-ce que le contrat conclu entre la défenderesse et les membres du groupe renfermait des modalités selon lesquelles la défenderesse :

-         garderait les renseignements personnels confidentiels?

-         ne divulguerait pas les renseignements personnels, sauf dans la mesure prévue dans le contrat et au titre des lois applicables?

-         conserverait les renseignements personnels en lieu sûr et veillerait à ce qu’ils ne soient pas perdus et/ou divulgués d’une manière autre que celle prévue dans le cadre du contrat ou des lois applicables?

-         supprimerait, détruirait ou ne conserverait pas autrement les renseignements personnels une fois les prêts d’études des membres du groupe entièrement remboursés?

-         ne divulguerait pas les renseignements personnels une fois les prêts d’études des membres du groupe entièrement remboursés?

c) À la suite de la collecte, la conservation ou la communication de renseignements personnels, la défenderesse a-t-elle enfreint des modalités particulières énoncées au sous-paragraphe b)? Dans l’affirmative, pour quelle raison?

d) La défenderesse a-t-elle garanti aux membres du groupe qu’elle :

-         garderait les renseignements personnels confidentiels?

-         ne divulguerait pas les renseignements personnels, sauf dans la mesure prévue dans le contrat et au titre des lois applicables?

-         conserverait les renseignements personnels en lieu sûr et veillerait à ce qu’ils ne soient pas perdus et/ou divulgués d’une manière autre que celle prévue dans le cadre du contrat ou des lois applicables?

-         supprimerait, détruirait ou ne conserverait pas autrement les renseignements personnels une fois les prêts d’études des membres du groupe entièrement remboursés?

-         ne divulguerait pas les renseignements personnels une fois les prêts d’études des membres du groupe entièrement remboursés?

 e) À la suite de la collecte, la conservation ou la communication de renseignements personnels, la défenderesse a-t-elle enfreint des modalités particulières énoncées au sous-paragraphe d)? Dans l’affirmative, pour quelle raison?

f) La défenderesse a-t-elle l’obligation de payer pour des dommages subis par les membres du groupe pour violation de contrat et de garantie et/ou pour la commission du délit d’intrusion dans l’intimité?

 

6.      Le plan de poursuite de l’instance ci-joint, qui établit la forme et le contenu du programme de notification et les coûts de ce programme et qui définit le processus d’exclusion, est approuvé;

 

7.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Jocelyne Gagné »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche

 


ANNEXE B DE L’AVIS DE REQUÊTE

 

[traduction]

 

PLAN DE POURSUITE DE L’INSTANCE –

RECOURS COLLECTIF PORTANT SUR L’ATTEINTE À LA VIE PRIVÉE

DE BÉNÉFICIAIRES DE prêts d’études,

EN DATE DU 14 MARS 2013

 

 

 

 

DÉFINITIONS

 

1.                  Sauf indication contraire, les termes en majuscules qui ne sont pas définis dans le présent plan de poursuite de l’instance ont le sens qui leur est attribué dans la déclaration et la déclaration modifiée. De plus, les définitions ci-dessous s’appliquent :

a)                  « action » Le présent recours collectif proposé, dossier de la Cour no T-132-13, intenté devant la Cour;

 

b)                  « administrateur » La personne nommée par la Cour pour exercer les fonctions décrites dans le plan;

 

c)                  « décision de l’administrateur » La décision écrite de l’administrateur concernant l’admissibilité ou le droit d’un membre du groupe ou d’un demandeur;

 

d)                 « arbitre » Une personne nommée par la Cour pour examiner et trancher les appels interjetés contre les décisions de l’administrateur aux termes du présent plan;

 

e)                  « formulaire de réclamation » Un formulaire de réclamation, dont la forme doit être approuvée par la Cour, que les membres du groupe doivent remplir et soumettre à l’administrateur afin que les membres du groupe puissent participer à la procédure décrite dans le présent document;

 

f)                   « requérant » Une personne qui allègue qu’elle figurait sur la liste du gouvernement;

 

g)                  « date limite de présentation d’une réclamation » La date ultime à laquelle chaque membre du groupe doit avoir présenté un formulaire de réclamation, sous réserve de la prolongation par la Cour de la date limite de présentation d’une réclamation pour des membres individuels du groupe;

 

h)                  « avocats du groupe » Les cabinets d’avocats Sutts, Strosberg LLP, Falconer Charney LLP, Branch MacMaster LLP et Bob Buckingham Law;

 

i)                    « honoraires des avocats du groupe » Les honoraires, débours et taxes approuvés par la Cour;

 

j)                    « représentant des avocats du groupe » Une personne qui représente les intérêts du groupe en ce qui a trait aux questions de portée générale liées au processus d’évaluation des dommages-intérêts;

 

k)                  « groupe » et « membres du groupe » Toutes les personnes dont les renseignements personnels étaient conservés sur un disque dur externe sous le contrôle de Ressources humaines et Développement des compétences ou du Centre de service national de prêts aux étudiants, renseignements qui ont été perdus ou divulgués à autrui le ou vers le 5 novembre 2012, à l’exclusion des cadres supérieurs de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, du Programme canadien de prêts aux étudiants ou des ministres et des sous-ministres de Ressources humaines et Développement des compétences;

 

l)                    « Cour » La Cour fédérale du Canada;

 

m)                « Liste du gouvernement » La liste du gouvernement du Canada, des membres du groupe dont les renseignements personnels ont été perdus, liste qui sera fournie aux avocats du groupe;

 

n)                  « RHDCC » Ressources humaines et Développement des compétences Canada;

 

o)                  « programme de notification » La méthode de diffusion de l’avis décrite au paragraphe 27c);

 

p)                  « PCPE » Le Programme canadien de prêts aux étudiants;

 

q)                  « avis » L’avis au groupe au sujet de l’autorisation de l’action comme recours collectif;

 

r)                   « renseignements personnels » Les noms, dates de naissance, numéros d’assurance sociale, adresses, soldes des prêts d’études ou tout autre renseignement personnel des membres du groupe;

 

s)                   « plan » Le présent plan de poursuite de l’instance;

 

t)                   « avis de règlement » L’avis concernant le règlement des points communs et les directives additionnelles se rapportant au processus de réclamation;

 

u)                  « déclaration d’opposition » L’exposé des faits essentiels de la défenderesse en réponse à un formulaire de réclamation;

 

v)                  « site Web » Le site Web créé et maintenu par les avocats du groupe, soit www.studentloansclassaction.com

 

 

LES AVOCATS DU GROUPE

 

 

2.                  Les avocats du groupe sont les cabinets d’avocats Sutts, Strosberg LLP, Falconer Charney LLP, Branch MacMaster LLP et Bob Buckingham Law. Ils ont les connaissances, les compétences, l’expérience, le personnel et les ressources financières nécessaires pour mener à bien la présente action.

 

3.                  Les avocats du groupe feront appel à d’autres avocats ou professionnels si la majorité des avocats du groupe le jugent nécessaire. Il se peut que ces avocats ou professionnels reçoivent des honoraires conditionnels s’ils ne sont pas des experts censés présenter des témoignages d’expert au tribunal.

LA DÉFINITION DU GROUPE

 

 

4.                  Les demandeurs souhaitent représenter un groupe ainsi défini :

 

Toutes les personnes dont les renseignements personnels étaient conservés dans un disque dur externe sous le contrôle de Ressources humaines et Développement des compétences ou du Centre de service national de prêts aux étudiants, renseignements qui ont été perdus ou divulgués à autrui le ou vers le 5 novembre 2012, à l’exclusion des cadres supérieurs de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, du Programme canadien de prêts aux étudiants ou des ministres et des sous‑ministres de Ressources humaines et Développement des compétences.

 

 

 

5.                  La Cour doit décider si chaque personne figurant sur la liste du gouvernement est un membre du groupe.

 

LES RAPPORTS AUX MEMBRES DU GROUPE ET LA COMMUNICATION AVEC LES MEMBRES DU GROUPE

 

 

6.                  Selon l’information rendue publique par le gouvernement du Canada, le groupe compte 583 000 membres à l’échelle du Canada, mais ne compte aucun membre au Québec, au Nunavut ou dans les Territoires du Nord-Ouest.

 

7.                  Les avocats du groupe ont créé un site Web qui explique le fonctionnement d’un recours collectif et qui renferme de l’information sur l’état d’avancement de l’action. Sur ce site, ils prévoient afficher des documents et décisions de la Cour, ainsi que des avis et autres renseignements se rapportant à l’action. Ainsi, les avocats du groupe seront en mesure de tenir les membres du groupe au fait de l’avancement de l’action, peu importe leur lieu de résidence.

 

8.                  Les avocats du groupe ont créé un système d’inscription sécuritaire qui permet aux membres du groupe de s’inscrire après avoir choisi un ID utilisateur et un mot de passe. Les membres du groupe préciseront les dommages qu’ils ont subis en raison de la divulgation de leurs renseignements personnels. Par exemple, un membre du groupe estimera le temps qu’il a consacré à la modification de renseignements personnels en vue d’éviter le vol d’identité, le trouble émotionnel et les inconvénients, ainsi que toute autre dépense engagée.

 

9.                  Le système d’inscription permettra aux membres du groupe de mettre à jour leurs renseignements de temps à autre.

 

10.              Le système d’inscription permettra aux avocats du groupe de lire, d’organiser, d’établir le profil, de numériser, de gérer et d’analyser des dizaines de milliers de documents, et de surveiller la fréquence du vol d’identité au sein du groupe.

 

11.              Il est également fait mention sur le site Web du numéro de téléphone direct pour joindre des avocats du groupe. Les membres du groupe peuvent laisser un message aux avocats du groupe, et les appels sont habituellement retournés.

 

12.              De temps à autre, les avocats du groupe pourront envoyer directement par courrier électronique, aux membres du groupe qui ont fourni leur adresse de courriel, des mises à jour au sujet de l’état de l’action. Ils afficheront aussi ces mises à jour sur le site Web.

 

Le nombre de membres du groupe qui se sont inscrits auprès des avocats du groupe

 

 

13.              En date du 14 mars 2013, environ 25 000 membres du groupe se sont inscrits auprès des avocats du groupe.

 

14.              Les avocats du groupe ont déjà communiqué et communiqueront, dans certains cas, avec les membres du groupe inscrits. Parfois, les avocats du groupe poseront d’autres questions au sujet de leurs dommages-intérêts.

LE CALENDRIER DU LITIGE

 

 

15.               Dans le cadre de la présente action, la juge Jocelyne Gagné a été nommée à titre de juge responsable de la gestion de l’instance.

 

16.              Après autorisation de la présente action comme recours collectif, les avocats du groupe demanderont à la juge Gagné d’établir un calendrier du litige pour :

a)                  la requête en autorisation;

b)                  la clôture des actes de procédure;

c)                  la production des documents et la livraison des affidavits de documents par les parties;

d)                 les interrogatoires préalables;

e)                  la présentation des rapports d’expert;

f)                   l’instruction des points communs.

 

17.              Les avocats du groupe et les avocats de la défenderesse peuvent de temps à autre demander que soient apportées des modifications au calendrier du litige.

 

L’ACCÈS AUX ÉLÉMENTS DE PREUVE ET LA CONSERVATION DE LA PREUVE

 

18.              Les avocats du groupe ont écrit à la défenderesse afin d’obtenir la confirmation que toutes les communications sous forme électronique et les documents concernant son enquête sur la perte du disque dur sont conservés.

 

L’échange et la gestion de documents

 

 

19.              La défenderesse détient la plupart, si ce n’est la totalité des documents ayant trait aux points communs. Ces documents seront présentés aux avocats du groupe dans le cadre des processus de production normale, de contre-interrogatoire et d’interrogatoire préalable. Les demandeurs présenteront tous les documents qui sont en leur possession.

 

20.              Les avocats du groupe prévoient gérer la réception et l’organisation du grand nombre de documents qui seront probablement présentés par la défenderesse, et sont en mesure de le faire. Les avocats du groupe utiliseront des systèmes de gestion des données pour organiser, codifier et gérer les documents.

 

21.              Les documents pourront être conservés sur un site Web sécurisé et protégé par mot de passe, afin de permettre aux avocats du groupe d’y accéder au moyen de l’Internet.

 

22.              Les mêmes systèmes de gestion des données serviront à organiser et à gérer tous les documents pertinents qui sont en la possession des demandeurs, bien que ces derniers n’aient pratiquement aucun document concernant les points communs à part ceux qui sont accessibles dans le domaine public.

Les experts des demandeurs

 

 

23.              Les demandeurs ont retenu les services de M. Norman Archer, un expert des incidences liées à la perte de renseignements personnels et de la gestion de documents électroniques.

 

24.              Les demandeurs pourront retenir les services d’autres experts à mesure que progressera l’action.

 

LES SERVICES DE RÈGLEMENT DES LITIGES

 

 

25.              Les demandeurs participeront aux travaux à caractère non obligatoire de règlement des litiges si la défenderesse y consent.

 

L’avis d’autorisation de l’action comme recours collectif

 

 

26.              La défenderesse détient toutes les coordonnées des membres du groupe. Les avocats du groupe connaissent les noms et adresses d’environ • membres du groupe et ce nombre s’accroîtra probablement en raison du processus d’enregistrement sur le site Web et du programme de notification. Ils ont demandé à la défenderesse de fournir les noms des membres du groupe une fois que l’ordonnance autorisant l’action comme recours collectif aura été rendue, après expiration de la présente période d’exclusion.

 

27.              Dans le cadre de l’ordonnance d’autorisation, la Cour sera priée :

a)                  d’établir la forme et le contenu de l’avis;

b)                  d’établir la date limite pour s’exclure du recours collectif;

c)                  de décider des détails du programme de notification qui pourront changer durant la requête en autorisation. Actuellement, les avocats du groupe proposent les détails suivants à l’égard du programme de notification :

                                         (i)                        les avocats du groupe afficheront l’avis sur le site Web et feront parvenir l’avis par courriel aux personnes qui se sont inscrites auprès des avocats du groupe et qui ont fourni une adresse valide de courriel;

                                       (ii)                        la défenderesse devrait envoyer l’avis à tous les membres du groupe dont elle connaît l’adresse de courriel;

                                     (iii)                        la défenderesse enverra l’avis aux membres du groupe par la poste régulière, à l’exclusion des courriels envoyés conformément aux alinéas (i) et (ii);

                                     (iv)                        la défenderesse affichera l’avis sur le site Web de RHDCC.

d)                 de désigner M. Sarkis Isaac (M. Isaac), comptable à l’emploi de Howie & Partners à Windsor, pour recevoir les confirmations écrites d’exclusion du recours collectif;

e)                  les membres du groupe peuvent décider de s’exclure de la présente action en faisant parvenir à M. Isaac, avant l’expiration du délai d’exclusion, une confirmation écrite pour être exclus;

f)                   aucun membre du groupe ne peut décider de s’exclure de la présente action après l’expiration du délai d’exclusion;

g)                  dans les 30 jours suivant l’expiration du délai d’exclusion, M. Isaac remettra à la Cour et aux avocats de la défenderesse, un affidavit scellé énumérant les noms et adresses de tous les membres du groupe qui ont choisi de s’exclure de la présente action;

h)                  après expiration du délai d’exclusion et après que M. Isaac aura remis son affidavit précisant les personnes qui ont choisi de s’exclure, la défenderesse fournira aux avocats du groupe la liste des membres qui n’ont pas choisi de s’exclure, ainsi que leurs coordonnées et le solde des prêts d’études dû par les membres du groupe à la défenderesse.

 

28.              M. Isaac a maintes fois été désigné par la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour exécuter ces tâches dans le cadre de recours collectifs.

Les interrogatoires préalables

 

 

29.              Les avocats du groupe tenteront de soumettre à un interrogatoire préalable au moins un représentant de la défenderesse et, une fois connus, l’employé ou les employés ayant perdu ou égaré le disque dur. Ils estiment que ces interrogatoires prendront deux jours.

 

30.              Les avocats de la défenderesse pourront interroger les représentants demandeurs. Les avocats du groupe estiment que ces interrogatoires prendront deux jours.

 

31.              Les demandeurs pourront demander à la Cour une ordonnance leur permettant d’interroger d’autres représentants de la défenderesse, si cela s’avère nécessaire.

Les points communs et les dommages-intérêts globaux

 

 

32.              Les demandeurs demanderont à la Cour de fixer une date pour l’instruction des points communs, à Toronto, dans les six mois suivant la fin des interrogatoires préalables.

 

33.              Les Règles des Cours fédérales (DORS/98-106 dans leur version modifiée) sont ainsi libellées :

334.26 (1) Si le juge estime que certains points ne sont applicables qu’à certains membres du groupe ou du sous‍-‍groupe, il fixe le délai de présentation des réclamations à l’égard des points individuels et peut :

a) ordonner qu’il soit statué sur les points individuels au cours d’autres audiences;

b) charger une ou plusieurs personnes d’évaluer les points individuels et de lui faire rapport ;

c) prévoir la manière de statuer sur les points individuels.

 

Directives

 

(2) Il peut assortir sa décision de directives concernant la procédure à suivre.

 

Qui peut statuer

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (1)a), peuvent présider les auditions relatives aux points individuels le juge qui a statué sur les points de droit ou de fait communs, un autre juge ou, dans le cas visé au paragraphe 50(3), un protonotaire.

 

Responsabilité du défendeur

 

334.27 Dans une action, si le juge, après avoir statué sur les points de droit ou de fait communs en faveur du groupe ou d’un sous-groupe, estime que la responsabilité du défendeur à l’égard de membres du groupe ou du sous-groupe ne peut être déterminée sans que ceux-ci fournissent des éléments de preuve, la règle 334.26 s’applique pour établir la responsabilité du défendeur.

 


Évaluation d’une réparation

 

334.28 (1) Le juge peut rendre toute ordonnance relativement à l’évaluation d’une réparation pécuniaire, y compris une évaluation globale, qui est due au groupe ou au sous-groupe.

 

Distribution de la réparation

 

(2) Le juge peut rendre toute ordonnance relativement à la distribution d’une réparation pécuniaire, notamment en ce qui concerne toute portion non distribuée d’une réparation qui est due au groupe, au sous-groupe ou à leurs membres.

 

Modes de preuve spéciaux

 

(3) Pour l’application de la présente règle, le juge peut ordonner le recours à des modes de preuve spéciaux.

 

 

 

34.              Lors de l’instruction des points communs, il sera demandé à la Cour :

a)                  d’évaluer les dommages-intérêts pour chaque représentant demandeur;

b)                  d’adjuger des dommages-intérêts de manière globale. Par exemple, les dommages‑intérêts globaux incluront le coût moyen de la surveillance du crédit et des dommages-intérêts symboliques pour chaque membre du groupe;

c)                  d’établir des grilles pour les dommages-intérêts des membres du groupe ou des sous‑groupes.

 

35.              Si une réparation globale de ce genre est octroyée, on demandera à la Cour d’approuver un protocole de distribution. La question du paiement aux membres du groupe ou du droit de rajuster par compensation le montant dû par les membres du groupe à la défenderesse pour des prêts d’études sera tranchée par la Cour après paiement des honoraires des avocats du groupe.

 

36.              Les constatations de fait et les conclusions permettront au juge, lors de l’instruction des points communs, de fournir des directives pour traiter des points individuels restants, conformément à l’article 334.26 des Règles.

APRÈS LE RÈGLEMENT DES POINTS COMMUNS

 

 

37.              En supposant le règlement des points communs du fait que le juge a statué sur ces points en faveur du groupe, la Cour devra établir et superviser une procédure de réclamation et d’évaluation. La structure précise du processus d’évaluation variera selon les conclusions du juge à l’instruction des points communs. Un membre du groupe peut participer au processus décrit dans les paragraphes qui suivent, s’il présente un formulaire de réclamation avant la date limite de présentation.

 

38.              Les représentants demandeurs demanderont à la Cour de :

a)                  nommer un administrateur. L’administrateur sera responsable de ce qui suit :

(i)         garder les sommes d’argent obtenues à titre de dommages-intérêts globaux lors de l’instruction des points communs, dans un compte en fiducie séparé, assujetti à la présentation d’une demande à la Cour pour approuver le paiement aux membres du groupe;

(ii)        mettre en oeuvre le présent plan;

(iii)       recevoir et apprécier les formulaires de réclamations reçus des membres du groupe, conformément au présent plan et aux protocoles approuvés par la Cour;

(iv)       décider si une personne est membre du groupe lorsque son nom n’apparaît pas sur la liste du gouvernement;

(v)        décider du montant d’indemnité que chaque membre individuel du groupe recevra, conformément aux grilles des dommages-intérêts établies au titre du paragraphe 34c);

 

b)                  nommer des arbitres pour trancher les appels interjetés relativement aux décisions de l’administrateur, et toute question non tranchée lors de l’instruction des points communs, notamment le montant des dommages-intérêts;

c)                  nommer un représentant des avocats du groupe.

 

39.              Les frais de l’administrateur, des arbitres et du représentant des avocats du groupe seront payés par la défenderesse et l’estimation de leurs coûts devrait être établie lors de leur nomination.

 

40.              Les représentants demandeurs demanderont également à la Cour :

a)                  d’établir la forme et le contenu de l’avis de règlement et du formulaire de réclamation;

b)                  d’ordonner la diffusion de l’avis de règlement, essentiellement selon la démarche exposée au paragraphe 27c) pour le programme de notification, si ce n’est que l’avis de règlement ne doit pas être envoyé aux membres du groupe qui se sont exclus, conformément à la procédure établie dans l’ordonnance d’autorisation;

c)                  d’établir une date limite de présentation d’une réclamation, à laquelle le membre du groupe doit avoir présenté son formulaire de réclamation;

d)                 d’établir des lignes directrices en vue d’expliquer comment un membre du groupe est admissible aux dommages-intérêts, présentés dans les grilles, pour les cas éventuels suivants : vol d’identité, ou frais encourus pour éviter le vol d’identité, ou le temps consacré à la modification de renseignements personnels en vue d’éviter le vol d’identité, le trouble émotionnel ou les inconvénients, ou toute autre dépense engagée.

 

Le site Web et l’infrastructure

 

 

41.              Les avocats du groupe transféreront le site Web (sans le matériel pour lequel il existe un privilège de non-divulgation) sous le contrôle de l’administrateur. Par la suite, l’administrateur exploitera le site Web. Une section du site demeurera publique et sera accessible à tous les membres du groupe et à la population en général.

 

42.              L’administrateur sera responsable de l’exécution du processus électronique de réclamation par l’entremise du site Web. Toutes les présentations et communications se feront au moyen du site Web. L’administrateur peut, à sa seule discrétion, aider un membre du groupe ou recevoir des documents sur support papier de la part d’un membre du groupe ou d’un requérant particulier si, par exemple, le membre du groupe ou le requérant n’a pas d’ordinateur donnant accès à l’Internet ou qu’il a besoin d’aide.

 

43.              L’administrateur créera une section sécurisée sur le site Web où il faudra saisir un ID utilisateur et un mot de passe pour y avoir accès.

 

44.              Chaque membre du groupe ou requérant choisira un ID utilisateur et un mot de passe qui seront uniquement divulgués à l’administrateur. Il sera alors possible pour chaque membre du groupe ou requérant d’avoir accès à la section sécurisée d’une base de données sur le site Web qui concerne uniquement sa réclamation individuelle.

 

45.              Dans la section sécurisée du site Web, le membre du groupe ou le requérant peut remplir le formulaire de réclamation, et télécharger en amont des documents ainsi que toute réponse. La défenderesse et les avocats du groupe peuvent examiner ces documents uniquement en mode « lecture », c’est-à-dire qu’ils pourront accéder aux documents sans pouvoir les modifier.

 

46.              La défenderesse choisira un ID utilisateur et un mot de passe qui seront uniquement divulgués à l’administrateur. Dans cette section sécurisée, la défenderesse peut publier toute déclaration d’opposition et télécharger en amont ses documents à ce titre. Le membre du groupe ou le requérant particulier peut examiner la déclaration d’opposition présentée en réponse à son formulaire de réclamation et les documents de la défenderesse uniquement en mode « lecture ».

 

47.              Dans cette section sécurisée du site Web, l’administrateur communiquera avec les membres du groupe, les requérants et la défenderesse, et il y affichera toute décision écrite.

 

48.              L’administrateur affichera dans la section publique des décisions qui ne contiendront aucun renseignement personnel.

 

49.              Le représentant des avocats du groupe aura le droit d’afficher en mode « lecture uniquement » les documents du site Web.

Le processus de réclamation

 

 

50.              Avant la date limite de présentation d’une réclamation, chaque membre du groupe ou requérant doit envoyer par voie électronique à l’administrateur au moyen du site Web un formulaire de réclamation rempli accompagné de tous les documents à l’appui.

 

51.              Si un requérant soutient qu’il ne figurait pas sur la liste du gouvernement et allègue que ses renseignements personnels ont été perdus, il doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est un membre du groupe. La défenderesse peut déposer un avis d’opposition. L’administrateur rendra sa décision par écrit et l’affichera sur le site Web. Dans les 15 jours suivant l’affichage sur le site Web, la décision devient définitive, à moins que le requérant ne décide d’interjeter appel de la décision de l’administrateur conformément au paragraphe 56.

 

52.              En plus du formulaire de réclamation, chaque membre du groupe doit notamment :

a)                  s’auto-identifier et prouver qu’il figurait sur la liste du gouvernement en envoyant une page de correspondance reçue de la défenderesse au sujet du prêt d’études, ou en produisant un permis de conduire, ou un acte de naissance ou tout autre document provincial ou fédéral permettant de prouver son identité;

b)                  traiter de tout point non établi à l’instruction des points communs. Par exemple, aux fins du formulaire de réclamation, il se peut que le membre du groupe doive fournir des détails au sujet du vol d’identité;

c)                  fournir un tableau des dépenses engagées, avec documents à l’appui;

d)                 expliquer comment sa situation diffère de la situation « habituelle » d’un autre membre du groupe.

 

53.              La défenderesse disposera de 30 jours après l’affichage du formulaire de réclamation et des documents qui l’accompagnent, pour afficher par voie électronique une déclaration d’opposition par écrit (qui ne peut dépasser cinq pages d’observations écrites) et tous les documents pertinents en sa possession ou sous sa responsabilité. La déclaration d’opposition sera traitée comme s’il s’agissait d’une défense et d’un affidavit de documents, et elle portera sur l’admissibilité, s’il y a lieu, et sur des points concernant les dommages-intérêts.

 

54.              Le site Web avertira le membre du groupe du dépôt d’une copie électronique de la déclaration d’opposition et de tout document présenté par la défenderesse. Dans les 20 jours suivant l’affichage de la déclaration d’opposition sur le site Web, le membre du groupe pourra présenter, sous forme électronique, une réponse écrite (ne dépassant pas deux pages). Le site Web avertira la défenderesse du dépôt d’une réponse.

 

La décision de l’administrateur

 

 

55.              Selon les documents qui lui sont présentés, l’administrateur rendra, dans un délai de 30 jours, une décision écrite, à savoir si un requérant est membre du groupe, en appliquant la grille prévue à ces fins ou les règles applicables. La décision de l’administrateur sera téléchargée en amont dans la section sécurisée du site Web.

 

56.              Dans les 15 jours suivant l’affichage de la décision de l’administrateur sur le site Web, le requérant, le membre du groupe, la défenderesse ou le représentant des avocats du groupe, doit présenter par écrit à l’arbitre, un avis d’appel de la décision de l’administrateur, à défaut de quoi, la décision de l’administrateur devient définitive.

 

L’examen par l’ARBITRE de la décision rendue par l’administrateur

 

 

57.              La Cour désignera un arbitre ou des arbitres dans chaque province pour trancher tous les litiges concernant les décisions rendues par l’administrateur. Le traitement des litiges se fera uniquement sur dossier, sans témoignage oral ou plaidoirie, à moins que l’arbitre n’en ordonne autrement. Pour les besoins des appels spécifiques, les arbitres auront accès au site Web sécurisé, mais uniquement en mode « lecture ».

 

58.              L’examen de la décision de l’administrateur se déroulera de la manière établie par l’arbitre. Ce dernier doit afficher sur le site Web sa décision rendue par écrit. Le requérant, le membre du groupe, la défenderesse ou le représentant des avocats du groupe pourront présenter au protonotaire un avis d’appel dans un délai de 15 jours, à défaut de quoi, la décision de l’arbitre devient définitive.

 

59.              À la suite de son examen, l’arbitre détiendra le pouvoir d’adjuger des dépens à la partie qui aura eu gain de cause.

 

LA REPRÉSENTATION CONTINUE DES MEMBRES DU GROUPE PAR LES AVOCATS DU GROUPE

 

 

60.              À la suite du règlement des points communs, les avocats du groupe, autres que leur représentant, peuvent continuer à agir en qualité d’avocat pour un membre du groupe en particulier, si le membre du groupe en fait la demande. Le membre du groupe devra payer les honoraires, débours et taxes liés à ce service additionnel qui n’est pas fourni dans le cadre des responsabilités établies pour les avocats du groupe. Le membre du groupe qui fait appel à d’autres avocats ou à un représentant doit payer les honoraires, débours et taxes établis pour leurs services, sur une base quelconque convenue en privé.

 

La procédure pour les appels des décisions de l’arbitre, interjetés devant le protonotaire

 

 

61.              Le protonotaire tranchera tout appel conformément aux Règles des Cours fédérales.

Les points individuels

 

 

62.              Après avoir déterminé les points communs, le juge du procès sera prié de fournir au protonotaire des directives en vue de trancher les points individuels qui n’ont pas été réglés lors de l’audition des points communs.

 

63.              Si certains des points ne sont pas réglés lors de l’audition des points communs, la Cour sera priée d’autoriser la tenue d’une audience ou d’audiences devant un protonotaire afin de permettre aux membres du groupe et à la défenderesse de produire une preuve générale et d’expert pouvant s’appliquer à certains points individuels ou à tous les points individuels. Il peut s’agir d’éléments de preuve d’application générale, par exemple, le témoignage d’un expert au sujet de l’effet d’un vol d’identité sur la capacité future d’une personne à obtenir du crédit.

 

64.              Un membre du groupe peut se présenter en personne ou accompagné d’un avocat lors de l’étape individuelle de l’instance. Le membre du groupe sera responsable des coûts liés à une telle représentation.

 

65.              Si des audiences individuelles sont nécessaires, il sera demandé à la Cour d’approuver des protocoles en matière de processus de renvoi qui :

a)                  établissent la procédure à suivre;

b)                  n’autorisent pas d’interrogatoires préalables aux termes du paragraphe 334.22(1) des Règles si la réclamation est inférieure à 25 000 $;

c)                  limitent l’interrogatoire préalable de chaque membre du groupe à une durée maximale de deux heures, et de deux heures pour la défenderesse si la réclamation du membre du groupe est supérieure à 25 000 $, mais ne dépasse pas 100 000 $, à l’exclusion des intérêts avant jugement, et d’une durée maximale de sept heures si la réclamation dépasse 100 000 $;

d)                 établissent que les délais prévus pour l’interrogatoire préalable peuvent uniquement être dépassés à la suite d’une entente convenue entre les parties ou une ordonnance de l’arbitre;

e)                  établissent que l’administrateur devrait avoir le pouvoir de rendre toute ordonnance nécessaire pour rendre une décision équitable dans le cadre de chaque audience.

 

66.              Après chaque audience, le protonotaire doit préparer un rapport écrit dans lequel sont exposés ses motifs de décision. Il communiquera sa décision au membre du groupe, à la défenderesse et à l’administrateur, en la téléchargeant en amont dans la section pertinente du site Web et en la déposant à la Cour.

 

67.              Tout appel interjeté d’une décision du protonotaire est régi par les Règles fédérales.

 

Les honoraires des avocats du groupe et les frais d’administration

 

 

68.              À la conclusion de l’audition des points communs, il sera demandé à la Cour d’approuver l’entente conclue entre les représentants demandeurs et les avocats du groupe et d’établir les honoraires des avocats du groupe.

 

69.              Dans la mesure où les honoraires, débours et taxes concernant l’administrateur, l’arbitre et le représentant des avocats du groupe n’ont pas été abordés au moment de leur nomination, toute question liée à ces frais sera abordée dans l’ordonnance finale.

LE RAPPORT FINAL

 

 

70.              Après avoir fait la distribution finale aux membres du groupe, l’administrateur présentera son rapport final à la Cour, conformément aux directives de cette dernière, et il sera alors demandé à la Cour de rendre une ordonnance par laquelle l’administrateur sera libéré de ses fonctions.

 L’examen du plan de poursuite de l’instance

 

 

71.              La Cour peut réviser le présent plan de temps à autre, suivant les besoins.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-132-13

 

INTITULÉ :

GAELEN PATRICK CONDON, REBECCA WALKER ET ANGELA PIGOTT c

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                        Toronto (Ontario)                   

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                        Le 17 décembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :

                                                                                                La juge Gagné

DATE DES MOTIFS :

                                                                        Le 17 mars 2014

COMPARUTIONS :

Ward K. Branch

Ted Charney

Samantha Schreiber

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Paul Vickery

Catharine Moore

 

Eli Karp

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

Intervenant proposé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ward K. Branch

Vancouver (C.-B.)

Ted Charney

Toronto (Ontario)

Samantha Schreiber

POUR LES demandeurs

 

 

Paul Vickery

Ottawa (Ontario)

Catharine Moore

Ottawa (Ontario)

 

Eli Karp

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

Intervenant proposé

 

 

 

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