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Date : 20130809

Dossier : T-2010-11

Référence : 2013 CF 855

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 9 août 2013

En présence de monsieur le protonotaire Kevin R. Aalto

 

ENTRE :

 

LE COMMITTE FOR MONETARY AND ECONOMIC REFORM (« COMER »), WILLIAM KREHM ET ANN EMMETT

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

LE MINISTRE DES FINANCES,

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

LA BANQUE DU CANADA,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

[1]               La présente affaire a trait à un recours collectif envisagé qui est inédit. Il vise essentiellement à contraindre les défendeurs (la Couronne) à se conformer à la Loi sur la Banque du Canada[1] (la Loi sur la Banque) et à adopter certaines mesures en matière de politique monétaire au Canada. Selon les allégations, les transgressions commises étaient l’abdication de responsabilités d’origine législative et constitutionnelle ainsi que la violation de droits de tous les citoyens canadiens au titre de diverses lois et de la Charte des droits et libertés (la Charte)[2].

 

[2]               Le demandeur, soit le Committee for Monetary and Economic Reform (le COMER), est décrit dans la déclaration modifiée (la déclaration) comme étant un [traduction] « groupe de réflexion » fondé en 1970, établi à Toronto et voué à la recherche sur la politique monétaire et la réforme économique au Canada. Les demandeurs individuels sont des membres du COMER qui s’intéressent à la politique économique (collectivement, les demandeurs sont désignés sous le nom de COMER).

 

[3]               La déclaration sollicite de nombreux jugements déclaratoires visant des mesures à prendre par la Banque du Canada et le ministre des Finances. La déclaration allègue également un complot et une conduite délictueuse de la part de la Couronne en vue de causer aux Canadiens en général un préjudice pour lequel les demandeurs réclament des dommages-intérêts de 10 000,00 $ par demandeur et de 1,00 $ pour chaque citoyen canadien.

 

[4]               La Couronne a déposé la présente requête pour radier la déclaration. Les motifs à l’appui de la requête sont les suivants :

[traduction]

 

i)          la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable à l’encontre des défendeurs, ou à l’encontre d’un défendeur en particulier;

 

ii)         la déclaration est scandaleuse, frivole ou vexatoire;

 

iii)        la déclaration constitue un abus de procédure;

 

iv)        la déclaration ne révèle pas de faits qui pourraient démontrer que l’action ou l’inaction des défendeurs, ou de l’un d’entre eux, aurait entraîné la violation des droits des demandeurs au titre de la Charte des droits et libertés ou de la Constitution du Canada;

 

v)         le lien causal entre, d’une part, l’action ou inaction alléguée des défendeurs ou de l’un d’entre d’eux et, d’autre part, la violation prétendue des droits des demandeurs est trop incertain et hypothétique pour appuyer une cause d’action;

 

vi)        la déclaration sollicite le règlement judiciaire de questions qui ne sont pas justiciables;

 

vii)       la déclaration soulève des questions qui échappent à la compétence de la Cour fédérale;

 

viii)            les demandeurs n’ont pas, collectivement ou individuellement, qualité pour déposer la déclaration de plein droit et, de plus, les demandeurs ne répondent pas, collectivement ou individuellement, aux critères pour avoir qualité d’agir dans l’intérêt public;

 

[. . .]

 

La déclaration

[5]               Les éléments centraux de la déclaration du COMER peuvent se résumer en trois volets :

1.                  la Banque du Canada (la Banque) et la Couronne ont refusé d’accorder des prêts sans intérêt pour des dépenses en immobilisations;

2.                  la Couronne utilise des méthodes comptables défaillantes pour décrire les finances publiques, ce qui lui fournit une raison pour refuser d’accorder de tels prêts;

3.                  ces préjudices et d’autres encore découlent du fait que la Banque est sous l’emprise d’intérêts privés étrangers.

 

[6]               Chacune des réclamations juridiques exposées ci-après se rapporte à au moins une de ces allégations.

 

[7]               Dans le cadre d’une requête en radiation, les allégations exposées dans la déclaration sont considérées comme étant vraies[3].

 

[8]               La question à trancher est de savoir si la déclaration est viciée au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie et si, par conséquent, il convient de la radier.

 

Les réclamations juridiques

Les réclamations relatives à la Loi sur la Banque

[9]               Les causes d’action exposées ont principalement trait à trois alinéas de la Loi sur la Banque :

18.       La Banque peut :

 

[…]

 

i)          consentir des prêts ou avances, pour des périodes d’au plus six mois, au gouvernement du Canada ou d’une province en grevant d’une sûreté des valeurs mobilières facilement négociables, émises ou garanties par le Canada ou cette province;

 

j)          consentir des prêts au gouvernement du Canada ou d’une province, à condition que, d’une part, le montant non remboursé des prêts ne dépasse, à aucun moment, une certaine fraction des recettes estimatives du gouvernement en cause pour l’exercice en cours — un tiers dans le cas du Canada, un quart dans celui d’une province — et que, d’autre part, les prêts soient remboursés avant la fin du premier trimestre de l’exercice suivant;

 

[…]

 

m)        ouvrir des comptes dans une banque centrale étrangère ou dans la Banque des règlements internationaux, accepter des dépôts — pouvant porter intérêt — de banques centrales étrangères, de la Banque des règlements internationaux, du Fonds monétaire international, de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et de tout autre organisme financier international officiel, et leur servir de mandataire, dépositaire ou correspondant;

 

 

 

[10]           Le COMER soutient que la Banque et d’autres agents de la Couronne n’ont pas respecté les exigences des alinéas 18i) et j) au titre desquelles, selon son interprétation, la Banque et le ministre des Finances sont tenus d’accorder des prêts sans intérêt pour des [traduction] « dépenses en capital humain »[4] aux niveaux municipal, provincial et fédéral. Il semble que le seul cas individuel d’une demande de prêt rejetée soit la décision du ministre des Finances en date du 18 août 2004 de refuser un prêt à la ville de Lakeshore (Ontario)[5].

 

[11]           De plus, selon le COMER, le fait que la Couronne ne diffuse pas publiquement les procès‑verbaux des réunions entre le gouverneur de la Banque et les gouverneurs des autres banques centrales enfreint l’article 24 de la Loi sur la Banque (la Banque à titre d’agent financier du Canada), et cette non-diffusion est inconstitutionnelle pour des motifs non précisés. En outre, l’omission de la part du ministre des Finances d’exercer un contrôle adéquat sur la Banque est une violation de l’article 14 (consultations publiques)[6].

 

[12]           Le COMER soutient également que, du fait que la politique monétaire de la Banque est dictée par des banques et intérêts financiers privés étrangers, elle va à l’encontre de sections non précisées de la Loi sur la Banque[7].

 

Les réclamations relatives à la Loi constitutionnelle de 1867

[13]           Les demandeurs allèguent que le fait de permettre la tenue des réunions secrètes signalées ci-dessus, compte tenu de la promulgation de l’alinéa 18m) de la Loi sur la Banque, enfreint les paragraphes 91(1A) (la dette publique), 91(3) (la taxation), 91(14) (le cours monétaire), 91(15) (les banques), 91(16) (les caisses d’épargne), 91(18) (les lettres de change) et 91(20) (les offres légales) de la Loi constitutionnelle de 1867[8].

 

[14]           Le COMER allègue que les méthodes comptables contestées (consistant à ne pas tenir compte des recettes recueillies avant le remboursement des crédits d’impôt) enfreignent le paragraphe 91(5)[9].

 

[15]           Le COMER soutient également que l’alinéa 18m) de la Loi sur la Banque, qui autorise la Banque à ouvrir des comptes dans les banques centrales étrangères et dans des organisations financières internationales, est inconstitutionnel[10].

 

Les réclamations relatives à la Charte

[16]           Le COMER allègue que les préjudices décrits dans la déclaration constituent des violations des articles 7 (vie, liberté et sécurité de la personne), 15 (égalité) et 36 (égalité des chances) de la Loi constitutionnelle de 1982[11]. Selon le COMER, le refus d’accorder des prêts sans intérêt aux provinces contrevient à l’engagement constitutionnel à promouvoir l’égalité des chances au titre de l’article 36[12].

 

Les réclamations provenant de principes constitutionnels non écrits

[17]           Le COMER allègue que les préjudices découlant du refus d’accorder des prêts sans intérêt constituent des violations du droit fondamental à l’égalité, du principe constitutionnel sous-jacent du fédéralisme et du droit constitutionnel à ce que les lois ne soient pas rendues inopérantes[13].

 

[18]           Les méthodes comptables contestées violeraient le principe constitutionnel selon lequel la Couronne ne peut imposer des taxes que pour des dépenses exposées dans le discours du Trône et avec le consentement de la Chambre des communes[14].

 

[19]           Il est également allégué que l’article 30.1 de la Loi sur la Banque est inconstitutionnel s’il est interprété d’une manière qui exclut le contrôle judiciaire, compte tenu du droit constitutionnel au contrôle judiciaire[15].

 

[20]           Le COMER allègue que le refus du ministre des Finances d’accorder un prêt à la ville de Lakeshore enfreignait une obligation constitutionnelle non précisée[16].

 

Les réclamations en responsabilité civile délictuelle

[21]           Selon les allégations de la déclaration, la Couronne et certaines organisations intergouvernementales s’adonnent au délit de complot en participant à une entente visant à utiliser des moyens illégaux de causer des préjudices au COMER et à tous les autres Canadiens[17].

 

Les positions des parties

[22]           Les parties ont déposé de longues observations écrites et de nombreux précédents à l’appui de leur position respective. Ces observations portaient principalement sur la question centrale soulevée dans la présente requête, à savoir si les diverses causes d’action alléguées n’ont aucune chance d’être accueillies et si, par conséquent, il convient de les radier.

 

La position de la Couronne

[23]           Essentiellement, la Couronne soutient qu’aucune cause d’action raisonnable n’a été présentée, parce que les éléments requis de ces causes d’action n’ont pas été exposés. Cet argument ne met pas en doute la possibilité qu’une de ces causes d’action soit justiciable, mais fait tout simplement valoir qu’elles ne sont pas suffisamment précises ou particularisées pour étayer de telles allégations.

 

[24]           En ce qui a trait au délit de faute dans l’exercice d’une charge publique, la Couronne soutient que les éléments du délit n’ont pas été plaidés. Une des composantes nécessaires de ce délit est que l’inconduite des agents publics ait été délibérée et illégale. Il faut qu’ils aient été conscients de cette illégalité et il faut les identifier[18].

 

[25]           En ce qui concerne l’état d’esprit des agents visés, la déclaration indique seulement qu’ils ont agi [traduction] « consciemment ou non, à divers degrés de connaissance et d’intention ». L’identité des personnes soupçonnées d’avoir commis ce délit n’est pas précisée. Par conséquent, la Couronne soutient que le COMER n’a pas satisfait aux exigences de cet élément requis.

 

[26]           Pour ce qui est de l’allégation visant la violation de la loi, la Couronne fait valoir qu’il n’y a pas de délit civil spécial de violation d’une obligation légale[19] et que le recours en cas de violation d’une loi est le contrôle judiciaire. De toute manière, la loi qui aurait été enfreinte est facultative et n’oblige aucun agent à prendre quelque mesure que ce soit.

 

[27]           De même, selon l’argumentation de la Couronne, les faits substantiels se rapportant au délit de complot n’ont pas été exposés. Pour établir ce délit, il faut une entente entre deux personnes ou plus, ainsi que l’intention connexe. La déclaration ne précise pas l’identité des agents soupçonnés d’avoir commis le délit, le type d’entente conclue ainsi que d’autres renseignements requis.

 

[28]           L’affirmation du COMER selon laquelle le processus budgétaire fédéral enfreint le paragraphe (5) ou (6) de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne révèle aucune cause d’action raisonnable, étant donné que ces paragraphes correspondent à des catégories de sujets relevant de l’autorité législative fédérale et n’imposent aucune obligation. La Loi sur la Banque prévoit que les agents publics bénéficient de l’immunité judiciaire pour tout acte commis de bonne foi au titre de la Loi sur la Banque.

 

[29]           La Couronne soutient que la Charte n’entre pas en jeu. La déclaration ne présente pas de faits substantiels démontrant un lien causal entre une des actions de la Couronne et les violations prétendues de la Charte; or, une action de l’État est un des éléments requis pour qu’il y ait violation de l’article 7 de la Charte. Par exemple, il n’y a pas de droit constitutionnel distinct à des soins de santé[20]. Le COMER n’allègue pas qu’il y a eu un traitement différentiel fondé sur un motif énuméré à l’article 15 de la Charte ou sur un motif analogue.

 

[30]           La Couronne soutient également que la réclamation du COMER ne relève pas de la compétence de la Cour, car elle ne satisfait pas au critère à trois volets exposé dans l’arrêt ITO‑International Terminal Operators c Miida Electronics[21]. Dans ITO, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la compétence de la Cour fédérale dans le contexte d’une action en matière d’amirauté. La Cour suprême du Canada a conclu que la compétence de la Cour fédérale dépendait de trois facteurs :

1.         Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2.         Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3.         La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 [page 766].

 

[31]           La Couronne soutient que les réclamations contre la Banque échouent au premier volet, car la Loi sur les Cours fédérales[22] ne confère pas de compétence sur les sociétés constituées sous le régime d’une loi et agissant pour le compte de la Couronne[23]. Les ministres de la Couronne ne peuvent faire l’objet d’une poursuite personnelle en leur qualité de représentants, bien que la Couronne concède qu’elle serait responsable du fait d’autrui pour leurs actions officielles aux termes de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif[24].

 

[32]           Aux deuxième et troisième volets du critère ITO, la Couronne soutient que les éléments de la déclaration se rapportant à la responsabilité délictuelle ne reposent pas sur un ensemble de règles de droit fédérales qui constitue le fondement de l’attribution légale de compétence. Il faut que l’ensemble de règles de droit en vigueur soit un cadre juridique détaillé, tandis que les délits de complot et de faute dans l’exercice d’une charge publique demeurent des produits du droit provincial. Les violations alléguées de la Charte ne suffisent pas pour que la loi invoquée dans l’affaire soit une loi du Canada, comme l’exige le troisième volet du critère ITO.

 

[33]           La Couronne soutient également que le COMER n’a pas qualité pour agir en l’espèce. Il n’a pas qualité pour agir dans un intérêt privé, parce qu’il n’y a eu ni atteinte à un droit privé, ni préjudice propre au COMER découlant d’une atteinte à un droit public. De plus, le COMER n’a pas qualité pour agir dans l’intérêt public, car il existe un recours alternatif, à savoir une demande de contrôle judiciaire présentée par les parties directement touchées.

 

[34]           Enfin, la Couronne soutient que la déclaration n’est pas justiciable. Les politiques monétaire, financière et en matière de devises ne se prêtent pas à l’intervention des tribunaux. Il n’existe pas de critères juridiques objectifs au moyen desquels un tribunal pourrait examiner la déclaration du COMER. Il serait inapproprié que les tribunaux interviennent, étant donné que l’établissement de la politique économique est du ressort de l’État.

 

La position du COMER

[35]           Le COMER soutient que les défendeurs n’ont pas satisfait au critère exigeant établi pour la radiation d’une déclaration.

 

[36]           Le COMER soutient que la réclamation pour délit de faute dans l’exercice d’une charge publique est adéquatement exposée dans la déclaration : les agents de la Couronne refusent sciemment de mettre en application la Loi sur la Banque, ou font preuve d’un aveuglement volontaire. Le COMER soutient que ni le Parlement ni le pouvoir exécutif ne peuvent renoncer à leur obligation de gouverner. En ce qui concerne l’allégation de complot, le COMER fait valoir qu’il n’est pas nécessaire d’identifier chaque personne, car il y a souvent des comploteurs inconnus.

 

[37]           Pour ces diverses raisons, le COMER soutient qu’il n’est pas clair et évident que le paragraphe 91(6) de la Loi constitutionnelle de 1867 n’impose pas d’obligation et que, de toute manière, il existe une obligation constitutionnelle indépendante d’esquisser toutes les recettes et dépenses. Selon le COMER, au titre des articles 53, 54 et 90 de la Loi constitutionnelle de 1867, toutes les dispositions fiscales doivent émaner du Parlement.

 

[38]           Pour ce qui est des réclamations relatives à la Charte, le COMER soutient que la disponibilité des soins de santé constitue un droit garanti par l’article 7 selon l’arrêt Chaoulli c Québec (Procureur général)[25] et que la réduction d’autres services gouvernementaux met des vies en péril. Aucun groupe de comparaison n’est requis dans le cadre d’une réclamation relative à l’article 15, et la réclamation des demandeurs a trait à la notion de l’égalité réelle.

 

[39]           En ce qui concerne la compétence de la Cour fédérale d’examiner la déclaration, le COMER soutient que la Cour a compétence pour rendre des jugements déclaratoires se rapportant à des lois telles que la Loi sur la Banque; de plus, elle a compétence sur les agents publics, les tribunaux et les ministres de la Couronne fédéraux. Le COMER soutient avoir qualité pour agir dans un intérêt privé, dans la mesure où les demandeurs affirment les droits brimés par les agents fédéraux; subsidiairement, il soutient avoir qualité pour agir dans l’intérêt public. Selon le COMER, le simple fait qu’une question relève du domaine socio-économique n’entraîne pas qu’elle est non justiciable, comme l’atteste l’importante jurisprudence sur le fédéralisme ayant trait aux banques et au commerce.

 

[40]           La doctrine des questions politiques ne peut servir à empêcher les tribunaux de trancher les différends portant sur les droits constitutionnels et prévus par la loi. Il ne faut pas confondre la justiciabilité et l’applicabilité; une affaire peut être justiciable, même si un jugement déclaratoire est la seule mesure de réparation disponible.

 

Analyse

[41]           En examinant ces positions opposées, il faut garder à l’esprit que le critère pour radier une action est exigeant. L’action ne doit avoir aucune chance d’être accueillie et – ainsi qu’il a été signalé précédemment – étant donné qu’il s’agit d’une cause d’action inédite, elle n’est pas automatiquement rejetée[26].

 

[42]           La Cour suprême du Canada a récemment résumé les principes qui s’appliquent à une requête en radiation. Dans R c Imperial Tobacco Canada Ltée[27], la juge en chef, qui a rédigé l’arrêt au nom de la Cour, a formulé les observations suivantes concernant une requête en radiation :

17.       Les parties conviennent du critère applicable à la radiation d’une demande pour absence de cause d’action raisonnable en vertu de l’al. 19(24)a) des Supreme Court Rules de la Colombie-Britannique.  La Cour a réitéré ce critère à maintes reprises : l’action ne sera rejetée que s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable : Succession Odhavji c. Woodhouse,  2003 CSC 69, [2003] 3 R.C.S. 263, par. 15; Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, p. 980.  Autrement dit, la demande doit n’avoir aucune possibilité raisonnable [page 67] d’être accueillie.  Sinon, il faut lui laisser suivre son cours : voir généralement Syl Apps Secure Treatment Centre c. B.D., 2007 CSC 38, [2007] 3 R.C.S. 83; Succession Odhavji; Hunt; Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 R.C.S. 735.

 

[…]

 

21.       Quoique très utile, la requête en radiation ne saurait être accueillie à la légère.  Le droit n’est pas immuable.  Des actions qui semblaient hier encore vouées à l’échec pourraient être accueillies demain.  Avant qu’une obligation générale de diligence envers son prochain reposant sur la prévisibilité soit reconnue dans l’arrêt Donoghue c. Stevenson, [1932] A.C. 562 (H.L.), peu de gens auraient pu prévoir qu’une entreprise d’embouteillage puisse être tenue responsable, en l’absence de tout lien contractuel, du préjudice corporel et du traumatisme émotionnel causé par la découverte d’un escargot dans une bouteille de bière de gingembre.  Avant l’arrêt Hedley Byrne & Co. c. Heller & Partners, Ltd., [1963] 2 All E.R. 575 (H.L.), l’action en responsabilité délictuelle pour déclarations inexactes faites par négligence aurait paru vouée à l’échec.  L’histoire de notre droit nous apprend que souvent, des requêtes en radiation ou des requêtes préliminaires semblables, à l’instar de celle présentée dans Donoghue c. Stevenson, amorcent une évolution du droit.  Par conséquent, le fait qu’une action en particulier n’a pas encore été reconnue en droit n’est pas déterminant pour la requête en radiation.  Le tribunal doit plutôt se demander si, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, il est raisonnablement possible que l’action soit accueillie.  L’approche doit être généreuse et permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais soutenable.

 

[…]

 

25.       La question de la conjecture est liée à la question de savoir si la requête devrait être rejetée en raison de la possibilité qu’une nouvelle preuve apparaisse éventuellement.  Le juge saisi d’une requête en radiation se demande s’il existe une possibilité raisonnable que la demande soit accueillie.  Dans le monde de la conjecture abstraite, il existe une probabilité mathématique qu’un certain nombre d’événements se produisent.  Ce n’est pas ce que le critère applicable aux requêtes en radiation cherche à déterminer.  Il suppose plutôt que la demande sera traitée de la manière habituelle dans le système judiciaire — un système fondé sur le débat contradictoire dans lequel les juges sont tenus d’appliquer le droit (et son évolution) énoncé dans les lois et la jurisprudence.  Il s’agit de savoir si, dans le contexte [page 70] du droit et du processus judiciaire, la demande n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie.

 

[43]           Voilà les principes qu’il faut appliquer à la présente requête. Est-ce que les diverses réclamations ont une chance d’être accueillies?

 

Aucune cause d’action raisonnable

[44]           Est-ce que le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique est suffisamment exposé dans la déclaration? La faute alléguée est que les défendeurs auraient abdiqué leur responsabilité d’appliquer les mesures législatives. Ici, le COMER tente, au moyen de la présente procédure, de contraindre la Couronne à appliquer des lois du Canada qui, selon les allégations du COMER, ne sont pas respectées.

 

[45]           Comme l’a signalé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt St. John’s Port Authority[28], chacun des éléments essentiels du délit doit être énoncé clairement. De vagues généralisations ne suffisent pas. Il fait que la déclaration soit particularisée.

 

[46]           En l’espèce, certains passages de la déclaration font penser à un texte d’économie qui avance des arguments pour expliquer pourquoi la politique monétaire et financière du Canada est dictée par des intérêts bancaires et financiers privés étrangers tels que le Fonds monétaire international, la Banque des règlements internationaux et le Conseil de stabilité financière. Toutes ces institutions sont établies à l’extérieur du Canada.

 

[47]           Les demandeurs soutiennent que la déclaration énonce suffisamment cette cause d’action. À titre d’illustrations de cette cause d’action, la déclaration affirme notamment ce qui suit :

[traduction]

     Les demandeurs affirment, et le fait est que les politiques telles que les taux d’intérêt et d’autres politiques établies par la Banque du Canada sont établies parfois en consultation avec le Conseil de stabilité financière (le CSF), mis sur pied à la suite du sommet de Londres du G‑20 en avril 2009, mais principalement selon les directives du CSF […] [Paragraphe 7]

     […] De plus, les demandeurs affirment, et le fait est que, depuis 1974, il y a eu une transition progressive, mais inévitable, vers la réalité que la Banque du Canada et la politique monétaire du Canada sont en fait, dans une large mesure, dirigées par des intérêts bancaires et financiers privés étrangers. [Paragraphe 11]

     Les demandeurs affirment, et le fait est qu’aucun État souverain comme le Canada ne devrait, dans quelques circonstances que ce soit, emprunter de l’argent de banques commerciales et payer de l’intérêt lorsqu’il pourrait plutôt emprunter de sa propre banque centrale, sans intérêt […] [Paragraphe 18]

     Les demandeurs affirment, et le fait est, que les motifs pour lesquels le ministre a refusé la demande du conseil municipal de Lakeshore sont erronés tant sur le plan financier qu’économique, et ne concordent pas avec ses obligations prévues par la loi […] [Paragraphe 21]

     Les demandeurs affirment, et le fait est, que les agents du défendeur sont consciemment ou non, à divers degrés de connaissance et d’intention, impliqués dans un complot, avec la BRI, le CSF et le FMI, visant à rendre inopérante la Loi sur la Banque du Canada, de même que la souveraineté canadienne en matière de politique financière, monétaire et socio-économique, et en fait à contourner le gouvernement souverain du Canada […] [Paragraphe 41]

 

[48]           Selon les demandeurs, ces extraits, de même que d’autres allégations similaires dans la déclaration, énoncent le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique. Ces types d’allégations ne satisfont pas au critère rigoureux exposé dans l’arrêt St. John’s Port Authority[29]. Il s’agit d’énoncés et d’arguments généraux sur la politique économique. Ils ne permettent pas d’étayer la cause d’action et, par conséquent, sont radiés.

 

[49]           L’omission de la part du gouvernement de prendre certaines mesures en matière de capital humain ou d’autres mesures de nature monétaire pourrait faire l’objet d’un contrôle judiciaire dans le contexte décisionnel approprié, mais la déclaration, tel qu’elle est actuellement rédigée concernant le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique, n’a aucune chance d’être accueillie.

 

[50]           De même, l’allégation de complot n’a aucune chance d’être accueillie. Ainsi qu’elle est actuellement rédigée, il n’y a pas de particularisation des parties soupçonnées d’avoir pris part au complot. Il y a des énoncés généraux concernant des complots qui auraient été commis par des ministres des Finances et d’autres personnes non identifiées, de concert avec des organismes monétaires internationaux, en vue de compromettre les dispositions de la Loi sur la Banque. De telles allégations ne satisfont pas au critère établi pour qu’un acte de procédure soit recevable.

 

[51]           Le délit de complot exige une entente entre deux personnes ou plus ayant l’intention de causer un préjudice par des moyens illégaux[30]. Le seul argument avancé dans la déclaration est que [traduction] « les agents du défendeur sont consciemment ou non, à divers degrés de connaissance et d’intention, impliqués dans un complot […] » Les demandeurs ne précisent pas les noms des personnes impliquées dans le complot allégué. De plus, que signifie [traduction] « à divers degrés »? Il n’y a pas de faits substantiels permettant d’étayer l’allégation de complot.

 

[52]           Cette section de la déclaration doit également être radiée.

 

Est-ce que la Charte entre en jeu?

[53]           La réclamation en vertu de l’article 15 de la Charte a trait au droit à l’égalité devant la loi et à la protection égale de la loi. Pour qu’une réclamation en vertu de l’article 15 soit recevable, il doit y avoir un traitement différentiel entre les demandeurs et les autres. La déclaration ne signale aucune distinction fondée sur un motif énuméré à l’article 15 de la Charte ou sur un motif analogue. Dans l’arrêt Withler c Canada (Procureur général)[31], la Cour suprême du Canada a clairement affirmé qu’il fallait se reporter à la notion d’égalité réelle pour qu’une réclamation en vertu de l’article 15 soit accueillie. Aux paragraphes 41 et 63, la Cour suprême a affirmé ce qui suit :

[41]      Comme l’a expliqué le juge McIntyre dans Andrews, l’égalité est un concept comparatif, dont la matérialisation ne peut « être atteinte ou perçue que par comparaison avec la situation des autres dans le contexte socio-politique où la question est soulevée » (p. 164).  Le juge McIntyre a cependant précisé qu’une comparaison formelle fondée sur le principe voulant que les personnes se trouvant dans une situation analogue reçoivent un traitement analogue ne servait pas l’objet du par. 15(1).  Le paragraphe 15(1) vise l’égalité réelle, et non pas une égalité formelle.

 

[…]

 

[63]      Il n’est pas nécessaire de désigner un groupe particulier qui corresponde précisément au groupe de demandeurs, hormis la ou les caractéristiques personnelles invoquées comme motif de discrimination.  Dans la mesure où le demandeur établit l’existence d’une distinction fondée sur au moins un motif énuméré ou analogue, la demande devrait passer à la deuxième étape de l’analyse.  Cette démarche offre la souplesse requise pour l’examen des allégations fondées sur des motifs de discrimination interreliés.  Elle permet également d’éviter le rejet immédiat de certaines demandes s’il se révèle impossible de désigner un groupe dont les caractéristiques correspondent précisément à celles du demandeur.

 

[54]           En appliquant ces principes à la présente affaire, on constate que la déclaration est présentée au nom de tous les Canadiens. Les demandeurs ne signalent aucune distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue. Les politiques relatives à la Loi sur la Banque et les politiques économiques s’appliquent à tous les Canadiens, et aucun groupe de comparaison n’est identifié pour établir le traitement discriminatoire. La Cour suprême du Canada a confirmé cette approche dans l’arrêt Office canadien de commercialisation des œufs c Richardson[32], dans lequel elle a affirmé : « [p]ourvu que le gouvernement fédéral traite sur un pied d’égalité tous les gens qui se trouvent au Canada, il ne fait pas preuve de discrimination ». Par conséquent, cette section de la déclaration doit également être radiée.

 

[55]           L’article 7 de la Charte a trait à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Telle que la réclamation est présentée, la Charte n’entre pas en jeu. La déclaration est généralisée en ce qui a trait à la réclamation en vertu de l’article 7, se limitant à alléguer une violation des droits [traduction] « causée par la réduction, l’élimination et/ou le retard fatal dans les domaines des soins de santé, de l’éducation et d’autres dépenses et services liés au capital humain ». La déclaration n’énonce aucun lien causal entre les politiques et mesures économiques gouvernementales et toute violation de l’article 7. Je souscris à l’argumentation de la Couronne exposée dans les paragraphes 18 à 22 de ses observations écrites, notamment l’analyse de l’application de l’arrêt Blencoe c Colombie-Britannique (Human Rights Commission)[33]. Dans Blencoe, la Cour suprême du Canada a affirmé :

59        Un procès criminel, une allégation en matière de droits de la personne ou même une action au civil peut être une cause de stress, d’angoisse et de stigmatisation même lorsque le procès ou les procédures se déroulent dans un délai raisonnable.  Ce qui nous intéresse en l’espèce n’est pas tout préjudice de cette nature, mais seulement l’atteinte qui, peut‑on dire, résulte du délai écoulé dans le déroulement du processus en matière de droits de la personne.  Il serait inopportun de tenir le gouvernement responsable du préjudice causé par un tiers qui n’est aucunement un mandataire de l’État. [Non souligné dans l’original.]

 

[56]           De plus, la Cour suprême du Canada a clairement statué que les droits garantis par l’article 7 n’englobent pas de droits positifs. Dans l’arrêt Gosselin c Québec (Procureur général)[34], la Cour suprême du Canada a noté qu’une réclamation en vertu de l’article 7 devait « découler d’une mesure gouvernementale emportant des conséquences juridiques, à savoir une mesure qui, en soi, prive le demandeur du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne ». Les demandeurs n’ont exposé aucune violation privative ou interdiction de l’État se rapportant aux droits garantis par l’article 7. Cette réclamation doit être radiée.

 

La compétence de la Cour

[57]           Pour trancher la question de compétence soulevée par la Couronne, il faut appliquer le critère à trois volets exposé dans l’arrêt ITO, tel que nous l’avons signalé précédemment. La Couronne soutient que la Cour n’a pas compétence pour instruire des réclamations en responsabilité civile délictuelle contre des autorités fédérales.

 

[58]           Toutefois, aux termes des articles 2, 17 et 18 de la Loi sur les Cours fédérales, la formulation est suffisamment large pour englober ces types de réclamations contre des agents fédéraux et des fonctionnaires de la Couronne. Par conséquent, il n’est pas clair et évident que la Cour n’a pas compétence pour instruire les réclamations sollicitant un jugement déclaratoire, comme c’est le cas en l’espèce.

 

La qualité pour agir des demandeurs

[59]           En ce qui concerne la question de la qualité pour agir, il y a maintenant une multitude de causes qui fixent les paramètres de la qualité pour agir dans un intérêt privé et dans l’intérêt public. Dans une récente décision, soit Syndicat des Métallos c Canada (Citoyenneté et Immigration)[35], le juge Hughes a passé en revue la jurisprudence se rapportant à la qualité pour agir dans l’intérêt public et a ainsi résumé l’approche actuelle :

[13]      Pour résumer ces précédents, j’estime que la jurisprudence actuelle en matière de qualité pour agir dans l’intérêt public est la suivante :

 

• La Cour doit adopter une approche souple et discrétionnaire.

 

•  Trois facteurs guideront la Cour dans son appréciation :

 

▪  L’affaire soulève‑t‑elle une question justiciable sérieuse?

 

▪  La partie qui a introduit l’instance a‑t‑elle un intérêt réel ou véritable dans son issue?

 

▪  L’instance proposée constitue‑t‑elle une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour?

 

• La Cour devrait appliquer les principes de façon libérale et souple dans son examen de l’affaire.

 

 

[60]           En l’espèce, les demandeurs individuels ont qualité pour revendiquer des droits, mais seulement s’il y a eu atteinte à un droit privé et si les demandeurs ont subi un préjudice à la suite de cette atteinte. Bien que les observations et l’argumentation écrites exposent de manière plus détaillée la prémisse sur laquelle se fondent les demandeurs pour affirmer que, compte tenu du processus budgétaire et des exigences constitutionnelles, il y a eu atteinte à leurs droits, il n’est pas clair à la lumière des allégations que ces éléments suffisent pour conférer la qualité pour agir dans un intérêt privé.

 

[61]           Toutefois, en ce qui concerne la qualité pour agir dans l’intérêt public, en adoptant une approche souple, libérale et généreuse aux questions soulevées dans la déclaration, on ne peut affirmer à cette étape-ci que le COMER ne satisfait pas au critère. Si les réclamations sont modifiées suffisamment pour satisfaire aux exigences d’un acte de procédure recevable, les réclamations répondraient au premier volet du critère en soulevant une question sérieuse. Le COMER a un intérêt véritable dans la politique économique. Il ne semble pas y avoir d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour. Cependant, l’examen de la question de la qualité pour agir n’est pas encore achevé.

 

Est-ce que la déclaration est justiciable?

[62]           Comme l’a signalé la Couronne dans ses observations, la justiciabilité d’une affaire concerne la question de savoir si elle se prête à une décision judiciaire. La justiciabilité a trait à la question soumise à la cour de justice, à son mode de présentation et l’à‑propos d’une décision judiciaire[36].

 

[63]           La présente déclaration vise des questions relatives à la politique économique et au domaine socio-économique. Il n’en découle pas, en soi, que la déclaration n’est pas justiciable. Cela dépend de l’interprétation des lois et des obligations imposées par ces lois. Comme l’a noté le juge Barnes dans Ami(e)s de la Terre :

La justiciabilité

 

[24]      Les parties ne sont pas en désaccord sur les principes de justiciabilité, mais uniquement sur la manière de les appliquer à la présente instance. Elles admettent par exemple qu’une question essentiellement politique pourrait même être soumise à l’examen des tribunaux si cette question « présente un aspect suffisamment juridique pour justifier qu’une cour y réponde » : voir le Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.‑B.), [1991] 2 R.C.S. 525, à la page 546. Le désaccord ici porte sur ce qui suit : les questions soulevées par ces demandes contiennent‑elles un aspect suffisamment juridique pour autoriser un contrôle judiciaire? Le problème naturellement est que [traduction] « il est difficile d’établir un consensus sur la ligne de démarcation entre les questions politiques et les questions juridiques » : voir Lorne M. Sossin, Boundaries of Judicial Review: The Law of Justiciability in Canada (Scarborough : Carswell, 1999), à la page 133.

 

[25]      L’un des principes directeurs de la justiciabilité est celui selon lequel chacune des branches du gouvernement doit être attentive à la séparation des fonctions au sein de la matrice constitutionnelle du Canada, afin d’éviter toute intrusion mal à propos dans les pouvoirs réservés aux autres branches : voir l’arrêt Doucet‑Boudreau c. Nouvelle‑Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, aux paragraphes 33 à 36, et la décision Syndicat canadien de la fonction publique c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 1334, au paragraphe 39. En général, une cour de justice s’abstiendra de revoir les actes ou décisions du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif lorsque l’objet du différend ne se prête pas à l’intervention des tribunaux ou lorsque le tribunal n’a pas les ressources nécessaires pour trancher la question. Ces préoccupations sont bien exprimées dans l’ouvrage cité plus haut, Boundaries of Judicial Review: The Law of Justiciability in Canada, aux pages 4 et 5 :

 

[traduction] L’à‑propos d’une intervention judiciaire non seulement englobe des éléments normatifs et positifs, mais également reflète une compréhension à la fois des attributs et de la légitimité des décisions judiciaires. Tom Cromwell (aujourd’hui juge à la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse) a résumé dans les termes suivants cette manière de voir la justiciabilité :

 

La justiciabilité d’une affaire s’entend de son aptitude à être soumise à une cour de justice. La justiciabilité concerne l’objet de la question posée, son mode de présentation et l’à‑propos d’une décision judiciaire compte tenu de tels facteurs. Cet à‑propos peut être déterminé selon des normes à la fois institutionnelles et constitutionnelles. Il fait intervenir à la fois la question de l’aptitude de l’appareil judiciaire à accomplir la tâche, et la question de la légitimité du recours à l’appareil judiciaire.

 

Il est utile d’élaborer les critères permettant de conclure ou non à la justiciabilité d’une affaire, notamment des facteurs tels que la capacité institutionnelle et la légitimité institutionnelle, mais il convient de ne pas définir d’une manière catégorique le contenu de la justiciabilité. Il est impossible d’exposer toutes les raisons pour lesquelles une affaire pourrait ne pas relever des tribunaux. La justiciabilité renfermera une série de questions diverses et changeantes, mais, en définitive, tout ce que l’on puisse dire avec certitude, c’est qu’il y aura toujours, et qu’il devrait toujours y avoir, une ligne de démarcation entre ce qui relève des tribunaux et ce qui n’en relève pas, et aussi que cette ligne de démarcation devrait correspondre à des principes prévisibles et cohérents. Comme le dit Galligan, « la non‑justiciabilité signifie ni plus ni moins qu’une affaire ne se prête pas à une décision judiciaire ». [Renvois omis.] [Italique dans l’original.]

 

[26]      Les cours de justice exercent un rôle évident dans l’interprétation et l’exécution des obligations prévues par les lois, mais le législateur peut, dans les limites de la Constitution, garder pour lui‑même le rôle d’exécution : voir l’arrêt Canada (Vérificateur général) c. Canada (Ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources), [1989] 2 R.C.S. 49, aux pages 102 à 104. Une telle intention du législateur doit résulter d’une interprétation des dispositions légales en cause — une tâche qui peut être facilitée notamment par un examen de l’à‑propos d’une décision judiciaire dans le contexte de choix stratégiques ou de prédictions scientifiques antagonistes.

 

[…]

 

[31]      La justiciabilité de toutes ces questions relève de l’exercice d’interprétation des lois, un exercice dont l’objet est de définir l’intention du législateur : plus précisément, le législateur voulait‑il que les obligations imposées au ministre et au gouverneur en conseil par la LMOPK soient soumises à l’examen des tribunaux et à des recours judiciaires?

 

[…]

 

[33]      Si l’intention du législateur, dans l’article 5 de la Loi, était d’assurer le strict respect des engagements du Canada aux termes du Protocole de Kyoto, alors l’approche adoptée fut d’une lourdeur excessive. En effet, l’énoncé simple et sans équivoque d’une telle intention n’aurait pas été difficile à rédiger. L’article 5 combine plutôt l’obligation d’assurer la conformité au Protocole de Kyoto avec une série de mesures officielles dont certaines échappent largement au domaine du contrôle judiciaire. Ainsi, le sous‑alinéa 5(1)a)(iii.1) dit que le Plan sur les changements climatiques doit prévoir une transition équitable à l’égard des travailleurs touchés par les réductions d’émissions de gaz à effet de serre, et l’alinéa 5(1)d) exige une répartition équitable des niveaux de réduction entre les secteurs de l’économie qui contribuent aux émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit là de facteurs de nature essentiellement politique, qui ne se prêtent guère à un contrôle judiciaire. S’il en est ainsi, c’est parce qu’il n’y a pas de critère juridique objectif qui puisse être appliqué, et pas de faits avérés qui puissent autoriser une cour de justice à dire s’il y a eu ou non conformité : voir l’arrêt Chiasson c. Canada, 2003 CAF 155, au paragraphe 8.

 

[34]      Il n’est pas nécessaire pour la Cour de faire, dans l’article 5, le tri entre les éléments qui ressortissent aux tribunaux et ceux qui n’y ressortissent pas, du moins dans la mesure où le texte de cette disposition traite du contenu d’un Plan sur les changements climatiques. L’article 5 doit être lu dans sa globalité et il ne saurait être appliqué par les tribunaux d’une manière fragmentaire. Sans doute le fait pour le ministre de ne pas avoir préparé un Plan sur les changements climatiques pourrait‑il ressortir à la Cour, mais tel n’est pas le cas d’une évaluation du contenu d’un tel plan. Les diverses obligations imposées par la Loi au ministre et à d’autres de préparer, de publier et de déposer les rapports, règlements et déclarations nécessaires sont d’ailleurs toutes exprimées par l’indicatif présent du verbe porteur de sens principal. L’indicatif présent fait d’une disposition légale une disposition impérative et, lorsque ce temps est employé, il entraîne presque toujours une obligation : voir la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I‑21, article 11. Autant que je sache, le verbe « assurer », que l’on trouve dans l’article 5 et ailleurs dans la LMOPK, n’a pas en général pour effet, dans le contexte de l’interprétation des lois, d’indiquer une obligation.

 

[…]

 

[38]      […] Je relève aussi que l’article 6 de la Loi dit seulement que le gouverneur en conseil « peut », par règlement [...] Ce mot « peut » est manifestement le contraire d’un ordre. Cela, je pense, constituait le fondement de la mise en garde faite par lord Browne‑Wilkinson dans l’arrêt R. v. Secretary of State for the Home Department, [1995] 2 All E.R. 244 (H.L.), lorsqu’il disait que, sauf s’il existe un texte sans ambiguïté, les cours de justice n’ont pas à exiger qu’une loi soit appliquée. Ce serait de leur part, disait‑il, frayer trop près du domaine réservé à la compétence exclusive du Parlement. Les paragraphes 7(1) et 7(2) sont suffisamment imprécis pour que je sois dispensé de croire que ces dispositions doivent l’emporter sur le sens clairement facultatif des mots « peut, par règlement », au paragraphe 6(1) de la Loi.

 

[64]           Les questions en litige dans la présente déclaration sont « de nature essentiellement politique », dans la mesure où elles exigent un examen de la politique économique et où la réparation sollicitée obligerait le gouvernement du Canada à prendre certaines mesures visant des [traduction] « prêts sans intérêt » pour des dépenses en [traduction] « capital humain ». Quel critère juridique objectif pourrait-on appliquer pour interpréter ces dispositions lorsque les questions économiques soulevées relèvent de la politique gouvernementale? Il se peut que le COMER conteste la politique, mais la Cour n’est pas la tribune qui convient pour indiquer au gouvernement de modifier cette politique s’il n’y a pas d’impératif législatif. L’article 18 de la Loi sur la Banque est une disposition facultative dans la mesure où elle établit les attributions que la Banque « peut » exercer. Ainsi, l’exercice des attributions prévues par la Loi sur la Banque relève du choix et dépend de questions relatives à la politique gouvernementale. Il n’existe pas d’obligation de consentir des [traduction] « prêts sans intérêt pour investir dans le capital humain ».

 

[65]           À mon avis, il y a une certaine similarité entre la présente déclaration et l’affaire Ami(e)s de la Terre. Il s’agit d’une affaire « de nature essentiellement politique » qui relève du Parlement et qui, par conséquent, n’est pas justiciable. La déclaration s’échoue sur les hauts-fonds de la justiciabilité. Comme l’a signalé Lorne Sossin :

[traduction]

 

Que ce soit de manière normative ou positive, « l’à‑propos » d’une intervention judiciaire est devenu l’approximation la plus courante de la notion de justiciabilité […] Non seulement l’à-propos comporte à la fois des éléments normatifs et positifs, mais il reflète en outre une connaissance à la fois des capacités et de la légitimité du processus judiciaire […] Bien que la justiciabilité fera renvoi à un ensemble de questions variées et en constante évolution, en fin de compte, la seule chose qu’on puisse affirmer avec assurance est qu’il y aura toujours, et qu’il devrait toujours y avoir, une ligne de démarcation entre ce que les cours de justice devraient et ne devraient pas trancher, et de plus, que cette ligne de démarcation devrait correspondre à des principes prévisibles et cohérents[37].

 

[66]           Les observations écrites de la Couronne présentent succinctement la question et les problèmes associés à la déclaration :

[traduction]

 

53.       Cette absence d’obligation prévue par la loi ou la Constitution se constate à nouveau en ce qui concerne l’allégation selon laquelle les relations du Canada avec divers États et organisations internationales ont des répercussions néfastes sur l’économie canadienne. D’après la déclaration, les représentants du gouvernement sont [traduction] « à divers degrés de connaissance et d’intention, impliqués dans un complot » avec des groupes tels que la BRI, le CSF et le FMI, en vue de [traduction] « rendre inopérante la Loi sur la Banque du Canada ». Il est soutenu que de telles activités intergouvernementales constituent une violation directe et manifeste de la Loi, étant donné que [traduction] « les politiques monétaire et financière [fédérales] sont en fait, dans une large mesure, dictées par des intérêts bancaires et financiers privés étrangers ». Il est affirmé, entre autres, que cette violation alléguée découlerait de [traduction] « la perte de souveraineté sur les décisions visant l’activité bancaire, la politique monétaire, la politique économique [et] la politique sociale », ainsi que de [traduction] « l’écart sans cesse croissant entre les riches et les pauvres au Canada ».

 

54.       L’absence de critères juridiques objectifs qui permettraient de trancher les allégations est un problème qui se manifeste tout au long de la déclaration et qui touche de nombreuses questions : les activités comptables, la tenue de procès-verbaux à la BRI et au CSF, les crédits d’impôt, l’engagement social et la location d’édifices du gouvernement fédéral. De plus, la déclaration ne peut être traitée. La déclaration est si générale et si vaste qu’il n’est pas possible de cerner ses paramètres d’une manière concrète et, par conséquent, elle n’est pas gérable sur le plan judiciaire.

 

[...]

 

56.       Les demandeurs sont préoccupés par la façon dont le Canada élabore et met en œuvre la politique fiscale, la politique monétaire et la participation canadienne aux organisations internationales. Comme nous l’avons signalé, la déclaration ne porte pas sur des facettes précises des lois, mais plutôt sur des questions abstraites se rapportant à la gouvernance de la Banque du Canada et au rôle des marchés mondiaux.

 

[...]

 

62.       Les questions que les demandeurs tentent de porter en justice sont précisément du type considéré comme ne se prêtant pas à l’intervention des tribunaux canadiens. Au lieu de signaler des mesures ou politiques précises régies par la Loi, la déclaration demande à la Cour de réécrire les processus qui régissent la Banque du Canada et la participation du Canada au sein de groupes tels que la BRI, le CSF et le FMI. La déclaration demande à la Cour d’imposer au gouvernement et à la Banque du Canada les positions économiques prônées par les demandeurs.

 

63.       Les demandeurs reconnaissent qu’ils s’intéressent principalement aux politiques : [traduction] « les politiques telles que les taux d’intérêt et d’autres politiques établies par la Banque du Canada », alléguant que ces dernières sont établies [traduction] « en consultation avec » ou [traduction] « selon les directives » du CSF et des organisations connexes. De manière plus générale, les demandeurs mettent l’accent sur [traduction] « les politiques monétaire et financière » (et les [traduction] « politiques économique et sociale connexes ») qui, de l’avis des demandeurs, sont défaillantes dans la mesure où elles sont [traduction] « dictées par des intérêts bancaires et financiers privés étrangers ». Cette demande ne respecte pas les limites appropriées de l’intervention judiciaire. La question de savoir si une politique est [traduction] « fausse tant sur le plan financier qu’économique » n’en est pas une que la magistrature doit trancher; il s’agit plutôt d’une question qui incombe au gouvernement, conformément au mandat que lui a confié l’électorat.

 

[67]           Les renvois ont été omis des paragraphes ci-dessus, mais un examen des décisions citées confirme les observations[38].

 

[68]           La position du COMER selon laquelle les questions sont justiciables repose sur des arrêts tels que Chaoulli c Québec (Procureur général)[39], Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C‑B)[40], Renvoi : Loi anti-inflation[41] et Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution[42]. Tous ces arrêts sont cités à l’appui de la thèse selon laquelle les cours de justice n’ont pas hésité à se prononcer sur des questions qui mettent en jeu l’interprétation des lois ou les droits et devoirs constitutionnels. Tout ce qu’il faut pour que la Cour reçoive la déclaration, c’est que les « questions posées présentent un aspect suffisamment juridique pour justifier l’intervention des tribunaux »[43]. De plus, l’arrêt Chaouilli est cité à l’appui de la thèse selon laquelle « [r]ien dans notre régime constitutionnel ne soustrait les questions politiques au contrôle judiciaire devant une allégation de violation de la Constitution elle‑même »[44].

 

[69]           Le COMER soutient que le litige ne porte pas sur la politique socio-économique et la question de savoir si elle est juste, mais plutôt sur la question de savoir si la mise en œuvre des dispositions de la Loi sur la Banque viole ou non les droits du COMER.

 

[70]           En fin de compte, je ne suis pas convaincu que la déclaration est justiciable. La déclaration met l’accent sur des questions telles que les suivantes : la décision du ministre serait [traduction] « erronée tant sur le plan financier qu’économique » (paragraphe 21); certaines provinces reçoivent plus de prêts sans intérêt que d’autres (paragraphe 21d)); les décisions sont basées sur [traduction] « le raisonnement selon lequel de tels prêts accroîtraient les déficits annuels » (paragraphe 24); [traduction] « il est reconnu depuis longtemps que les dépenses et les investissements consacrés au capital humain sont les dépenses et les investissements les plus productifs qu’un gouvernement puisse faire », etc. Ces quelques exemples tirés de la déclaration – et il y a en a de nombreux autres – relèvent du domaine de l’élaboration des politiques, et non du domaine juridique.

 

L’autorisation de modifier

[71]           Une jurisprudence abondante de la Cour et des autres cours de justice confirme que lorsqu’une déclaration comporte des éléments d’une déclaration légitime, il ne faut pas l’écarter, mais permettre aux demandeurs de la modifier dans la mesure où il est possible de la rectifier[45].

 

[72]           À la lumière de ma conclusion que la déclaration n’est pas justiciable, une autorisation de modifier ne permettrait pas de rectifier les lacunes. Par conséquent, l’autorisation de modifier n’est pas accordée.

 

Conclusion

[73]           Ainsi, pour les motifs exposés ci-dessus, la requête est accueillie, et la déclaration est radiée sans autorisation de la modifier. Comme je l’ai signalé au début, il s’agissait d’une déclaration inédite. Dans les circonstances, il n’y a pas lieu d’adjuger de dépens.

 

 


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.                  que la demande soit radiée sans autorisation de la modifier.

 

2.                  qu’il n’y ait pas d’adjudication de dépens.

 

 

« Kevin R. Aalto »

Protonotaire

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-2010-11

 

INTITULÉ :                                      LE COMMITTEE FOR MONETARY AND ECONOMIC REFORM (« COMER ») ET AUTRES c SA MAJESTÉ LA REINE ET AUTRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 5 décembre 2012

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE AALTO

 

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 9 août 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Peter Hajecek

POUR LES DÉFENDEURS

 

David Tortell

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rocco Galati Law Firm

Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

 



[1]  LRC 1985, c B-2.

[2]  Charte canadienne des droits et libertés, art. 2, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11.

[3]  Voir Operation Dismantle c La Rein , [1985] 1 RCS 441, au paragraphe 27.

[4] Sous‑alinéa 1a)(i).

[5] Paragraphe 19.

[6] Paragraphes 44 et 46.

[7] Paragraphe 11.

[8] Sous‑alinéa 1a)(v).

[9] Paragraphe 39.

[10] Sous‑alinéa 1a)(iii).

[11] Paragraphe 47.

[12] Paragraphe 21.

[13] Paragraphe 47.

[14] Paragraphe 45.

[15] Paragraphe 1a)(ix).

[16] Paragraphe 21.

[17] Paragraphe 41.

[18]  Voir Administration portuaire de St. John’s c Adventure Tours Inc, 2011 CAF 198, au paragraphe 25.

[19]  Voir La Reine c Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 RCS 205, au paragraphe 22.

[20]  Voir Toussaint c Canada (Procureur général), 2011 CAF 213.

[21]  [1986] 1 RCS 752.

[22]  LRC 1985, c F-7.

[23]  Voir Rasmussen c Breau, [1986] 2 CF 500.

[24]  LRC 1985, c C-50.

[25]  2005 CSC 35.

[26]  Voir, par exemple, Hunt c Carey, [1990] 2 RCS 959, et Operation Dismantle, précité.

[27]  2011 CSC 42.

[28]  2011 CAF 198.

[29]  Précité, 2011 CAF 198.

[30]  Voir, par exemple, G.H.L. Fridman, Introduction to the Law of Canadian Torts, 2e éd. (Butterworths/LexisNexis, Markham, juillet 2003), à la page 185.

[31]  2011 CSC 12.

[32]  [1998] 3 RCS 157, au paragraphe 161 [souligné dans l’original].

[33]  [2000] 2 RCS 307.

[34]  [2002] 4 RCS 429, au paragraphe 213.

[35]  2013 CF 496.

[36]  Voir Ami(e)s de la Terre c Canada (Gouverneur en conseil), [2009] 3 RCF 201, au paragraphe 25; conf. par 2009 CAF 297.

[37]  Lorne M. Sossin : Boundaries of Judicial Review: The Law of Justiciability in Canada (Carswell : Toronto, 1999), aux pages 4 et 5.

[38]  Les décisions citées et examinées par la Cour incluent : Chaudhry c Canada, 2010 ONSC 6092; Ontario (Procureur général) c Fraser, [2012] 2 RCS 3; Alliance de la Fonction publique du Canada c Canada, [1987] 1 RCS 424; RJR-MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1995] 3 RCS 199; Archibald c Canada, [1997] 3 CF 335.

[39]  [2005] 1 RCS 791.

[40]  [1991] 2 RCS 525.

[41]  [1976] 2 RCS 373.

[42]  [1981] 1 RCS 753.

[43]  Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada, précité.

[44]  Précité, [2005] 1 RCS 791, au paragraphe 183.

[45]  Voir, par exemple, Collins c Sa Majesté la Reine, 2011 CAF 140, et Simon c Canada, 2011 CAF 6.

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