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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20130702

Dossier : T‑633‑11

 

Référence : 2013 CF 735

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 juillet 2013

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

JEFFREY STRINGER

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

Dossier : T‑1657‑11

 

ET ENTRE :

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

JEFFREY STRINGER

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

Dossier : T‑1669‑11

ET ENTRE :

 

JEFFREY STRINGER

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DES JUGEMENTS ET JUGEMENTS

 

 

[1]               Il s’agit des motifs des jugements et des jugements concernant trois contrôles judiciaires de trois composantes d’une seule instance sous‑jacente, soit la décision d’un arbitre (l’arbitre) de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP ou la Commission). Dans le premier contrôle judiciaire (dossier de la Cour T‑633‑11), le demandeur conteste la décision par laquelle l’arbitre a conclu que le licenciement de Jeffrey Stringer (le fonctionnaire) ne résultait pas d’un acte discriminatoire fondé sur une déficience. Dans le deuxième contrôle judiciaire (dossier de la Cour T‑1657‑11), introduit par le procureur général du Canada (le PGC), ce dernier conteste l’octroi par l’arbitre d’intérêts sur les dommages-intérêts octroyés dans le cadre de la réparation en raison du manquement à l’obligation de fournir des mesures d’adaptation. Enfin, le troisième contrôle judiciaire (dossier de la Cour T‑1669‑11) est demandé par le fonctionnaire, qui conteste le refus de l’arbitre d’ordonner la mise en œuvre de mesures de réparation systémiques pour corriger le manquement à l’obligation de fournir les mesures d’adaptation requises.

 

[2]               Dans le dossier de la Cour T‑633‑11 (le contrôle judiciaire sur le fond ou relatif au licenciement), le fonctionnaire cherche à obtenir une ordonnance qui annule la partie de la décision de l’arbitre qui rejetait le grief relatif au licenciement et demande à la Cour de maintenir le grief. Subsidiairement, le fonctionnaire demande que l’affaire soit renvoyée devant un autre arbitre pour que ce dernier rende une nouvelle décision. Les deux parties demandent que je leur adjuge les dépens.

 

[3]               Dans le dossier de la Cour T‑1657‑11 (le contrôle judiciaire relatif aux intérêts), le PGC cherche à obtenir une ordonnance annulant la partie de la décision de l’arbitre qui ordonne à l’employeur de verser des intérêts sur les sommes octroyées. Les deux parties demandent que je leur adjuge les dépens.

 

[4]               Dans le dossier de la Cour T‑1669‑11 (le contrôle judiciaire relatif aux mesures de réparation systémiques), le fonctionnaire cherche à obtenir une ordonnance qui annule la décision de l’arbitre et renvoie l’affaire à un autre arbitre du CRTFP afin qu’elle soit soumise à un nouvel examen conformément aux principes pertinents relatifs aux droits de la personne et aux directives que la Cour fournira. Les deux parties demandent que je leur adjuge les dépens.

 

Contexte

 

[5]               Le fonctionnaire, qui est malentendant depuis sa naissance, a été embauché par le ministère de la Défense nationale (l’employeur) pour une période déterminée. Sa première langue est l’American Sign Language (ASL) et l’anglais est sa langue seconde. Il peut fonctionner en anglais écrit, mais il a de la difficulté à comprendre certains termes anglais qui n’ont pas d’équivalents en ASL.

 

[6]               Le fonctionnaire est titulaire d’un diplôme de technicien en génie de la construction. Il a été embauché le 28 avril 2003 comme dessinateur à la Base des Forces canadiennes Trenton (la BFC Trenton). L’employeur savait qu’il était sourd étant donné qu’il avait été embauché dans le cadre d’un programme d’équité en matière d’emploi. Son contrat a été renouvelé huit fois sans interruption et il devait prendre fin le 28 avril 2006. Il a été licencié quatre jours avant d’avoir accumulé trois années d’emploi continu; or, il aurait obtenu à cette date le droit à un emploi pour une période indéterminée.

 

[7]               Le poste du fonctionnaire était classifié aux groupe et niveau DD‑03. Son travail à la BFC Trenton consistait à effectuer des inspections sur place, à prendre des mesures des bâtiments et des installations, à faire des dessins conformément aux critères de planification et aux normes de conception pour satisfaire aux exigences des projets, à prêter assistance pour la fourniture de services de soutien touchant les visites des lieux, à aider le personnel chargé des applications de logiciels de conception et de dessin assisté par ordinateur (CDAO), à produire les ensembles de dessins demandés par les clients, à produire des plans et des copies grand format sur des imprimantes et des photocopieuses spéciales et à mettre à jour les dessins électroniques et manuels à l’aide d’applications CDAO.

 

[8]               Au quotidien, le fonctionnaire était supervisé par Evan Hendry, un employé du groupe et du niveau DD‑05. M. Hendry relevait de Frederick Lord. M. Hendry et M. Lord ont évalué le rendement du fonctionnaire dans deux rapports. Selon le premier rapport, produit en 2004, le fonctionnaire satisfaisait à tous les critères liés à son rendement, mais il devait améliorer sa souplesse et son adaptabilité. Selon le deuxième rapport, produit en 2005, le fonctionnaire satisfaisait de nouveau à tous les critères liés à son rendement, mais il devait exprimer plus clairement par écrit les idées et l’information.

 

[9]               En janvier 2006, M. Lord a décidé de faire évaluer les aptitudes en rédaction anglaise du fonctionnaire afin de lui offrir la formation adéquate. Cette formation n’a jamais été donnée parce que le fonctionnaire a été licencié le 24 avril 2006.

 

[10]           En 2008, le fonctionnaire a postulé à un poste à la BFC Petawawa. C’est en partie à cause de références négatives en provenance de la BFC Trenton qu’il n’a pas été embauché. M. Lord a reconnu que les références fournies ne correspondaient pas au contenu des deux rapports d’évaluation du rendement.

 

[11]           Pendant la période où il a travaillé pour l’employeur, le fonctionnaire a formulé plusieurs demandes d’interprétation en ASL. En novembre 2002, il a assisté à une réunion au cours de laquelle il a été question des modalités de son embauche, mais sa demande de services d’interprétation en ASL pour lui permettre de mieux comprendre certains des documents qu’il devait signer lui avait été refusée. Le fonctionnaire a également demandé ces services afin de discuter du contenu des deux évaluations du rendement et les deux demandes ont été rejetées.

 

[12]           Des services d’interprétation lui ont été fournis lors de certaines réunions et activités de formation en 2005 et en 2006. Il était convenu que des services d’interprétation seraient fournis pour les réunions mensuelles auxquelles assisterait le fonctionnaire à compter de février 2006. La réunion du mois de février a bien eu lieu, mais celles qui étaient prévues pour les mois de mars, d’avril, de mai et de juin 2006 ont été annulées. Peu après l’avoir embauché, l’employeur a demandé au fonctionnaire d’assister à des réunions mensuelles portant sur la sécurité. En avril 2003, le fonctionnaire a demandé des services d’interprétation en ASL à ces réunions, mais il a simplement obtenu l’accès à la documentation écrite et aux vidéos. Le 28 novembre 2005, au cours d’une réunion sur la sécurité, le fonctionnaire a quitté les lieux après avoir constaté qu’il n’obtiendrait pas les services d’interprétation demandés.

 

[13]           M. Lord a déclaré qu’au moment de l’embauche du fonctionnaire, il ne savait pas que l’employeur était tenu de prendre des mesures d’adaptation et il n’avait pas lu la politique de l’employeur sur ces mesures. Il ne savait pas non plus de quelle façon obtenir les services d’un interprète en ASL, ni ce que cela supposait. Aucune discussion approfondie ne s’était déroulée avec le fonctionnaire relativement aux mesures d’adaptation. L’employeur avait fourni une certaine formation en ASL à des collègues de travail du fonctionnaire, mais cette formation était très élémentaire et les intéressés ont continué à communiquer par écrit entre eux.

 

[14]           En 2003, l’employeur a fourni au fonctionnaire un téléimprimeur et a fait installer une lumière stroboscopique pour que ce dernier soit averti en cas d’incendie; il a aussi remis au fonctionnaire une carte d’identité qu’il pouvait présenter aux autres employés lorsqu’il entrait dans un bâtiment. En 2005, M. Hendry a demandé que le fonctionnaire et lui‑même obtiennent un BlackBerry; M. Lord a déclaré que la BFC Trenton n’était pas outillée à l’époque pour échanger des messages textes, mais que des téléphones BlackBerry ont finalement été fournis en 2006. Lorsque le fonctionnaire a demandé les services d’un interprète en ASL pour l’aider à comprendre les instructions accompagnant le BlackBerry, M. Lord a refusé et lui a demandé de [traduction] « [lire] le maudit manuel ».

 

[15]           Le 16 janvier 2006, le fonctionnaire a demandé à M. Lord de le rencontrer pour parler de questions liées au travail, en présence d’un interprète. Participaient à la réunion, qui s’est déroulée le 31 janvier, le fonctionnaire, M. Lord, un représentant de l’agent négociateur, un représentant du service d’équité en matière d’emploi, un conseiller en ressources humaines et le major D. A. Scherr. Ce dernier a déclaré que la maîtrise de l’anglais était une exigence du poste du fonctionnaire et que ce dernier avait dit connaître la langue anglaise lorsqu’il avait signé son premier contrat d’emploi. Le major Scherr a recommandé au fonctionnaire de suivre des cours d’anglais dont l’employeur assumerait le coût. Lorsque le fonctionnaire a dit qu’il avait à l’occasion besoin de services d’interprétation en ASL, l’employeur a accepté de répondre à ces besoins, en déclarant toutefois estimer que les mesures d’adaptation relatives à l’équité en matière d’emploi [traduction] « ne devraient pas être des caprices ». Le major Scherr a informé le fonctionnaire qu’il fournirait des services d’interprétation en ASL pour une rencontre mensuelle, mais que cette mesure ne devait pas être considérée « comme une béquille » pour le fonctionnaire et que ce dernier devait plutôt améliorer ses aptitudes en anglais.

 

[16]           Le fonctionnaire a déclaré au cours de son témoignage qu’il s’était senti blessé et insulté et qu’il avait eu l’impression d’être victime de discrimination par suite des propos du représentant de l’employeur lors de la rencontre du 31 janvier 2006. En effet, ses aptitudes en anglais n’avaient jamais nui à son travail, mais elles faisaient soudainement problème pour l’employeur. Le fonctionnaire était convaincu qu’il n’avait pas été [traduction] « capricieux » parce qu’il avait simplement demandé les services d’un interprète et il avait eu l’impression que l’employeur [traduction] « en avait assez ». Lorsque l’employeur a comparé le recours à l’interprétation en ASL à une béquille, il a eu l’impression que le sol [traduction] « s’était effondré sous ses pieds ». Le fonctionnaire a aussi déclaré qu’il s’était senti humilié ou personnellement rabaissé lorsque l’employeur refusait de temps à autre de lui accorder des mesures d’adaptation.

 

[17]           Le fonctionnaire a déclaré au cours de son témoignage que M. Lord lui avait dit qu’il serait nommé pour une période indéterminée à l’expiration de son contrat, soit le 28 avril 2006, et qu’il n’aurait pas à poser sa candidature pour un concours. Cette déclaration était confirmée dans le compte rendu de la réunion du 31 janvier 2006.

 

[18]           Le budget de l’enveloppe des traitements et salaires (ETS) de la BFC Trenton posait problème. Selon le compte rendu d’une réunion tenue en décembre 2005, un déficit de 1,2 million de dollars était prévu pour l’exercice 2005‑2006 et les prévisions faisaient état d’un autre déficit de 1,6 million de dollars pour l’exercice 2006‑2007. Le lieutenant‑colonel Darwin Gould a alors décidé de résilier le contrat d’emploi du fonctionnaire. En effet, l’employeur ne disposait pas de fonds suffisants pour garder à son emploi tous les employés nommés pour une période déterminée et il devait établir ses priorités. Le major Scherr a informé le lieutenant‑colonel Gould que le poste du fonctionnaire ne représentait pas une grande priorité pour la BFC Trenton. Le lieutenant‑colonel Gould était d’accord et a décidé de résilier le contrat du fonctionnaire avant qu’il vienne à échéance. Il a déclaré que c’était la seule raison pour laquelle il avait décidé de résilier le contrat et que rien d’autre n’avait influencé sa décision. Il a reconnu que la période du contrat avait été raccourcie quelque peu afin d’éviter que le fonctionnaire devienne un employé nommé pour une période indéterminée et que, n’eussent été les restrictions budgétaires, le fonctionnaire aurait en fait été nommé pour une période indéterminée. Après avoir décidé que le poste du fonctionnaire n’était pas prioritaire, l’employeur n’a pas essayé de lui trouver un autre poste.

 

[19]           Le fonctionnaire a présenté des éléments de preuve établissant que deux employés embauchés dans le cadre de l’équité en matière d’emploi avaient été nommés pour une période indéterminée à peu près au moment où son contrat avait été résilié; l’un d’entre eux occupait un poste classifié AS‑04 et l’autre, un poste classifié CR‑04.

 

[20]           L’employeur a déposé en preuve des éléments qui démontraient l’insuffisance de son ETS. Le lieutenant‑colonel Gould a expliqué que le 2 juin 2005 une cote avait été attribuée à des postes occasionnels et à des postes à durée déterminée en fonction des priorités du service. La cote oscillait entre 750 et 175. Une cote de 350 avait été accordée au poste du fonctionnaire. Aucune preuve n’a été produite au sujet de ce qui était arrivé aux titulaires des postes auxquels une cote de 350 points ou inférieure avait été attribuée.

 

[21]           Le fonctionnaire a déposé en preuve une liste de postes vacants en 2006 à la BFC Trenton sur laquelle figuraient les noms des employés embauchés en vue de pourvoir les postes vacants de même que les dates d’embauche. La liste comprenait deux postes classifiés DD‑04, mais il n’était pas précisé si ces derniers étaient pourvus ou vacants.

 

[22]           Le fonctionnaire a aussi présenté en preuve deux affiches de Service Canada qui annonçaient des emplois à Adecco, une agence de placement qui fournissait périodiquement du personnel à la BFC Trenton. La première annonçait un poste de dessinateur et contenait le résumé d’une description de travail très semblable à celle du poste du fonctionnaire. La seconde annonçait deux postes d’ingénieurs arpenteurs et la description sommaire du travail était partiellement comparable à celle du travail lié au poste qu’occupait le fonctionnaire. La date de clôture indiquée pour les demandes d’emploi qui figuraient sur les deux affiches était en 2007.

 

[23]           Le fonctionnaire a aussi présenté en preuve une affiche sur laquelle était annoncé un poste de technologue des systèmes d’information géographique (SIG), classifié EG‑03, à la BFC Trenton. L’annonce ne contenait aucune date de clôture, mais elle avait été mise à jour le 9 juin 2008. Dans ce cas, il y avait d’importantes différences entre le poste à pourvoir et le poste du fonctionnaire. Ce dernier a aussi soumis en preuve une liste de postes d’ingénieurs civils annoncés ou affichés entre 2001 et 2009 aux écoles d’architecture et de sciences des bâtiments du Loyalist College. La liste comprenait un poste de dessinateur, un poste de technicien en SIG et un poste de technicien en GPS (système de positionnement global) à la BFC Trenton.

 

[24]           Pendant que le fonctionnaire travaillait comme dessinateur, l’employeur a embauché deux autres dessinateurs d’Adecco pour faire le même travail que lui, l’un d’octobre 2005 à février 2006 et l’autre de février 2006 à avril 2006.

 

[25]           M. Lord a déclaré que personne n’avait été embauché pour remplacer le fonctionnaire après le licenciement de ce dernier en avril 2006. En effet, le poste était resté vacant. Le travail qu’il faisait avant 2006 n’est pas disparu; il s’était simplement accumulé. Lorsqu’un besoin urgent de mettre à jour des mesures, des plans de bâtiments ou des dessins se faisait sentir, le travail était effectué par d’autres employés qui possédaient les aptitudes requises.

 

Décision sur le fond

 

[26]           Dans sa décision, publiée sous la référence 2011 CRTFP 33, datée du 14 mars 2011, l’arbitre a commencé par souligner que le seul grief présenté par le fonctionnaire avait été renvoyé deux fois à l’arbitrage en vertu de deux dispositions différentes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 22, art. 2 (la LRTFP) : la première fois, pour violation de la clause de la convention collective interdisant la discrimination et la seconde, à titre de grief portant sur un licenciement en application du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la LRTFP. Les deux renvois à l’arbitrage ont été reçus à la Commission le 3 mars 2008. La Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) avait été informée des affaires en question, mais n’avait pas présenté d’observations.

 

[27]           L’arbitre a résumé la preuve au dossier; elle a été décrite en bonne partie dans la section précédente des présents motifs. L’arbitre a ensuite résumé les observations des deux parties. Le fonctionnaire allègue que l’employeur avait omis de lui fournir les mesures d’adaptation nécessaires et que la discrimination avait joué un rôle dans son licenciement. De son côté, l’employeur affirmait avoir agi de bonne foi et avoir fourni plusieurs mesures d’adaptation au fonctionnaire au cours de sa période d’emploi, ajoutant que son licenciement s’expliquait par des contraintes budgétaires.

 

[28]           L’arbitre a décrit comme suit les deux questions à trancher : 1) l’employeur a‑t‑il violé la clause de non‑discrimination de la convention collective en agissant de façon discriminatoire contre le fonctionnaire; 2) le licenciement était‑il légal?

 

[29]           En ce qui concerne la première question, l’employeur avait soutenu que les arbitres de la Commission ne possédaient aucune compétence sur des violations présumées des droits de la personne survenues avant l’entrée en vigueur de la LRTFP le 1er avril 2005. Cependant, l’arbitre a estimé qu’en raison de l’existence de la clause de non‑discrimination dans la convention collective antérieure, qui régissait l’emploi du fonctionnaire à partir du jour de son embauche, l’arbitre avait le pouvoir d’établir si cette clause avait été violée. L’arbitre a aussi établi que même si, selon la convention collective, un grief devait être déposé 25 jours après que le fonctionnaire eut pris connaissance de l’action contestée, la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 (la LCDP) ne comportait aucune limite de cette nature et qu’il était tenu d’interpréter la LCDP parallèlement à la convention collective.

 

[30]           L’arbitre a admis d’office que la malentendance est une déficience au sens de la LCDP et de la convention collective et que l’employeur était tenu de prendre des mesures raisonnables d’adaptation pour pallier ces limites professionnelles, sauf contrainte excessive. L’employeur savait que le fonctionnaire était malentendant; par conséquent, lorsque ce dernier demandait des mesures d’adaptation et que l’employeur les refusait, c’est à ce dernier qu’il incombait de prouver l’existence d’une contrainte excessive.

 

[31]           L’arbitre a conclu que l’employeur avait agi de façon discriminatoire envers le fonctionnaire. Les demandes relatives à des mesures d’adaptation avaient été formulées d’avance et elles étaient légitimes. L’employeur n’a pas présenté d’éléments de preuve selon lesquels la prestation de services d’interprétation aurait constitué une contrainte excessive et l’arbitre était convaincu que l’employeur aurait pu assumer des coûts d’interprétation de 40 $ à 50 $ l’heure. Le fonctionnaire a été empêché de participer pleinement aux activités liées à son travail et il n’a pas été traité avec dignité comme il avait le droit de l’être.

 

[32]           L’arbitre n’a pas réussi à savoir avec certitude si les préoccupations de l’employeur en 2006 étaient véritablement motivées par le degré de compétence du fonctionnaire en anglais ni quel était le degré de maîtrise de l’anglais que l’employeur aurait jugé acceptable. Le fonctionnaire satisfaisait entièrement aux exigences de son poste, mais l’employeur a décidé d’exiger plus de sa part afin de réduire le fardeau des mesures d’adaptation. Cette attitude était « fondamentalement inacceptable ». De plus, l’utilisation d’expressions comme [traduction] « ne devraient pas être des caprices » ou être considéré [traduction] « comme une béquille » était tout à fait inacceptable dans le cadre d’une demande de mesures d’adaptation.

 

[33]           De façon générale, l’arbitre a conclu que l’employeur ne s’était pas non plus acquitté de son obligation de mettre en œuvre des mesures d’adaptation en n’offrant pas de formation, de conseils ou d’aide à ses gestionnaires de la BFC Trenton sur ce qui devait être fait, sur la façon de le faire et sur les endroits où s’adresser pour obtenir de l’aide afin d’offrir les mesures d’adaptation nécessaires au fonctionnaire. L’arbitre était presque certain que le fonctionnaire n’était pas la première personne malentendante embauchée par l’employeur. En effet, le fonctionnaire avait été embauché dans le cadre de programmes d’équité en matière d’emploi. L’arbitre a souligné qu’il n’était pas anormal que M. Lord n’ait pas su de façon détaillée de quelle façon fournir les mesures d’adaptation nécessaires. Cependant, il était anormal qu’aucun spécialiste des services d’équité en matière d’emploi ou des ressources humaines de l’employeur n’ait été dépêché pour former, sensibiliser, éduquer et aider M. Lord et le major Scherr afin qu’ils puissent s’acquitter de leur obligation de prendre des mesures d’adaptation au profit du fonctionnaire en leur faisant comprendre ce que leur obligation supposait et signifiait, ce qui aurait pu faire une grande différence.

 

[34]           L’arbitre est ensuite passé à la question de savoir si la décision de l’employeur de licencier le fonctionnaire était discriminatoire. À son avis, même s’il avait déjà conclu que l’employeur avait agi de façon discriminatoire envers le fonctionnaire au cours de la période d’emploi de ce dernier, la preuve présentée à l’audience l’amenait à conclure que la décision de le licencier était fondée exclusivement sur des raisons financières.

 

[35]           En effet, l’arbitre a conclu que, de toute évidence, l’employeur avait promis au fonctionnaire qu’il serait nommé pour une période indéterminée et qu’il n’avait pas tenu sa promesse. Cependant, même si cette attitude pourrait être jugée immorale, il ne s’agit pas d’une preuve de discrimination ou d’action illégale.

 

[36]           L’employeur savait depuis 2005 que le budget ETS faisait problème. En effet, en juin 2005, l’employeur avait attribué une cote à chaque poste; celui du fonctionnaire avait obtenu 350 points, ce qui n’équivalait pas à une priorité élevée. L’arbitre a repris le fil des événements qui ont mené au licenciement du fonctionnaire de même que le témoignage du lieutenant‑colonel Gould relatif à cette décision. L’arbitre a souligné que le poste était demeuré vacant après le licenciement du fonctionnaire. Les affiches annonçant des postes déposées en preuve par le fonctionnaire ne concernaient pas des postes classifiés DD‑03 et ne visaient pas les tâches effectuées par le fonctionnaire. Ce dernier a soutenu dans ses observations que M. Lord avait déclaré avoir amorcé un processus pour remplacer le fonctionnaire, mais l’arbitre n’a pas entendu M. Lord le lui dire. Même si ce dernier avait déclaré qu’en juillet 2010 il était en train de remplacer le fonctionnaire, l’arbitre n’en aurait pas pour autant déduit que le licenciement était illégal. En effet, les besoins de l’employeur de même que son budget ETS auraient pu évoluer sur une période de quatre ans.

 

[37]           L’arbitre a conclu que la preuve produite à l’audience l’avait amené à croire que l’employeur n’avait rien fait d’illégal en résiliant le contrat du fonctionnaire. Il comprenait pour quelles raisons ce dernier estimait que le comportement de l’employeur était injuste, mais il n’a pas cru que la discrimination avait joué un rôle dans la décision de le licencier.

 

[38]           L’arbitre a accueilli le grief en partie, a conclu que l’employeur avait agi de façon discriminatoire envers le fonctionnaire à plusieurs occasions et il a donné 60 jours aux parties pour s’entendre sur les mesures de réparation appropriées. Il annonçait qu’une audience aurait lieu si les parties ne réussissaient pas à s’entendre. La partie du grief relative au licenciement était rejetée.

 

Questions concernant le contrôle judiciaire quant au fond

 

[39]           Le fonctionnaire, le demandeur dans la présente demande de contrôle judiciaire, soulève les questions suivantes :

            [traduction]

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

            2.         L’arbitre a‑t‑il commis une erreur de droit en appliquant incorrectement les principes pertinents relatifs aux droits de la personne afin d’établir si l’employeur avait licencié M. Stringer pour des motifs discriminatoires?

 

[40]           Je reformulerais les questions qui précèdent comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

            2.         La décision de l’arbitre relative au licenciement était‑elle déraisonnable?

 

Observations écrites du fonctionnaire concernant le contrôle judiciaire quant au fond

 

[41]           Le fonctionnaire fait valoir que, selon la Cour suprême, la norme de contrôle doit être établie premièrement en fonction de la jurisprudence existante : on ne procède à une analyse des facteurs pertinents que lorsque les tribunaux n’ont pas défini la norme applicable à la question en litige. La Cour a statué que l’approche juridique utilisée par le Tribunal canadien des droits de la personne (le TCDP) pour décider si un employeur a pris des mesures d’adaptation relativement à la déficience d’un plaignant est une question de droit dont le contrôle est effectué selon la norme de la décision correcte. Même s’il existe un contexte factuel, la composante juridique est distincte. L’arbitre devait prendre en compte les principes pertinents du domaine des droits de la personne.

 

[42]           Le fonctionnaire soutient que même si la LRTFP est dotée d’une clause privative et que son objet législatif sous‑jacent est de régler efficacement les différends en milieu de travail, la question de droit en cause entraîne l’application de dispositions législatives sur les droits de la personne qui ont un caractère constitutionnel; par conséquent, elle possède une valeur jurisprudentielle qui dépasse le régime de relations de travail fédéral. Étant donné que la LRTFP confère à la CCDP qualité pour agir, on peut présumer que les arbitres ne possèdent pas toute l’expertise nécessaire et qu’ils sont assujettis à la surveillance publique. Ce n’est que tout récemment que les arbitres ont obtenu le pouvoir d’interpréter et d’appliquer des dispositions législatives en matière de droits de la personne, et les questions qui touchent les droits de la personne dépassent la portée de leur loi habilitante, qui concerne les relations de travail.

 

[43]           Selon le fonctionnaire, l’arbitre n’a pas appliqué les principes pertinents relatifs aux droits de la personne. Comme la preuve directe de discrimination est difficile à obtenir, la jurisprudence relative aux droits de la personne a élaboré un cadre juridique qui permet d’évaluer la preuve dans tout son contexte.

 

[44]           Il incombe d’abord au plaignant d’établir l’existence à première vue d’actes discriminatoires lorsque les allégations formulées sont suffisamment sérieuses, s’il leur est ajouté foi, pour justifier un verdict en faveur du plaignant dans les cas où l’employeur n’offre aucune réponse. Il revient ensuite à l’employeur de donner une explication raisonnable. En fin de compte, c’est au plaignant qu’il incombe de démontrer que l’explication de l’employeur n’était qu’un prétexte et que l’action de l’employeur avait une composante discriminatoire.

 

[45]           Le tribunal doit tenir compte de toutes les circonstances pour déceler s’il existe ou non de subtiles odeurs de discrimination. L’intention n’est pas un élément nécessaire de la démonstration de l’existence d’une discrimination. Pour qu’une conclusion de discrimination soit tirée, il suffit que la discrimination ne soit qu’un des facteurs qui a influencé les actions de l’employeur. Les raisons données par un employeur pour justifier une action donnée, même si elles sont confirmées par la preuve, ne sont jamais suffisantes pour entraîner le rejet d’une plainte de discrimination. Même si des motifs financiers sont considérés comme un motif de congédiement, il est tout à fait possible qu’un élément de discrimination ait influencé la décision. L’arbitre n’a pas cherché à savoir si d’autres motifs avaient pu être à l’origine du licenciement.

 

[46]           L’arbitre a conclu que M. Lord et le major Scherr avaient tous les deux agi de façon discriminatoire envers le fonctionnaire, mais il n’a pas cherché à savoir dans quelle mesure le lieutenant‑colonel Gould avait influencé la décision de procéder au licenciement. Les préoccupations à caractère financier mentionnées par le lieutenant‑colonel Gould sont à distinguer de l’information utilisée pour établir si le poste occupé par le fonctionnaire était prioritaire. L’arbitre s’est appuyé sur l’aspect financier sans jamais chercher à savoir si la décision relative à la cote de priorité du poste avait été influencée par des motifs discriminatoires.

 

[47]           L’arbitre a conclu que le major Scherr avait formulé la recommandation relative au licenciement peu de temps après avoir toléré les comportements discriminatoires à l’égard du fonctionnaire et y avoir participé lui‑même. Il n’a fait aucun effort pour établir un lien entre ces événements. Le fonctionnaire a invité l’arbitre à tirer une inférence négative du défaut de l’employeur d’appeler le major Scherr comme témoin. Or, c’est le conseil qu’il avait donné au lieutenant‑colonel Gould qui constituait le fondement du licenciement. Son témoignage aurait été capital parce qu’il aurait permis d’expliquer les motifs du licenciement; en effet, le lieutenant‑colonel Gould ne pouvait se rappeler que quelques détails seulement. M. Lord avait de toute évidence fait preuve d’intolérance à l’égard du fonctionnaire à cause de la déficience de ce dernier, notamment par des commentaires négatifs, des évaluations du rendement peu flatteuses et la communication de références incorrectes après la cessation de l’emploi. L’arbitre s’est donc contenté, à tort, d’examiner isolément la décision du lieutenant‑colonel Gould.

 

[48]           Le fonctionnaire a soutenu que l’arbitre devait prendre en compte tous les éléments de preuve pour décider si, dans les circonstances, l’explication fournie n’était qu’un prétexte. Or, il n’y a pas eu une telle analyse. S’il l’avait faite, l’arbitre aurait été alerté par le fait que l’employeur soutenait que le fonctionnaire avait été embauché pour un projet bien précis alors qu’à l’audience, il n’avait présenté que des éléments de preuve concernant l’existence de contraintes budgétaires.

 

[49]           Après avoir appris l’existence des problèmes financiers en question, l’employeur avait promis au fonctionnaire qu’il serait embauché pour une période indéterminée. Tout portait donc le fonctionnaire à croire qu’il ne serait pas touché par les problèmes financiers. Or, l’employeur a par la suite invoqué ces problèmes, ce qui constitue un exemple classique de recours à un prétexte. Le fonctionnaire a d’abord été embauché pour des facteurs liés à l’équité en matière d’emploi et d’autres personnes qui occupaient des postes de même niveau prioritaire ont été embauchées pour une période indéterminée alors que cet avantage a été refusé au fonctionnaire, sans justification.

 

[50]           À la réunion du 31 janvier 2006, il a été décidé que le fonctionnaire devrait suivre une formation en langue anglaise avant la fin de 2006. Ce projet est incompatible avec un licenciement fondé sur la compression des dépenses. Aucune explication n’a été donnée pour justifier le fait que la direction ait commencé à critiquer le rendement du fonctionnaire après huit renouvellements de contrat. L’arbitre n’a pas abordé ces questions.

 

[51]           Les tâches qu’effectuait le fonctionnaire demeuraient nécessaires et elles ont été assumées par d’autres personnes après le licenciement. Selon la documentation de l’employeur, le poste en question est important, une constatation qui ne correspond pas à la faible priorité qui lui était accordée. En contre‑interrogatoire, M. Lord hésitait à dévoiler l’éventail complet des tâches du fonctionnaire. L’arbitre a pris note des offres d’emploi, mais il n’a fait état d’aucun des autres éléments de preuve selon lesquels ces tâches étaient encore effectuées après le licenciement.

 

[52]           Dans ses observations, le fonctionnaire a soutenu que M. Lord avait déclaré que l’employeur était sur le point de combler son poste au moment de l’audience. Même si le PGC a déposé un affidavit affirmant le contraire, la façon elle‑même par laquelle l’arbitre a géré ce différend sur le plan de la preuve illustre bien que l’approche qu’il a utilisée pour aborder la discrimination alléguée n’était pas appropriée. Le simple fait que l’arbitre ait établi que même si le poste avait été pourvu en 2010, le licenciement n’avait pas été discriminatoire, révèle que l’arbitre cherchait uniquement une preuve directe plutôt que des subtiles odeurs de discrimination. Cette approche viciée justifie l’intervention de la Cour.

 

Observations écrites du procureur général du Canada concernant le contrôle judiciaire quant au fond

 

[53]           Le PGC soutient que la norme de la décision raisonnable est celle qui s’applique en l’espèce, et ce, pour deux raisons. Premièrement, la Cour suprême a clairement indiqué que la norme de la décision raisonnable est celle qui convient pour les questions de fait et les questions traitant d’aspects juridiques qui ne peuvent pas être isolées facilement des questions de fait.

 

[54]           Deuxièmement, si une analyse relative à la norme de contrôle était effectuée, c’est la norme de la décision raisonnable qui serait choisie. En effet, l’article 223 de la LRTFP contient une clause privative. L’objet de la LRTFP est de faciliter le règlement des conflits de travail de façon rapide, peu coûteuse et plutôt informelle. Les règlements des différends dans la fonction publique sont de nature polycentrique. Une conclusion de discrimination est une question mixte de fait et de droit et non une question véritable question de compétence ou une question d’importance capitale pour le système juridique, qui serait étrangère à l’expertise de la Commission. La décision de l’arbitre était fondée sur sa conclusion de fait. Les relations de travail constituent un régime administratif distinct et particulier à l’intérieur duquel le décideur possède une expertise unique. De plus, le législateur a confié aux arbitres de la Commission le pouvoir de juger de l’existence d’actes discriminatoires.

 

[55]           L’interprétation que fait un conseil d’arbitrage en matière de relations de travail de dispositions législatives étrangères à sa loi habilitante appelle la déférence lorsque lesdites dispositions législatives sont intimement liées au mandat du tribunal et qu’il doit se prononcer fréquemment à ce sujet. La LCDP est liée de près au mandat et aux fonctions attribués à la Commission en vertu de la LRTFP. La question en cause en l’espèce, soit la discrimination, en est une que l’arbitre connaît à fond et qui relève de son expertise. La qualité pour agir de la CCDP n’enlève rien à l’expertise de l’arbitre; de la même façon, nous ne pourrions pas dire que le Tribunal de la dotation de la fonction publique ne possède pas d’expertise dans le domaine de l’emploi simplement parce que la Commission de la fonction publique a qualité pour agir dans le cadre de l’arbitrage.

 

[56]           Le PGC soutient que l’arbitre a tenu compte de tous les éléments de preuve, directs et indirects. Le fonctionnaire n’avait pas présenté d’éléments de preuve convaincants selon lesquels l’explication donnée pour justifier le licenciement était un simple prétexte qui masquait des actes discriminatoires. L’arbitre a appliqué correctement le bon critère juridique et les principes juridiques pertinents, même s’il n’était pas d’accord avec la description que faisait de la preuve le fonctionnaire.

 

[57]           Le lieutenant‑colonel Gould a fourni un témoignage détaillé sur les contraintes financières à la BFC Trenton. La BFC devait montrer aux autorités qu’elle réduisait son déficit. En effet, bien d’autres contrats de travail que celui du fonctionnaire n’ont pas été renouvelés par suite des efforts de réduction des dépenses et de la révision des priorités. Il savait qu’il devait éviter la transformation des postes à durée déterminée en postes à durée indéterminée à cause de l’important déficit de la BFC. L’arbitre a conclu de façon raisonnable que la décision du licenciement ne reposait pas sur des motifs discriminatoires.

 

[58]           Le poste du fonctionnaire n’était pas essentiel. Ce dernier n’a pas été remplacé étant donné que le poste qu’il occupait avait été supprimé et qu’il n’existe plus. Le travail que le fonctionnaire effectuait avant 2006 avait simplement été attribué à d’autres employés qui s’en chargeaient au besoin. L’arbitre a conclu qu’aucun des affichages de postes vacants soumis en preuve par le fonctionnaire ne correspondait à la classification DD‑03 ou englobait les tâches qu’effectuait le fonctionnaire. Les fonds qui permettaient de financer les postes occasionnels d’employés d’Adecco provenaient du compte d’exploitation et non du budget ETS. L’arbitre s’est inscrit en faux à l’égard de l’assertion du fonctionnaire selon laquelle M. Lord cherchait à remplacer le fonctionnaire et a souligné que même si cela avait été vrai, le licenciement n’en aurait pas pour autant été illégal.

 

[59]           Le PGC rejette l’argument du fonctionnaire selon lequel l’arbitre n’a pas pris en compte correctement les autres explications possibles qui démontreraient l’existence de motifs discriminatoires. L’arbitre a abordé la question de la promesse d’obtention d’un poste à durée indéterminée. Le fonctionnaire a formulé à l’audience des observations sur d’autres explications possibles et le fait que l’arbitre n’en a pas fait état dans ses motifs écrits ne signifie pas qu’il ne les a pas examinées. Il ressort maintenant de la lecture de l’ensemble des motifs de l’arbitre qu’il saisissait très bien la question en jeu et qu’il a rendu une décision qui fait partie des issues possibles acceptables au regard du fait et du droit.

 

[60]           Le PGC n’est pas d’accord avec l’affirmation du fonctionnaire selon laquelle si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, l’affaire peut être renvoyée à un autre arbitre. En effet, il n’y a pas eu d’accusation de partialité et les décideurs sont réputés intègres et impartiaux. Le PGC soutient donc que si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, l’affaire doit être renvoyée au même arbitre.

 

Analyse du contrôle judiciaire quant au fond

 

[61]           Question en litige no 1

      Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

            Lorsque la norme de contrôle applicable à une question donnée a été établie dans la jurisprudence antérieure, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

 

[62]           Le demandeur se fonde sur des décisions dans lesquelles la présente Cour et la Cour d’appel fédérale affirment que la norme de la décision correcte peut être appropriée pour contrôler l’approche juridique suivie dans des décisions relatives aux droits de la personne. Je pense que ces décisions ont maintenant été supplantées par l’arrêt de la Cour suprême Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] 3 RCS 471 (Mowat).

 

[63]           Dans cet arrêt, le juge Louis LeBel et le juge Thomas Cromwell ont reconnu que, historiquement, les cours avaient contrôlé les interprétations de la loi effectuées par les tribunaux des droits de la personne selon la norme de la décision correcte, comme l’a fait remarquer le demandeur en l’espèce (au paragraphe 19) :

les juridictions de révision ne se montrent pas déférentes envers les tribunaux des droits de la personne appelés à trancher des questions de droit. À leur avis, l’expertise relative de ces tribunaux administratifs demeure minime, et les régimes qu’ils administrent ne sont pas particulièrement complexes.

 

 

[64]           La Cour poursuivait en reconnaissant l’existence d’une tension entre l’approche antérieure et les directives qu’elle donnait dans l’arrêt Dunsmuir, précité, soit qu’il faut faire preuve de déférence à l’égard des tribunaux administratifs, même en ce qui concerne de nombreuses questions de droit (au paragraphe 21). Finalement, la Cour a conclu que la norme de la décision raisonnable était la norme de contrôle appropriée pour l’analyse de la question de droit de savoir si le TCDP pouvait adjuger des dépens (aux paragraphes 24, 25 et 27) :

24. …En somme, lorsqu’il s’agit d’interpréter et d’appliquer sa propre loi, dans son domaine d’expertise et sans que soit soulevée une question de droit générale, la norme de la décision raisonnable s’applique habituellement, et le Tribunal a droit à la déférence.

 

25.       La question des dépens constitue une question de droit qui relève essentiellement du mandat et de l’expertise du Tribunal liés à l’interprétation et à l’application de sa loi constitutive [...]. La détermination des dépenses engagées par la plaignante à cause de l’acte discriminatoire dont elle a été victime demeure inextricablement liée au mandat du Tribunal et à sa compétence spécialisée qui lui permettent de tirer des conclusions de fait au chapitre de la discrimination… On ne saurait dire non plus de la décision d’accorder ou non des dépens dans le cadre de cette indemnisation, ni de la détermination de leur montant, qu’elles mettraient en péril le système juridique, et ce, même si une juridiction de révision concluait que la décision est erronée.

 

[…]

 

27.       En résumé, la question de savoir si le Tribunal peut adjuger des dépens dans le cadre de l’indemnisation qu’il ordonne ne représente ni une question de compétence ni une question de droit d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, étrangère au domaine d’expertise du Tribunal au sens de l’arrêt Dunsmuir. La décision du Tribunal d’adjuger des dépens à la plaignante, après que celle‑ci eut obtenu gain de cause, est par conséquent susceptible de contrôle judiciaire au regard de la norme de la décision raisonnable.

 

 

[65]           À mon avis, cette analyse s’applique aussi en l’espèce. Pour savoir si le licenciement du fonctionnaire était discriminatoire, il faut appliquer des dispositions législatives sur les droits de la personne à un contexte factuel particulier. Il ne s’agit pas d’une véritable question de compétence ni d’une question de droit d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble; elle n’est pas non plus étrangère au domaine d’expertise de l’arbitre. La norme de contrôle en l’espèce est donc celle de la décision raisonnable.

 

[66]           Le fonctionnaire invoque le fait que la LCDP n’est pas la loi habilitante de l’arbitre pour démontrer que la question de la discrimination n’appartient pas à son domaine d’expertise. Cependant, comme le fonctionnaire le souligne dans ses observations sur la compétence de l’arbitre en matière de réparations dont il sera fait état ci‑après, le législateur a jugé bon dans la LRTFP de confier aux arbitres l’application des dispositions de la LCDP pour les griefs dans le domaine des relations de travail. La discrimination fait donc clairement partie du domaine d’expertise des arbitres de griefs. Je souligne aussi que la Cour suprême a conclu ce qui suit dans l’arrêt Dunsmuir, précité : « Lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il possède une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise … » (au paragraphe 54, non souligné dans l’original). La LCDP est étroitement liée au mandat des arbitres de la Commission étant donné que ces derniers ont le pouvoir de l’appliquer dans les procédures de grief.

 

[67]           Lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision de l’arbitre en appliquant la norme de la raisonnabilité, la Cour ne doit intervenir que si l’arbitre a tiré une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et qui n’appartient pas aux issues acceptables, vu la preuve qui lui avait été présentée (voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; et Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59. Comme l’a établi la Cour suprême dans l’arrêt Khosa, précité, il n’appartient pas à la cour de révision de substituer la solution qu’elle juge elle‑même appropriée à celle qui a été retenue (paragraphe 59); il n’entre pas non plus dans ses attributions de soupeser à nouveau les éléments de preuve.

 

[68]           Question en litige no 2

      La décision de l’arbitre relative au licenciement était‑elle déraisonnable?

            Je suis d’accord avec l’observation du fonctionnaire selon laquelle les conclusions de l’arbitre quant aux contraintes financières de l’employeur, aussi manifestes puissent‑elles être, ne fournissent pas une réponse complète à l’accusation de licenciement discriminatoire. En effet, ces contraintes peuvent expliquer légitimement les licenciements dans leur ensemble, mais elles ne rendent pas vraiment compte du licenciement du fonctionnaire. Il faut vérifier s’il y avait une intention discriminatoire derrière la décision d’accorder une priorité peu élevée au poste occupé par le fonctionnaire; sinon, le besoin légitime de procéder à certains licenciements pourrait masquer un motif qui serait particulièrement illégitime.

 

[69]           En l’espèce, le fonctionnaire a soutenu devant l’arbitre que le degré de priorité de son poste dans le contexte des contraintes fiscales avait été fixé en partie par M. Lord et le major Scherr, deux personnes qui avaient eu un rôle à jouer dans le défaut de fournir des mesures d’adaptation au fonctionnaire et qui avaient formulé des commentaires discriminatoires à son endroit. Le fonctionnaire a aussi soutenu qu’au moment de son licenciement, d’autres employés occupant des postes non prioritaires avaient été embauchés pour une période indéterminée à cause de considérations liées à l’équité en matière d’emploi, différence de traitement que l’employeur n’a pas expliquée.

 

[70]           Dans les six paragraphes consacrés à la question du licenciement discriminatoire, l’arbitre n’a examiné aucune de ces allégations. En effet, il a simplement indiqué qu’il croyait le témoignage du lieutenant‑colonel Gould selon lequel le seul motif du licenciement du fonctionnaire était que le poste de ce dernier n’était pas prioritaire à la BFC Trenton.

 

[71]           Cette conclusion fait abstraction du fait que la faible priorité accordée au poste du fonctionnaire n’avait pas été fixée uniquement par le lieutenant‑colonel Gould. En effet, dans un autre passage de ses motifs, l’arbitre expliquait que le major Scherr avait informé le lieutenant‑colonel Gould que le poste de fonctionnaire n’était pas prioritaire et que le lieutenant‑colonel Gould avait souscrit à cette opinion (décision sur le fond, au paragraphe 40). Par conséquent, en estimant que l’intention du lieutenant‑colonel Gould était dénuée de toute discrimination, l’arbitre n’a pas cherché à savoir si les renseignements sur lesquels le lieutenant‑colonel Gould s’était appuyé avaient été influencés par une attitude discriminatoire de son subordonné, qui avait joué un rôle dans le traitement discriminatoire antérieur du fonctionnaire et qui n’a pas témoigné dans la présente affaire.

 

[72]           Je reconnais que le dossier présenté à l’arbitre dans la présente était étoffé et que les tribunaux ne sont pas tenus d’aborder chacun des arguments soulevés par les parties; cependant, le processus qui a débouché sur le licenciement du fonctionnaire est le différend factuel principal en cause dans la portion du grief que nous analysons actuellement. Le défaut d’analyser les allégations du fonctionnaire à cet égard constitue une omission qui revêt un caractère déraisonnable. Malgré la retenue qui s’impose dans les circonstances, il faut admettre que l’arbitre a commis une erreur en rendant sa décision uniquement en fonction de l’argument des contraintes financières et sans se prononcer sur les raisons pour lesquelles c’est le fonctionnaire qui a été victime de ces contraintes.

 

[73]           J’accueillerais donc la demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour T‑633‑11. Il ne s’agit pas d’une affaire où il convient que la Cour ordonne un résultat particulier, étant donné la complexité du dossier et le fait que l’arbitre a entendu lui‑même les témoignages de vive voix. Je renverrais donc la question du licenciement pour qu’une nouvelle décision soit rendue. Je reconnais avec le PGC que rien ne justifie que l’affaire soit tranchée par un autre arbitre. Je confirmerais aussi la validité de la conclusion de l’arbitre sur la question du défaut de fournir des mesures d’adaptation étant donné qu’aucune des parties n’a demandé que la décision de l’arbitre soit maintenue dans son intégralité ou complètement annulée.

 

Décision relative aux mesures de réparation

 

[74]           Le 9 septembre 2011, l’arbitre a rendu dans la présente affaire une décision sur les mesures de réparation, dont la référence est 2011 CRTFP 110. L’arbitre y explique qu’une date d’audience avait été fixée au 10 août 2011 étant donné que les parties ne s’étaient pas entendues au sujet des mesures de réparation. L’arbitre résumait ensuite les conclusions qu’il a tirées dans la décision sur le fond.

 

[75]           L’arbitre a ensuite résumé les observations des parties relatives aux mesures de réparation. Le fonctionnaire demandait 17 500 $ à titre de dommages généraux pour le préjudice moral subi de même que 17 500 $ à titre d’indemnité spéciale. Il réclamait aussi le remboursement des frais de counseling familial qu’il avait dû assumer, mais il n’a produit aucun reçu ni aucune pièce justificative pour justifier ces dépenses. Le fonctionnaire demandait également une série de mesures de réparation systémiques pour éviter la répétition d’actes discriminatoires de cette nature à l’avenir; il souhaitait aussi que l’arbitre demeure saisi de l’affaire afin d’effectuer le suivi de la mise en œuvre par l’employeur des mesures de réparation. Le fonctionnaire faisait valoir que l’arbitre disposait de toute la compétence nécessaire pour ordonner des mesures de réparation systémiques en vertu du paragraphe 226(1) de la LRTFP.

 

[76]           De son côté, l’employeur estimait qu’il devait verser une somme de 6 000 $ au fonctionnaire. Il soutenait qu’en établissant le montant de l’indemnité à verser, l’arbitre devait tenir compte du fait que le fonctionnaire n’avait produit aucune preuve médicale à l’appui de sa réclamation. L’employeur soutenait qu’il n’avait pas complètement refusé de fournir des mesures d’adaptation au fonctionnaire, mais qu’il avait plutôt enregistré certains manquements à quelques occasions. En effet, selon l’employeur, l’octroi d’une indemnité spéciale est justifié uniquement si l’employeur a agi de façon délibérée ou inconsidérée, ce qui, a‑t‑il soutenu, n’était pas le cas en l’espèce. L’employeur a réitéré ses arguments quant à la compétence de l’arbitre à l’égard d’événements antérieurs à l’entrée en vigueur de la LRTFP, dont il a été traité dans la décision sur le fond.

 

[77]           L’employeur a soutenu que l’arbitre n’avait pas compétence aux termes du paragraphe 226(1) de la LRTFP pour ordonner la mise en œuvre de mesures de réparation systémiques. En effet, selon l’employeur, l’alinéa 226(1)h) de la LRTFP mentionne expressément la LCDP et restreint ce pouvoir aux ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) ou au paragraphe 53(3) de la LCDP prévoyant des mesures de réparation.

 

[78]           L’arbitre a commencé son analyse en rejetant la demande de remboursement des frais de counseling familial à cause de l’absence de preuve de l’existence d’un lien de cause à effet et de l’absence de reçus. L’arbitre a examiné des décisions antérieures de la Commission où des dommages‑intérêts ont été accordés en vertu de l’alinéa 53(2)e) et du paragraphe 53(3) de la LCDP. Il a conclu que la somme de 10 000 $ était appropriée pour compenser le préjudice moral subi étant donné que, à son avis, le fonctionnaire s’était senti humilié et personnellement rabaissé par le comportement discriminatoire. L’arbitre a aussi conclu qu’il convenait d’établir à 17 500 $ l’indemnité spéciale à verser en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP. Il a souligné que l’employeur était une organisation importante, articulée et avertie et qu’il savait qu’il devait offrir des mesures d’adaptation; cependant, poursuivait l’arbitre, il avait systématiquement négligé de tenir compte des demandes de mesures d’adaptation présentées par le fonctionnaire. L’arbitre a conclu que les actions de l’employeur avaient été inconsidérées et qu’elles constituaient un cas flagrant de discrimination.

 

[79]           L’arbitre est ensuite passé à la question de sa compétence pour accorder des mesures de réparation autres que celles qui sont prévues à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3), comme les intérêts sur les dommages‑intérêts et les mesures de réparation systémiques. L’arbitre n’était pas d’accord avec l’argument de l’employeur selon lequel ses pouvoirs à cet égard étaient limités à ceux qui étaient prévus dans lesdites dispositions étant donné que cela signifierait que les réparations possibles dans les cas de griefs relatifs aux droits de la personne auraient une portée plus restreinte que les réparations qui concerneraient d’autres griefs dans le domaine des relations de travail. En effet, les plaignants seraient alors obligés de déposer à la fois un grief et une plainte en vertu de la LCDP afin d’obtenir une réparation complète. Il soulignait que ce n’était pas là l’intention du législateur lorsqu’il a rédigé le libellé de l’alinéa 226(1)h) de la LRTFP. En effet, il semblait à l’arbitre que cet alinéa avait été incorporé à la LRTFP afin de préciser qu’un grief pouvait être déposé à l’égard d’un motif lié aux droits de la personne et pour mettre en relief la nouvelle compétence élargie des arbitres à l’égard des questions liées aux droits de la personne.

 

[80]           Selon l’arbitre, sa compétence pour instruire des griefs et ordonner des mesures de réparation vient de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP. Outre ce pouvoir fondamental, l’alinéa 226(1)g) de la LRTFP confère à l’arbitre le pouvoir d’interpréter et d’appliquer la LCDP sans renvoi à une disposition particulière de la LCDP, sauf les dispositions en matière de parité salariale. Cette interprétation, soulignait l’arbitre, était conforme aux arrêts de la Cour suprême selon lesquels, en règle générale, les tribunaux spécialisés en droit du travail ont compétence à l’égard de tout différend entre les parties qui a trait à une convention collective. Selon l’arbitre, s’il fallait en arriver à une conclusion différente, le fonctionnaire devrait se tourner vers le TCDP pour obtenir d’autres mesures de réparation.

 

[81]           L’arbitre a ordonné que des intérêts soient versés sur les dommages‑intérêts conformément à des décisions antérieures d’arbitres de la Commission et du TCDP, auxquelles il souscrivait, qui ordonnaient le versement d’intérêts à partir de la date du dépôt de la plainte.

 

[82]           L’arbitre a refusé d’ordonner à l’employeur de revoir ses politiques en matière de mesures d’adaptation et de donner une formation à ses employés et gestionnaires de la BFC Trenton sur l’obligation de fournir des mesures d’adaptation. En effet, rien dans la preuve n’indiquait que l’absence de mesures d’adaptation résultait d’une lacune de la politique pertinente. En effet, le problème venait plutôt d’un manque de respect de ladite politique. Il ajoutait que la formation ne suffirait pas pour empêcher la répétition du type de discrimination subi par le fonctionnaire. L’employeur, poursuivait‑il, avait manqué à ses obligations en ne fournissant pas l’encadrement et l’aide nécessaires à ses gestionnaires de la BFC Trenton. Selon l’arbitre, c’était là le nœud du problème auquel l’employeur devait s’attaquer. L’arbitre n’a rendu aucune ordonnance particulière sur la question et a laissé le soin à l’employeur de veiller à ce que ses gestionnaires ne soient pas laissés à eux‑mêmes à cet égard. En effet, il soulignait que c’est aux experts et aux spécialistes qu’il revenait d’aider les gestionnaires à choisir les moyens, les méthodes et les outils les plus appropriés pour offrir des mesures d’adaptation à ces employés.

 

Contrôle judiciaire relatif aux intérêts

 

[83]           Le PGC, qui est le demandeur dans la présente demande de contrôle judiciaire, soulève les questions suivantes :

[traduction]

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur susceptible de révision justifiant l’intervention de la Cour en ordonnant à l’employeur de verser des intérêts dans une situation qui n’est pas mentionnée à l’alinéa 226(1)i) de la LRTFP?

 

[84]           Je reformulerais comme suit les questions en litige :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

            2.         La décision de l’arbitre d’ordonner le paiement d’intérêts était‑elle déraisonnable?

 

Observations écrites du PGC sur le contrôle judiciaire relatif aux intérêts

 

[85]           Le PGC soutient que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. La Cour suprême et la Cour d’appel fédérale ont constamment recouru à la norme de la décision raisonnable pour contrôler l’interprétation par les commissions des relations de travail et les arbitres de dispositions de leurs propres lois habilitantes. L’arbitre interprétait les dispositions de sa loi habilitante pour établir s’il avait le pouvoir d’accorder des intérêts. Subsidiairement, le PGC propose de nouveau son analyse relative à la norme de contrôle qu’il a présentée dans ses observations présentées pour le contrôle judiciaire quant au fond.

 

[86]           L’examen du texte, du contexte et de l’objet des dispositions de la LRTFP révèle que l’interprétation de l’arbitre selon laquelle il avait le pouvoir d’accorder des intérêts était déraisonnable. La Cour a déjà établi que le libellé du paragraphe 228(2) de la LRTFP ne confère pas à l’arbitre toute la latitude voulue pour rendre l’ordonnance qu’il juge appropriée. Si on les situe dans leur contexte législatif pertinent, force est de constater que ces dispositions ne créent pas un pouvoir indépendant d’adjuger des intérêts étant donné la restriction prévue à l’alinéa 226(1)i).

 

[87]           La LRTFP est entrée en vigueur le 1er avril 2005. La loi qu’elle remplaçait ne contenait pas de dispositions prévoyant les paiements d’intérêts. La Cour a statué que la Couronne n’était pas tenue de payer des intérêts dans une instance instruite en vertu de cette loi étant donné le principe de l’immunité de l’État en common law et l’absence de dispositions prévoyant ce type de paiement. La Commission a appliqué de façon constante cette règle, qui a été modifiée dans la nouvelle version de la LRTFP. Le législateur a toutefois clairement limité les circonstances dans lesquelles des intérêts pouvaient être accordés en vertu de l’alinéa 226(1)i).

 

[88]           La Cour d’appel fédérale a estimé que le législateur connaissait l’état du droit sous le régime de l’ancienne version de la LRTFP et que la suppression de l’immunité prévue par la common law qui y figurait devait être interprétée comme s’appliquant aux situations précises visées à l’alinéa 226(1)i). Le paragraphe 53(4) de la LCDP prévoit l’octroi d’intérêts et il a été expressément exclu de la liste des mesures de réparation qui figure à l’article 226 de la LRTFP. Si le législateur avait eu l’intention d’accorder à l’arbitre le pouvoir discrétionnaire d’adjuger des intérêts, il aurait mentionné le pouvoir relatif à l’octroi d’intérêts qui figure au paragraphe 53(4) de la LCDP.

 

Observations écrites du fonctionnaire sur le contrôle judiciaire relatif aux intérêts

 

[89]           Le fonctionnaire soutient que la norme de contrôle est celle de la décision correcte pour des motifs semblables à ceux qu’il a présentés dans le cadre du contrôle judiciaire quant au fond. L’approche juridique de l’arbitre ne consiste pas à appliquer la loi aux faits. L’arbitre interprétait sa loi habilitante, mais il était aussi tenu de prendre en compte les principes pertinents en matière de droits de la personne, qui ont un caractère quasi constitutionnel, qui soulèvent des questions étrangères au domaine d’expertise propre de l’arbitre et qui ont des répercussions à l’extérieur du domaine des relations de travail.

 

[90]           Le fonctionnaire soutient que la LRTFP englobe toutes les dispositions de la LCDP. La position du PGC entraînerait un important rétrécissement de la portée d’arbitrages dans le domaine des droits de la personne fondés sur la LRTFP. L’alinéa 226(1)g) de la LRTFP accorde à l’arbitre le pouvoir d’interpréter et d’appliquer la LCDP. La Cour suprême, en interprétant un énoncé pratiquement identique, a déclaré que l’expression « […] interpréter et […] appliquer les lois ayant trait aux droits de la personne ainsi que les autres lois ayant trait à l’emploi » signifiait que le décideur avait le pouvoir de faire respecter les droits et obligations prévus dans les lois sur les droits de la personne. Le fonctionnaire allègue que le PGC n’a mentionné aucune disposition législative qui irait à l’encontre de l’affirmation très claire du législateur et de la jurisprudence limpide de la Cour suprême. De plus, l’exclusion des questions relatives à la parité salariale à l’alinéa 226(1)g) de la LRTFP révèle que le législateur a choisi d’exclure des dispositions bien précises de la LCDP, mais qu’il ne l’a pas fait pour l’octroi d’intérêts.

 

[91]           Selon le fonctionnaire, l’approche du PGC est aussi fondamentalement incompatible avec le statut quasi constitutionnel de la LCDP et avec l’exigence juridique selon laquelle il faut interpréter cette loi et les lois connexes de façon large et téléologique. En effet, la tendance générale de la jurisprudence relative aux relations de travail est d’offrir un guichet unique pour l’instruction de toutes les affaires en matière d’emploi. D’autres arbitres ont estimé qu’ils avaient le pouvoir de rendre des ordonnances à l’extérieur des limites citées par le PGC. Le rôle de la CCDP dans le processus de la LRTFP est pertinent étant donné son rôle unique dans la lutte contre la discrimination. La position défendue par le PGC empêcherait la CCDP de jouer ce rôle dans une instance instruite en vertu de la LRTFP et exigerait la mise en œuvre d’un processus distinct fondé sur la LCDP.

 

[92]           Le fonctionnaire soutient que l’historique législatif milite dans le sens d’une incorporation de l’ensemble de la LCDP. Historiquement, les plaintes relatives aux droits de la personne dans la fonction publique fédérale étaient dissociées d’autres formes de griefs. La situation a changé avec l’adoption de la LRTFP. Figure dans les débats d’un comité de la Chambre des communes relatifs au projet de loi C‑25 une déclaration d’un sénateur selon laquelle la LRTFP fournirait aux employés de la fonction publique les mêmes recours en matière de droits de la personne que ceux dont profitait alors le secteur privé réglementé par le gouvernement fédéral en vertu du Code canadien du travail. Un des témoins de ce comité soulignait que le projet de loi permettrait à la Commission d’offrir des mesures de réparation tout autant qu’un tribunal. Le législateur a aussi exclu expressément la LCDP de l’application de la règle selon laquelle les particuliers ne peuvent faire instruire un grief en vertu de la LRTFP lorsqu’il existe un autre processus administratif. L’alinéa 226(1)g) ne peut donc être considéré que comme une réaction à cet historique législatif visant à corriger l’anomalie qui empêchait les fonctionnaires fédéraux de présenter des plaintes en matière de droits de la personne dans le cadre de l’arbitrage de griefs. Rien de tout cela ne révèle l’existence d’une double approche.

 

[93]           Selon le fonctionnaire, la position défendue par le PGC entraînerait la création d’un système encombrant, dédoublé et inefficace. En effet, les employés devraient s’adresser à plus d’un tribunal administratif pour obtenir une réparation relativement à une même situation. En l’espèce, le fonctionnaire aurait dû déposer une plainte distincte, demander à la CCDP de faire enquête à ce sujet, puis participer à une audience devant le TCDP. Se poseraient alors des questions comme celle qui consisterait à savoir si le TCDP serait lié par un arbitrage sur le fond réalisé en vertu de la LRTFP. L’argument du PGC ne s’applique pas uniquement aux intérêts, car il empêcherait l’arbitre d’accorder des mesures de réparation systémiques. Le pouvoir de l’arbitre d’ordonner des mesures de réparation serait donc plus restreint dans les griefs relatifs aux droits de la personne que dans d’autres formes de griefs.

 

[94]           L’arrêt de la Cour d’appel fédérale invoqué par le PGC n’est pas très utile. La modification de l’alinéa 226(1)i) en vue d’augmenter le nombre de situations dans lesquelles des intérêts peuvent être accordés est différente des autres modifications qui accordent le pouvoir d’interpréter et d’appliquer la LCDP. Il n’était pas nécessaire que le législateur incorpore le paragraphe 53(4) de la LCDP à la LRTFP étant donné que l’alinéa 226(1)g) a un champ d’application très large. L’arbitre n’a pas conclu que son pouvoir découlait uniquement de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP, mais aussi de son alinéa 226(1)g).

 

Contrôle judiciaire relatif aux intérêts – Analyse

 

[95]           Question en litige no 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

            La norme de contrôle pertinente est celle de la décision raisonnable, pour les mêmes motifs que j’ai énoncés dans la section précédente qui concerne le contrôle judiciaire quant au fond. La question de savoir si l’octroi d’intérêts relève des pouvoirs d’un arbitre en vertu de la LRTFP est une pure question de droit, mais elle ne fait pas partie des catégories de questions de droit qui, selon la Cour suprême, justifient un contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

[96]           L’arbitre interprète une loi étroitement liée à son mandat, situation évoquée dans l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 54. Même si je reconnais qu’il s’agit d’une question de droit très importante pour les employés liés par la LRTFP, elle ne revêt pas une importance capitale pour le système juridique. Tout comme la Cour suprême a établi dans l’arrêt Mowat, précité, que l’adjudication de dépens relevait de l’expertise du TCDP, je conclus que le pouvoir d’accorder des intérêts relève de l’expertise de l’arbitre.

 

[97]           Question en litige no 2

            La décision de l’arbitre d’ordonner le paiement d’intérêts était‑elle déraisonnable?

            Comme l’a déclaré la Cour suprême dans l’arrêt Mowat, précité, l’interprétation libérale et téléologique d’une disposition législative touchant des droits de la personne doit toutefois respecter le libellé que le législateur a choisi (paragraphe 33, non souligné dans l’original) :

Il nous faut interpréter le texte législatif et discerner l’intention du législateur à partir des termes employés, compte tenu du contexte global et du sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, son objet et l’intention du législateur (E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87, cité dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21). Dans le cas d’une loi relative aux droits de la personne, il faut se rappeler qu’elle exprime des valeurs essentielles et vise la réalisation d’objectifs fondamentaux. Il convient donc de l’interpréter libéralement et téléologiquement de manière à reconnaître sans réserve les droits qui y sont énoncés et à leur donner pleinement effet (voir, p. ex., R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd. 2008), p. 497‑500). On doit tout de même retenir une interprétation de la loi qui respecte le libellé choisi par le législateur.

 

 

[98]           En l’espèce, le PGC soutient que la Cour d’appel fédérale a déjà interprété le texte en cause dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Nantel, 2008 CAF 351, aux paragraphes 6 à 8, [2008] ACF n1556 :

6. Il n’est pas nécessaire d’aborder cette question parce que selon nous, les modifications apportées par la nouvelle LRTFP, entrée en vigueur le 1er avril 2005 (2003, ch. 22, art. 2), rendent la conclusion retenue par le juge Pinard incontournable et ce, quelle que soit la norme de contrôle applicable à la révision de la décision de l’arbitre. En effet, la nouvelle LRTFP prévoit à son alinéa 226(1)i) que l’arbitre peut « dans le cas du grief portant sur le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire [nous soulignons] adjuger des intérêts au taux ou pour la période qu’il estime justifiée ».

 

7.         Cette modification, lorsque considérée à la lumière de la jurisprudence constante dont fait état le juge Pinard dans ses motifs laquelle, sans exception, interprète la LRTFP de la même façon depuis plus de trente ans, démontre sans équivoque que le législateur fédéral était bien conscient de l’état du droit sous la LRTFP, et qu’il a choisi de renoncer au bénéfice de la règle de Common‑Law, à compter du 1er avril 2005, dans les cas précis prévus à l’alinéa 226(1)i). Il s’ensuit que la règle de Common‑Law demeure pour le reste. L’amendement ne peut être interprété autrement.

 

8.         Face à ceci, la conclusion de l’arbitre, selon laquelle le législateur avait déjà, sans le dire expressément, écarté la règle de Common‑Law de façon non limitative sous le régime de l’ancienne Loi, devient insoutenable. Nous croyons utile de préciser que la réclamation de l’appelant ne serait pas plus recevable sous la nouvelle Loi puisqu’elle n’est sujette à aucune des quatre exceptions prévues à l’alinéa 266(1)i).

 

 

[99]           De son côté, le fonctionnaire soutient que cet extrait vise uniquement l’alinéa 226(1)i) et non l’alinéa 226(1)g), qui autorise l’arbitre à appliquer la LCDP. Accepter cet argument obligerait à conclure que la Cour d’appel, en utilisant des termes aussi larges que « pour le reste » et « de façon non limitative », a omis de prendre en compte les autres sous‑alinéas du paragraphe qu’elle interprétait. Je ne peux pas accepter cet argument étant donné qu’il entraînerait un écart beaucoup trop grand par rapport à l’affirmation dépourvue de toute ambiguïté de la Cour selon laquelle l’immunité de l’État en common law relativement au paiement d’intérêts s’applique dans toute instance instruite en vertu de la LRTFP, sauf dans les cas qui sont mentionnés expressément à l’alinéa 266(1)i).

 

[100]       Même si je n’avais pas été en mesure de profiter du point de vue de la Cour d’appel relativement au paragraphe 226(1), il me semble que dans le cadre d’une interprétation plus cohérente des alinéas 226(1)g) et h), l’exception à l’application de la LCDP qui figure à l’alinéa g) concerne sa substance (en éliminant les dispositions sur le droit à la parité salariale) alors que l’alinéa h) contient une exception relative aux mesures de réparation (en omettant l’incorporation du paragraphe 53(4) de la LCDP lorsque l’alinéa 53(2)e) et le paragraphe 53(3) sont mentionnés explicitement). Il n’y a pas vraiment d’autre façon d’interpréter ces dispositions de façon cohérente étant donné que la mention à l’alinéa h) des mesures de réparation prévues dans la LCDP ferait double emploi avec l’autorisation de l’application de l’ensemble de la LCDP qui figure à l’alinéa g), si ce n’était dans le but d’exclure l’application du paragraphe 53(4) par omission.

 

[101]       Je reconnais le sérieux des arguments d’intérêt public formulés par le fonctionnaire quant au dédoublement des instances, mais il n’est pas possible d’examiner ces arguments vu l’arrêt sans ambiguïté rendu par la Cour d’appel.

 

[102]       Pour la même raison, le fait que je procède au contrôle de la décision de l’arbitre selon la norme de la décision raisonnable ne me permet pas de la confirmer. Étant donné que je suis lié par la jurisprudence, il n’existe pas en l’espèce plusieurs interprétations raisonnables des dispositions législatives en cause. En effet, rendre une décision à l’encontre d’une jurisprudence dépourvue de toute ambiguïté est déraisonnable.

 

[103]       Je suis donc d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour T‑1657‑11, d’annuler la portion de la décision de l’arbitre sur les mesures de réparation qui accorde des intérêts, et d’adjuger les dépens au demandeur.

 

Contrôle judiciaire relatif aux mesures de réparation systémiques

 

[104]       Le fonctionnaire, le demandeur dans le cadre du présent contrôle judiciaire, soulève les questions suivantes :

[traduction]

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

            2.         L’arbitre a‑t‑il commis une erreur de droit en omettant d’appliquer les principes pertinents en matière de droits de la personne en refusant d’ordonner des mesures de réparation systémiques en l’espèce?

 

[105]       Je reformulerais comme suit les questions en litige :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

            2.         La décision de l’arbitre de refuser d’ordonner des mesures de réparation systémiques était‑elle déraisonnable?

 

Observations écrites du fonctionnaire sur le contrôle judiciaire relatif aux mesures de réparation systémiques

 

[106]       Selon le fonctionnaire, c’est la norme de la décision correcte qui doit s’appliquer en l’espèce pour les mêmes motifs qu’il a présentés précédemment dans le contrôle judiciaire quant au fond et le contrôle judiciaire relatif aux intérêts.

 

[107]       Le fonctionnaire soutient que les personnes qui souffrent d’une déficience se heurtent souvent à des attitudes négatives et à des obstacles systémiques et leur histoire au Canada est faite en grande partie d’exclusion et de marginalisation. Il existe une interaction entre l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et l’application de la législation en matière de droits de la personne. La discrimination peut résulter du défaut de prendre des mesures positives pour garantir le traitement égal des personnes défavorisées. En effet, l’objet principal de la législation sur les droits de la personne est de recenser et d’éliminer les cas de discrimination.

 

[108]       La discrimination systémique au travail résulte du fonctionnement même des procédures établies par un employeur. Des mesures de réparation systémiques empêchent la discrimination future. Vu le libellé très large des dispositions de la LCDP sur les mesures de réparation, les décideurs ont profité de la grande marge de manœuvre qui en résulte pour élaborer des mesures de réparation systémiques qui permettaient de corriger et d’éviter la discrimination en milieu de travail. La décision n’a besoin que d’être raisonnablement liée aux conclusions fondées sur la preuve. Ce genre de mesures de réparation comprend habituellement une ordonnance selon laquelle l’employeur doit élaborer ou réviser des politiques existantes afin de garantir leur conformité à la loi. En règle générale, la CCDP ou une autre partie supervise la mise en œuvre des décisions. Il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’une discrimination généralisée et le fait qu’un employeur applique déjà une bonne politique en matière de mesures d’adaptation ne change rien à la situation.

 

[109]       En l’espèce, l’arbitre a recensé un problème systémique, mais il a refusé d’ordonner des mesures de réparation systémiques. Pourtant, l’arbitre a trouvé plusieurs éléments qui lui auraient permis de conclure que les pratiques de l’employeur étaient viciées. Or, les mesures de réparation systémiques demandées par le fonctionnaire étaient directement liées à la nature de la discrimination qu’il subissait.

 

[110]       L’arbitre a justifié le défaut d’ordonner des mesures de réparation systémiques par le fait que la défaillance de l’employeur n’avait pas trait à la portée de sa politique, mais bien plutôt au défaut de faire respecter cette dernière. La loi dispose clairement que le défaut d’un employeur de fournir des mesures d’adaptation malgré sa propre politique interne n’empêche pas une révision de ladite politique pour éviter la discrimination future. Le fait que la politique n’a pas été pleinement respectée révèle justement que cette politique est viciée.

 

[111]       L’arbitre a refusé d’ordonner une formation pour les employés et les gestionnaires parce que cette formation n’aurait pas évité le type de discrimination subi par le fonctionnaire, malgré sa conclusion que l’employeur avait manqué à son devoir en ne fournissant pas d’encadrement ou d’aide aux gestionnaires de la BFC Trenton quant à leurs obligations en matière de droits de la personne. Il est évident que l’arbitre a reconnu qu’il fallait faire quelque chose, mais il a laissé ce soin à l’employeur. Aucun principe ne justifiait le refus d’ordonner ces activités de formation qui auraient évité la répétition des comportements discriminatoires en cause.

 

[112]       L’arbitre ajoutait que des experts et des spécialistes devaient aider les gestionnaires de l’employeur à satisfaire à leurs obligations en matière de droits de la personne, mais il n’a rendu aucune ordonnance à cette fin. Cette attitude est incompatible avec le caractère correctif de la législation sur les droits de la personne.

 

Observations écrites du PGC sur le contrôle judiciaire relatif aux mesures de réparation systémiques

 

[113]       Le PGC soutient que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable pour les motifs déjà présentés dans le cadre du contrôle judiciaire quant au fond et du contrôle judiciaire relatif aux intérêts.

 

[114]       Le PGC allègue que le fonctionnaire demande à la Cour de soupeser de nouveau la preuve afin de conclure à l’existence d’une discrimination systémique qui justifie la prise de mesures de réparation systémiques. Le paragraphe 228(2) accorde à l’arbitre le pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance réparatrice. L’arbitre connaissait très bien la position du fonctionnaire sur les mesures de réparation systémiques et reconnaissait qu’il avait le pouvoir d’accorder de telles mesures, mais il n’était pas convaincu qu’une ordonnance relative prévoyant des mesures de réparation systémiques était appropriée.

 

[115]       La décision de laisser à l’employeur le soin de faire en sorte que les gestionnaires soient en mesure de faciliter l’adoption de mesures d’adaptation est raisonnable étant donné que c’est l’employeur qui est le mieux placé pour aborder les déficiences mentionnées par l’arbitre. La décision de l’arbitre, qui est publique, de souligner les défaillances de l’employeur de même que ses propositions sur la façon de corriger lesdites défaillances envoie un message fort et sans équivoque à l’employeur. Il était raisonnable de s’attendre à ce que les actions futures de l’employeur soient encadrées par ses recommandations et l’arbitre ne disposait d’aucun élément de preuve indiquant le contraire.

 

[116]       Le fait d’accorder une indemnité pour le défaut de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation était approprié étant donné que l’arbitre n’avait pas le pouvoir de fournir lui‑même lesdites mesures d’adaptation. Aucun élément de preuve n’a été soumis pour démontrer que le défaut de fournir des mesures d’adaptation s’expliquait par des défaillances de la politique interne de l’employeur. Interprétés dans leur ensemble, les motifs de l’arbitre montrent qu’il était bien au courant de la question en litige.

 

[117]       Selon le PGC, si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, l’affaire devrait être renvoyée devant le même arbitre pour les motifs présentés dans le cadre du contrôle judiciaire quant au fond.

 

Contrôle judiciaire relatif aux mesures de réparation systémiques – Analyse

 

[118]       Question en litige no 1

      Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

            La norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable, pour les motifs que j’ai déjà exposés dans le cadre du contrôle judiciaire quant au fond. La question de savoir quelles mesures d’adaptation sont appropriées par suite d’une conclusion de discrimination est une question mixte de fait et de droit, qui relève tout à fait de l’expertise d’un arbitre nommé en vertu de la LRTFP. Il n’existe aucune raison qui justifierait la Cour d’adopter un autre comportement que la retenue à l’égard de la décision de l’arbitre.

 

[119]       Question en litige no 2

      La décision de l’arbitre de refuser d’ordonner des mesures de réparation systémiques était‑elle déraisonnable?

            Je reconnais avec le fonctionnaire que, dans ses motifs, l’arbitre relève une composante systémique dans les défaillances de l’employeur en matière de mesures d’adaptation (décision sur le fond, au paragraphe 86) :

Généralement parlant, l’employeur ne s’est pas non plus acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation en n’offrant pas de formation, de conseils ni d’aide à ses gestionnaires de la BFC de Trenton sur ce qui devait être fait, sur la façon de le faire et sur où s’adresser pour obtenir de l’aide afin d’offrir au fonctionnaire les mesures d’adaptation nécessaires. Je suis presque certain que le fonctionnaire n’était pas la première personne malentendante embauchée par l’employeur. Il avait été embauché dans le cadre des programmes d’équité en matière d’emploi. Il était normal que M. Lord n’ait pas su de façon détaillée comment prendre les mesures d’adaptation nécessaires lorsque le fonctionnaire a été embauché ni où trouver les ressources pour l’aider. Ce qui n’est pas normal, c’est qu’aucun spécialiste de l’équité en matière d’emploi ni des ressources humaines de l’employeur n’ait été dépêché pour former, sensibiliser, éduquer et aider M. Lord et le major Scherr afin qu’ils puissent s’acquitter de leur obligation de prendre des mesures d’adaptation pour le fonctionnaire en leur faisant comprendre ce que leur obligation supposait et ce qu’elle signifiait. La différence aurait pu être énorme.

 

 

[120]       Mais, à l’étape de l’examen des mesures de réparation, l’arbitre a conclu qu’aucune mesure de réparation systémique n’était justifiée (décision sur les mesures de réparation, aux paragraphes 51 à 53) :

 [51]     Le fonctionnaire a demandé qu’il soit ordonné à l’employeur de revoir ses politiques en matière d’adaptation. Je n’ordonnerai pas une telle mesure, car aucune preuve ne m’a été présentée pouvant établir que les manquements au plan des mesures d’adaptation étaient attribuables à quelque lacune au niveau des politiques de l’employeur à cet égard. Les manquements étaient plutôt attribuables au fait que les responsables ne se soient pas conformés à ces politiques.

 

 [52]     Le fonctionnaire m’a demandé également d’ordonner à l’employeur qu’il donne une formation aux employés et gestionnaires travaillant à la BFC de Trenton, y compris aux anciens gestionnaires du fonctionnaire, sur l’obligation d’offrir des mesures d’adaptation. Je n’ordonnerai pas une telle mesure, car je ne pense pas que cela permettrait suffisamment, en soi, de prévenir le type de discrimination subie par le fonctionnaire.

 

[53]      Lorsque le fonctionnaire a été embauché, l’employeur a dès lors manqué à ses obligations en ne fournissant pas à ses gestionnaires à la BFC de Trenton l’expertise et l’assistance nécessaires au sujet de ce qu’il fallait faire pour offrir des mesures d’adaptation au fonctionnaire, un malentendant. L’employeur a manqué à ses obligations en ne fournissant pas à ses gestionnaires l’aide et le soutien qui s’imposaient afin que ceux‑ci soient en mesure de s’acquitter de l’obligation légale qui leur incombait d’offrir au fonctionnaire des mesures d’adaptation. Voilà le nœud du problème, et c’est ce problème auquel l’employeur doit s’attaquer. Je n’ordonnerai pas de mesure spécifique à cet égard, et laisserai le soin à l’employeur de veiller à ce que ses gestionnaires ne soient pas laissés à eux‑mêmes lorsque viendra le temps de mettre en place des mesures d’adaptation destinées à des employés aux besoins différents. Il revient aux experts et aux spécialistes dans ce domaine à aider les gestionnaires à choisir les moyens, les méthodes et les outils les plus judicieux pour offrir des mesures d’adaptation convenables à ceux et celles qui en ont besoin.

 

 

 

[121]       Il est difficile de soutenir qu’il y a compatibilité entre le contenu de ces deux extraits ou même de considérer que le dernier paragraphe du second extrait est exempt de toute contradiction. En effet, l’arbitre souhaite de toute évidence que l’employeur apporte des changements structurels pour faire en sorte qu’il n’y ait plus à l’avenir d’autres défaillances en matière de mesures d’adaptation. Les motifs de l’arbitre donnent aussi une idée des changements qui, à son avis, entraîneraient ce résultat : plus d’appui de la part d’experts et de spécialistes du domaine accordé aux gestionnaires afin d’aider ces derniers à assumer leurs obligations en matière de mesures d’adaptation.

 

[122]       Même s’il a traité de cette façon des questions touchant les mesures de réparation systémiques, l’arbitre a refusé de rendre une ordonnance à cet effet pour les raisons suivantes : 1) c’est le défaut de respecter la politique et non le contenu de la politique qui a entraîné le défaut de fournir des mesures d’adaptation et 2) l’intervention proposée ne serait pas suffisante pour éviter le type de discrimination dont le fonctionnaire avait été victime.

 

[123]       En ce qui concerne la première raison, le fait que les politiques de l’employeur auraient pu empêcher la discrimination si elles avaient été correctement respectées n’empêchait pas l’arbitre de rendre une ordonnance prévoyant des mesures de réparation systémiques (voir Canada (Procureur général) c Green, [2000] 4 CF 629, [2000] ACF no 778, où le TCDP a ordonné la prise de mesures de réparation systémiques afin que les employeurs « [apprennent] à appliquer efficacement leurs propres directives » (au paragraphe 135); décision confirmée par la Cour). Étant donné que les conclusions de l’arbitre touchent clairement des questions d’intérêt public, comme les ressources auxquelles a accès le gestionnaire, ce raisonnement n’est pas très logique.

 

[124]       En ce qui concerne la seconde raison, soit la conclusion de l’arbitre selon laquelle l’imposition de mesures de réparation systémiques n’aurait pas empêché la discrimination dont le fonctionnaire avait été victime, elle contredit sa propre conclusion dans la décision sur le fond. En effet, l’arbitre a lié le défaut de fournir les mesures d’adaptation nécessaires au fonctionnaire à l’ignorance de M. Lord quant à la façon de fournir des mesures d’adaptation et d’utiliser les ressources existantes à cette fin. Je ne comprends tout simplement pas de quelle façon la formation des gestionnaires sur leurs obligations en matière de mesures d’adaptation n’aiderait pas à éviter que ces derniers ignorent leurs obligations en matière de mesures d’adaptation.

 

[125]       J’estime que la question des mesures de réparation systémiques n’a pas été traitée correctement par l’arbitre dans ses motifs. C’est une question qu’il revient à l’arbitre de trancher. J’examine la décision de l’arbitre selon la norme de la décision raisonnable. Ladite norme exige qu’une décision puisse se justifier (voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Une décision dont les motifs contredisent son issue entre en contradiction avec cette valeur de justification. Cette décision, dont l’issue n’était pas justifiée par ses motifs, est donc déraisonnable.

 

[126]       Je suis donc d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour T‑1669‑11 et d’adjuger les dépens au demandeur. Je suis d’accord avec le PGC qu’il n’y a pas lieu d’exiger qu’un autre arbitre soit saisi de la présente affaire lors d’un nouvel examen. Étant donné qu’aucune des parties ne s’est prononcée quant à l’octroi des dommages‑intérêts relativement à la décision sur les mesures de réparation, je limiterais le nouvel examen à la question de savoir si une ordonnance sur la mise en œuvre de mesures de réparation systémiques est appropriée.


JUGEMENTS

 

LA COUR STATUE, dans le dossier de la Cour T‑633‑11 (le contrôle judiciaire de la décision sur le fond ou relatif au licenciement), que la conclusion de l’arbitre relative au défaut de fournir des mesures d’adaptation est confirmée et la partie de la décision relative au licenciement est annulée; cette question est renvoyée au même arbitre pour qu’il rende une nouvelle décision. Le demandeur a droit aux dépens afférents à la demande.

 

ET LA COUR STATUE, dans le dossier de la Cour T‑1657‑11 (le contrôle judiciaire relatif aux intérêts), que la demande de contrôle judiciaire est accueillie dans la mesure où la décision de l’arbitre relative à l’octroi d’intérêts sur les dommages‑intérêts est annulée. Le demandeur a droit aux dépens de la demande.

 

ET LA COUR STATUE, dans le dossier de la Cour T‑1669‑11 (le contrôle judiciaire relatif aux mesures de réparation systémiques), que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que les dépens sont adjugés au demandeur et que l’affaire est renvoyée au même arbitre pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


ANNEXE

 

Dispositions législatives applicables

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 27

 

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

 

 

 

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

. . .

 

226. (1) Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut :

 

a) de la même façon et dans la même mesure qu’une cour supérieure d’archives, convoquer des témoins et les contraindre à comparaître et à déposer sous serment, oralement ou par écrit;

 

b) ordonner l’utilisation de moyens de télécommunication permettant aux parties et à l’arbitre de grief de communiquer les uns avec les autres simultanément lors des audiences et des conférences préparatoires;

 

c) faire prêter serment et recevoir les affirmations solennelles;

 

d) accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

 

e) obliger, en tout état de cause, toute personne à produire les documents ou pièces qui peuvent être liés à toute question dont il est saisi;

 

 

f) sous réserve des restrictions que le gouverneur en conseil peut imposer en matière de défense ou de sécurité, pénétrer dans les locaux ou sur les terrains de l’employeur où des fonctionnaires exécutent ou ont exécuté un travail, procéder à l’examen de tout matériau, outillage, appareil ou objet s’y trouvant, ainsi qu’à celui du travail effectué dans ces lieux, et obliger quiconque à répondre aux questions qu’il lui pose relativement à l’affaire dont il est saisi;

 

g) interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle‑ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, ainsi que toute autre loi fédérale relative à l’emploi, même si la loi en cause entre en conflit avec une convention collective;

 

 

h) rendre les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

 

i) dans le cas du grief portant sur le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, adjuger des intérêts au taux et pour la période qu’il estime justifiés;

 

j) rejeter de façon sommaire les griefs qu’il estime frustratoires.

 

 

228. (1) L’arbitre de grief donne à chaque partie au grief l’occasion de se faire entendre.

 

 

(2) Après étude du grief, il tranche celui‑ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée. …

209. (1) An employee may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award;

 

. . .

 

 

226. (1) An adjudicator may, in relation to any matter referred to adjudication,

 

(a) summon and enforce the attendance of witnesses and compel them to give oral or written evidence on oath in the same manner as a superior court of record;

 

 

(b) order that a hearing or a pre‑hearing conference be conducted using a means of telecommunication that permits the parties and the adjudicator to communicate with each other simultaneously;

 

 

(c) administer oaths and solemn affirmations;

 

(d) accept any evidence, whether admissible in a court of law or not;

 

(e) compel, at any stage of a proceeding, any person to produce the documents and things that may be relevant;

 

 

 

(f) subject to any limitations that the Governor in Council may establish in the interests of defence or security, enter any

premises of the employer where work is being or has been done by employees, inspect and view any work, material, machinery, appliance or article in the premises and require any person in the premises to answer all questions relating to the matter being adjudicated;

 

 

 

(g) interpret and apply the Canadian Human Rights Act and any other Act of Parliament relating to employment matters, other than the provisions of the Canadian Human Rights Act related to the right to equal pay for work of equal value, whether or not there is a conflict between the Act being interpreted and applied and the collective agreement, if any;

 

(h) give relief in accordance with paragraph 53(2)(e) or subsection 53(3) of the Canadian Human Rights Act;

 

 

(i) award interest in the case of grievances involving termination, demotion, suspension or financial penalty at a rate and for a period that the adjudicator considers appropriate; and

 

(j) summarily dismiss grievances that in the opinion of the adjudicator are frivolous or vexatious.

 

228. (1) If a grievance is referred to adjudication, the adjudicator must give both parties to the grievance an opportunity to be heard.

 

(2) After considering the grievance, the adjudicator must render a decision and make the order that he or she considers appropriate in the circumstances. …

 

Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC, 1985, c H‑6

 

 53. (1) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur rejette la plainte qu’il juge non fondée.

 

 

 

(2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

 

 

 

 

a) de mettre fin à l’acte et de prendre, en consultation avec la Commission relativement à leurs objectifs généraux, des mesures de réparation ou des mesures destinées à prévenir des actes semblables, notamment :

 

 

(i) d’adopter un programme, un plan ou un arrangement visés au paragraphe 16(1),

 

 

(ii) de présenter une demande d’approbation et de mettre en œuvre un programme prévus à l’article 17;

 

b) d’accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont l’acte l’a privée;

 

 

 

c) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte;

 

 

 

d) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d’autres biens, services, installations ou moyens d’hébergement, et des dépenses entraînées par l’acte;

 

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

 

 

 

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

 

 

 

(4) Sous réserve des règles visées à l’article 48.9, le membre instructeur peut accorder des intérêts sur l’indemnité au taux et pour la période qu’il estime justifiés.

53. (1) At the conclusion of an inquiry, the member or panel conducting the inquiry shall dismiss the complaint if the member or panel finds that the complaint is not substantiated.

 

(2) If at the conclusion of the inquiry the member or panel finds that the complaint is substantiated, the member or panel may, subject to section 54, make an order against the person found to be engaging or to have engaged in the discriminatory practice and include in the order any of the following terms that the member or panel considers appropriate:

 

(a) that the person cease the discriminatory practice and take measures, in consultation with the Commission on the general purposes of the measures, to redress the practice or to prevent the same or a similar practice from occurring in future, including

 

(i) the adoption of a special program, plan or arrangement referred to in subsection 16(1), or

 

(ii) making an application for approval and implementing a plan under section 17;

 

 

(b) that the person make available to the victim of the discriminatory practice, on the first reasonable occasion, the rights, opportunities or privileges that are being or were denied the victim as a result of the practice;

 

(c) that the person compensate the victim for any or all of the wages that the victim was deprived of and for any expenses incurred by the victim as a result of the discriminatory practice;

 

(d) that the person compensate the victim for any or all additional costs of obtaining alternative goods, services, facilities or accommodation and for any expenses incurred by the victim as a result of the discriminatory practice; and

 

(e) that the person compensate the victim, by an amount not exceeding twenty thousand dollars, for any pain and suffering that the victim experienced as a result of the discriminatory practice.

 

(3) In addition to any order under subsection (2), the member or panel may order the person to pay such compensation not exceeding twenty thousand dollars to the victim as the member or panel may determine if the member or panel finds that the person is engaging or has engaged in the discriminatory practice wilfully or recklessly.

 

(4) Subject to the rules made under section 48.9, an order to pay compensation under this section may include an award of interest at a rate and for a period that the member or panel considers appropriate.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                      T‑633‑11 et T‑1669‑11

 

INTITULÉ :                                      JEFFREY STRINGER

                                                            ‑ et ‑

                                                            PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

DOSSIER :                                        T‑1657‑11

 

INTITULÉ :                                      PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                            ‑ et ‑

                                                            JEFFREY STRINGER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 9 janvier 2013

 

MOTIFS DES JUGEMENTS

ET JUGEMENTS :                          Le juge O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 2 juillet 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Yazbeck

 

POUR LE DEMANDEUR DANS LES DOSSIERS T‑633‑11 ET T‑1669‑11 ET POUR LE DÉFENDEUR DANS LE DOSSIER T‑1657‑11

 

Michel Girard

POUR LE DÉFENDEUR DANS LES DOSSIERS T‑633‑11 ET T‑1669‑11 ET POUR LE DEMANDEUR DANS LE DOSSIER T‑1657‑11

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Cameron, Ballantyne et Yazbeck LLP∕ s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR DANS LES DOSSIERS T‑633‑11 ET T‑1669‑11 ET POUR LE DÉFENDEUR DANS LE DOSSIER T‑1657‑11

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR DANS LES DOSSIERS T‑633‑11 ET T‑1669‑11 ET POUR LE DEMANDEUR DANS LE DOSSIER T‑1657‑11

 

 

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