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Date : 20130607

Dossier : T-761-12

Référence : 2013 CF 605

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2013

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

JOSH HORNER

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               En 2009, monsieur Josh Horner travaillait à Halifax, au ministère de la Défense nationale, comme capitaine du remorqueur du port, le Listerville. Il travaillait habituellement du lundi au vendredi de 7 h 30 à 15 h 30. Il est membre d’un syndicat, le Guilde de la marine marchande du Canada.

 

[2]               Le 11 août 2009, M. Horner a travaillé durant son quart de travail habituel, plus deux heures en heures supplémentaires. Ce matin-là, on lui a demandé de se présenter pour travailler sur un autre bateau, le Glenbrook, à 20 h. Selon la convention collective (Convention entre le Conseil du Trésor et la Guilde de la marine marchande du Canada, Appendice K, alinéa 30d); voir l’annexe pour les dispositions citées), M. Horner avait droit à un préavis de 48 heures de tout changement à l’horaire prévu. De toute évidence, il n’a pas reçu ce préavis le 11 août 2009.

 

[3]               Monsieur Horner s’est présenté au travail avant 20 h le 11 août 2009 et a effectué son quart de 4 h à 8 h, puis de 18 h à 24 h, le 12 août 2009. Il a été à nouveau de quart de 4 h à 8 h le 13 août 2009. En tout, il a travaillé pendant 14 heures sur le Glenbrook.

 

[4]               Monsieur Horner a présenté une demande de rémunération pour les heures supplémentaires qu’il a travaillées sur le Glenbrook. Sa demande a été rejetée. Il a ensuite déposé un grief afin d’obtenir une indemnisation et une déclaration portant que son employeur avait violé la convention collective.

 

[5]               Un arbitre de grief de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a accueilli le grief de M. Horner et a ordonné à l’employeur de le rémunérer en heures supplémentaires pour les 14 heures qu’il avait travaillées en dehors de son quart habituel. Le demandeur prétend que la décision de l’arbitre était déraisonnable parce qu’elle équivalait à l’imposition d’une pénalité pour ne pas avoir donné un préavis raisonnable quant à un changement de quart à l’égard duquel la convention collective était silencieuse. Le demandeur me demande d’annuler la décision et d’ordonner qu’un autre arbitre réexamine la question.

 

[6]               Je ne vois aucune raison d'infirmer la décision de l’arbitre et il me faut donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[7]               L'unique question en litige en l'espèce consiste à déterminer si la décision de l'arbitre était déraisonnable.

 

II.        La décision de l'arbitre

 

[8]               Manifestement, M. Horner a travaillé en dehors de ses heures régulières et il n’a pas reçu le préavis exigé par la convention collective. La question dont l’arbitre était saisi était de savoir quelle réparation il convenait d’accorder, le cas échéant.

 

[9]               Dans une autre affaire traitant de faits semblables, la Cour fédérale a conclu qu’un arbitre avait commis une erreur en accordant une indemnité à un employé parce que la convention collective ne prévoyait aucun recours particulier en cas de violation de l’obligation de donner un préavis (Canada (Procureur général) c McKindsey, 2008 CF 73). Toutefois, l’arbitre dans le dossier de M. Horner ne s’est pas senti lié par la décision McKindsey parce que cette affaire était régie par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LRC 1985, c P-35, qui comprend un nombre limité de recours précis, alors que le dossier de M. Horner était régi par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 22, article 2, qui accorde à l’arbitre le pouvoir discrétionnaire de rendre l’ordonnance qu’il juge « indiquée » (paragraphe 228(2)).

 

[10]           Étant donné que la convention collective exigeait un préavis de 48 heures quant à un changement de quart, et ne prévoyait expressément aucune pénalité pour violation de cette exigence, l’arbitre a conclu que M. Horner avait, en effet, fait des heures supplémentaires. Dans la convention collective, « heures supplémentaires » désigne les heures faites par un officier en sus de ses heures de travail normales » (alinéa 30.06a)). M. Horner avait fait des heures en sus de ses heures de travail normales et avait donc droit d’être rémunéré en heures supplémentaires pour les 14 heures pendant lesquelles il était de quart sur le Glenbrook.

 

III.       La décision de l’arbitre était-elle déraisonnable?

 

[11]           Le demandeur prétend que la décision de l’arbitre était déraisonnable parce qu’elle accordait à M. Horner une rémunération en heures supplémentaires alors que cela n’était pas justifié. Plus particulièrement, M. Horner avait le droit d’être rémunéré en heures supplémentaires que pour les heures travaillées en sus de ses heures de travail normales. Par conséquent, M. Horner aurait dû avoir droit à des heures supplémentaires pour les deux heures travaillées en sus de son quart normal de huit heures le 11 août 2009. Il a également travaillé pendant 10 heures le 12 août 2009, de telle sorte qu’il avait droit d’être rémunéré pour deux autres heures supplémentaires. Toutefois, le jour suivant, M. Horner n’a travaillé que pendant 4 heures et, donc, il n’a pas travaillé en sus de son quart normal de 8 heures. L’arbitre a tout de même accordé à M. Horner un total de 14 heures supplémentaires, en concluant que ses responsabilités sur le Glenbrook ne faisaient pas partie de ses fonctions désignées parce qu’il n’avait reçu aucun préavis de changement de quart.

 

[12]           Si on applique rigoureusement l’exigence d’un préavis de 48 heures quant à un changement de quart, il est clair que M. Horner a exécuté des tâches, pour un total de 14 heures, qui ne relevaient pas de ses tâches régulières. La convention collective laissait à l’arbitre le soin de décider de la réparation qu’il convenait d’accorder dans les circonstances.

 

[13]           À la différence de McKindsey, où seule une gamme restreinte de recours étaient offerts, l’arbitre, en l’espèce, avait le pouvoir de concevoir la réparation appropriée. L’octroi d’heures supplémentaires ne dépassait pas le cadre de la convention collective et n’équivalait pas à une mesure punitive. De plus, l’arbitre a fait une interprétation raisonnable de « heures supplémentaires » et a donné une explication raisonnable quant à la distinction faite d’avec McKindsey. Par conséquent, selon moi, l’argument du demandeur voulant que la décision de l’arbitre d’accorder à M. Horner une rémunération pour les heures supplémentaires était déraisonnable n’a aucun fondement. Selon moi, l’arbitre a conçu une réparation appropriée dans les circonstances et sa décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

IV.       Conclusion et dispositif

 

[14]           La conclusion de l’arbitre voulant que M. Horner a travaillé en sus de ses heures normales de travail et que, par conséquent, il devait être indemnisé n’était pas déraisonnable dans les circonstances. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Comme M. Horner n’a pas comparu dans le cadre de la présente instance ou n’y a pas participé, aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


Annexe A

 

Convention entre le Conseil du Trésor et la Guilde de la marine marchande du Canada, (Ottawa, 2008)

 

Article 30 : Durée du travail et heures supplémentaires

 

Heures supplémentaires

30.06 Dans le présent article, l'expression :

 

a) « heures supplémentaires » désigne les heures faites par un officier en sus de ses heures de travail normales […]

 

[…]

 

Appendice « K » : Système d'une semaine de travail de quarante (40) heures

 

Article 30 – Durée du travail et heures supplémentaires

[…]

Les heures de travail des officiers qui travaillent habituellement cinq (5) jours consécutifs par semaine sur un navire sans quart sont consécutives, à l'exclusion des pauses-repas,

 

et

 

L'horaire de travail quotidien normal doit se situer entre 6 h 00 et 18 h 00.

 

et

 

il faut donner aux officiers un préavis de quarante huit (48) heures de tout changement à l'horaire prévu.

 

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LRC (1985), ch P-35

[Abrogée, 2003, ch 22, art 285]

 

Décision entraînant une modification

 

  96 (2) En jugeant un grief, l’arbitre ne peut rendre une décision qui aurait pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

 

Pouvoirs

 

  96.1 L’arbitre de grief a, dans le cadre de l’affaire dont il est saisi, tous les droits et pouvoirs de la Commission, sauf le pouvoir réglementaire prévu à l’article 22.

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, ch 22, art 2

 

Audition du grief

 

  228. (1) L’arbitre de grief donne à chaque partie au grief l’occasion de se faire entendre.

 

 

 

Décision au sujet du grief

 

  (2) Après étude du grief, il tranche celui-ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée. Il transmet copie de l’ordonnance et, le cas échéant, des motifs de sa décision :

 

a) à chaque partie et à son représentant ainsi que, s’il y a lieu, à l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle appartient le fonctionnaire qui a présenté le grief;

 

 

 

 

b) au directeur général de la Commission.

 

 

 

 

[…]

 

Public Service Staff Relations Act, RSC, 1985, c P-35

[Repealed, 2003, c 22, s 285]

 

Decision requiring amendment

 

  96 (2) No adjudicator shall, in respect of any grievance, render any decision thereon the effect of which would be to require the amendment of a collective agreement or an arbitral award.

 

Powers of adjudicator

 

  96.1 An adjudicator has, in relation to the adjudication, all the powers, rights and privileges of the Board, other than the power to make regulations under section 22.

 

Public Service Labour Relations Act, SC 2003, c 22, s 2

 

Hearing of grievance

 

  228 (1) If a grievance is referred to adjudication, the adjudicator must give both parties to the grievance an opportunity to be heard.

 

Decision on grievance

 

  (2) After considering the grievance, the adjudicator must render a decision and make the order that he or she considers appropriate in the circumstances. The adjudicator must then

 

(a) send a copy of the order and, if there are written reasons for the decision, a copy of the reasons, to each party, to the representative of each party and to the bargaining agent, if any, for the bargaining unit to which the employee whose grievance it is belongs; and

 

(b) deposit a copy of the order and, if there are written reasons for the decision, a copy of the reasons, with the Executive Director of the Board.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-761-12

 

INTITULÉ :                                      PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                            c

                                                            JOSH HORNER

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 30 AVRIL 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 7 JUIN 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Adrian Bieniasiewicz

POUR LE DEMANDEUR

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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