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Date : 20130524

Dossier : IMM‑6506‑12

Référence : 2013 CF 550

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

SULTANA NARNIGER BEGUM MOHAMMAD RUSLAAN HOSSAIN

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

          MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

[1]               Plus tôt aujourd’hui, j’ai entendu la requête que les demandeurs, une mère et son fils, ont présentée pour obtenir un sursis à leur renvoi au Bangladesh, prévu pour demain, jusqu’à ce que la Cour ait tranché la demande de contrôle judiciaire du refus du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de les autoriser à présenter une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire depuis le Canada.

 

[2]               J’ai accordé le sursis pour les motifs suivants.

 

[3]               Madame Begum et son fils ont une histoire longue et complexe au Canada. Ils y sont arrivés en 1999, lorsque le jeune Mohammad était âgé de moins de deux ans.

 

[4]               Ils se sont vu refuser l’asile, et leur demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision a été rejetée. Par la suite, ils ont pu se prévaloir d’un examen des risques avant renvoi, mais la décision a également été négative. Ils sont prêts au renvoi depuis 2004, en ce sens qu’aucun obstacle juridique ne s’y oppose.

 

[5]               La décision sous‑jacente en l’espèce est le refus de leur accorder le droit de présenter une demande de résidence permanente depuis le Canada. Cette décision a été rendue en 2012. Mme Begum est détenue depuis l’année dernière, car elle présente un risque de fuite.

 

[6]               En décembre 2012, le juge Manson leur a accordé l’autorisation. Le 19 mars 2013, le contrôle judiciaire a été instruit sur le fond par la juge Stickland. Elle a mis l’affaire en délibéré, et le jugement n’a toujours pas été rendu.

 

[7]               Le 15 mai 2013, les demandeurs ont reçu signification d’un [traduction] « avis concernant les dispositions relatives au renvoi », lequel précisait que la date de leur renvoi était fixée au 25 mai 2013. Il s’agit d’un avis standard, qui ne faisait aucune mention de la procédure de la Cour.

 

[8]               Ils ont demandé un report par l’entremise d’un avocat. L’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’Agence des services frontaliers du Canada a déclaré ce qui suit hier :

[traduction]

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) est tenue, en application de l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, d’exécuter les mesures de renvoi dès que possible. Après avoir examiné votre demande, je n’ai pas le sentiment que le report de l’exécution de la mesure de renvoi est approprié dans les circonstances.

 

[9]               À l’évidence, l’agent était dénué de tout sentiment!

 

[10]           Sa lettre de refus était accompagnée de notes au dossier, aussi datées d’hier. Entre autres choses, il a cité l’extrait suivant de la section 5.22 du Guide d’exécution de la loi ENF 09, intitulé « Contrôle judiciaire », en faisant référence au contrôle judiciaire de décisions négatives portant sur des motifs d’ordre humanitaire :

[…] ont le droit de demander le contrôle judiciaire de toute décision, ordonnance, etc., prise en application de la LIPR. Le simple fait de déposer une demande n’influe toutefois pas nécessairement sur la procédure normale d’immigration et n’empêche pas les représentants des ministres d’appliquer les dispositions de la LIPR, y compris l’exécution d’une ordonnance de renvoi.

 

À proprement parler, même si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, il faut renvoyer l’affaire à un autre agent pour qu’il réexamine la demande de résidence permanente présentée depuis le Canada. Un contrôle judiciaire favorable dans de tels cas n’a pas pour effet de surseoir à la mesure de renvoi.  

 

[11]           Par conséquent, le Guide d’exécution de la loi aurait pu aussi bien énoncer : « Le simple fait de déposer une demande, d’accorder une autorisation ou d’accueillir une demande de contrôle judiciaire n’influe toutefois pas nécessairement sur la procédure normale d’immigration et n’empêche pas les représentants des ministres d’appliquer les dispositions de la LIPR, y compris l’exécution d’une ordonnance de renvoi. »

 

[12]           Lors de l’audience, j’ai dit que je ne tenais pas particulièrement appliquer le critère à trois volets établi en matière de sursis interlocutoire, soit qu’il doit y avoir une question sérieuse à trancher, que les demandeurs subiraient un préjudice irréparable si le sursis ne leur était pas accordé et que la prépondérance des inconvénients doit être favorable aux demandeurs. L’administration de la justice me préoccupait bien davantage.

 

[13]           Je voulais savoir si l’agent d’exécution était au fait de la procédure judiciaire lorsqu’il a signifié l’avis de renvoi. Le dossier est muet sur ce point. A‑t‑il supposé que le contrôle judiciaire n’était pas fondé, même si le juge Manson avait déjà conclu que la cause était raisonnablement défendable? Seules les notes au dossier, datées d’hier, font mention de la procédure judiciaire effectivement en cours.   

 

[14]           Les demandeurs sont prêts au renvoi depuis près de neuf ans. Pourquoi incarcérer Mme Begum pendant un an et la priver d’un revenu décent d’enseignante, puis décider de la renvoyer, elle et son fils, lequel ne connaît rien du Bangladesh?

 

[15]           La présente requête a trait à l’administration de la justice et au manque de respect envers la Cour. Il ne s’agit pas tout à fait de mépris, mais il s’en faut de peu. La règle relative aux affaires en instance pourrait presque s’appliquer. Non seulement une procédure a‑t‑elle été engagée, mais une audience sur le fond du contrôle judiciaire a eu lieu.

 

[16]           Si l’Agence des services frontaliers du Canada interprète l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés – selon lequel le renvoi doit avoir lieu « dès que possible » et non plus « dès que les circonstances le permettent » – de telle façon que seule une ordonnance de la Cour puisse annuler le renvoi, qu’il en soit ainsi! Qu’en est‑il du bon sens?

 

[17]           L’avocate du ministre a fait savoir à la Cour que les demandeurs seraient renvoyés aux frais du gouvernement. Or, le gouvernement ne s’engage pas à payer les frais de leur retour dans l’éventualité où leur demande de résidence permanente présentée depuis le Canada serait accueillie, indépendamment du fait qu’ils auraient quitté le pays, ce même gouvernement qui a empêché Mme Begum de gagner un revenu l’an dernier.

 

[18]           Le ministre a « gracieusement » concédé que le problème était grave, mais a soutenu qu’il ne causera aucun préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur. Je ne suis pas disposé à contester le juge Manson ni à remettre en question la décision que la juge Strickand rendra. Le préjudice irréparable est que les demandeurs seraient renvoyés du Canada sans avoir les moyens d’y revenir dans le cas où leur demande serait accueillie. La prépondérance des inconvénients penche en leur faveur.

 

[19]           Aucune demande de dépens n’ayant été présentée, aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

Toronto (Ontario)

Le 24 mai 2013

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Myra‑Belle Béala De Guise

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑6506‑12

 

INTITULÉ :                                                  SULTANA NARNIGER BEGUM, MOHAMMAD RUSLAAN HOSSAIN c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION ET
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 24 mai 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :             LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 24 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clarisa Waldman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Jane Stewart

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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