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Date : 20130603

Dossier : T‑1056‑12

Référence : 2013 CF 594

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2013

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

 

HERBERT GURZINSKI

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur, M. Gurzinski, demande le contrôle judiciaire de la décision en révision, en date du 23 avril 2012, par laquelle un comité d’appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) [le Tribunal] a rejeté la demande de nouvel examen, empêchant ainsi celui‑ci de réclamer des prestations d’invalidité.

 

[2]               Le demandeur, qui se représente lui‑même, demande à la Cour de rendre une ordonnance annulant la décision du Tribunal et lui accordant une pension d’invalidité.

 

I.          Le contexte

[3]               Le demandeur a servi au sein de la Force de réserve du 30 octobre 1961 jusqu’à sa libération, le 18 novembre 1969.

 

[4]               Le 23 mai 1967, le demandeur participait à un exercice militaire à Simcoe, en Ontario, au cours duquel son commandant lui a ordonné de sauter d’un transport de troupes blindé [TTB], ce qui lui aurait causé des blessures aux deux pieds.

 

[5]               Le demandeur n’a pas signalé ces blessures. Ses états de service militaire indiquent qu’il ne s’est pas présenté à l’examen médical avant la libération. Par conséquent, il n’existe aucun document militaire établissant que le demandeur a subi des blessures aux pieds avant sa libération du service militaire. Le demandeur a été libéré des Forces armées canadiennes le 18 novembre 1969.

 

[6]               Le 19 octobre 2009, le demandeur a demandé au ministre, en application du paragraphe 45(1) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, LC 2005, ch. 21 [Nouvelle Charte des anciens combattants], une indemnité d’invalidité pour une affection de bursite talonnière chronique aux deux pieds.

 

[7]               Pour établir son admissibilité, le demandeur doit démontrer qu’il a subi une blessure liée au service militaire. Dans le cadre de la demande présentée au ministre, le demandeur a fourni les notes de son médecin de famille, le Dr Shonk, rédigées en 1998, indiquant que celui‑ci avait subi des blessures aux talons trois (3) ans auparavant (soit douze (12) ans avant sa demande d’indemnité d’invalidité et dix‑huit (18) après sa libération des Forces armées canadiennes).

 

[8]               Le 19 octobre 2009, le ministère des Anciens Combattants [le ministère] a rejeté sa demande au motif qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir un lien entre l’affection faisant l’objet de la demande et son service militaire, comme le prévoit le paragraphe 45(1) de la Nouvelle Charte des anciens combattants.

 

[9]               Le 27 avril 2010, le demandeur a demandé au Tribunal de réviser la décision du ministère. Le demandeur a présenté de nouveaux éléments de preuve sous forme d’un rapport médical daté du 8 février 2010 et rédigé par le Dr Rhodes, qui est devenu son médecin de famille après que le Dr Shonk eut pris sa retraite. Selon la lettre [traduction] « il est tout à fait probable que le saut à partir du TTB effectué en 1967 aurait pu entraîner vos douleurs aux deux talons. Les radiographies indiquent également l’existence de blessures dans cette région compatibles avec un traumatisme ».

 

[10]           Le 27 avril 2010, le Tribunal a rejeté la demande de révision du demandeur. Dans sa décision, le Tribunal déclarait qu’il avait accordé peu de poids à la lettre du Dr Rhodes et que l’avis de celui‑ci n’indiquait pas un examen approfondi du dossier médical du demandeur relatif à son service militaire, ni la preuve médicale à l’appui.

 

[11]           Le 24 décembre 2010, le demandeur a interjeté appel de la décision du Tribunal auprès du comité de révision du Tribunal. Dans le cadre de son appel, le demandeur a déposé de nouveaux éléments de preuve, y compris un rapport médical du Dr Ranney.

 

[12]           Le 1er février 2011, le comité de révision du Tribunal a rejeté l’appel du demandeur, en déclarant que la preuve médicale présentée par le Dr Ranney n’était pas fiable, car elle reposait sur des éléments qui n’étaient pas corroborés par les états de service militaire du demandeur.

 

[13]           Le 30 novembre 2011, M. Gurzinski a déposé une demande de réexamen de la décision du comité de révision, appuyée par un nouvel affidavit du Dr Shonk, qui visait à corriger une présumée erreur quant à l’année indiquée, soit 1995, alors qu’il s’agissait plutôt de la fin des années 1960. Or, le Dr Shonk n’avait pas accès au dossier médical du demandeur antérieur à 1995, et de ce fait, il ne pouvait pas examiner ses états de service pour vérifier s’il y était fait mention de l’affection aux talons avant cette date.

 

[14]           Le 23 avril 2012, le comité d’appel a rejeté la demande de réexamen du demandeur au motif que la lettre de Dr Shonk ne satisfaisait pas à l’exigence concernant l’admission de nouveaux éléments de preuve prescrite au paragraphe 32(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, ch. 18 [Loi sur le TACRA].

 

II.        La question en litige

[15]           Le Tribunal a‑t‑il commis une erreur en rejetant la demande de réexamen du demandeur?

 

III.       La norme de contrôle

[16]           La norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité (Armstrong c Canada (Procureur général), 2010 FC 91, au par. 33 [Armstrong]), où le juge Sean Harrington a confirmé l’analyse relative à la norme de contrôle applicable effectuée par le juge Richard Mosley dans Bullock c Canada (Procureur général), 2008 CF 1117, aux par. 11 à 13, ainsi que l’application de la norme de la raisonnabilité au refus d’un comité d’appel de réexaminer une décision dans des circonstances similaires à celles en l’espèce.

 

IV.       Analyse

[17]           Le défendeur  présente une requête préliminaire visant la radiation de passages des documents fournis par le demandeur, notamment de son affidavit du 27 septembre 2012, qui n’a pas été fait sous serment, et le dépôt de ces documents, conformément aux ordonnances de la Cour du 21 septembre 2012 et du 9 octobre 2012.

 

[18]           En ce qui concerne l’affidavit de M. Gurzinski, qui n’a pas été fait sous serment, le défendeur affirme qu’il contient des faits dont M. Gurzinski n’a pas une connaissance personnelle, des faits spéculatifs et non pertinents, ainsi que des arguments juridiques et des conclusions. Le défendeur soutient pour l’essentiel que l’affidavit n’est pas conforme aux Règles des Cours fédérales et qu’il contient des éléments de preuve par ouï‑dire, qui ne sont ni nécessaires ni fiables, ainsi que des allégations et des arguments hypothétiques, sans fondement.

 

[19]           J’en conviens. Même s’il se représente lui‑même, le demandeur est tenu de se conformer aux Règles de la Cour. Le témoignage de M. Gurzinski qui n’est pas fait sous serment et la référence à des faits spéculatifs et à du ouï‑dire sont inacceptables et ne sauraient être retenus.

 

[20]           Même si j’étais d’avis de retenir son affidavit ou des passages de celui‑ci et d’en tenir compte, j’estime que la tentative de produire de nouveaux éléments de preuve après l’audition qui a pris fin le 23 avril 2012, ne satisfait pas au critère à appliquer en vertu de l’article 32 de la Loi sur le TACRA. Comme l’affirme le juge André Scott dans Cossette c Canada (Procureur général), 2011 CF 416, au par. 25, citant l’arrêt Palmer c R (1979), 106 DLR (3d) 212 (CSC) [Palmer]:

Les principes suivants se dégagent :

(1)  On ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès […].

(2)  La déposition doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

(3)  La déposition doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi, et

(4)  elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

 

[non souligné dans l’original]

 

[21]           Lorsque le demandeur est arrivé au stade où il sollicitait le réexamen par le Tribunal, son dossier avait déjà fait l’objet d’une décision par un arbitre du ministère, une audition en révision et une audition en appel devant le Tribunal. Les instances devant le Tribunal ne sont pas visées par des délais de prescription; il n’est pas non plus nécessaire d’invoquer des moyens d’appel. À l’audition en révision, le demandeur a eu l’occasion de témoigner et d’appeler des témoins – il s’agissait d’une audition de novo. À l’audition en appel, le demandeur a eu amplement l’occasion de présenter de nouveaux éléments de preuve et des observations orales. Lors de chaque instance devant le Tribunal, le demandeur avait le droit d’obtenir des conseils juridiques et d’être représenté sans frais par le Bureau de services juridiques des pensions. Compte tenu de la nature de ce processus administratif, il faut faire preuve d’une grande retenue à l’égard des décisions du Tribunal.

 

[22]           Bien que je sois sensible aux blessures subies par le demandeur et à ses préoccupations quant à sa capacité de demander réparation à cet égard, il n’existe tout simplement aucun nouvel élément de preuve permettant d’établir un lien entre ses états de service militaire et les blessures en question que le Tribunal n’a pas examiné de façon raisonnable. De plus, la preuve fournie ne satisfait pas au critère énoncé dans l’arrêt Palmer, précité. La demande du demandeur est rejetée. Toutefois compte tenu de la nature particulière de la présente affaire, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder des dépens au défendeur.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Michael D. Manson »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1056‑12

 

 

INTITULÉ :                                                  GURZINSKI c. PGC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          London (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 30 mai 2013

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE JUGE MANSON

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                       Le 3 juin 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Herbert Gurzinski

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Roslyn Mounsey

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Herbert Gurzinski

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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