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Date : 20130510

Dossier : T-825-06

Référence : 2013 CF 493

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

APOTEX INC.

 

demanderesse

 

 

et

 

PFIZER CANADA INC.

 

défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

[1]               Apotex Inc. prétend avoir subi des pertes du fait de sa mise à l’écart du marché en ce qui touche la version générique des comprimés brevetés d’azithromycine commercialisés par Pfizer Canada Inc (et visés par le brevet canadien no 1 314 876, le brevet 876). La demande présentée par Pfizer afin d’empêcher Apotex d’entrer sur le marché a été rejetée par la juge Judith Snider en 2003 (Pfizer Canada Inc c Apotex Inc, 2003 CF 1428). Cette dernière a conclu que l’allégation d’Apotex selon laquelle ses comprimés ne contreferaient pas le brevet 876 était justifiée compte tenu de la preuve.

 

[2]               La période réelle de responsabilité et le montant des dommages‑intérêts ne sont pas contestés en l’espèce. Si nécessaire, ces derniers seront établis dans le cadre d’une instance distincte. La seule question à trancher concerne la validité de la demande d’indemnisation d’Apotex.

 

[3]               Comme Pfizer a été déboutée de sa demande visant à obtenir une ordonnance d’interdiction, Apotex soutient qu’elle remplit les conditions requises pour être dédommagée de ses pertes en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133. Pfizer fait valoir qu’Apotex n’a pas droit à des dommages-intérêts, car elle aurait commercialisé des médicaments qui enfreignaient le brevet 876. Elle avance en outre que l’argument d’absence de contrefaçon défendu par Apotex devant la juge Snider a trompé la Cour ainsi qu’elle-même lors des instances antérieures relatives à l’ordonnance d’interdiction. Par conséquent, d’après Pfizer, Apotex n’a droit à aucune indemnité en vertu de la règle ex turpi causa non oritur actio – une conduite répréhensible ne peut donner lieu à aucune action.

 

II.        Le cadre juridique

[4]               Le Règlement sur les médicaments brevetés (AC) crée un équilibre « entre la protection de la propriété intellectuelle, d’une part, et d’autre part, la volonté de réduire le coût des soins de santé tout en traitant de façon équitable les personnes qui, par leur ingéniosité, ont permis aux drogues de voir le jour » (Bristol-Myers Squibb Co c Canada (PG), 2005 CSC 26, [Biolyse], au paragraphe 2). Le Règlement assure cet équilibre en instaurant un régime qui permet aux fabricants de médicaments génériques d’entrer sur le marché immédiatement après l’expiration des brevets détenus par les compagnies novatrices. L’objectif sous-jacent du Règlement est de prévenir la contrefaçon des brevets tout en autorisant les entreprises génériques à se constituer un inventaire durant la durée de vie de ces brevets. Cet objectif guide l’interprétation du Règlement, qui doit s’effectuer « sans excéder ce qui est nécessaire pour empêcher la contrefaçon, car outrepasser cet objectif perturberait l’autre aspect de l’équilibre […] soit la commercialisation rapide de médicaments génériques moins chers ». (Merck Frosst Canada Ltd c Apotex Inc, 2009 CAF 187 [Alendronate], au paragraphe 60).

 

[5]               Le Règlement prévoit des mesures permettant aux entreprises génériques d’alléguer l’absence de contrefaçon ou d’invalidité, et aux compagnies novatrices de les empêcher d’entrer sur le marché, du moins jusqu’à ce que ces allégations aient été examinées par la Cour (article 6; les dispositions citées sont reproduites en annexe). Le recours en interdiction que le breveté peut exercer complète les dispositions de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4, en ce qu’il « s’ajout[e] à tous ceux dont il dispose habituellement en cas de contrefaçon de brevets en vertu de la Loi sur les brevets » et la complète (Biolyse, au paragraphe 12, souligné dans l’original).

 

[6]               De plus, lorsque la demande d’interdiction d’une compagnie novatrice est rejetée, l’entreprise générique mise à l’écart du marché pendant que les allégations d’absence de contrefaçon ou d’invalidité étaient examinées par la Cour, dispose d’un recours aux termes du Règlement. L’article 8 prévoit en effet que la société novatrice (ou première personne) est responsable envers une entreprise générique (ou seconde personne) de « toute perte subie » entre la date à laquelle le générique aurait pu autrement entrer sur le marché et celle à laquelle sa demande d’interdiction a été rejetée. Ce recours s’exerce par voie d’action intentée devant la Cour par l’entreprise générique contre la société novatrice (paragraphe 8(2)). Pour déterminer le montant des dommages-intérêts, la Cour doit tenir compte « des facteurs qu’[elle] juge pertinents à cette fin […] y compris, le cas échéant, la conduite de la première personne ou de la seconde personne qui a contribué à retarder le règlement de la demande visée au paragraphe 6(1) » (paragraphe 8(5)).

 

[7]               L’article 8 du Règlement contribue à l’équilibre décrit plus haut. Cette disposition protège les entreprises génériques qui sont visées par des procédures d’interdiction injustifiées ou indument prolongées. Elle agit en quelque sorte comme un « contrepoids » à l’injonction automatique qui met les entreprises génériques à l’écart du marché pendant que la Cour est saisie de l’affaire (voir Apotex Inc c Astrazeneca Canada Inc, 2012 CF 559, au paragraphe 57). Dans ce sens, les articles 8 et 6 sont étroitement liés. En fait, « l’attribution de dommages-intérêts en vertu de l’article 8 découle logiquement de la procédure d’interdiction visée à l’article 6 et […] relèverait normalement du juge qui instruit la demande d’interdiction » (Alendronate, précité, au paragraphe 66).

 

[8]               En l’espèce, je dois déterminer dans quelle mesure la procédure fondée sur l’article 8 est liée à la précédente qui relevait de l’article 6. Plus précisément, il me faut répondre aux questions suivantes : en tant que juge instruisant l’action fondée sur l’article 8, suis-je lié par l’interprétation du brevet retenue dans l’instance relative à l’article 6? Quelle est la portée de l’avis d’allégation initial – influe-t-il encore sur les questions à trancher au titre de l’article 8?

 

III.       Formuler les questions à trancher

[9]               Pour répondre à ces deux questions, je dois tenir compte de deux courants jurisprudentiels distincts. Je dois d’abord me demander si je suis lié par la décision antérieure de la juge Snider concernant l’article 6 en vertu du principe du stare decisis (ou de la courtoisie judiciaire). Si tel est le cas, je suis lié par son interprétation du brevet 876. Je dois également considérer le lien entre la procédure fondée sur l’article 6 et la présente action relative à l’article 8. Si cette dernière est essentiellement un prolongement de la première, l’avis d’allégation initial délimite donc les questions dont je suis saisi en l’espèce.

 

[10]           J’ai conclu que j’étais lié par l’interprétation du brevet retenue par la juge Snider, et que l’avis d’allégation initial circonscrit les questions à trancher dans la présente action.

 

1.      Stare decisis

[11]           La phrase latine complète dont l’expression stare decisis provient est stare decisis et non quieta movere, qui signifie [traduction] « il faut s’en tenir à ce qui a été décidé et ne pas modifier ce qui existe » (Holmes c Jarrett, [1993] OJ no 679 (C.J. Ont. (Div. gén.) [Holmes], au paragraphe 12). Ce principe sert des fins importantes dans l’administration de la justice. Il [traduction] « assure la cohérence, la certitude, la prévisibilité de la loi et la bonne administration de la justice, et favorise la légitimité et l’acceptabilité de la common law » (R c Bedford, 2012 ONCA 186, au paragraphe 56; voir aussi R c Neves, 2005 MBCA 112, au paragraphe 90).

 

[12]           Les juges reconnaissent sans peine que cette règle les oblige à suivre les décisions des juridictions supérieures. Mais la véritable portée de ce principe est plus large – si une affaire est résolue, il n’y a pas lieu d’y revenir. Il peut en être ainsi si un autre juge, même un juge du même tribunal, l’a tranchée. En règle générale, c’est seulement si les faits importants sont différents que la décision antérieure ne sera pas considérée comme contraignante pour les juges de la même cour (Holmes, précitée, au paragraphe 12).

 

[13]           De nombreux juges préfèrent parler de « courtoisie judiciaire » à propos de ce dernier aspect du stare decisis, sans doute pour le distinguer du principe voulant que les jugements de juridictions supérieures soient contraignants pour les juges des tribunaux inférieurs : la décision antérieure n’est alors pas tant considérée comme strictement contraignante que comme méritant une grande déférence (voir, p. ex., Glaxo Group Ltd c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 64 CPR (3d) 65 (CF 1re inst.), aux paragraphe 10 à 12). Comme l’expliquait le juge Marc Noël de la Cour d’appel fédérale, « la doctrine de la courtoisie judiciaire vise à empêcher que la même question de droit soit tranchée différemment par des membres du même tribunal, de manière à promouvoir la certitude du droit » (Apotex Inc. c Allergan Inc., 2012 CAF 308 [Apotex Inc.], au paragraphe 43).

 

[14]           En partant de l’idée que le droit doit être cohérent et certain, cette règle impose de suivre les décisions des collègues juges [traduction] « en l’absence de raisons convaincantes à l’effet contraire » (R c Northern Electric Co Ltd, et al, [1955] 3 DLR 449 (HCJ Ont), au paragraphe 41). Cette expression ne renvoie pas seulement à de meilleurs arguments. Le juge Michael Phelan en a précisé le sens véritable :

a)      des décisions ultérieures ont remis en question la validité du jugement contesté;

 

b)      il est considéré qu’un élément jurisprudentiel ayant force obligatoire ou une loi pertinente n’ont pas été pris en considération;

 

c)      le jugement a été rendu sans délibéré, un jugement nisi prius rendu dans des circonstances que connaissent tous les juges de première instance, là où les exigences du procès sont telles que le juge doit rendre sa décision sur-le-champ sans avoir l’occasion de consulter en détail la jurisprudence. (Altana Pharma Inc c Canada (Santé), 2007 CF 1095, au paragraphe 36).

 

[15]           Le juge Noël a exprimé un point de vue analogue dans Apotex Inc., précité, lorsqu’il a déclaré qu’« en général, un juge ne devrait pas écarter les conclusions de droit tirées par un autre juge de la Cour fédérale, à moins d’être convaincu qu’il est nécessaire de le faire et de pouvoir fournir des motifs convaincants à l’appui. Si ce test est appliqué, les divergences entre les décisions devraient être rares » (au paragraphe 48).

 

[16]           Le stare decisis, ou la courtoisie judiciaire, est fréquemment invoqué dans le contexte du Règlement, car un même brevet est souvent contesté sous plusieurs aspects. Ayant récemment passé en revue la jurisprudence pertinente, le juge Roger Hughes a conclu que « ce tribunal doit se conformer à ladite décision antérieure, à moins qu’elle ne soit manifestement erronée ou que la jurisprudence n’ait changé » (Allergan Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2012 CF 767, au paragraphe 66).

 

[17]           En ce qui a trait à l’interprétation des brevets, le juge Robert Barnes s’est déclaré lié par celle que le juge Hughes avait retenue lors d’une instance antérieure, bien que la preuve au dossier fût différente (Pfizer Canada Inc c Canada (Santé), 2007 CF 446). Le juge Hughes avait pu interpréter le brevet sans se rapporter à la preuve, son interprétation était donc contraignante étant donné qu’il n’y avait aucune raison de conclure que sa décision était « manifestement erronée » (au paragraphe 31). Le juge Hughes a également conclu que « n’en subsiste pas moins la nécessité de la prévisibilité et de la cohérence lorsqu’il s’agit de questions, telles que l’interprétation des brevets, qu’on examine à partir du brevet lui-même et non de la preuve, ou lorsque les moyens de preuve ne sont pas différents » (Eli Lilly Canada Inc c Novopharm Ltée, 2007 CF 596, au paragraphe 63).

 

[18]           Par conséquent, compte tenu des principes de stare decisis et de courtoisie judiciaire, je suis lié par l’interprétation que la juge Snider a donnée du brevet 876, à moins qu’il ne soit nécessaire, pour des raisons convaincantes, de s’en écarter. Aucune semblable raison ne m’a été présentée, l’interprétation de la juge Snider est donc contraignante pour moi.

 

2.      Rappel concernant la nature du Règlement sur les médicaments brevetés (AC)

[19]           Le Règlement « renferme des dispositions exhaustives » (Apotex Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1993), 3 CPR (4th) 1 (CAF), au paragraphe 28). Par ailleurs, comme nous l’avons déjà mentionné, il existe un lien étroit entre les articles 6 et 8 du Règlement : ils se complètent, se font contrepoids et assurent de ce fait l’équilibre global du texte de loi. En fait, ces deux dispositions sont si étroitement liées que les juges statueront généralement à la fois sur le bien-fondé d’une demande d’interdiction et, si nécessaire, sur la question des dommages-intérêts.

 

[20]           Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir Apotex, je ne puis considérer que l’article 8 crée un droit d’action autonome, tout à fait distinct des procédures fondées sur l’article 6. Une telle interprétation serait contraire aux explications du Règlement proposées par la jurisprudence évoquée plus haut. Elle reviendrait effectivement à créer un autre régime réglementaire offrant un substitut aux actions en contrefaçon et en invalidation au titre de la Loi sur les brevets, complètement détaché du reste des prescriptions du Règlement.

 

[21]           De plus, une telle interprétation des procédures relevant de l’article 8 exposerait injustement les premières personnes à des allégations qu’elles ne pouvaient pas anticiper au moment de décider de solliciter ou non l’ordonnance d’interdiction prévue à l’article 6. La demande d’interdiction reposerait sur les arguments soulevés dans l’avis d’allégation initial et sur un examen quant à savoir si ces arguments pourraient être non fondés. Il serait anormal que la première personne soit confrontée, au moment de l’estimation des dommages découlant de la poursuite de cette demande, à de nouvelles contestations imprévisibles. Je ne vois rien dans le Règlement qui autorise la seconde personne à signifier, pratiquement, un nouvel avis d’allégation à la première personne, par le biais d’une action fondée sur l’article 8.

 

[22]           Il est clair que le paragraphe 8(5) autorise le juge à considérer tous les facteurs pertinents au moment de calculer le montant des dommages-intérêts. À première vue, cette disposition accorde au juge un vaste pouvoir discrétionnaire. Cependant, eu égard au lien entre les articles 6 et 8, le juge saisi d’une action fondée sur l’article 8 doit tenir compte à mon avis des questions envisagées dans le cadre de la demande relative à l’article 6. D’après moi, cela signifie que des allégations d’absence de contrefaçon ou d’invalidité absolument nouvelles ne sont pas « pertinentes » aux fins de l’article 8. L’avis d’allégation a défini les questions en litige dans le cadre de la demande fondée sur l’article 6 et, à mon sens, il continue de définir la portée des questions pertinentes aux fins de l’article 8.

 

[23]           Je me dois toutefois de souligner que la juge Snider a conclu que l’allégation d’Apotex concernant l’absence de contrefaçon était fondée compte tenu de la preuve. C’est pour cette raison qu’elle a rejeté la demande de Pfizer visant à obtenir une ordonnance interdisant au ministre d’accorder un avis de conformité (AC) à Apotex. Cette conclusion n’empêche pas, cependant, que la question de la contrefaçon soit soulevée devant moi. Maintenant que le médicament d’Apotex est effectivement commercialisé et qu’il peut être analysé, Pfizer a le droit de présenter des éléments de preuve montrant qu’Apotex peut avoir réellement contrefait le brevet 876. Par conséquent, j’ai reçu les observations et la preuve des parties sur la question, que j’exposerai en détail ci‑après.

 

[24]           Pfizer soutient que sa preuve concernant la contrefaçon est assez convaincante pour faire totalement échouer l’action d’Apotex fondée sur l’article 8, conformément à la règle ex turpi causa. J’estime que la Cour d’appel fédérale a entièrement rejeté cet argument dans l’arrêt Apotex Inc. c Merck & Co, Inc., 2011 CAF 364 [Lovastatin], où le juge John Evans a conclu que les observations de Merck à ce chapitre étaient pertinentes au regard de l’exercice par la Cour du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 8(5), et non du droit d’Apotex d’intenter une action en vertu du paragraphe 8(1). Il déclarait qu’« il n’est pas […] pas nécessaire d’intégrer une exception ex turpi causa dans le paragraphe 8(1) pour empêcher les contrefacteurs de brevet de se faire indemniser injustement par la première personne » (au paragraphe 36). Le paragraphe 8(5) autorise plutôt la Cour à tenir compte de tous les facteurs pertinents, y compris la preuve liée à la contrefaçon, au moment de déterminer s’il faut réduire ou annuler les dommages-intérêts accordés à la seconde personne (paragraphe 37).

 

3.      Conclusion

[25]           Apotex soutient que je ne suis pas lié par l’interprétation du brevet adoptée par la juge Snider, et que l’article 8 du Règlement crée un droit d’action autonome et indépendant des autres dispositions réglementaires, notamment de l’article 6.

 

[26]           Je ne puis souscrire aux observations d’Apotex sur ces points. En ce qui me concerne, la décision de la juge Snider est contraignante en vertu des principes du stare decisis et de la courtoisie judiciaire. Quand bien même ce ne serait pas le cas, le régime global du Règlement et le lien étroit entre les articles 6 et 8 indiquent que le calcul des dommages découle de la demande fondée sur l’article 6, et devrait être délimité par les questions soulevées et tranchées dans le cadre de cette instance. Par ailleurs, la portée du mot « pertinents » à l’article 8 doit être envisagée à la lumière des questions soulevées par la demande relative à l’article 6, telles que formulées dans l’avis d’allégation. L’action fondée sur l’article 8 ne devrait pas être considérée comme une procédure absolument nouvelle et ouverte.

 

[27]           Par conséquent, étant donné que l’avis d’allégation (AA) initial indiquait qu’Apotex ne contreferait pas le brevet 876 et ne faisait aucune mention relative à l’invalidité, je ne peux pas prendre en considération les nouvelles observations d’Apotex à l’égard de l’invalidité du brevet 876. Par ailleurs, les parties ont convenu devant la juge Snider que la seule revendication en litige était la revendication 1 du brevet 876, dont elle a jugé que l’élément essentiel était simplement le « dihydrate d’azithromycine sous forme de cristaux » (DA). N’ayant aucun motif valable de formuler une autre conclusion, je ferai mienne cette interprétation.

 

[28]           Apotex a allégué devant moi que l’objet du brevet 876 est du DA non hygroscopique qui est essentiellement exempt d’autres formes cristallines. Par conséquent, selon Apotex, le brevet 876 n’englobe pas les mélanges de DA et d’autres formes cristallines de l’azithromycine, la conversion en DA d’autres formes cristallines de l’azithromycine ni les formes hygroscopiques du DA.

 

[29]           Dans son AA initial, Apotex alléguait que ses comprimés contiendraient de l’isopropanolate d’azithromycine monohydraté (IAM). En l’espèce, elle allègue que, s’il y a conversion de l’IAM en DA dans ses comprimés, le brevet 876 n’est pas contrefait, car l’invention qui y est divulguée est un composé non hygroscopique. La conversion de l’IAM en DA nécessiterait l’introduction d’eau dans l’IAM, ce qui indiquerait que le produit d’Apotex était hygroscopique et, par conséquent, qu’il n’était pas visé par le brevet 876. De même, Apotex prétend que le brevet 876 ne porte pas sur les mélanges de DA et d’autres composés. La preuve fournie par Pfizer, dont il sera question plus loin, indique que le produit d’Apotex pourrait contenir un mélange d’IAM et de DA. De l’avis d’Apotex, il n’y aurait pas là contrefaçon du brevet 876.

 

[30]           Compte tenu de l’interprétation du brevet 876 que je dois appliquer, ces arguments ne sauraient être retenus. Comme je l’ai déjà mentionné, je suis lié par l’interprétation de la juge Snider, qui a conclu que le brevet 876, et en particulier la revendication 1, se rapportait purement et simplement au DA. Par conséquent, tout DA présent dans le produit d’Apotex serait une contrefaçon du brevet 876. La juge Snider a d’ailleurs spécifié que toute conversion de l’IAM en DA constituerait une contrefaçon. S’il contient du DA, le produit d’Apotex contrefait donc le brevet 876, auquel cas cette dernière n’a droit à aucun redressement ou ses dommages-intérêts doivent être réduits en conséquence.

 

[31]           Dans la présente action, il incombe à Apotex d’établir le fondement de sa demande d’indemnisation. Pfizer reconnaît qu’elle doit prouver ce qu’elle a invoqué en défense, à savoir qu’Apotex a contrefait le brevet. Par conséquent, les principales questions qu’il reste à trancher sont les suivantes :

 

1.         Apotex remplit-elle les conditions requises pour obtenir un redressement au titre de l’article 8?

2.         Le cas échéant, Pfizer a-t-elle prouvé qu’Apotex aurait contrefait le brevet 876 si elle était entrée sur le marché sans avoir à invoquer le Règlement?

 

[32]           D’autre part, les questions procédurales suivantes doivent être tranchées au préalable.

 

a)         Admissibilité des analyses effectuées par Pfizer en 2008 et 2009 sur des comprimés d’Apotex

[33]           Des scientifiques chez Pfizer ont effectué des analyses sur des comprimés d’Apotex en 2008 et 2009. Apotex fait valoir que ces analyses sont inadmissibles parce qu’elles constituent une preuve d’opinion n’ayant pas été introduite par un expert compétent, et aussi parce qu’elle n’a pas été invitée à y assister pour observer la méthode d’essai.

 

[34]           En ce qui concerne la première objection, ces analyses me paraissent admissibles, mais seulement à première vue. En d’autres termes, les mesures prises et consignées sont admissibles. Elles ont été effectuées par des personnes suffisamment compétentes pour effectuer les analyses résumées dans les rapports (voir AlliedSignal Inc. c DuPont Canada Inc. (1998), 78 CPR (3d) 129 (CF 1re inst.), aux paragraphes 127 à 131, conf. par (1999), 86 CPR (3d) 324 (CAF)). Cependant, les résultats n’ont pas été interprétés par un expert compétent (sauf, comme le verrons, par l’expert d’Apotex, M. Michael John Zaworotko, professeur de chimie à la University of South Florida. Ce dernier a fourni son opinion durant le contre-interrogatoire après n’avoir disposé que de quelques minutes pour passer lesdits résultats en revue). Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir Pfizer dans ses observations, ces tests ne prouvent pas que les comprimés testés contenaient un DA. Les résultats présentés dans les rapports accréditent plutôt la possibilité que les comprimés contiennent une certaine quantité de DA. Cette preuve est évoquée plus en détail plus loin.

 

[35]           Comme la deuxième objection d’Apotex se rapportait également à la preuve de l’expert de Pfizer, M. Jerry Atwood, je l’aborderai ci-après.

 

b)         Admissibilité de la preuve de M. Atwood

[36]           Pfizer s’est appuyée sur la preuve d’expert de M. Jerry Atwood, professeur et directeur du département de chimie de l’Université du Missouri‑Columbia. Apotex soutient que les résultats de ses tests, menés alors que le litige entre les parties était en cours, sont inadmissibles parce qu’elle aurait dû être avisée de leur déroulement et être invitée à y assister. Ce point lui parait particulièrement important dans le cas présent, car la principale question est de savoir si son composé a été converti en DA breveté. La conversion peut se produire durant les tests eux-mêmes – à cause de la chaleur, du stress ou de l’humidité – et c’est pourquoi il est important de savoir comment l’analyse a été menée. Comme nous l’avons mentionné, Apotex avait soulevé la même objection à l’égard des tests internes effectués par Pfizer en 2008 et 2009 sur ses comprimés.

 

[37]           Apotex s’appuie surtout sur la décision Omark Industries (1960) Ltd. c Gouger Saw Chain Co (1964), 45 CPR 169 (C. de l’É.) [Omark]. Cette affaire portait spécifiquement sur des tests effectués durant le procès – pendente lite (au paragraphe 204). Ni les tests de M. Atwood ni les essais antérieurs de Pfizer n’ont été faits durant le procès. Quant à ceux qui lui sont antérieurs, le juge Noël a indiqué que les tests menés en présence de l’autre partie ont [traduction] « une valeur probante bien supérieure » à ceux qui ont été effectués ex parte. En d’autres mots, c’est une question de poids et non d’admissibilité.

 

[38]           Apotex invoque également deux décisions subséquentes dans lesquelles des tests ont été exclus sur la foi du raisonnement énoncé dans Omark. La première est Merck & Co c Apotex Inc, [1994] ACF no 1898 (CF 1re inst.) [Merck & Co], au paragraphe 127, dans laquelle le juge Andrew MacKay a conclu que le principe établi dans la décision Omark s’appliquait aux tests contemporains ou antérieurs au procès. La seconde décision est Halford c Seed Hawk Inc. [2001] ACF no 1631 (CF 1re inst.) [Halford], aux paragraphes 33 et 37, où le juge Denis Pelletier a rejeté comme inadmissibles des éléments de preuve se rapportant à certains tests effectués en l’absence de l’autre partie.

 

[39]           Il ressort clairement de la décision Omark que les résultats de tests effectués durant un procès sont inadmissibles à moins que la partie adverse n’ait eu la possibilité d’y assister. Dans Omark et Merck & Co, les tests avaient effectivement été menés durant le procès. Quoi qu’il en soit, dans Omark, la preuve a été admise, car elle se rapportait à des mesures que les experts de la partie adverse auraient très bien pu obtenir eux-mêmes. Dans Halford, cependant, les tests étaient bien antérieurs au procès.

 

[40]           La règle ou la pratique énoncée dans Omark vise à garantir l’équité entre les parties (Merck & Co Inc. c Apotex Inc, 2003 CF 1242, au paragraphe 7). Il est clair qu’Apotex savait très bien que Pfizer avait l’intention d’effectuer des tests sur son composé puisqu’elle lui a fourni des échantillons à cette fin. Si elle souhaitait y assister, Apotex aurait pu en faire la demande. Si Pfizer s’y était opposée, l’admissibilité de ces tests aurait certainement pu poser problème. Cependant, dans les circonstances, comme elle avait été amplement informée des intentions de Pfizer, Apotex ne peut faire valoir à présent l’inadmissibilité de sa preuve.

 

[41]           Apotex soulève les mêmes objections à l’égard des tests internes de Pfizer, d’autant plus que ceux-ci ont été effectués par des employés de Pfizer qui, contrairement à des experts indépendants, ne peuvent être réputés impartiaux.

 

[42]           À mon avis, ces résultats sont également admissibles. Les tests en question ont été effectués bien avant le procès et, de toute façon, ne seront admis qu’aux fins limitées décrites plus haut.

 

IV.       Le contexte factuel

[43]           Apotex a signifié trois avis d’allégation à Pfizer à l’égard des trois brevets que cette dernière avait inscrits au registre des brevets relativement à son médicament contenant de l’azithromycine, appelé Zithromax®. Pour sa part, Pfizer a intenté des procédures pour interdire au ministre de délivrer un AC à Apotex. Comme nous l’avons déjà mentionné, la demande relative au brevet 876 a été rejetée par la juge Snider en 2003. Une demande distincte concernant un deuxième brevet (no 2 148 071) a été rejetée par le juge Richard Mosley en 2005. Après avoir reçu le troisième avis d’allégation d’Apotex se rapportant au troisième brevet (no 2 269 054), Pfizer a décidé de ne pas intenter d’autres procédures. Le ministre a donc accordé à Apotex son AC le 1er novembre 2005.

 

[44]           Apotex a intenté la présente action au titre de l’article 8 du Règlement en 2006, cherchant à être indemnisée pour les pertes découlant de sa mise à l’écart du marché de l’azithromycine alors que les demandes de Pfizer étaient en instance. Comme nous l’avons vu, cette dernière s’est défendue en faisant valoir que le produit d’Apotex contrefaisait le brevet 876 parce qu’il contenait du DA, l’objet du brevet.

 

[45]           La présente instance vise à déterminer si Apotex a droit à une indemnité. Le cas échéant, les questions se rapportant au montant de l’indemnité devront être tranchées séparément. Il s’agira alors d’établir entre autres la période durant laquelle Apotex a été mise à l’écart du marché du fait des demandes de Pfizer.

 

[46]           Le brevet 876 a été délivré le 23 mars 1993 et a expiré le 23 mars 2010. Les parties conviennent que la personne versée dans l’art à qui le brevet 876 s’adresse détiendrait un baccalauréat en chimie et posséderait de deux à trois ans d’expérience dans le domaine.

 

[47]           Comme il a été mentionné, le brevet 876 vise une forme cristalline non hygroscopique de l’azithromycine, un dihydrate (DA). Le brevet décrit la façon de produire du DA en utilisant du tétrahydrofurane et un hydrocarbure aliphatique comme solvants. Le DA a des avantages par rapport à la forme monohydratée de l’azithromycine connue auparavant, qui, à cause de son hygroscopie, est instable et difficile à formuler en un produit pharmaceutique.

 

[48]           La revendication 1 du brevet 876, principale revendication en litige, porte uniquement sur le « dihydrate d’azithromycine sous forme de cristaux », que je désigne par l’acronyme « DA ».

 

[49]           La revendication 2 vise une méthode pour fabriquer du DA par cristallisation en utilisant un mélange de tétrahydrofurane et d’hydrocarbure aliphatique en présence de deux équivalents molaires d’eau.

 

[50]           La revendication 3 est une variante de la revendication 2 dans laquelle l’hydrocarbure est un hexane.

 

[51]           La revendication 4 est une variante plus détaillée de la revendication 2.

 

[52]           La revendication 5 vise une composition pharmaceutique renfermant une quantité de DA non hygroscopique suffisante pour en faire un antibiotique efficace, mélangée avec un diluant ou un véhicule pharmaceutiquement acceptable.

 

V.        Question 1 – Apotex remplit-elle les conditions requises pour obtenir un redressement au titre de l’article 8?

[53]           Apotex doit satisfaire à deux exigences. D’une part, elle doit prouver que la demande de Pfizer fondée sur le paragraphe 6(1) a été rejetée. D’autre part, elle doit avoir subi une perte durant la période de sa mise à l’écart du marché du fait de l’application du Règlement (Lovastatin, précité, aux paragraphes 34 et 35).

 

[54]           Apotex a eu gain de cause dans la demande de Pfizer visant à obtenir une ordonnance qui lui aurait interdit d’obtenir un AC relativement à l’IAM. Cela suffit à la rendre admissible à une indemnité pour les pertes subies durant la période où elle a été mise à l’écart du marché, c’est-à-dire de la date à laquelle elle aurait autrement pu obtenir un AC (en l’espèce, le 13 août 2003) jusqu’à celle où ledit AC lui a effectivement été accordé (1er novembre 2006). Ce droit existe, bien entendu, sous réserve de l’argument de Pfizer voulant qu’Apotex ait commercialisé un médicament contrefaisant le brevet 876, nonobstant la conclusion de la juge Snider selon laquelle l’allégation d’absence de contrefaçon avancée par Apotex était fondée compte tenu de la preuve. C’est là la principale question.

 

VI.       Question 2 – Le cas échéant, Pfizer a-t-elle prouvé qu’Apotex aurait contrefait le brevet 876 si elle était entrée sur le marché sans avoir à invoquer le Règlement?

[55]           Aucune preuve directe n’indique qu’Apotex a employé un composé en vrac contenant du DA, ou qu’elle a fabriqué ou commercialisé des comprimés contenant du DA. L’allégation de contrefaçon avancée par Pfizer repose principalement sur des inférences à tirer des tests effectués sur des composés en vrac qui n’étaient pas destinés à entrer dans la fabrication des comprimés, et sur des comprimés fabriqués à partir de composés qui n’enfreignaient pas le brevet. À mon avis, cela ne suffit pas à prouver qu’Apotex a commis une contrefaçon. Je me propose maintenant de résumer et de passer en revue les différentes catégories de preuve.

 

1.      Trois tests internes effectués par Pfizer en 2006, 2008 et 2009

[56]           En 2006, Pfizer a analysé les comprimés d’Apotex par résonance magnétique nucléaire des solides (RMNS) et a conclu qu’ils renfermaient 96 % d’IAM et 4 % d’autres polymorphes de l’azithromycine. Aucune quantité détectable de DA n’a été observée. Selon M. Zaworotko, les comprimés ne renfermaient aucun autre polymorphe de l’azithromycine; les résultats ont plutôt révélé que des modifications mineures de la structure cristalline de l’IAM avaient produit un spectre RMNS similaire à celui d’autres formes polymorphes. Étant donné l’absence d’autres solvates qui laisseraient croire à une transformation en d’autres polymorphes, rien n’indique que les comprimés renfermaient autre chose que de l’IAM. De même, la teneur en isopropanol n’était pas constante en présence de DA. D’autres tests (diffraction des rayons X par les poudres [DRXP] et spectroscopie infrarouge) ont confirmé l’absence de DA.

[57]           L’opinion de M. Zaworotko reposait sur sa connaissance approfondie de la cristallographie, notamment les diverses formes des cristaux d’azithromycine, leur structure et leurs caractéristiques.

 

[58]           Des scientifiques employés par Pfizer ont également testé certains des comprimés d’Apotex en 2008 et 2009. Comme nous l’avons déjà mentionné, Apotex s’est opposée à cette preuve au motif qu’il s’agissait d’une opinion émise par des non-experts. À mon avis, cette preuve émane de scientifiques expérimentés qui effectuaient des tests de routine et ne s’exprimaient pas à titre d’expert. En fait, s’agissant de personnes versées dans l’art, ils décrivaient simplement les résultats des tests qu’ils étaient tout à fait qualifiés pour conduire. Cependant, la preuve contenue dans ces rapports et dans les témoignages qui s’y rattachent se résume aux résultats eux-mêmes. Je ne dispose d’aucune preuve sous forme d’opinion où M. Atwood les aurait interprétés. Le seul avis d’expert concernant ces tests était celui de M. Zaworotko, qu’il a formulé après n’avoir eu que quelques minutes pour les examiner.

 

[59]           Un test de RMNS réalisé sur un comprimé d’Apotex en 2008 a donné des résultats compatibles avec la présence d’environ 30 % de DA et d’environ 70 % d’IAM ou d’autres polymorphes similaires. Un test de DRXP a aussi laissé croire à la présence d’une certaine quantité de DA et d’autres formes polymorphes de l’azithromycine. La chromatographie en phase gazeuse (CPG) a par ailleurs montré que le comprimé renfermait 2,1 % d’isopropanol. Un titrage de Karl Fischer (TKF), qui permet de mesurer la teneur en eau, a révélé que le comprimé renfermait 8,7 mg d’eau. Selon M. Zaworotko, ces données étaient semblables à celles obtenues par M. Atwood lorsqu’il a analysé les comprimés d’Apotex, ce dont il sera question plus loin. À son point de vue, les données de la RMNS et de la DRXP étaient insuffisantes pour affirmer que du DA était présent dans le comprimé. De plus, la teneur en isopropanol était compatible avec la présence d’un polymorphe de l’IAM, et non pas de DA.

 

[60]           En 2009, un test de RMNS effectué sur un autre comprimé a donné des résultats compatibles avec la présence de 33 % de DA et, pour le reste, d’IAM; un test de DRXP correspondant évoquait la présence d’une certaine quantité de DA et d’autres polymorphes de l’azithromycine. Encore là, M. Zaworotko estimait que ce test révélait la présence de deux formes cristallines de l’azithromycine dans le comprimé, mais les données étaient insuffisantes pour démontrer que l’un d’eux était du DA.

 

2.      Tests sur la matière brute d’Apotex

[61]           Des tests ultérieurs ont amené Pfizer à prétendre, en l’espèce, qu’Apotex contrefaisait le brevet 876. En 2012, M. Atwood, expert de Pfizer, a analysé 13 lots de la matière brute d’Apotex. Il a effectué une série d’analyses : DRXP, RMNS, TKF, calorimétrie différentielle à balayage (CDB), analyse thermogravimétrique (ATG) et résonance magnétique nucléaire du proton (RMN 1H). Il croyait que ces tests étaient les plus probants et a souligné qu’ils [traduction] « se chevauchent, de sorte qu’une technique confirme les résultats d’une autre technique ».

 

[62]           M. Atwood a conclu que neuf lots de la matière brute d’Apotex renfermaient principalement le DA breveté, et non pas l’IAM d’Apotex. Il a identifié ces échantillons comme ceux du « groupe I ». Les quatre autres lots, « le groupe II », étaient constitués d’un mélange de DA et d’IAM. Il a tiré ses conclusions en s’appuyant sur les valeurs attendues pour le DA et l’IAM dans les antériorités. On ne lui a pas demandé si le DA qu’il avait trouvé dans la matière d’Apotex était le même que le DA breveté par Pfizer. Cependant, selon les antériorités, le DA a une structure cristalline unique. M. Atwood ne connaissait aucune autre forme cristalline qui possède la même structure que le DA. Il a donc conclu que le DA présent dans la matière d’Apotex était le même que celui de Pfizer.

 

[63]           Selon M. Zaworotko, les certificats d’analyse de la matière qu’Apotex a reçue de son fournisseur, Alembic, indiquaient qu’elle renfermait uniquement de l’IAM. Cette matière a été reçue dans des sacs scellés sous azote dans des barils scellés. Les scientifiques d’Apotex ont retiré quatre échantillons de chaque baril. Ils ont analysé deux échantillons et ont mis de côté les deux autres au cas où ils en auraient besoin pour d’autres fins. Ils ont placé ces échantillons dans des bouteilles à couvercle vissé et ont remis la matière brute qui serait utilisée pour fabriquer les comprimés dans les sacs scellés sous azote dans les barils scellés.

 

[64]           Les tests d’Apotex, notamment les tests pour mesurer la teneur en eau et en isopropanol et la DRXP, ont montré de façon constante que la matière brute était de l’IAM et ne contenait pas de DA. Lorsque la matière brute était conservée plus de 30 jours avant d’être transformée en comprimés, Apotex effectuait un autre test. Aucun de ces tests n’a montré la présence de DA. (Je note qu’une partie de la matière brute ne contenait pas assez d’isopropanol à l’analyse. Cependant, après un nouveau test, la teneur en isopropanol dans la matière se situait dans l’intervalle attendu. L’explication la plus logique de cette irrégularité, selon M. Zaworotko, était que le laboratoire avait fait une erreur ce jour-là lorsqu’il avait mesuré la teneur en isopropanol.)

 

[65]           Aucune preuve n’indique que de l’eau a pu être introduite pendant la fabrication des comprimés, ce qui aurait causé une conversion de l’IAM en DA. Aucune eau n’a été utilisée dans la préparation des comprimés d’Apotex, sauf pendant l’enrobage, et aucune eau n’a atteint le noyau du comprimé. En effet, rien n’indique qu’il y a eu conversion de l’IAM en DA au cours du procédé de fabrication.

 

[66]           En 2005, Santé Canada a fait part à Apotex de certaines préoccupations au sujet de la stabilité de son produit et lui a demandé des données supplémentaires concernant toute conversion de l’IAM en DA. Apotex a répondu en fournissant les résultats de nouveaux tests ne montrant aucune conversion. Santé Canada a délivré à Apotex un avis de conformité (AC) pour son produit le 1er novembre 2005.

 

[67]           Par suite de son examen des certificats d’analyse de la matière brute d’Apotex, M. Zaworotko a conclu que le profil de DRXP, combiné aux quantités requises d’isopropanol et d’eau, prouve que la matière brute était de l’IAM.

 

[68]           M. Zaworotko était d’accord avec certaines des observations de M. Atwood au sujet de la matière brute, mais doutait qu’elles montraient que la matière brute ou les comprimés d’Apotex contenaient effectivement du DA. En particulier, il a souligné que M. Atwood avait analysé de la matière brute qui avait été conservée pendant plusieurs années dans des conditions qui étaient loin d’être idéales. Ces échantillons avaient été conservés dans des bouteilles à bouchon vissé pas assez étanches pour empêcher le remplacement de l’isopropanol par de l’eau, ce qui a pu entraîner la conversion d’une partie de l’IAM en DA ou en une autre forme cristalline de l’azithromycine. Pfizer n’a pas demandé d’analyser la matière brute d’Apotex qui était employée pour fabriquer des comprimés.

 

[69]           Une partie de la matière brute qu’a analysée M. Atwood en 2012 et qui s’est révélée être du DA essentiellement pur avait été analysée par Apotex en 2007 et en 2008 et s’était révélée être de l’IAM. Selon M. Zaworotko, on peut en conclure que c’était de l’IAM qui était utilisé dans la production des comprimés d’Apotex, alors que la matière qui était conservée dans des bouteilles, et n’était pas utilisée pour la fabrication, avait subi une certaine conversion. Cette théorie est étayée par le fait qu’une partie de la matière brute analysée par M. Atwood et qui contenait du DA essentiellement pur était utilisée pour fabriquer des comprimés qui, selon ses conclusions, ne contenaient qu’une quantité « détectable » de DA. Il est donc probable que la matière brute mal conservée a subi une transformation, mais que c’est cependant de l’IAM pur qui était employé pour fabriquer les comprimés. Une transformation inverse du DA en IAM ne pouvait pas être expliquée.

 

[70]           Même si M. Zaworotko, tout comme M. Atwood, ne connaissait qu’une seule forme cristalline de DA, il croyait que l’hydrate était probablement polymorphe. Vu la nature variable de l’azithromycine (deux douzaines de formes cristallines sont connues), il est prévisible qu’elle forme de multiples polymorphes, solvates et hydrates. Même si aucun autre dihydrate n’a été signalé dans la littérature, on ne peut pas en conclure qu’il ne peut en exister ou n’en existe aucun.

 

3.   Tests réalisés en 2012 sur les comprimés d’Apotex

[71]           M. Atwood a analysé trois lots de comprimés d’Apotex en 2011 et 2012. Son analyse par DRXP a révélé que les comprimés formaient des pics présents tant dans le groupe I que dans le groupe II de la matière brute, ce qui indique qu’ils contenaient à la fois du DA et de l’IAM. Son analyse par RMNS a montré que les comprimés renfermaient de l’IAM et une quantité détectable de DA. Ses autres analyses laissaient aussi croire que les comprimés contenaient de l’IAM. Dans la section Conclu sion de son rapport d’expert, M. Atwood n’exprime aucune opinion générale au sujet du contenu des comprimés, mais il décrit brièvement ces derniers comme des mélanges de DA, d’IAM et [traduction] « d’autres composés comportant des proportions variables d’azithromycine, d’isopropanol et/ou d’eau ». Ses résultats sous forme de tableau, dernière partie de son affidavit d’expert, décrivent les comprimés comme de l’IAM avec une quantité détectable (mais non indiquée) de DA.

 

[72]           M. Atwood a convenu que ses analyses indiquaient le contenu de la matière qu’il a analysée le jour des tests de 2012. Elles ne fournissent aucune preuve directe du contenu des comprimés à une date antérieure, y compris, évidemment, dans la période précédant l’expiration du brevet 876 en mars 2010. Par conséquent, les tests de M. Atwood ne fournissent pas de preuve directe étayant l’allégation de contrefaçon de Pfizer.

 

[73]           M. Zaworotko a mis en doute les résultats de M. Atwood, en particulier à savoir si les comprimés d’Apotex contenaient bel et bien du DA. Étant donné que l’azithromycine est connue pour sa facilité à former divers cristaux polymorphes, M. Zaworotko croit que ce que M. Atwood a détecté pouvait être un polymorphe de l’IAM inconnu jusque-là et difficile à distinguer du DA. Les comprimés contenaient une quantité importante d’IAM et d’isopropanol et une petite quantité seulement d’un autre cristal. En effet, les profils de DRXP, le spectre RMNS et les données de la RMN 1H des comprimés étaient compatibles avec la présence d’une grande quantité d’isopropanol dans les comprimés, ce qui ne cadrerait pas avec une transformation importante en DA. Il est plutôt probable que toute conversion aurait produit une autre forme cristalline qui, malgré la similitude de son profil de DRXP et de son spectre RMNS avec ceux du DA, est en fait un polymorphe de l’IAM ou un autre solvate.

 

[74]           M. Zaworotko souligne que M. Atwood n’explique pas comment les comprimés pourraient acquérir de l’eau et ainsi se convertir en DA. Le remplacement de l’isopropanol par de l’eau dans la matière brute analysée par M. Atwood a pu se produire parce que la matière était conservée dans des bouteilles vissées qui n’étaient pas parfaitement étanches. Cependant, cette matière n’a pas servi à fabriquer des comprimés. La matière brute utilisée pour la fabrication, selon l’ensemble de la preuve, était de l’IAM pur et les comprimés produits étaient placés dans des plaquettes imperméables. Pour que du DA se forme dans les comprimés, une source d’eau serait nécessaire.

 

[75]           Encore là, d’après M. Zaworotko, il est plus probable que la transformation observée par M. Atwood était celle de l’IAM en un autre type d’azithromycine, et non pas en DA. Selon lui, les tests réalisés par Pfizer elle-même en 2006, dans lesquels l’analyste avait noté la présence dans les comprimés d’Apotex d’autres formes d’azithromycine, et non pas de DA, ajoutent foi à cette explication.

 

[76]           Pfizer n’a fourni aucune preuve en réponse à la preuve de M. Zaworotko.

 

4.      Pfizer s’est-elle acquittée de son fardeau de prouver la contrefaçon?

[77]           À mon avis, Pfizer n’a pas établi qu’il y avait contrefaçon du brevet 876. La preuve se résume brièvement ainsi :

 

            •          La matière brute qu’Apotex a employée pour fabriquer les comprimés ne contenait pas de DA.

 

            •          La matière brute qu’Apotex a conservée sous forme d’échantillons dans des bouteilles à couvercle vissé contenait peut-être du DA. Si elle en contenait, l’explication la plus probable est que l’isopropanol a été remplacé par de l’eau qui s’est introduite dans la bouteille par le bouchon perméable.

 

            •          Les analyses des comprimés révèlent que :

 

  en 2006, les comprimés d’Apotex ne contenaient pas de DA;

  en 2008, 2009 et 2012, les comprimés d’Apotex contenaient de l’IAM et une petite quantité d’un autre cristal qui n’est probablement pas du DA.

 

[78]           Cette preuve n’évoque que la possibilité que les comprimés d’Apotex aient pu contenir une petite quantité de matière contrefaite avant l’expiration du brevet 876. Elle est insuffisante pour qu’il me soit possible de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que les comprimés d’Apotex renfermaient véritablement de la matière contrefaite. Par conséquent, l’action intentée par Apotex sur le fondement de l’article 8 ne peut pas être rejetée entièrement, ni aux motifs que son indemnité devrait être réduite à zéro selon le paragraphe 8(5) ni selon la règle ex turpi causa. La preuve devant moi peut cependant aider à évaluer le montant de l’indemnité qu’il convient d’accorder en application du paragraphe 8(5), montant qui sera déterminé de façon distincte.

 

VII.     Conclusion et décision

[79]           Apotex a rempli les conditions requises pour obtenir un redressement au titre de l’article 8 du Règlement. Pfizer n’a pas établi qu’Apotex n’a pas le droit d’être dédommagée pour ces pertes, que ce soit en raison d’une contrefaçon du brevet 876 ou en vertu de la règle ex turpi causa. Par conséquent, la demande d’Apotex est accueillie avec dépens; le montant des dommages sera déterminé dans le cadre d’une instance ultérieure.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                              l’action en indemnisation de la demanderesse fondée sur l’article 8 du Règlement est accueillie, avec dépens;

2.                              le calcul de l’indemnité aura lieu dans le cadre d’une instance ultérieure.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


Annexe

 

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133

 

DROITS D’ACTION

 6. (1) La première personne peut, au plus tard quarante-cinq jours après avoir reçu signification d’un avis d’allégation aux termes de l’alinéa 5(3)a), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer l’avis de conformité avant l’expiration du brevet en cause.

 

 (2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l’égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu’aucune des allégations n’est fondée.

 

 (3) La première personne signifie au ministre, dans la période de 45 jours visée au paragraphe (1), la preuve que la demande visée à ce paragraphe a été faite.

 

 (4) Lorsque la première personne n’est pas le propriétaire de chaque brevet visé dans la demande mentionnée au paragraphe (1), le propriétaire de chaque brevet est une partie à la demande.

 

 (5) Sous réserve du paragraphe (5.1), lors de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter tout ou partie de la demande si, selon le cas :

 

a) les brevets en cause ne sont pas admissibles à l’inscription au registre;

 

b) il conclut qu’elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement, à l’égard d’un ou plusieurs brevets, un abus de procédure.

 

 (5.1) Lors de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal ne peut rejeter tout ou partie de la demande pour la seule raison qu’un brevet inscrit sur une liste de brevets présentée avant le 17 juin 2006 n’est pas admissible à l’inscription au registre.

 

 (6) Aux fins de la demande visée au paragraphe (1), dans le cas où la seconde personne a fait une allégation aux termes des sous-alinéas 5(1)b)(iv) ou 5(2)b)(iv) à l’égard d’un brevet et que ce brevet a été accordé pour l’ingrédient médicinal préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués dans le brevet ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, la drogue qu’elle projette de produire est, en l’absence d’une preuve contraire, réputée préparée ou produite selon ces modes ou procédés.

 

 

 (7) Sur requête de la première personne, le tribunal peut, au cours de l’instance :

 

a) ordonner à la seconde personne de produire les extraits pertinents de la présentation ou du supplément qu’elle a déposé pour obtenir un avis de conformité et lui enjoindre de produire sans délai tout changement apporté à ces extraits au cours de l’instance;

 

b) enjoindre au ministre de vérifier si les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la présentation ou le supplément déposé.

 

 

 (8) Tout document produit aux termes du paragraphe (7) est considéré comme confidentiel.

 

 (9) Le tribunal peut, au cours de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), rendre toute ordonnance relative aux dépens, notamment sur une base avocat-client, conformément à ses règles.

 

 (10) Lorsque le tribunal rend une ordonnance relative aux dépens, il peut tenir compte notamment des facteurs suivants :

 

 

a) la diligence des parties à poursuivre la demande;

 

b) l’inscription, sur la liste de brevets qui fait l’objet d’une attestation, de tout brevet qui n’aurait pas dû y être inclus aux termes de l’article 4;

 

c) le fait que la première personne n’a pas tenu à jour la liste de brevets conformément au paragraphe 4(7).

 8. (1) Si la demande présentée aux termes du paragraphe 6(1) est retirée ou fait l’objet d’un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi, ou si l’ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité, rendue aux termes de ce paragraphe, est annulée lors d’un appel, la première personne est responsable envers la seconde personne de toute perte subie au cours de la période :

 

a) débutant à la date, attestée par le ministre, à laquelle un avis de conformité aurait été délivré en l’absence du présent règlement, sauf si le tribunal estime d’après la preuve qu’une autre date est plus appropriée;

 

 

b) se terminant à la date du retrait, du désistement ou du rejet de la demande ou de l’annulation de l’ordonnance.

 

 (2) La seconde personne peut, par voie d’action contre la première personne, demander au tribunal de rendre une ordonnance enjoignant à cette dernière de lui verser une indemnité pour la perte visée au paragraphe (1).

 

 (3) Le tribunal peut rendre une ordonnance aux termes du présent article sans tenir compte du fait que la première personne a institué ou non une action pour contrefaçon du brevet visé par la demande.

 

 (4) Le tribunal peut rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée pour accorder réparation par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits à l’égard de la perte visée au paragraphe (1).

 

 (5) Pour déterminer le montant de l’indemnité à accorder, le tribunal tient compte des facteurs qu’il juge pertinents à cette fin, y compris, le cas échéant, la conduite de la première personne ou de la seconde personne qui a contribué à retarder le règlement de la demande visée au paragraphe 6(1).

Patented Medicines (Notice of Compliance) Regulations, SOR/93-133

 

RIGHT OF ACTION

 6. (1) A first person may, within 45 days after being served with a notice of allegation under paragraph 5(3)(a), apply to a court for an order prohibiting the Minister from issuing a notice of compliance until after the expiration of a patent that is the subject of the notice of allegation.

 

 (2) The court shall make an order pursuant to subsection (1) in respect of a patent that is the subject of one or more allegations if it finds that none of those allegations is justified.

 

 (3) The first person shall, within the 45 days referred to in subsection (1), serve the Minister with proof that an application referred to in that subsection has been made.

 

 (4) Where the first person is not the owner of each patent that is the subject of an application referred to in subsection (1), the owner of each such patent shall be made a party to the application.

 

 (5) Subject to subsection (5.1), in a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court may, on the motion of a second person, dismiss the application in whole or in part

 

(a) in respect of those patents that are not eligible for inclusion on the register; or

 

(b) on the ground that it is redundant, scandalous, frivolous or vexatious or is otherwise an abuse of process in respect of one or more patents.

 

 (5.1) In a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court shall not dismiss an application in whole or in part solely on the basis that a patent on a patent list that was submitted before June 17, 2006 is not eligible for inclusion on the register.

 

 (6) For the purposes of an application referred to in subsection (1), if a second person has made an allegation under subparagraph 5(1)(b)(iv) or (2)(b)(iv) in respect of a patent and the patent was granted for the medicinal ingredient when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed in the patent, or by their obvious chemical equivalents, it shall be considered that the drug proposed to be produced by the second person is, in the absence of proof to the contrary, prepared or produced by those methods or processes.

 

 (7) On the motion of a first person, the court may, at any time during a proceeding,

 

(a) order a second person to produce any portion of the submission or supplement filed by the second person for a notice of compliance that is relevant to the disposition of the issues in the proceeding and may order that any change made to the portion during the proceeding be produced by the second person as it is made; and

 

(b) order the Minister to verify that any portion produced corresponds fully to the information in the submission or supplement.

 

 (8) A document produced under subsection (7) shall be treated confidentially.

 

 

 (9) In a proceeding in respect of an application under subsection (1), a court may make any order in respect of costs, including on a solicitor-and-client basis, in accordance with the rules of the court.

 

 (10) In addition to any other matter that the court may take into account in making an order as to costs, it may consider the following factors :

 

(a) the diligence with which the parties have pursued the application;

 

(b) the inclusion on the certified patent list of a patent that should not have been included under section 4; and

 

 

(c) the failure of the first person to keep the patent list up to date in accordance with subsection 4(7).

 

 8. (1) If an application made under subsection 6(1) is withdrawn or discontinued by the first person or is dismissed by the court hearing the application or if an order preventing the Minister from issuing a notice of compliance, made pursuant to that subsection, is reversed on appeal, the first person is liable to the second person for any loss suffered during the period

 

 

(a) beginning on the date, as certified by the Minister, on which a notice of compliance would have been issued in the absence of these Regulations, unless the court is satisfied on the evidence that another date is more appropriate; and

 

(b) ending on the date of the withdrawal, the discontinuance, the dismissal or the reversal.

 

 (2) A second person may, by action against a first person, apply to the court for an order requiring the first person to compensate the second person for the loss referred to in subsection (1).

 

 

 (3) The court may make an order under this section without regard to whether the first person has commenced an action for the infringement of a patent that is the subject matter of the application.

 

 (4) The court may make such order for relief by way of damages or profits as the circumstances require in respect of any loss referred to in subsection (1).

 

 

 (5) In assessing the amount of compensation the court shall take into account all matters that it considers relevant to the assessment of the amount, including any conduct of the first or second person which contributed to delay the disposition of the application under subsection 6(1).

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-825-06

 

INTITULÉ :                                                  APOTEX INC.
c
PFIZER CANADA INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                      4 au 7, 10 au 13 et 18 au 19 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 10 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

H.B. Radomski

Jerry Topolski

 

POUR LA DEMANDERESSE

Brian Daley

Azim Hussain

Brian John Capogrosso

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Norton Rose Canada, s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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