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Date : 20130514

Dossier : T-1933-11

Référence : 2013 CF 502

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 14 mai 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

ALICE FICEK

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La question en litige dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si le ministre du Revenu national (le ministre) a satisfait à l’obligation d’examiner la déclaration de revenus de la demanderesse « avec diligence », dans des circonstances où le retard dans l’examen était causé par la politique du centre fiscal de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) dont la demanderesse relève, politique visant à décourager certains types de dons utilisés comme abris fiscaux.

 

[2]               Le présent contrôle judiciaire a été engagé principalement pour l’obtention d’un mandamus obligeant le ministre à examiner la déclaration de revenus de la demanderesse pour l’année d’imposition 2010; le jugement déclaratoire était demandé à titre accessoire. Après l’audience, le ministre a établi sa cotisation et a demandé que le contrôle judiciaire soit rejeté en raison de son caractère théorique. La demanderesse avait demandé d’étoffer et de clarifier la demande de jugement déclaratoire de la façon suivante :

[traduction]

[…] subsidiairement, un jugement déclarant que le ministre ne peut retarder à examiner de la déclaration de revenus de la demanderesse, à établir la cotisation et à terminer l’avis relatif à cette cotisation pour l’une des raisons suivantes :

 

 

      a)      dissuader les contribuables de participer à un abri fiscal enregistré (nommément, le programme Global Learning Gifting Initiative) ou de réduire le nombre de ceux qui y participent;

 

      b)      atteindre des objectifs autres que ceux directement liés à l’examen de la déclaration de la demanderesse et établir l’impôt ainsi que les intérêts et les pénalités payables en application de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[3]               La modification au jugement déclaratoire demandé a été autorisée par une ordonnance de la Cour le 24 avril 2013, et la requête visant le rejet de la demande en raison de son caractère théorique a été rejetée le 25 avril 2013. Les motifs du rejet de la requête relative au caractère théorique sont dans la décision Ficek c Canada (Procureur général), 2013 CF 430.

 

[4]               Le paragraphe 152(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985 (5e suppl.), c 1 (la LIR), qui s’applique est rédigé ainsi :

 

 

152. (1) Le ministre, avec diligence, examine la déclaration de revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, fixe l’impôt pour l’année, ainsi que les intérêts et les pénalités éventuels payables et détermine :

 

a) le montant du remboursement éventuel auquel il a droit en vertu des articles 129, 131, 132 ou 133, pour l’année;

 

b) le montant d’impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) ou (3), 125.4(3), 125.5(3), 127.1(1), 127.41(3) ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l’impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l’année.

152. (1) The Minister shall, with all due dispatch, examine a taxpayer’s return of income for a taxation year, assess the tax for the year, the interest and penalties, if any, payable and determine

 

 

(a) the amount of refund, if any, to which the taxpayer may be entitled by virtue of section 129, 131, 132 or 133 for the year; or

 

(b) the amount of tax, if any, deemed by subsection 120(2) or (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) or (3), 125.4(3), 125.5(3), 127.1(1), 127.41(3) or 210.2(3) or (4) to be paid on account of the taxpayer’s tax payable under this Part for the year.

 

[5]               Il est juste de dire que la présente affaire est une cause type. Quatre-vingt-trois avis de cotisation étaient retardés de façon similaire en 2010, et un nombre encore plus élevé pour 2011.

 

II.        Contexte

[6]               Le contexte dans lequel la présente question en litige est soulevée est important. Le programme Global Learning Gifting Initiative (le GLGI) est un abri fiscal enregistré auprès de l’ARC depuis 2004.

L’ARC a fait une vérification du GLGI pour chacune des années d’imposition de 2004 à 2008, ce qui a entraîné le refus de chacune des demandes de crédit pour dons de bienfaisance pour ces années. La vérification de l’année d’imposition 2009 était en cours au milieu de l’année 2011. L’année d’imposition en cause dans le présent contrôle judiciaire est 2010.

 

[7]               Voici comment le défendeur décrit le fonctionnement du GLGI de 2004 à 2009 :

                     un promoteur fait souscrire des participants;

                     le participant verse un paiement comptant à un organisme de bienfaisance;

                     le participant présente une demande pour devenir bénéficiaire d’une fiducie et indique le nombre de didacticiels (ou de logiciels) qu’il aimerait recevoir de la fiducie;

                     après que la fiducie eut approuvé le participant comme bénéficiaire, elle fait une distribution du didacticiel au participant qui, à son tour, est réputé faire don des licences de ce didacticiel à un organisme de bienfaisance;

                     le participant reçoit deux reçus pour des dons de bienfaisance, l’un est relatif au paiement comptant et l’autre est relatif au didacticiel;

                     les organismes de bienfaisance conservent moins de 10 % de l’argent reçu; et jusqu’à 90 % de l’argent payé aux organismes de bienfaisance est en fin de compte versé aux promoteurs et à IDI Strategies Inc.

 

[8]               La Cour n’est pas saisie de la question de savoir si la description ci‑dessus est exacte ou juste. Toutefois, il n’y a pas de preuve qu’en 2010, la façon dont le défendeur percevait le fonctionnement du GLGI ou le manque de légitimité des dons de bienfaisance avait changée. En fait, les fonctionnaires du défendeur à Winnipeg voyaient les activités du GLGI comme un « trompe‑l’oeil » ou une fraude.

 

[9]               Pour les années d’imposition de 2004 à 2009, l’ARC a refusé le crédit d’impôt pour dons de bienfaisance aux motifs suivants :

                     les participants n’ont pas fait de don à un organisme de bienfaisance parce qu’ils n’avaient pas d’intention libérale;

                     les participants ne possédaient pas de licences de didacticiel à faire don à l’organisme de bienfaisance;

                     la fiducie n’était pas valide;

                     le fonctionnement du GLGI était un trompe‑l’œil;

                     la juste valeur marchande des licences était substantiellement inférieure à la valeur figurant dans les reçus officiels pour dons de bienfaisance délivrés par les organismes de bienfaisance.

 

[10]           Il y a un grand nombre d’avis d’opposition déposés qui contestent le refus des demandes de crédit pour dons de bienfaisance. Un fonctionnaire de l’ARC a estimé qu’il y avait entre 27 000 et 28 000 avis d’opposition en suspens à la division des appels de l’ARC relativement au GLGI pour les années d’imposition de 2004 à 2006 seulement.

La Cour canadienne de l’impôt ne s’est pas encore prononcée sur la possibilité de déduire ces dons de bienfaisance.

 

[11]           La politique de longue date de l’ARC au pays est de faire droit, dans la cotisation initiale, à la demande de crédit d’un contribuable pour des dons de bienfaisance faits pour la constitution d’un abri fiscal, et d’établir ensuite si nécessaire une nouvelle cotisation, après avoir procédé à une vérification. Cette politique pourrait initialement permettre qu’un remboursement soit accordé au contribuable, et pourrait ultérieurement, après l’établissement d’une nouvelle cotisation, nécessiter que le contribuable rembourse l’ARC.

 

[12]           En mars 2011, le directeur du centre fiscal de l’ARC à Winnipeg (le centre) a constitué un groupe de travail ostensiblement voué à l’examen de moyens visant à améliorer le respect de la LIR. L’accent était mis en particulier sur la vérification des demandes de déduction faites par les contribuables, il fallait donc faire la vérification avant d’effectuer un remboursement (la nouvelle politique). Le GLGI a été choisi comme projet pilote pour cette nouvelle politique, parce qu’il avait été soumis à une vérification pour les années d’imposition de 2004 à 2009, et que tous les crédits pour dons de bienfaisance demandés avaient été refusés.

 

[13]           À l’audience de novembre 2012 devant la Cour, le défendeur a maintenu que la vérification du GLGI pour l’année d’imposition 2010 pouvait durer jusqu’en juin 2013. Toutefois, dans les quelques semaines qui ont suivi l’audition du contrôle judiciaire, la vérification était terminée.

 

[14]           La demanderesse est l’une des contribuables qui a fait un don en 2010 au moyen du GLGI, sachant que c’était un abri fiscal enregistré. La demanderesse et son époux ont fait des versements au programme du GLGI au moyen de leur compte conjoint, et ils ont obtenu deux reçus pour des dons faits au moyen du GLGI. Les reçus indiquaient les montants suivants : 10 000 $ pour un don en argent, et 50 019,86 $ pour le don de licences de didacticiel. Les reçus officiels ont été établis au nom de l’époux de la demanderesse et les montants y figurant ont été déduits dans sa déclaration de revenus. Il a transféré 35 100 $ du total de ses dons à la demanderesse. L’époux a reçu un avis de cotisation en mai 2011, et sa demande de crédit pour don de bienfaisance a été accordée.

 

[15]           Par contre, la demanderesse a reçu une lettre, suivant la nouvelle politique, qui l’avisait que sa cotisation ne serait établie que lorsque la vérification pour l’année 2010 serait terminée. La lettre était accompagnée d’une alerte fiscale de l’ARC l’avisant qu’une vérification serait effectuée dans le cas où des contributions avaient été faites dans un abri fiscal.

 

III.       Analyse

[16]           La véritable question en litige est de savoir si la nouvelle politique du défendeur et l’excuse pour le retard dans l’établissement de la cotisation sont compatibles avec l’obligation du ministre d’examiner « avec diligence » prévue au paragraphe 152(1) de la LIR.

 

A.        Norme de contrôle

            1)         Principes juridiques

[17]           La demanderesse avance qu’il n’y a pas de norme de contrôle précise à appliquer et que la Cour est le juge des faits. À cet égard, je ne suis pas d’accord. Le ministre a un vaste pouvoir discrétionnaire, mais pas un pouvoir absolu, dans l’établissement d’une cotisation, et il n’appartient généralement pas à la Cour de remettre en cause le bien‑fondé des décisions administratives du ministre, à moins que ces décisions ne soient déraisonnables ou qu’elles ne soient pas conformes à la LIR.

 

[18]           En l’espèce, la question est de savoir si l’omission, par le ministre, d’établir la cotisation était due à des considérations non pertinentes ou à un objectif illégitime. À cet égard, la norme de contrôle n’est pas particulièrement déterminante en l’espèce. La norme de contrôle est soit la décision correcte parce que l’objectif illégitime renvoie à la compétence ou à des considérations non pertinentes, à l’arbitraire, soit la décision raisonnable parce qu’un objectif illégitime rend une décision déraisonnable. C’est à la Cour qu’il revient d’examiner les faits sous‑jacents à la question en litige.

 

[19]           L’expression « avec diligence » a été analysée de façon approfondie dans la décision Jolicoeur c Minister of National Revenue, [1960] CTC 346, 60 DTC 1254 (C. de l’É.). Les conclusions principales sont que cette expression est l’équivalent de l’expression « avec toute la diligence raisonnable » ou « dans un délai raisonnable », et qu’il n’y a pas de délai fixe pour l’accomplissement de l’obligation d’établir une cotisation.

 

[20]           Le principe de base qui régit la manière dont le ministre doit s’acquitter de l’obligation d’établir une cotisation est très bien décrit aux paragraphes 47 à 49 de la décision Jolicoeur, précitée :

[traduction]

47     Il est indubitable que le ministre est lié par les délais impartis lorsqu’ils sont imposés par la loi, mais selon moi, l’expression « avec diligence » ne doit pas être interprétée comme si elle signifiait un délai fixe. L’obligation d’agir « avec diligence » vise à conférer un pouvoir discrétionnaire que le ministre doit exercer, pour la bonne administration de la loi conformément à la raison, à la justice et aux principes de droit.

 

48     Vu que la question dans le présent appel a trait aux cotisations, ce dont la Cour doit tenir compte, c’est le caractère adéquat des cotisations en question. Dans la décision Provincial Paper Ltd. c. Minister of National Revenue, [1954] C.T.C. 367, le président de cette cour a déclaré à la page 373 :

 

     [...] Il n’y a pas de norme dans la loi ou ailleurs qui soit de façon expresse ou implicite, fixe les exigences essentielles pour une cotisation. Il est donc futile d’essayer de définir ce que le ministre doit faire pour établir une cotisation régulière. Il lui appartient exclusivement de décider de quelle manière, dans une affaire donnée, l’obligation du contribuable doit être déterminée et établie. Il lui appartient de surcroît de déterminer les paramètres de la recherche des faits nécessaire, le cas échéant, lesquels paramètres différeront nécessairement d’une affaire à l’autre.

 

 

49     Il est indubitable que le ministre a l’obligation de réexaminer la cotisation à la réception d’un avis d’objection, dans un délai qui convient le mieux pour l’accomplissement de son obligation; toutefois, dans chaque cas, la décision de savoir s’il a accompli son obligation « avec diligence » est une question de fait. Il peut être retardé dans l’établissement de la cotisation par plusieurs raisons et plusieurs facteurs. Cependant, comme il a été dit ci‑dessus, il lui appartient exclusivement de décider de quelle manière, dans une affaire donnée, l’obligation du contribuable doit être déterminée et établie, et de déterminer les paramètres de son réexamen. Cela étant, comment les tribunaux peuvent‑ils intervenir et décider qu’une cotisation devient nulle parce que l’avis de nouvelle cotisation n’a pas été signifié dans le délai prévu de 180 jours?

 

[Souligné dans l’original.]

 

[21]           D’autres décisions comme Merlis Investments Ltd c Ministre du Revenu national (2000), [2001] 1 CTC 57, 2000 DTC 6634 (CFPI), et Rodmon Construction Inc c R, [1975] CTC 73, 75 DTC 5038 (CFPI), confirment la même interprétation de base qui confère au ministre un pouvoir discrétionnaire raisonnable dans le délai imparti pour l’établissement de la cotisation. Toutefois, le pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu; il doit être raisonnable et utilisé dans le but adéquat d’établir et de fixer la dette fiscale du contribuable (J Stoller Construction Ltd c Ministre du Revenu national, [1989] 1 CTC 2171, 89 DTC 134 (CCI)).

 

[22]           Lorsqu’on examine si les faits démontrent qu’il y a eu « […] diligence », il est important de garder à l’esprit les objectifs de la disposition qui sont de permettre aux contribuables d’être fixés au sujet de leur situation financière le plus rapidement possible (voir J Stoller, précitée; Hillier c Canada (Procureur général), 2001 CAF 197, [2001] 3 CTC 157).

 

[23]           L’exigence de célérité dans l’établissement de la cotisation a d’importantes conséquences dans le régime de la LIR. Par exemple, le délai de trois ans pour établir une nouvelle cotisation est reporté lorsqu’il y a du retard dans l’établissement de la cotisation initiale. Le contribuable ne peut pas exiger d’être remboursé du paiement d’impôts en trop s’il n’y a pas eu d’avis de cotisation initial; il ne peut pas non plus interjeter appel devant la Cour de l’impôt jusqu’à ce qu’un avis de cotisation soit établi.

Comme j’y fais référence au paragraphe 28 des présents motifs, le quartier général de l’ARC a mis en garde contre certaines des conséquences défavorables de la nouvelle politique.

 

[24]           Lorsqu’on détermine si le ministre a satisfait à son obligation légale, il est essentiel de prendre en compte l’objectif et l’effet réels de la nouvelle politique. Le véritable objectif ressort de plusieurs courriels et documents entourant l’élaboration de la note de service contenant la nouvelle politique. Même si le directeur du centre fiscal de Winnipeg a tenté de décrire l’objectif comme une simple vérification des dons, je conclus que son véritable objectif était de dissuader les contribuables de participer au programme du GLGI.

 

[25]           Le groupe de travail a admis qu’il essayait de trouver un moyen légitime et une méthode permettant d’éviter d’avoir à effectuer quel que remboursement que ce soit pour la participation au programme du GLGI. À cet égard, le centre fiscal de Winnipeg procédait selon sa propre politique, laquelle était nettement distincte de la politique en place dans le reste du pays. Les contribuables relevant de la compétence du centre étaient traités différemment des contribuables dans le reste du pays. Cela n’est pas compatible avec le caractère fédéral et national de l’obligation du ministre.

 

[26]           Si on se permet un certain degré d’hyperbole ou si [traduction] « on exagère » les communications internes, les fonctionnaires du centre ont écrit qu’ils tenaient les participants au GLGI [traduction] « à leur merci » et que [traduction] « [r]etenir les remboursements ne serait‑ce que pour une ou deux années pourrait être suffisant pour décourager toute autre participation » au GLGI.

Il n’y a pas de preuve que quiconque n’ait jamais nié que tel était le véritable objectif de la nouvelle politique. La façon dont les fonctionnaires ont mis en place la nouvelle politique confirme que son véritable objectif était de décourager la participation dans des abris fiscaux en général, et dans le GLGI en particulier.

 

[27]           La méthode par laquelle les fonctionnaires du centre fiscal de Winnipeg pensaient pouvoir atteindre cet objectif était de se fonder sur la nécessité de vérification pour donner de la légitimité au retard qu’ils avaient l’intention d’utiliser afin de décourager la participation. Toutefois, il ressort du dossier que le centre avait déjà décidé que les crédits pour dons demandés n’étaient pas légitimes.

 

[28]           Les grandes lignes de cette mise en œuvre initiale de la nouvelle politique sont exposées dans une note de service qui fait également état des préoccupations de la haute gestion de l’ARC à Ottawa :

[traduction]

Le quartier général a mis en garde contre des effets non désirés sur les droits des contribuables lorsque les contribuables peuvent avoir droit à certains avantages en vertu de la Loi, par exemple, les prestations fiscales pour enfants et les crédits pour la taxe sur les produits et services/les crédits pour la taxe de vente harmonisée, puisque ces avantages ne pouvaient être obtenus qu’au moment de l’établissement de la cotisation.

 

Les fonctionnaires du centre fiscal de Winnipeg ont rejeté les préoccupations du quartier général au motif qu’elles étaient en grande partie non pertinentes.

 

[29]           La même note de service décrit brièvement le véritable motif du retard dans l’établissement des cotisations :

[traduction]

Retenir les remboursements ne serait‑ce que pour une ou deux années pourrait être suffisant pour décourager toute autre participation. De plus, on espère que cette approche soit adoptée à l’échelle nationale; il en résulterait un message fort et cohérent à tous ceux qui participent à ces montages audacieux, que l’ARC prend toutes les mesures raisonnables pour protéger l’assiette fiscale.

 

[30]           Subséquemment, la description de la nouvelle politique a été enrobée dans des ébauches ultérieures pour enlever ce que les fonctionnaires savaient être des termes gênants – gênants  non parce qu’ils n’étaient pas exacts, mais gênants parce qu’ils étaient le reflet exact de la raison du retard dans l’établissement des cotisations. Ces fonctionnaires ont retiré la référence au fait que la nouvelle politique était une tentative de retarder l’établissement des cotisations initiales, que la rétention des remboursements avait pour objectif de décourager de nouvelles participations dans le programme GLGI, et que le quartier général de l’ARC avait des préoccupations relatives aux contribuables et aux conséquences sur leurs droits en vertu de la LIR.

 

[31]           En fin de compte, une version [traduction] « nettoyée » de la nouvelle politique a été produite pour le breffage des fonctionnaires.

 

[32]           L’objectif de la nouvelle politique – de retarder et décourager – a été réitéré dans un courriel du 4 décembre 2011 provenant des fonctionnaires de Winnipeg, selon lequel l’ARC était prête à défendre la [traduction] « stratégie derrière la décision de la région des Prairies de retarder l’établissement des cotisations (liées au GLGI) […] de façon vigoureuse, à tous les niveaux, y compris toute demande tendant à obliger l’établissement de la cotisation relative à ces déclarations de revenus ».

 

[33]           En ce qui a trait au fait qu’il pouvait y avoir eu une autre raison d’attendre que la vérification soit faite, la décision de procéder à la vérification est si empreinte de la véritable raison d’être de la nouvelle politique que la vérification est une excuse pour le retard, et non une raison du retard.

 

[34]           L’ARC a déjà déterminé son plan d’action. La structure du GLGI n’a pas changé; tous les dons précédents ont été refusés; et l’ARC voit le GLGI comme ayant été [traduction] « illégitime pour chacune des sept dernières années ». Des fonctionnaires ont utilisé le terme [traduction] « fraude » relativement au GLGI; ils ont décrit les dons déduits comme [traduction] « faux » et les remboursements comme [traduction] « injustifiés »; et que les participants au GLGI ne sont pas [traduction] « de prime abord, admissibles à des remboursements ».

 

[35]           Quel que soit le bien‑fondé des préoccupations de l’ARC relativement à la légitimité du programme de dons du GLGI, cette question relève de la Cour de l’impôt.

La Cour fédérale doit conclure que le retard dans l’établissement de la cotisation de la demanderesse n’était pas véritablement relié à l’examen de sa déclaration de revenus, ni à la nécessité d’établir sa dette fiscale. Ce retard visait à décourager la participation au programme du GLGI. Il a entraîné une mise à l’écart des participants au GLGI relevant du centre fiscal de Winnipeg, qui ont été soumis à un traitement différent des participants dans les autres régions du pays, pour des raisons qui ne sont pas uniques à la région des Prairies. Il n’y a pas de circonstances régionales justifiant la nette distanciation de la politique nationale. De façon plus importante, l’obligation du ministre d’établir la cotisation demeure non compromise par des préoccupations relatives aux politiques régionales.

 

IV.       CONCLUSION

 

[36]           La demanderesse a droit à un jugement déclaratoire selon lequel le ministre a omis de se conformer à l’obligation d’établir une cotisation avec diligence. La Cour ne rendra pas de jugement déclaratoire en termes aussi généraux que ceux que la demanderesse demande. Les présents motifs décrivent les conclusions qui sous-tendent l’omission de satisfaire aux obligations légales.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que pour les motifs exposés ci‑dessus, le défendeur a omis d’établir la cotisation de la demanderesse avec diligence.

 

Les dépens sont ceux sur lesquels les parties se sont entendues.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                              T-1933-11

 

INTITULÉ :                                            ALICE FICEK

                                                                  c

                                                                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’Audience :                   Le 21 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                           Le 14 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Salvador M. Borraccia

Mark Tonkovich

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Arnold H. Bornstein

Darren Prevost

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Baker & McKenzie LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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