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Date : 20130426

Dossiers : T-1621-12

T-1622-12

Référence : 2013 CF 424

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 26 avril 2013

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

BACKRACK INC

 

 

 

appelante

 

et

 

 

 

STK, LLC

 

 

 

intimée

 

 

 

 

 

      MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.          Introduction

[1]               L’appelante fabrique des accessoires de camionnettes au Canada. L’intimée est une fabricante concurrente établie aux États-Unis. Il s’agit d’un appel présenté en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à l’égard de la décision datée du 3 mai 2012 par laquelle, en raison de l’opposition de l’intimée, un délégué du Registraire des marques de commerce (le Registraire) a refusé d’enregistrer deux marques de commerce déposées par l’appelante, à savoir : la marque de commerce BACKRACK en lien avec les marchandises (la marque no 1) et la marque de commerce et le dessin BACKRACK fondés sur l’emploi en lien avec les marchandises (la marque no 2). Dans la décision visée par l’appel (la Décision), le Registraire a conclu qu’« il n’y avait aucune divergence notable entre les deux procédures d’opposition » et que le sort de la demande visant la marque no 1 « sera également celui » de la demande visant la marque no 2 (Décision, paragraphe 9).

 

[2]               Par ailleurs, bien que le rejet par le Registraire de chacune des demandes d’enregistrement fasse actuellement l’objet d’un appel distinct, puisque le Registraire a conclu que les deux demandes rejetées étaient étroitement liées, les deux appels seront tranchés ensemble dans les présents jugement et motifs du jugement.

 

[3]               L’intimée n’a pas participé aux appels en cause. Par conséquent, les arguments soulevés en appel par l’appelante n’ont pas été contestés.

 

II.        La procédure d’enregistrement

[4]               La demande d’enregistrement de la marque no 1, c’est-à-dire la demande de marque de commerce canadienne no 1,380,622, a été présentée le 24 janvier 2008 relativement à la marque de commerce BACKRACK sur le fondement de l’emploi de la marque au Canada depuis au moins 1989 relativement aux marchandises et services suivants :

Supports pour camionnettes, nommément supports de protection conçus pour protéger la cabine et supporter divers accessoires, nommément supports de lumières, d’antennes et de boîtes à outils.

 

Services de distribution dans le domaine des pièces d’automobile.

 

[5]               La demande d’enregistrement de la marque no 2, c’est-à-dire la demande de marque de commerce canadienne no 1,388,234, a été présentée le 13 février 2008 relativement à la marque de commerce et au dessin BACKRACK sur le fondement de l’emploi de la marque de commerce au Canada depuis au moins février 1994 relativement aux mêmes marchandises et services que ceux énoncés pour la marque no 1. La marque no 2 consiste en un dessin et en la description suivante : « La marque est constituée des mots BACK RACK, appliqués à un support pour camionnette, comme l’illustre le dessin. »

 

III.       La contestation de la décision du Registraire

[6]               Le Registraire a autorisé l’enregistrement de deux marques relativement aux services de l’appelante. Pour ce qui est des marchandises de l’appelante, le Registraire a rejeté tous les moyens d’opposition de l’intimée, sauf deux :

                                               i.      chacune des marques donnait une « description claire » des marchandises, aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi;

                                             ii.      aucune des marques ne distinguait les marchandises de l’appelante, aux termes de l’article 2 de la Loi.

 

En l’espèce, l’appelante soutient que les conclusions du Registraire à l’égard de ces deux moyens d’opposition sont erronées ou déraisonnables.

 

A.        La conclusion du Registraire quant à l’alinéa 12(1)b) de la Loi

[7]               Le raisonnement qui a mené le Registraire à conclure que la marque no 1 donnait une description claire des marchandises et exposé aux paragraphes 13 à 15 et 22 à 27 de la Décision :

 

Les marchandises visées par la demande, dans la présente affaire, sont les « supports pour camionnettes, nommément supports de protection conçus pour protéger la cabine et supporter divers accessoires, nommément supports de lumières, d’antennes et de boîtes à outils ». La preuve établit qu’un support de protection est un accessoire de camionnette qui protège la lunette arrière de la cabine. Le support de protection se trouve à l’avant du plateau situé derrière la cabine. Il peut également servir à y arrimer une cargaison ou des accessoires.

 

La question de savoir si la Marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises doit être examinée du point de vue de leur acheteur moyen. En outre, le mot « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique du produit, et le mot « claire » signifie [traduction] « facile à comprendre, évidente ou simple » [voir Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp CPR (1968), 55 CPR 29 (C de l’É), à la p. 34]. Il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque, mais la considérer dans son ensemble sous l’angle de la première impression [voir Wool Bureau of Canada Ltd c Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst), aux p. 27 et 28; Atlantic Promotions Inc c Registraire des marques de commerce (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst), à la p. 186]. Enfin, l’interdiction prévue à l’alinéa 12(1)b) vise à empêcher un commerçant de monopoliser à son profit un mot qui est manifestement descriptif ou communément employé dans un secteur d’activité, obtenant ainsi, par rapport à ses concurrents légitimes, un avantage indu [voir Canadian Parking Equipment Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 CPR (3d) 154 (CF 1re inst), au par. 15].

 

Il importe aussi de souligner que ce n’est pas parce qu’une combinaison donnée de mots ne figure pas au dictionnaire qu’une marque de commerce ne donne pas de ce fait une description claire ou une description fausse et trompeuse. Si chacune des parties d’une marque a un sens connu en anglais ou en français, il se pourrait que la combinaison qui en résulte soit contraire à l’alinéa 12(1)b) de la Loi [voir la décision Oshawa Group Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1980), 46 CPR (2d) 145 (CF 1re inst), à la p. 149].

 

[…]

 

Il reste donc à savoir si, sur la base d’une première impression, la marque BACKRACK décrit, d’une manière facile à comprendre, une certaine caractéristique des marchandises de la Requérante.

 

Je suis d’accord avec la Requérante pour dire que le sens du mot BACKRACK n’est pas en soi évident. D’ailleurs, il ne semble exister, dans le dictionnaire, aucune définition du terme « backrack » en un seul mot.

 

La question toutefois est de savoir si la Marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises visées par la demande. Les marchandises visées par la demande sont des supports pour camionnette, nommément des supports de protection conçus pour protéger la cabine et supporter divers accessoires, nommément supports de lumières, d’antennes ou de boîtes à outils. La preuve établit que les supports de protection sont conçus pour être installés à l’arrière de la cabine de la camionnette.

 

Compte tenu que les marchandises visées par la demande sont désignées comme un genre de support, le mot « rack » donne une description claire de ces marchandises. Il s’agit donc de déterminer si l’ajout du mot « back » fait perdre son caractère clairement descriptif à la Marque considérée globalement. On doit se poser la question suivante : « Sur la base d’une première impression, que dit au consommateur le mot BACKRACK à propos des supports de protection de la Requérante? » Le mot « BACKRACK », considéré globalement, donne-t-il une description claire d’une particularité ou d’une caractéristique propre aux marchandises?

 

La preuve établit que les supports de protection de la Requérante sont conçus pour être installés à l’arrière de la cabine de la camionnette. En fait, selon la preuve produite par M. Jayne, la Requérante avait été contrainte par la loi, en février 1994, de modifier la conception de son support de protection afin de libérer la zone de la lunette arrière où un nouveau feu de freinage devait désormais être installé sur les camionnettes. En conséquence, tous les supports de protection BACKRACK ont depuis scindé le mot inventé BACKRACK en deux portions afin de ménager l’espace devant désormais être réservé au feu de freinage comme cela est illustré dans la marque BACKRACK et Dessin […]

 

L’endroit des marchandises à l’arrière de la cabine d’une camionnette est donc essentiel à la fonction des marchandises. En conséquence, je suis d’avis que le mot BACKRACK est une description évidente d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique des supports de protection de la Requérante (c’est-à-dire que ce mot donne une description claire du support de la Requérante en tant que support destiné à l’arrière de la cabine de sa camionnette). Je conclus aussi que la marque BACKRACK et Dessin, sur le plan du son, décrit clairement, pour les mêmes raisons, une caractéristique des supports de protection de la Requérante. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est donc retenu en ce qui concerne les marchandises en liaison avec les deux marques visées par la demande.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[8]               À mon avis, le Registraire a bien énoncé la règle juridique selon laquelle, pour décider si la marque no 1 est descriptive, il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la marque, mais la considérer dans son ensemble sous l’angle de la première impression. De plus, je ne relève aucune erreur dans la conclusion de fait clé du Registraire, à savoir que le sens du terme « backrack » n’est pas en soi évident. Cependant, je suis d’avis que les passages précités des motifs du Registraire montrent que ce dernier a scruté séparément les éléments constitutifs de la marque no 1, et ce, d’une manière contraire à la mise en garde qu’il avait rappelée dans ses propres motifs. Il est bien établi en droit que l’analyse de l’alinéa 12(1)b) de la Loi exige que la marque soit considérée dans son ensemble sous l’angle de la première impression et du point de vue du consommateur moyen des marchandises. À mon avis, le Registraire a poussé son analyse trop loin, ce qui rend déraisonnable sa conclusion au titre de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

B.        La conclusion du Registraire quant à l’article 2 de la Loi

[9]               Le Registraire s’est exprimé de la sorte au paragraphe 50 de la Décision :

Une marque de commerce qui donne une description claire des marchandises auxquelles elle se rapporte n’est pas distinctive à première vue. Partant, compte tenu de ma conclusion à propos du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b), le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est lui aussi retenu en ce qui concerne les marchandises visées par la demande, et pour les deux marques visées par la demande.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Selon l’appelante, cette conclusion est un énoncé erroné de la loi, car le paragraphe 12(2) de la Loi prévoit clairement qu’une marque de commerce qui n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant. À mon avis, la conclusion du Registraire ne reflète pas les dispositions de la Loi.

 

[10]           De plus, même si le paragraphe 50 de la Décision était fondé en droit, la conclusion du Registraire selon laquelle le moyen d’opposition du caractère distinctif devait être retenu n’est pas fondée sur une analyse de la preuve. Dans sa décision, le Registraire ne s’est pas prononcé sur les éléments de preuve déposés par l’appelante relativement à l’usage étendu et exclusif de la marque no 1 au Canada depuis au moins 1989 et de la marque no 2 depuis au moins 1994. Ainsi, puisque le Registraire n’a pas examiné les éléments de preuve déposés par l’appelante relativement au caractère distinctif qu’avaient pris les marques, j’estime que la conclusion du Registraire sur le caractère distinctif est déraisonnable.

 

C.        Conclusion

[11]           Par conséquent, j’accueille les appels relativement aux conclusions du Registraire sur les deux moyens d’opposition contestés. Toutefois, j’admets les autres conclusions du Registraire qui ne sont pas contestées dans les appels en cause.

 

IV.       Nouvelle analyse

[12]           Puisque j’ai conclu que la décision du Registraire est déraisonnable, après avoir analysé de nouveau la preuve, je conclus que les deux appels de l’appelante doivent être accueillis intégralement.

 

[13]           À mon avis, les marques no 1 et no 2 ne décrivent pas les marchandises de l’appelante, car le sens du terme BACKRACK n’est pas évident en soi sous l’angle de la première impression, et ce terme peut avoir bon nombre d’autres sens que celui de supports pour camionnettes.

 

[14]           Je conclus aussi, pour les raisons données au paragraphe 10 des présentes, que les marques no 1 et no 2 avaient acquis un caractère distinctif au Canada relativement aux marchandises de l’appelante en date de la production de leurs demandes d’enregistrement respectives, comme en témoignent les éléments de preuve déposés par l’appelante.

 

[15]           Par conséquent, je conclus que la marque no 1 et la marque no 2 sont enregistrables.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

1.         Les appels sont accueillis.

2.         L’enregistrement de la demande de marque de commerce canadienne no 1,380,622 est autorisé.

2.         L’enregistrement de la demande de marque de commerce canadienne no 1,388,234 est autorisé.

4.         Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

 

 

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                      T-1621-12

                                                            T-1622-12

 

INTITULÉ :                                      BACKRACK INC c STK, LLC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 24 avril 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 26 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michele M. Ballagh

 

POUR L’APPELANTE

Aucune comparution

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ballagh & Edward LLP

Hamilton (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

Aucun avocat inscrit au dossier

POUR L’INTIMÉE

 

 

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